Filmographie générale 1958-2013
Un document essentiel ! La
filmographie générale distribuée à l’occasion de la dernière édition du
Festival national du film est en effet un document qui tombe à point nommé pour
dresser un tableau récapitulatif de la production des longs métrages pour le
cinéma. Un document de référence et un outil de travail pour les chercheurs
animés du désir de restituer à la dynamique actuelle du cinéma marocain sa
profondeur historique. La filmographie générale éditée par le CCM, plus de 150
pages dans un format pratique avec un visuel correct, offre ainsi un regard sur l’ensemble de la
production marocaine mettant à la disposition des professionnels et des
observateurs des chiffres officiels donc fiables. Le document comprend un édito
signé par le Directeur général du CCM, la filmographie proprement dite et un
sommaire. Chaque film est accompagné d’un document iconographique avec une
fiche détaillée présentant en trois langues (arabe, français, anglais) le titre
du film, le synopsis succinct, la date de sortie, la durée, le format et les
couleurs. La fiche permet également d’avoir un aperçu sur l’équipe technique et
artistique.
Avant toute remarque de nature
méthodologique, la première lecture qu’offre la filmographie est de nature
informative et notamment sur les chiffres. Et ils sont éloquents à plus d’un
titre. On apprend ainsi que sur la durée choisie par les concepteurs de la
filmographie, 1958-2013, le Maroc a produit 293 films de long métrage. En 55 ans,
293 films cela donne une moyenne de 5,3 LM par an ! D’un point de vue
comparatif, on peut dire aussi que ce chiffre représente un peu plus que la
production française annuelle, sans citer les cas de l’Inde, des Usa…avec
l’Egypte qui a fêté les cent ans de son cinéma en 2007, les 293 films marocains
représentent quelque chose comme 10% de la production égyptienne de longs
métrages. Mais la comparaison à ce niveau est inopportune et ne reflète
nullement la dynamique interne de la production marocaine.
Il faut en effet affiner
l’approche et interroger ces chiffres dans leur évolution. Si l’on adopte ainsi
une approche par décennies, on peut voir se dégager des caractéristiques
importantes pour la suite de l’analyse. De 1958 à 1969, le cinéma marocain a vu
la production de 5 longs métrages. Le choix de l’année 1958 et du film de
Ousfour, Le fils maudit pose un certain nombre de remarques de nature
méthodologique et qui renvoient au questionnement sur le premier film marocain
que nous avons initié précédemment. Le film de Ousfour présente une durée (50
mn) qui en fait plutôt un moyen métrage. Les professionnels du cinéma marocain
ont opté en 2008 pour ce choix « institutionnel ». Il reste aux
chercheurs et aux historiens d’en proposer d’autres, en revenant notamment sur
le cas des films « disparus » ou « oubliés ». La première
décennie a vu donc la réalisation de 5 films dont deux produits par le CCM en
1968 : Quand murissent les dates et Vaincre pour vivre.
Les années 70 (1970-1979) vont
connaître un certain regain avec la production de 16 longs métrages et l’entrée
en lice des cinéastes qui ont suivi une formation académique au cours des
années 60, c’est le cas notamment de Mostafa Derkaoui. Souheil Benbarka va
marquer cette décennie avec trois longs métrages (Mille et une mains, La guerre
du pétrole n’aura pas lieu et Noces de sang).
Les années 80 vont connaître un
véritable boom de la production sous l’effet de l’entrée en vigueur de la
première version du fonds de soutien à la production cinématographique nationale.
Trente huit longs métrages seront ainsi produits dont 29 uniquement entre 1982
et 1984 ; c’est-à-dire durant les années de fonctionnement de la prime à
la production, avant sa suspension. Cette période verra également
l’organisation des deux premières éditions du Festival national du film (Rabat,
1982 ; Casablanca 1984).
Les années 90 vont connaître les
premiers signes d’une installation de la production dans la durée. Entre 1990
et 1999, le Maroc va produire 42 films avec un pic de huit films en une seule
année (1998). Une date phare marquera cette décennie, celle de 1995 avec
l’ouverture de la production aux cinéastes marocains de la diaspora. Geste
inaugural qui marquera définitivement le cinéma marocain à la fois en termes
quantitatifs et en termes de renouvellement générationnel. Ce qui déterminera
pour une grande part l’évolution de ce cinéma avec la dynamique réelle des
années 2000 qui verront entre 2000 et 2009, la production de 108 longs
métrages. A partir de 2010, le rythme de la production sera maintenu autour
d’une vingtaine de longs métrages par an avec en perspective une trentaine de
films dans les prochaines années. C’est pour dire qu’entre 2000 et 2013, le
Maroc a produit les deux tiers de l’ensemble de sa filmographie et qui donne,
sur l’ensemble de la période une moyenne de 15 films par an, c’est-à-dire trois
fois plus la moyenne générale réalisée sur la période 1958-2013. C’est ce qui
autorise à parler d’une dynamique interne qui porte par ailleurs d’autres
aspects sur lesquels nous reviendront ultérieurement.
L’intérêt de cette filmographie
est donc multiple. C’est une initiative louable, elle mérite un soutien
particulier pour lui permettre d’affiner certains aspects formels de sa
présentation. Une révision attentive des textes et des données informatives
s’impose. Le sommaire quant à lui appelle à une révision entière (absence de
renvoi à la pagination par exemple) ; il doit être compété par un index
nominatif par cinéastes.
Mohammed Bakrim
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