mardi 31 mars 2015

Bilan de l'année cinématographique 2014 (1)

Une économie émergente


C’est un outil essentiel que le Centre cinématographique marocain met à la disposition des observateurs du champ cinématographique en éditant et en mettant en ligne le bilan chiffré de l’année écoulée. La tradition veut que ce bilan soit présenté à l’occasion de chaque nouvelle édition du festival national. Une logique donne cohérence à cette démarche. Au bilan artistique et esthétique que le festival donne par le biais de la compétition officielle et des films présenté, le bilan annuel trace, quant à lui, les grandes lignes de l’activité cinématographique en donnant la parole aux chiffres et nouveauté de cette année aux courbes qui les synthétisent. Au bilan esthétique répond le bilan économique. Un regard sur la superstructure, le discours des images, et une idée succincte sur l’infrastructure.
Dison-le d’emblée et sans ambages : c’est une mine d’or, en termes de contenu informatif, pour le chercheur désireux de décrypter l’état des lieux de notre cinématographie. D’autant plus que le bilan de cette année a été enrichi et plutôt complété par plus de précisions, de schémas et de nouvelles rubriques comme celle relative au nombre et à la place des premières œuvres dans l’aide à la production cinématographique nationale.
L’architecture générale du bilan est organisée autour de 11 entrées. La première concerne le nombre de films produits en 2014. D’autres entres concerne le volet de l’avance sur recettes ou du nombre de films internationaux tournés au Maroc. L’une des entrées les plus suivies chaque année concerne l’état de l’exploitation.
Nous allons nous concentrer dans cette première présentation sur deux volets. Les chiffres globaux qui font l’économie du cinéma marocain notamment l’avance sur recettes, les productions internationales.
Que nous apprend le document sur l’argent qui circule au sein de l’économie du cinéma marocain ? En amont d’abord, c’est-à-dire au niveau de l’investissement pour la production. Il y a le rôle unique et quasi exclusif de l’avance sur recettes qui fonctionne comme guichet unique de la production en l’absence des chiffres sur l’apport des chaînes de télévision. On apprend ainsi qu’en 2014 la somme de 58 800,00 dhs a été avancée à 38 films tous formats (longs et courts)   et formules (avance avant ou après production, aide à l’écriture) confondus. L’avance la plus élevée délivrée en 2014 est de l’ordre de à Jamal Afina de Yassine Marco Maroccu.
L’autre volet qui a constitué pratiquement l’événement de l’année est le montant des capitaux investis par les tournages internationaux. On peut parler à ce propos d’un chiffre historique avec le dépassement de la barre symbolique du milliard de dhs (1166, 31 millions de dhs). Une année faste après les années des vaches maigres notamment 2011 où le montant a chuté pour atteindre moins de cent millions de dirhams. Le document du CCM fournit les détails des productions qui ont contribué à la réalisation de ce record. Pourvu que ça dire.
L’autre volet qui aide à comprendre le chiffre d’affaires global généré par le cinéma marocain concerne son talent d’Achille, l’exploitation. Le tableau récapitulatif indique que pour l’ensemble du parc marocain qui compte 59 écrans (on n’ose plus parler du nombre de salles ; on y reviendra) la somme de 66 726 466,00 dhs ont été déboursés par 1 643 647 spectateurs. Près de 44% de ce chiffre a été atteint grâce au multiplexe franco-marocain qui a ouvert des salles à Casa, Marrakech, et Fès. 

D’un point de vue strictement statistique, on peut parler d’une année mi-figue, mi-raisin qui offre quand même les bases d’une économie de cinéma émergente. 

mercredi 25 mars 2015

Le Maroc au FESPACO

Afrique sur seine !



Avec un peu de retard, on revient sur le palmarès de la dernière édition du festival panafricain d’Ouagadougou qui a vu le Maroc décrocher une place d’honneur avec une bonne récolte dont le grand prix pour le long métrage. Performance accueillie avec grande satisfaction par les milieux du cinéma (voir le communiqué du CCM à ce propos) et bien au-delà. C’est toujours réconfortant de voir son pays triompher…et le cinéma n’arrête pas de donner au Maroc des moments de bonheur.
Cependant avec le recul, et après l’euphorie de la victoire, on peut tenter une lecture interrogative de cette séquence suffisamment inédite pour susciter de la curiosité. Qu’est-ce que le palmarès d’Ouagadougou nous apprend sur le cinéma marocain ? Qu’est-ce que ce palmarès nous apprend sur le cinéma africain et surtout sur le devenir du festival phare de ce cinéma, le Fespaco ? Car, si le palmarès mérite de la part des Marocains tout l’intérêt qu’il se doit, c’est la quatrième fois dans l’histoire de ce festival que le royaume décroche la consécration suprême et c’est l’une des rares fois qu’un pays en repart avec quatre récompenses dont celles du meilleur long métrage et du meilleur court métrage, les observateurs ont noté également que les choix opérés par le jury de l’édition 2015 inaugure une page nouvelle dans l’évolution du festival. Page dont les prémices ont commencé avec la décision d’ouvrir la compétition officielle pour la première fois aux films issus de la diaspora africaine dans le monde. Ce qui est comme on va le voir un indicateur de taille sur l’état du cinéma africain aujourd’hui
Mais qu’est-ce que cela nous apprend sur le cinéma marocain ? D’abord, on peut relever son dynamisme et l’activisme de ces figures les plus marquantes. Si le Maroc est parvenu à décrocher autant de récompenses, c’est la résultante d’un ensemble de facteurs – qui ne sont pas exclusivement inhérents à la qualité des films inscrits en compétition. Il y a eu en effet des précédents historiques où le Maroc était représenté à Ouagadougou par des films importants et qui ont été ignorés par les jurys de l’époque.  Un jury est une entité vivante qui interagit avec son environnement. Envoyer des films, tels quels, dans l’arène de la compétition en comptant uniquement sur leur apport intrinsèque relève de la naïveté. Il faut tout un travail sur cet environnement. C’est ce que les Américains appellent du lobbying à qui ils ont reconnu un statut juridique inscrit dans les mœurs comme un acquis constitutionnel. A Ouagadougou cela aussi joue, même si ce n’est écrit nulle part. Saluons alors tout un travail, discret et finalement efficace, qui a été mené par les Marocains du cinéma et…d’autres secteurs. Et nos concitoyens ont été très présents à Ouaga. A commencer par le plus africain de nos cinéphiles, Nour-Eddine-Saïl qui est dans un festival de cinéma africain comme un poisson dans l’eau. Les professionnels africains lui doivent beaucoup et lui sont dans ce sens reconnaissants, plus peut-être que ses compatriotes. Ce qui ne l’empêche nullement d’être un défenseur acharné, au-delà de ses propres goûts, du cinéma marocain. Il y a eu aussi la présence fort remarquée du nouveau directeur du CCM, M. Sarim Fassi Fihri qui, malgré les contraintes de l’agenda, le festival national se chevauchant pratiquement avec le Fespaco, a tenu à être présent.  La politique de la chaise vide n’est jamais une bonne diplomatie. Cela en outre lui permet d’étoffer son carnet d’adresses et surtout de rassurer les professionnels africains sur la continuité de la politique africaine du CCM . Et cela ne s’oublie pas quand il s’agit d’établir un palmarès qui est ne l’oublions pas l’occasion d’envoyer des messages à qui de droit ! Il y a en outre l’action certaine des Marocains du jury, Lahcen Zinoun pour le long métrage et Daoud Aoulad Syad pour le court métrage.  Connus pour leur générosité et leur ouverture d’esprits (le hasard fait que ce sont des cinéastes et artistes : l’un est chorégraphe, l’autre est photographe) ils ne viennent pas avec un regard corporatiste !. À signaler la présence active de l’Esav, école de cinéma marrakchie qui a compris très tôt l’importance de l’ouverture sur l’Afrique sub-saharienne et l’un de ses lauréats a été justement récompensée. A ne pas oublier la présence symbolique mais très utile du festival de Khouribga qui jouit d’un grand prestige et qui joue comme un contre-champ prometteur.
Mais un autre acteur extra –cinématographique a été d’un apport décisif. Il s’agit de la compagnie nationale du transport aérien qui a intelligemment contribué à ce succès en intervenant comme transporteur officiel de tous les invités internationaux du festival. Une contribution essentielle au moment où le pays frère connaissait une période délicate de son histoire et au moment où les anciennes puissances coloniales commencent à être près de leurs sous. Le geste de la RAM a donné d’emblée ses fruits. Une démarche à maintenir et à développer.
Ce soutien à la dimension internationale du festival coïncide d’ailleurs avec l’ouverture du FESPACO sur les films de la diaspora. Ouverture qui a été consacrée par l’attribution de l’Etalon d’or à un film, Fièvres de Hicham Ayouch, où il n’y a aucune image africaine, dans le sens topographique du mot. L’histoire du film ayant pour cadre une ville française et le cinéaste lui-même étant binational, franco-marocain comme l’on dit désormais pour les footballeurs. C’est une première inédite pour un festival né pour célébrer l’Afrique et ses images. Cela en dit tant sur l’évolution des mentalités et surtout du cinéma.
Cela nous renvoie symboliquement aux premiers temps du cinéma africain. Les historiens de ce cinéma aiment à citer comme premier film africain, (l’Afrique francophone et subsaharienne) le court métrage, Afrique sur Seine de Paulin Soumlanou Vieyra, tourné à Paris en 1955. Soixante ans plus tard, c’est un autre africain, Hicham Ayouch qui filme des personnages de filiation africaine mais dans un autre contexte social et culturel et dans un espace qui n’est plus celui des origines. L’Afrique désormais un concept cinématographique et non plus géographique !
Cette ouverture du Fespaco sur le cinéma de la diaspora offre plusieurs possibilités de lecture. Elle indique de toutes les manières que nous sommes en phase d’une grande mutation qui s’opère. Un nouveau cinéma africain a vu le jour à Ouaga. Et ce n’est pas un hasard si le Maroc en est le porte drapeau


mardi 24 mars 2015

Barthes et nous


De la signification à la signifiance




Au départ, il y a avait un court texte publié dans un hebdomadaire français, En sortant du cinéma ; en fait cela va se révéler être finalement un extrait du célèbre texte éponyme, publié dans la revue Communications…Puis ce fut un autre texte qui m’avait frappé cette fois par sa dédicace ; il s’agit du non moins célèbre « Le troisième sens » publié d’abord dans Les cahiers du cinéma et que Roland Barthes a dédié à Nour-Eddine Saïl. Un geste de marocanité de Barthes. L’auteur de L’empire des signes dont nous célébrons cette année le centenaire, il est né en 1915 ; mort en 1980 (des suites d’un accident de circulation à Paris alors qu’il se rendait au collège de France), aimait le Maroc et y a vécu et travaillé. Il a enseigné notamment à l’université de Rabat en 1969/1970. Cette marocanité se déploie cependant à travers tout un faisceau de signes qui traversent le temps et l’espace pour s’inscrire dans un imaginaire nourri par des attirances, des influences mutuelles. Un colloque a été organisé d’ailleurs ne 2012, sous l’égide du ministère de la culture marocain pour tenter de lire ce texte-intertexte qu’est l’actualité de Barthes au Maroc. En 2010, l’université de Meknès avait également travaillé autour du thème Barthes au Maroc. On sait aussi qu’il avait des relations d’amitiés et de connivences « textuelles » avec des intellectuels marocains, Nour-Eddine Saïl autour de la cinéphilie et d’Eisenstein notamment et avec Abdelkébir Khatibi autour de la lecture des signes par le bais de la poésie et de la revue Souffles. Des villes marocaines avaient sa préférence comme Mazagan/ El-Jadida, Tanger…De cette expérience marocaine, sortira un livre, Incidents, fait de fragments et d’aphorismes nés d’un regard appliqué à la réalité marocaine.
Mais, la marocanité de Barthes, c’est principalement cet immense héritage théorique qui connaitra son apogée à la fin des années 70, début des années 80 avec la réappropriation de la démarche de Barthes dans le champ de la critique littéraire marocaine. Plus barthésien que moi tu meurs…Quelle application au cinéma ? Je renvoie à deux dimensions qui semblent appropriés pour une lecture barthienne du cinéma marocain. Le troisième sens et la distinction opérée entre l’effet de réel et l’effet de fiction.
Le troisième sens
Dans son analyse publiée sous le titre l’image-cinéma qu’aimait Roland Barthes (le goût du filmique), Raymonde Carasco note que R.B « n’a jamais déployé le thème cinéma. Il s’en est tenu aux formes brèves… ». Un texte cependant tranche avec ce constat juste, celui consacré à ce que R.B a sous-titré par « notes de recherches sur quelques photogrammes » tirés du film Ivan le terrible du maître historique du montage, le soviétique S.M Eisenstein et que Les cahiers du cinéma ont publié sous le titre le troisième sens.  
Sa lecture aujourd’hui est toujours stimulante et offre au critique et aux cinéphiles une démonstration tout autant instructive que séduisante. Le filmique porté par ce « troisième sens » guetté par le sémiologue apparaît comme un horizon d’éloquence et de richesse que le cinéma porte en filigrane et que la quantité des films qui circulent n’expriment ou n’atteignent que rarement. Cela transcende les niveaux de sens qu’offrent d’emblée le film. A savoir, un premier niveau que Barthes intitule, le niveau informatif, celui de la communication que livrent les éléments dramatiques : les décors, les personnages…. Un autre niveau à évacuer, celui le niveau symbolique ; il correspond grosso modo à celui de la signification ; le symbolisme peut être référentiel, historique, diégétique ou propre à l’autre, eisensteinien nous dit Barthes par rapport à l’exemple étudié (des photogrammes de Ivan le terrible).

Ce n’est pas tout. Il y a un troisième niveau, un troisième sens qui vient vers moi ; il possède une individualité théorique ; il contraint à une lecture interrogative ; Barthes nous met sur une piste encore plus excitante : l’interrogation porte précisément sur le signifiant, non sur le signifié, sur la lecture, non sur l’intellection : c’est une saisie poétique. Il propose alors de nommer ce niveau, celui de la signifiance. Une entrée pour la constitution d’une cinémathèque idéale autour du goût filmique qu’il faut traquer/chercher au sein de la quantité de films qui circulent : un troisième sens contraint d’émerger hors d’une civilisation de signifiés. Un programme d’actualité plus que jamais. 

mercredi 18 mars 2015

Pour un cinéma pauvre

Pour un cinéma alternatif, low cost !
Mohammed Bakrim

« J'ai appris, il y a longtemps, qu'il y a un seul endroit où on peut faire changer les choses : c'est dans la façon de faire des films, disons dans le cinéma. C'est un petit monde. Ce n'est pas un individu seul, c'est une cellule vivante de société. Comme cette fameuse cellule qui sert à tout le monde, la Bacteria »…
J.L. Godard





Où il s’agit d’border le festival national comme un lieu de sens, comme un espace discursif. Cela passe fondamentalement par le discours émanant des images qui ont circulé dans le festival ; celles des films en compétition officielle en l’occurrence mais aussi en interrogeant différents lieux de production et de circulation de discours. La liste, non exhaustive, nous permet ainsi de relever qu’il y a la salle de cinéma avec le discours des films (compilant de l’iconique et du verbal) ; la salle des conférences de presse autour des films ; les tables rondes (organisées par l’institution en charge du festival mais aussi par des associations partenaires), les bribes de discussions échangées ici et là notamment des espaces publics comme les cafés, les pauses de restauration…et ailleurs. Bref, il y a de la matière à glaner et des signes à décrypter.
L’essentiel réside cependant dans la réception des films ; la finalité première du festival étant de dresser un bilan de santé du cinéma marocain à travers la production d’une année. Les 15 films proposés, pour cette édition 2015, au jury présidé par Mohammed Berrada ont constitué un corpus que l’on peut aborder à travers plusieurs paramètres. A commencer par celui de l’évolution générationnelle : cette édition confirme à ce propos ce que nous avions émis il y a quelques temps comme hypothèse d’analyse du cinéma marocain, à savoir la prise de pouvoir au sein de la production cinématographique d’une nouvelle génération issue grosso modo de cette première décennie des années 2000. Il y a une mutation en profondeur qui s’opère à ce propos et que le palmarès viendra confirmer (Mohamed Mouftakir en étant cette fois la figure emblématique). Il y a un déplacement stratégique qui s’opère nourri en particulier par la mutation numérique et par la télévision : à Tanger ce sont les enfants du numérique et de la télévision qui ont marqué le festival. Dans quel sens ?
Traçons d’abord quelques grandes lignes directrices. Sur les 15 films programmés en compétition officielle, nous retrouvons un découpage qui tourne autour de trois grandes tendances : un cinéma de divertissement au sens large où nous retrouvons les habitués du genre : Le coq de Abdellah Ferkouss, Les transporteurs de Saïd Naciri, Un pari pimenté de Mohamed Karrat, Khnifsset rmad de Sanae Akroud. Films auxquels on peut adjoindre sur un registre différent Dallas de Mohamed Ali Mejboud et Karyan Bollyood de Yassine Fennane. La trame essentielle étant bâtie sur la base de la comédie. A différentes variantes et à affiner par l’analyse (Karrat se distingue par exemple largement de Ferkouss).
De l’autre côté de l’échiquier, nous retrouvons un cinéma que nous qualifions, faute de mieux de cinéma d’auteur au sens classique (Saïd Naciri est aussi un auteur à sa manière). La nuit entrouverte de Tala Hadid, La moitié du ciel Abdelkader Lagtaâ, L’orchestre des aveugles de Mohamed Mouftakir, Agadir express de Youssef Fadel et le documentaire Rif 1958-1959 de Tarik El Idriss.
Arrivent ensuite ce qui pourrait constituer notre « cinéma du milieu », des films inscrits dans des schémas narratifs classiques, portés par un scénario explicite se revendiquant, grosso modo, du mélodrame et avec un recours affiché aux vedettes du moment : Les feuilles mortes de Younes Reggab, Aida de Driss Mrini, Chaïbia de Youssef Britel, L’écharpe rouge de Mohamed Lyousnsi.
Mais très vite ces cases vont dévoiler d’autres recoupements et d’autres caractéristiques qui font que d’une manière ou d’une autre cette édition est l’indice de quelque chose qui bouscule les modes d’expression du cinéma marocain dans sa dimension artistique. Il y indéniablement l’empreinte cathodique dans la démarche qui porte un certain nombre de films : on a parlé d’un festival de téléfilms bis. Le traitement standard de l’image, la clôture du récit…une approche consensuelle des thèmes abordés.
En se référant aux théories de la réception, notamment aux travaux de Jauss, qui distinguent deux types d’œuvres. D’abord celles qui satisfont entièrement l’attente du récepteur en étant conformes à un modèle dépourvues d’innovation ; en l’occurrence ici, il s’agit d’un certain nombre de films, la majorité, qui ont puisé dans la rhétorique visuelle de la télévision en reprenant la grammaire de base du téléfilm. Les spectateurs de la salle Roxy de Tanger ont retrouvé des modes de narration, des styles de jeu déjà balisés par le récit cathodique. Certains films (Les feuilles mortes, Aida et Chaïbia) ont tenté de trouver une parade en tablant sur un travail de l’image ; mais une belle image ne peut sauver un film. La meilleure image est celle qui ne se laisse pas voir ; c’est comme pour la musique, il ne s’agit pas de béquilles qui viennent porter secours à un corps malade ou une couche de cosmétique qui vient camoufler des lacunes dramatiques voire techniques. Un directeur de photo international précise à ce propos : « je ne vais pas au cinéma pour voir de la belle photographie ». Son verdict est encore plus tranché : « Je ne pense pas qu’on puisse faire un « beau » plan dans une œuvre médiocre » !
L’autre type d’œuvres relevé par Jauss est celles justement qui transgressent les normes et bousculent l’horizon d’attente du récepteur. C’est ce que nous attendions de la nouvelle génération arrivée en massé à Tanger ; je rappelle que près de la moitié des films engagés sont des premières œuvres. On attendait de l’audace, de l’imagination et des prouesses dans les modes de fabrication du récit et même de production des films. Seules confirmations de ceux que nous soutenions déjà. A des degrés divers nous avons eu des films qui ont tenté l’aventure artistique ; au niveau de la remise en question du récit linéaire avec La nuit entrouverte ; au niveau de l’univers de référence dans le cas de Karyan Bollyood et Dallas et au niveau thématique et discursif avec L’orchestre des aveugles…
Dallas, premier long métrage de Mohamed Ali Mejboud offre dans ce sens, dans une structure de mise en abyme, une sorte de bilan global du cinéma marocain. Son film étant le récit de la fabrication d’un film ; c’est un regard distancié, par le biais de la comédie et se proposant comme une satire, mais acerbe de l’état des lieux d’une profession qui s’offre ici un miroir accablant.  Ce n’est pas un hasard si c’est un jeune issu de la nouvelle génération qui invite le cinéma à cet exercice salvateur : il nous fait sourire mais nous invite surtout à réfléchir.
L’occasion pour nous d’ouvrir un autre débat. Quel cinéma aujourd’hui dans le contexte très spécifique que traverse notre société (crise économique, crise des valeurs, conflits identitaires). Nous pensons que les conditions générationnelles et techniques sont mûres pour passer à un autre mode de production du cinéma. C’est-à-dire de passer à une autre économie politique du cinéma qui passe par de nouvelles formules de production pour, dans un même mouvement, établir de nouvelles formes de raconter, de proposer des images. Est-ce un hasard si un cinéaste a fonctionné comme hors champ du festival : Hicham Lasri. Il était absent de Tanger mais il était presque en même temps sur deux fronts avec deux films qui sont en quelque sorte le contre-champ esthétique et économique du cinéma marocain dominant. The sea is behind a été sélectionné à la section panorama de la Berlinale et C’est eux les chiens a remporté le prix de l’image (sic) au Fespaco !  Le dispositif qu’il met en place, économiquement et techniquement finit par générer une manière de faire du cinéma qui verse de l’eau dans le moulin de la révolution culturelle à laquelle nous appelons au sein du champ cinématographique. Fissures de Hicham Ayouch va un peu dans le même sens.
En somme un cinéma alternatif qui tranche avec le modèle dominant qui est lui-même un sous-produit du modèle dominant à l’échelle mondiale. Un cinéma alternatif qui part d’un constat : chaque année le fonds d’aide au cinéma, devenu avances sur recettes, investit 60 millions de dirhams dans la production de films. Au final, ce sont à peine près de 400 000 spectateurs marocains qui arrivent à voir ces films. Une bonne partie de ces films produits grâce à l’avance sur recettes arrivent difficilement à assurer une sortie commerciale.  Certains ne sortent jamais !
Il y a un réel blocage parce que le système qui a donné un certain nombre de résultats positifs s’est enfermé dans une logique du marché. « Le marché fonctionne pour ne pas marcher ; il empêche que les films et les spectateurs se rencontrent » dixit J.L Comolli qui ajoute : « le marché entretient des barrières commerciales, des inégalités d’accès aux films, nourrit des problèmes de diffusion et de distribution ».
Une logique implacable qu’on ne peut évacuer par des initiatives de marketing mais bel et bien par une riposte culturelle et esthétique radicale, celle de briser cette logique en préconisant un cinéma alternatif. Un cinéma qui commence à émerger de nouveau ici et là, en Espagne dans le sillage de la crise, en Afrique noire (Le Nigéria, le Burkina Faso).  Un cinéma nouveau avec une économie nouvelle : des films peu coûteux (lowcost) avec des budgets élaborés sur de nouvelles bases moins comptables et plus culturelles. Des films à 5, 6, 7 voire 9 et 10 millions de dirhams, c’est un luxe de trop dans notre contexte. Un cinéma nouveau avec de nouveaux rapports de travail au sein des équipes réduites organisées en coopératives de production avec un partage de travail qui privilégie les compétences pluridisciplinaires (Dallas de M.A Mejboud nous donne une caricature de la sophistication inutile des équipes de tournages !) ; des comédiens engagés comme partenaires et non comme salariés…et des réseaux de distribution adaptés à la nouvelle réalité de consommation des images (DVD, les cyber-réseaux…)
Parmi les révolutions précédentes dans l’histoire du cinéma, il y a eu La nouvelle vague qu’on a taxée « de cinéma pauvre fait par des gosses de riches ».  La nouvelle vague marocaine sera aussi un cinéma pauvre, dans son mode de production, riche dans son ouverture sur son public ; enfin.



jeudi 12 mars 2015

Un thé à Tanger avec Tala Hadid

Le film est une carte qu’on lit


Le hasard du calendrier fait (parfois) bien les choses : à la veille de la journée du 8 mars, à une semaine presque jour pour jour, la cinéaste marocaine Tala Hadid a offert à la femme marocaine un joli cadeau en décrochant le grand prix du festival national du film, pour son premier long métrage, The narrow frame of midnight. Tala Hadid rejoint ainsi dans l’histoire, ses consœurs qui l’ont précédée à la première place du podium du Festival national. Il faut remonter en effet à 1998, à Casablanca pour retrouver la première femme à avoir décroché le Grand prix ; ce fut avec Fatéma Jebli Elouazzani et son film Dans la maison de mon père. La suite viendra avec Yasmine Kessari qui obtient cette consécration en 2005 avec L’enfant endormi. Le relais sera repris avec Laila Kilani en 2012 qui voit son film Sur la planche récompensé par le grand prix. Quatre femmes qui ont marqué l’histoire du festival national du film par des œuvres fortes ayant forgé leur triomphe non pas par « discrimination positive » mais par leur double engagement au service du récit et de l’esthétique. Elles ont aussi un point commun, être l’émanation de ce Maroc pluriel, sans frontières géographiques, toutes sont issues de la diaspora : Fatéma Jebli et Yasmine KLessari en Belgique, Leila Kilani en Farnce…
Tala Hadid prolonge cet héritage culturel, artistique et cinéphile. Elle est issue du monde ! Elle est, dans sa biographie et dans sa démarche culturelle et cinéphile, l’incarnation d’un monde globalisé si j’ose dire, puisqu’elle est née à Londres, a étudié aux Usa et mène des recherches partout où le cinéma bouge. Aujourd’hui elle a choisi le retour aux sources en s’installant à Marrakech, ayant un coup de cœur pour le sud profond, celui du Souss et des montages de l’Anti-Atlas. Son film au titre énigmatique The narrow frame of midnight, tantôt traduit par la nuit entrouverte, tantôt par le cadre étroit de minuit et repris en arabe par « itar allail, le cadre de la nuit », est à son image ; il n’est pas linéaire ; il se situe en effet aux antipodes du cinéma dominant puisque le récit qu’il nous propose est en même temps une réflexion visuelle sur le cinéma, sur la remise en question de la narration classique. Pour faire vite, c’est un cinéma de la pensée qui produit des concepts intellectuels à partir de concepts visuels…Autour d’un très bon thé tangérois à la cafétéria de la cinémathèque Rif, elle me dit autrement cette démarche : le film est une carte, qu’il faut lire en tant que tel. Pour ma part je souligne : le film de tala Hadid est autant à voir qu’à lire. Elle fait œuvre didactique à l’heure du tout-image et de la youtibisation de la réception visuelle ; en amenant le spectateur à sortir de soi, à se poser des questions fondatrices : qu’est-ce que je vois ? Comment ce que je vois m’est-il montré ? Comment ces images se distinguent-elles de celles que je vois sur différents écrans… ? C’est pourqoui son film divise ; dérange.
Lors de son triomphe, largement mérité à Tanger, les préposés aux frontières, les douaniers du cinéma ont commencé à chercher dans son passeport pour titrer qu’ « un film irakien a gagné à Tanger », dévoilant encore plus la misère du discours médiatique sur le cinéma. Et qui trahit encore davantage le niveau du débat qu’on cherche à imposer au cinéma marocain : « un jury marocain » ; « un film marocain »…Exprimer cela à Tanger, la ville cosmopolite est une contradiction absurde ; quand on n’a pas d’idées on puise dans le prêt à porter…Tanger qui en 1995 accueillit les jeunes cinéastes de la diaspora qui donnèrent un coup d’accélérateur à un cinéma déjà prometteur. Tanger que Tala Hadid connaît bien : « c’est la ville de ma grand-mère » aime-t-elle dire. 


avec Tala à Tanger en 2006


Là, où elle avait participé d’une manière fort remarquée par son premier court métrage, le magnifique Tes cheveux noirs Ihssane ayant décroché deux prix au festival du court métrage méditerranéen en 2006 (Prix du jury et prix de la meilleure interprétation féminine pour Naima Bouzid) et en 2007, une mention spéciale au festival national du film.    
Rencontrer Tala Hadid est toujours un moment d’échange intense. Cela remonte déjà au temps de son court métrage où on avait lancé des pistes de réflexion sur le cinéma aujourd’hui face au flux des images. Sirotant avec appétit son thé sucré, elle continue à défendre la même approche. J’aime son français émaillé d’anglais et de références théoriques. Je l’interroge sur le point de départ de son film. « Le déclic ? Il était déjà là ; le 11 septembre, la guerre en Irak… les personnages de mon film, Zakaria, Aïcha existaient déjà ; ils sortent comme des fantômes ». Cette réflexion me plonge dans un flashback : Zakaria, le personnage central de son long métrage, n’est-ce pas cette ombre qui hante son premier court métrage ; « ce fantôme » sorti de nulle part, qui est venu partir sur les traces de sa mère ; il n’a même pas de nom, le synopsis parle d’un homme ayant vécu longtemps en Europe. C’est le Zakaria de La nuit entrouverte ; il arrive sans crier gare ; et c’est le départ d’une quête. Les images dialoguent avec des figures cinématographiques récurrentes : travelling d’accompagnement, plan serré, caméra en plongée…là-bas c’est la recherche de la mère ; ici c’est la quête d’un frère disparu. « Non ce n’est pas un film sur l’Irak, ni sur la Syrie…c’est une lecture réductrice ; c’est plutôt une topographie d’un terrain qui change. Mais c’est vrai chaque lecture du film est contextualisée par l’actualité du temps de sa réception. C’est un film ouvert. Un prisme ». La critique idéologique du film s’est focalisée sur certaines images fortes comme celles –atroces- de la morgue ou celles très ambiguës de la fin, mais c’est une manière d’évacuer tout le travail en amont qui invite à une démarche distanciée. Le film très brechtien en refusant de suivre un schéma linéaire. Il fait entrecroiser des récits aux apparences opposées : Aïcha, jeune fille livrée à un trafic, Judith l’amante qui attend, et Zakaria obnubilé par la recherche de son frère. « Nous vivons aujourd’hui la tyrannie du narratif…y compris pour un certain cinéma dit d’auteur de plus en plus enfermé dans la logique a + b= c ; ma démarche est plutôt a + b + c ». Tala Hadid se réclame volontiers de l’image cristal de Deleuze. Un plan ne vient pas expliciter celui qui le précède (le principe de causalité cher au cinéma narratif dominant) ; il le développe dans une autre image, l’image mentale. L’actuel et le virtuel se chevauchent ; le sens n’est jamais assigné quelque part ; il est en fuite, à l’image des personnages. « Je plaide en faveur d’une critique intellectuelle, dit Tala Hadid ; elle peut ouvrir sur un carrefour de lectures multiples ; sortir des frontières et aller vers du possible ». D’où le recours à ce titre énigmatique. Je n’hésite pas à lui poser la question. « Oui en anglais, cela renvoie à un moment radical ; disons minuit, le temps s’arrête et tout devient possible ».
Soudain, je trouve le thé encore plus délicieux. Tala en est déjà à son troisième. Sa comédienne, la très jeune Fadwa Bojouane, arrive ; elle est accompagnée de sa maman et de sa jeune amie. Je suis frappé par la coupe et la mise de cette jeune fille casablancaise, mi- garçon, mi-fille ; une vraie androgyne. Tala Hadid relevant ma curiosité me dit « ça mérite un documentaire, n’est-ce pas ? ». Plus tard, beaucoup plus tard, après le palmarès…alors que j’avais déjà quitté Tanger, je reçois un texto : « it’s an ideological struggle…la lotta continua ».
Mohammed Bakrim


vendredi 6 mars 2015

Bilan du festival national du film (1ère partie)

Pour un FNF bisannuel


Comment aborder le bilan de la dernière édition du festival national du film ? Je suis convaincu que chaque position émise émane et porte les stigmates du lieu où elle est énoncée. « Qui parle ? D’où ça parle ? Qu’est-ce que ça parle » me semble être les questions guides de toute approche. D’autant plus qu’en ce qui me concerne, à titre personnel, j’aborde le festival cette année d’un autre point de vue. Je suis passé, en effet, du statut de l’acteur – directeur artistique ou pour parler le jargon administratif du CCM, coordonnateur du FNF pendant plusieurs années- au statut de l’observateur. Un observateur non pas tout à fait neutre mais plutôt porté par un regard si ce n’est critique du moins cinéphile. L’entreprise dans tous les cas de figure fut insolite, passionnante et édifiante. Pour m’aider à décrypter les multiples signes émanant du festival dans ses différentes expressions, les films bien sûr et en priorité mais aussi tout ce qui relève du relationnel et du comportemental, je me suis servi d’une riche boîte à outils théoriques multi-référentielle et où nous retrouvons des maîtres dans leur champ d’intervention. C’est ainsi que durant tout le festival, j’avais des compagnons de choix.  Je précise tout de suite que ce ne fut pas délibéré de ma part ; c’est juste le hasard de mes lectures du moment et de l’offre de la librairie qui était proche de mon hôtel. Mes compagnons tangérois furent donc : Le commandeur des croyants de John Waterbury, Raisons pratiques de Pierre Bourdieu, Les chroniques de Abdellah Laroui…au terme d’une semaine de festival, je me suis aperçu qu’il manquait une autre référence, pour encore mieux saisir ce que j’observais, Freud ! 



Car indéniablement l’édition 2015 du festival national du film s’est déroulée sous le signe du maître viennois, animée par le désir/ la hantise de la figure du père : comment tuer le père ? Comment effacer ces traces ? Comment sortir de son manteau ?  Cela a surdéterminé le comportement des uns au-delà des aspects organisationnels pour  toucher à l’ensemble des composantes du festival y compris pour dicter certaines attitudes à l’égard de tel film ou tel autre…
Bref j abordais le festival et je le vivais comme une véritable situation ethnographique comme la définit le spécialiste marocain Hassan Rachik.  Le soir dans ma chambre je notais les références et les paramètres d’analyse. La journée me fournissait l’occasion d’accumuler des notes sur les dispositions, les comportements, les discours et les réactions des uns et des autres. Ce fut un moment intense riche en enseignement sur la nature humaine, sur « l’âme » marocaine tant le microcosme des festivaliers réagissait comme dans un laboratoire. J’avais devant moi en grandeur nature des illustrations éclairant les thèses des maîtres de référence. Il est ahurissant de constater l’actualité, la pérennité des observations faites il y a des décennies sur, par exemple, les comportements des élites telles qu’elles furent analysées par John Waterbury. Des élites au comportement qui rappelle le style observé chez les tribus fonctionnant selon le principe de « segmentarité ». Un descriptif qui sied comme un gant à la tribu du cinéma, reproduisant les traits communs relevés par Waterbury : une identité versatile qui change en fonction des situations ; les alliances et les amitiés éphémères. Un sujet peut être ami aujourd’hui et devenir ennemi demain. Toute audace ou prise de position originale peut aboutir à l’isolement et à la rupture des alliances…Tout est aléatoire et rien n’est définitif. Tout reste tributaire de la situation…et comme celle-ci change, les gens changent avec. On dirait que Waterbury était au café du coin qui jouxte la salle Roxy !

Une ambiance sciemment entretenue par ceux qui se nourrissent de tension alors même que le festival a depuis longtemps son programme génétique qui finit toujours par transcender les contingences. Une situation particulière qui peut donner l’occasion à une nouvelle réflexion : il est peut-être temps de revoir la formule qui commence à donner des signes d’essoufflement notamment en termes de progression dans le niveau général des films présentés. L’impression générale qui se dégage est que le festival impose à la profession un rythme auquel elle ne peut répondre convenablement.
Dans le sillage de cette réflexion nécessaire sinon vitale, trois propositions me semblent s’imposer au lendemain de la 16ème édition du festival national du film :
La première : il est urgent de doter le festival d’un organigramme autonome et permanent. D’abord pour qu’il soit conforme aux dispositions du cahier des charges édicté par la commission nationale de subvention des festivals. Ensuite pour que le festival ne soit plus le terrain de règlement de compte entre les différentes factions de la profession. Un cinéaste qui se respecte ou un producteur professionnel n’a rien à faire dans un comité d’organisation ; leur place naturelle est de faire des films…
 En Outre le FNF est désormais un festival comme les autres qui vient plaider sa cause devant la commission et pour se faire, il doit être en adéquation avec ce que celle-ci exige des autres festivals.  Un organigramme transparent avec des responsabilités clairement définies ; avec notamment un président qui n’est autre que le Directeur du CCM ; un directeur artistique engagé pour une durée déterminée ; un directeur de production, le responsable de la logistique au sein du CCM et un chargé de communication. Cela va permettre au festival d’avoir sa personnalité, une identité propre au lieu que celle-ci soit diluée derrière le recours à moult commissions ou à des pratiques ridicules comme le tirage au sort !
La deuxième : notre seconde proposition concerne la périodicité du festival. Au terme d’une expérience de dix ans, il me semble plus pertinent, voire plus sage d’opter pour un festival tous les deux ans (bisannuel). Plusieurs arguments plaident en faveur d’une telle périodicité. Maintenant que la présélection est devenue un principe acquis, il est absurde de l’appliquer sur un nombre total de 20 films ou 22 ou même 25. Sur deux ans, une présélection serait plus logique et répondrait à des critères plus précis. Elle porterait sur un nombre plus consistant de films. La présélection appliquée cette année n’a apporté aucune valeur ajoutée : le festival est toujours aussi long (dix jours, c’est beaucoup ; la compétition officielle est une véritable auberge espagnole où il n’y a aucune logique. Des films sont là uniquement pour meubler le décor sans aucune ambition de figurer au palmarès (Tala Hadid versus Abdellah Ferkouss ???? !!!!.). Une vraie présélection réduirait la durée du festival (six jours au maximum) et une réduction des coûts. En outre, avec une édition en moins tous les deux ans c’est une enveloppe de cinq millions de dirhams de gagnés (de quoi financer un long métrage et 10 courts métrages) !
La troisième proposition consiste à installer le festival définitivement à Casablanca ; c’est la meilleure façon de lui assurer un nouveau départ et de calmer les ardeurs de ceux qui s’acharnent (dans leur hantise de tuer le père) à le voir délocalisé de Tanger ; une forte pression est menée en effet pour revenir à un festival itinérant. Une manière de lui faire perdre toute crédibilité artistique au bénéfice d’un choix démagogique qui a montré ses limites en 2003.


lundi 2 mars 2015

Tanger : Palmarès radical pour le FNF


Triomphe du cinéma


Au-lendemain de sa projection à Tanger, nous écrivions ici même à propos du film de Tala Hadid, consacré samedi comme meilleur film marocain de 2014 que « le festival somnolait, le film de Tala Hadid l’a réveillé » ; apparemment le jury commençait aussi à s’ennuyer face à la qualité des films présentés avant que La nuit entrouverte ne vienne mettre un peu de cinéma dans une compétition où les films se caractérisaient pas une approche très formatée. Il faut rendre hommage à si Mohamed Berrada et à ses collègues du jury qui ont résisté aux sirènes démagogique, à la tentation de la facilité et ont fait le choix de l’audace, de l’originalité et pour le cinéma dans la mesure du possible. Leur choix est une défaite des promoteurs de la pensée unique.  En s’abstenant de livrer le prix du jury, ils ont cherché à dire que le jury n’a pas eu de film à défendre jusqu’au bout ; le prix du jury étant l’équivalent symbolique du Grand prix, son absence du palmarès est à décrypter comme un avertissement explicite aux cinéastes, aux jeunes notamment et à l’ensemble de la profession. Celle-ci qui a donné au festival une atmosphère de règlement de compte à OK Corral, en a eu pour son aveuglement. En choisissant un jury « intellectuel », elle a trahi son maque de confiance en elle-même et du coup elle s’est tirée une balle dans les yeux…Le palmarès radical de Si Mohamed Berrada est un véritable pied de nez aux partisans d’un cinéma lisse, « propre » qui caresse le récit dans le sens du poil de « la ménagère de moins de 50 ans ». Les recalés peuvent toujours aller concourir pour le prix du meilleur téléfilm, le festival de Meknès se tiendra bientôt !
Signalons en outre, avant de revenir dans une lecture détaillée du palmarès, que les quatre films arrivés en tête ont déjà été sélectionnés pour le festival Marrakech ; une sorte de confirmation d’un choix qui en avait fait jaser plus d’un. Tanger – Marrakech même combat contre la médiocrité ?


Compétition longs métrages

- Grand prix : "LA NUIT ENTR'OUVERTE" de Tala Hadid
- Prix spécial du jury : annulé
- Prix de la première oeuvre : "KARYAN BOLLYWOOD" de Yassine Fennane
- Prix de la réalisation : "L’ORCHESTRE DES AVEUGLES" de Mohamed Mouftakir
- Prix du scénario : Abdellatif Laâbi et Abdelkader Lagtaâ dans film "LA MOITIE DU CIEL "
- Prix du 1er rôle féminin : Amal Al Atrache dans "DALLAS "
- Prix du 1er rôle masculin : Aziz Dadass " dans DALLAS"
- Prix du 2ème rôle féminin : Houda Rihani "AÏDA "
- Prix du 2ème rôle masculin : Adil Aba Tourab dans "KARYAN BOLLYWOOD"
- Prix de l'image : Xavier Castro dans "AÏDA"
- Prix du son : Karim Ronda dans "CHAIBIA"
- Prix du montage : Meryeme Chadli dans "AÏDA"
- Prix de la musique originale : Didier Luckold dans "L’ORCHESTRE DES AVEUGLES "



Compétition courts métrages

- Grand prix : "LES POISSONS DU DESERT " de Alaa Eddine Aljem
- Prix spécial du jury : "LE VOYAGE DANS LA BOITE " de Amine Sabir
- Prix du scénario : Alaa Eddine Aljem dans "LES POISSONS DU DESERT""


Albachado de Hassan Aourid

  L’intellectuel et le pouvoir ou la déception permanente ·          Mohammed Bakrim «  Avant d’être une histoire, le roman est une in...