samedi 15 janvier 2022

 

Indigo de Selma Bergach

Le droit à la singularité

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« Une blessure secrète, souvent inconnue de lui-même, propulse l’étranger dans l’errance »

Julia Kristeva

 

Comment affronter l’âpreté du réel ? Au-delà du réalisme, le cinéma de fiction offre une palette de genres et de sous-genres pour dire l’indicible.  Le nouveau film de Selma Bergach, Indigo (Maroc, 93 mn, 2019) est justement et dès ses premières images, porté par une ambition, celle d’instaurer une distanciation avec le poids du réel qui pèse sur le scénario d’un certain cinéma marocain. Le film lui-même ne manque pas de faire des clins d’œil à ce cinéma, celui des années 1990, notamment celui du groupe de Casablanca (Hassan Benjelloun, Hakim Noury…), en revisitant des figures dramatiques qui ont marqué ce cinéma : la présence du fquih, la cartomancie, la nuit de la transe, le voyage dans le car, l’arrivée au souk. Cependant, cela reste au niveau de références qui assurent au récit un certain ancrage culturel. Le film va prendre une autre direction, instaurant plutôt des ouvertures, des mouvements qui dessinent les prémices de cette distance avec le réalisme social préférant flirter par moments avec le merveilleux et le recours ici et là aux effets spéciaux. Le thème lui-même offre cette opportunité avec une enfant, Nora, signalée dès le titre comme Indigo, c’est-à-dire quelqu’un d’exceptionnelle dotée d’un « troisième œil » qui lui permet de voir ce que les autres ne voient pas, un pouvoir divinatoire. Une disposition qui la met en confrontation, de par ses aptitudes et comportements, avec son milieu, familial, scolaire en particulier. Un milieu familial très réduit et davantage féminin. Nora est entourée de sa mère, son frère, une vieille voisine et une tante, Mina, tout aussi exceptionnelle qui va être la véritable complice de Nora. Si Nora est introvertie, cloitrée et cherche refuge dans l’isolement, dans le noir, Mina est extravertie, portée sur le mouvement. C’est l’un des personnages les plus complexes du film. Symboliquement, elle entre dans le récit en venant de l’extérieur (« Casablanca Beyrouth », lui dit sa sœur en lui ouvrant la porte en ouverture). Un corps étranger au monde. Elle est souvent filmée au bord du cadre, au propre et au figuré. On la voit souvent au balcon pour fumer, ou dans des lieux de transition (la plage, la rue, la voiture…). Un corps cherchant à résoudre l’équation : comment habiter le monde quand on est détaché, quand on est singulier. Ce qui la rapproche de Nora avec qui elle va former un ticket dramatique gagnant. Mina traverse l’espace comme elle traverse le récit en lui apportant une dynamique. Pour ce faire, elle a recours à un accessoire qui confirme cette singularité. Sa voiture. « L’accessoire est tout au cinéma sauf accessoire » ; en effet, il est à la fois décor et actant. Il est polysémique ; à la fois fonctionnel et porteur de sens. Il s’inscrit dans une démarche sémiologique offrant ainsi des perspectives de lecture enrichissantes et éclairantes pour le récit. Tel est le cas de la 4L de Mina « qui joue » dans Indigo. La voiture rejoint les moyens de communication omniprésents : téléphone, Skype, fenêtres, portes, escalier, rues et moyens de transports... Une voiture atypique pour des personnages, Mina-Nora- atypiques !

A un premier niveau de lecture, la 4L sert à déposer les enfants au lycée et/ou à les ramener à la maison. La voiture effectue ainsi une trajectoire somme toute fonctionnelle, entre un point de départ et un point d’arrivée. Ce faisant, elle ouvre sur une trajectoire qui symbolise une destinée qui est celle des personnages, notamment Nora. La voiture fonctionne aussi comme un lieu, un habitacle qui en termes dramaturgiques se présente comme un huis clos qui renvoie à l’enfermement de Nora.  On la découvre en ouverture du film sous le lit ; elle se cache souvent dans une boîte en carton où on peut lire « fragile »…Prisonnière d’une destinée gérée d’une manière esthétique qui renvoie à un cinéma de genre ; il y a quelque chose par exemple de conte, de merveilleux. Il y a du Shyamalan, celui  de Sixième sens !

 Dans sa spécificité matérielle (la marque, le jeu de couleurs de sa peinture…), la voiture indique d’une manière éloquente la différence, thème fondateur du récit. « Elle est juste différente » dit Mina à sa sœur Leila, la mère accablée de Nora. « Différente », en parlant de Nora, Mina parle d’elle-même. Un duo qui va susciter, chez l’autre (le frère, le professeur…), de par sa singularité, des réactions de peur, de haine, d’angoisse, voire de violence…tout le parcours du récit va consister à apprivoiser ces étrangetés pour accéder à une altérité apaisée. Sur cette voie, le film apparaît comme une critique d’une certaine modernité. Les hommes en prennent pour leur grade. La gente masculine n’apparaît pas sous un beau jour : un père absent et démissionnaire ; au bout du monde (Australie) et ne répond pas aux questions de la mère ; un jeune frère violent ; un amant qui n’est pas au rendez-vous. Le comble étant le professeur d’arabe quasi caricature de la haine gratuite. La médecine moderne n’échappe pas à ce passage en revue critique ; en contre-champ le récit propose des pratiques thérapeutiques ancestrales. Mina va être le vecteur qui révèle ses paradoxes et ambiguïtés d’une société fragmentée. Elle va accompagner Nora dans un véritable parcours initiatique qui se présente non pas comme un chemin tout indiqué mais comme un cheminement : dans un plan à la Kiarostami on voit la voiture serpenter une route de plage en lacets ; tour et détours pour dire la continuité de la vie. La pluie la nuit et l’eau accentuent la dramatisation de cette quête. La scène finale du film vient conclure cette recherche, ce voyage intérieur avec ces beaux plans qui rassemblent les deux héroïnes apaisées, leur voiture avec l’arrière fond la grande mosquée de Casablanca. Les éléments de réconciliation (air-terre-eau) sont enfin réunis. Le plan est large, on sort du cadre qui a longtemps enserré le récit : les cadres des portes, des vitres ; les cadres sociaux… La caméra peut alors opérer un mouvement ascendant répondant au mouvement descendant qui avait ouvert le récit.

Le film, malgré quelques réserves (à propos du gros plan par exemple : le gros plan est comme le caviar, il faut en user avec parcimonie !) dégage une empathie contagieuse. On sent que la cinéaste se délecte à filmer ce qu’elle aime : des objets, des lieux et des personnes.


Zanka contact d’Ismaël El Iraqui

Ne pas mourir…






Il y a des accidents qui s’ils ne vous tuent pas, vous offrent l’occasion de faire la rencontre de votre vie. C’est le cas de Larsen (Ahmed Hammoud), star de Rock déchue, rentrant au pays et de Raja (Khansa Batma), prostituée douée d’une belle voix ; l’accident va ouvrir devant eux la voie à une idylle supposée avoir pour cadre Casablanca ; c’est en tout cas ce que laisse comprendre le titre du premier long métrage d’Ismaël El Iraqui : Zanka contact pour les natifs ou Burning Casablanca pour le point de vue français sur le film.

Le film convoque pour sa réception un spectateur-complice disposant de codes d’accès y compris à partir du titre ! Le film lui propose plusieurs pistes de lecture…qui appellent cependant toutes une culture partagée. Cela peut passer par exemple à travers la bande son et ses riches références musicales. Ou par la cinéphilie avec un voyage dans la planète cinéphile où le spectateur avisé construit son plaisir en glanant dans tel plan ou telle scène…des clins d’œil à des films cultes, des signes à forte charge culturelles (le serpent, le rapport au père…). Une large panoplie d’approches sauf celle qui tenterait une lecture sociale comme le propose une certaine critique qui a cherché à vendre le film comme « un miroir de la société marocaine aujourd’hui ». Une lecture qui cache mal un désir d’exotisme qui a alimenté tout un courant de notre cinéma (et pas seulement) cherchant à promouvoir un cinéma néo-orientaliste où les cinéastes « indigènes » prennent en charge eux-mêmes, à la place de l’autre, ce regard exotique.

En effet, la séquence d’ouverture de Zanka contact, avec ses images aériennes, neutralise toute velléité de réalisme. On plane au-dessus de ce qui est censée être une ville marocaine, en l’occurrence Casablanca. L’entrée en scène de Raja renforce cette impression de superficialité (provisoire) ; une entrée filmée comme un clip nourrie de Tarantino. Certes, des signes iconiques et verbaux l’inscrivent dans un ancrage spacio-culturel (un plan rapproché sur Raja lors de l’accident met en avant le rouge de sa jaquette et l’étoile-pendentif sur sa poitrine : comprendre Maroc). Ses plans dans le taxi réveillent d’ailleurs chez le cinéphile d’autres images de prostituées qui se livrent dans un taxi : on peut remonter loin en citant Casa by night de Mostafa Derkaoui ou tout récemment la scène d’ouverture de Much loved où le taxi joue le rôle de véritable lieu d’exposition (le langage tenant lieu, ici et là de véritable indicateur).

Ceci dit, notre hypothèse pour aborder le film va dans le sens que les personnages de Zanka contact ne se définissent pas principalement par leur profil sociologique. Ce ne sont pas des archétypes sociaux, sur qui le film plaque un discours social ou moral. Ils ne sont pas, par exemple, des voisins de quartier de Casa negra ni même de Much loved ou de Haut et fort. Je dirai plutôt que ce sont des cousins proches des personnages de Hicham Lasri ; à l’instar de son jeune ainé, Ismaël El Iraqui met en scène des extra-terrestres, des zombies (ils reviennent de la mort !). Avec pour toile de fond une histoire d’amour (n’est-ce pas aussi le cas avec The end de Hicham Lasri ?). Nous sommes en présence d’un cinéma aux antipodes du cinéma classique qui va de l’extérieur pour expliquer l’intérieur ; plutôt donc un cinéma de la modernité qui va du côté de l’intériorité pour essayer de représenter les traumatismes, la mémoire et la sensibilité. L’extérieur va être le lieu de projection de ce qui se trame à l’intérieur !

Zanka contact, en somme, est le récit d’une rencontre amoureuse. La Medina n’offrant qu’un décor quasi muet, au sens sociologique. Le récit filmique est davantage tributaire d’un système de personnages qui évoluent dans une structure dramatique qui confine à la tragédie. Ce qui assure au film une nouvelle dimension extra-territoriale, légitimée par ailleurs par ses choix musicaux universels ; avec des clins d’œil révélateurs : en plein concert Rock, on voit Raja   sous l’affiche du groupe mythique Nass El Ghiwane. Un hommage et une filiation. Des choix qui autorisent à voir dans Larsen un héros qui n’hésite pas à descendre dans l’enfer des réseaux de drogue et de prostitution pour reprendre et garder sa bien-aimée. Larsen, comme Orphée de la mythologie grecque, armé de son amour et de la force de sa musique va à la quête de son Eurydice/ Raja. Cette référence antique peut éclairer également la forte présence de la violence à la fois verbale et physique qui porte le film. L’historien et politicien grec, Thucydide, avait le premier souligné comment le langage subit lui-même la violence qui marque les rapports sociaux ; en période de violence et de guerre (et de terrorisme !) l’ensemble du corps social est pénétré de cette violence jusqu’à modifier l’usage que nous faisons de la langue. Et le film en offre une illustration éloquente. En provoquant le spectateur, cette violence le renvoie à une réflexion sur la violence qui l’entoure et qu’il consomme dans son quotidien via les médias et les réseaux dits sociaux. Une scène emblématique du film, va dans ce sens ; celle où le couple (Raja et Larsen) en fuite rejoint Rokia (Fatéma Atif) ; une ancienne prostituée du réseau de Saïd (Said Bey), le mac de Raja. Une scène crépusculaire et cathartique. Tournée comme un western, comme un règlement de compte ; Rokia y fait d’ailleurs allusion quand elle dit à Said de demander « au cowboy qui l’accompagne de se calmer ». Crépusculaire car elle synthétise la fin/ la mort des symboles d’une époque ; « C’étaient les années 80 » dit Rokia à Said ; la mort de son chien incapable d’être à la hauteur du nom qu’il porte, « Izem », lion en amazigh. Cathartique avec la scène du feu qui efface tout et annonce le tournant du récit avec le début de la métamorphose de Said : de l’opposant il deviendra adjuvant. Changement d’attitude qu’il officialise lorsqu’il assiste à l’enregistrement (enfin) de la chanson de Raja.

Au-delà du plaisir multi-sensoriel qu’offre le film, malgré la violence qui le traverse par intermittence, Zanka contact est construit pour capter cette vitalité et cette intensité qui animent les personnages. Des personnages pris dans des situations d’extrême urgence de survie.  Une esthétique d’urgence. Des êtres confrontés le long de ce parcours aux situations de danger ; liés par la recherche de comment échapper à la séparation et finalement à la mort. Les deux personnages sont le carburant de l’énergie qui émane du film, tout entier tendu par un refus : ne pas renoncer ; ne pas mourir. En ces temps d’incertitude et de désarroi cela sonne comme l’expression d’une lutte, d’une résilience. Un appel (Raja en arabe) à la résistance.

 Mica d’Ismaël Ferroukhi

Partage de territoires




« On ne s'ennuie jamais quand on tourne avec des enfants. Leur sensibilité, leur pudeur vous interdit d'en abuser pour les besoins d'un tournage ». François Truffaut

 

Mica, le nouveau film d’Ismaël Ferroukhi s’inscrit dans une continuité qui marque une certaine cohérence dans la démarche du cinéaste à travers notamment le regard qu’il porte sur des questions de société où nous retrouvons, une constante, celle de l’innocence face aux tumultes du monde. Cela passe par le recours à une figure cinématographique éloquente, celle de l’enfance. Celle-ci, depuis le très beau L’exposé (court métrage 1993) est abordée d’une manière récurrente et confirmée avec Mica fonctionnant comme un élément révélateur et symbolique.

D’emblée, on peut formuler l’hypothèse que l’enjeu du film est la construction d’un double regard ; sur le monde à travers le regard de l’enfant ; et sur l’enfance à travers le regard du metteur en scène. Si l’enfant, en tant que sujet, continue globalement à faire partie de l’invisible de notre champ cinématographique, l’aborder frontalement pose une série de questions relevant de l’éthique et de l’esthétique. Je dirai alors, dans ce sens, que le regard de Ferroukhi est empreint d’empathie. Il est là avec sa caméra comme un grand frère (Truffaut des 400 coups !). En suivant Mica dans sa traversée des frontières sociales, de la banlieue pauvre de Meknès à   un club huppé de Casablanca, il élabore un univers autour de lui, pour révéler petit à petit son imaginaire ; ce faisant, il nous fait accompagner son apprentissage –brutal- violent- du monde. Comment alors est construit ce regard ?

La séquence d’ouverture de Mica décline le programme narratif du film en deux phases. La première scène, en effet, peut se lire comme une mise en abyme du récit qui va suivre : on découvre un enfant qui court dans un milieu (un paysage de campagne, une forêt) auquel il semble vouloir s’échapper. Cette impression est confirmée par la succession des plans où on le voit escalader une colline…La scène se clôt par son arrivée au sommet et signalant par un geste, sa victoire et son triomphe ; après l’effort (la lutte), la récompense enfin ! Nous sommes en présence d’une métaphore du chemin qu’il est appelé à parcourir

La deuxième phase de cette éloquente séquence d’ouverture, nous permet de découvrir le même enfant déambulant au sein d’un marché populaire où il est vendeur de sacs de plastique. D’où le surnom Mica qui donnera son titre au familier. Il est familier des lieux, il connaît des gens (certains marchands par exemple) ; c’est son espace vital. Mais très vite cet espace va se révéler un lieu où se jouent des rapports de forces qui sont des rapports de pouvoir : une bande rivale vient chasser violemment Mica de son espace. Le programme est ainsi décliné : la vie c’est aussi un partage de territoires ; une lutte pour le garder ou pour se le réapproprier. Le destin de Mica est de dessiner le sien. Toute la suite du film s’attellera à confirmer ou infirmer les hypothèses avancées par cette ouverture.

L’élément déclencheur qui va relancer le récit arrive avec la maladie du père qui contraint Mica à quitter son environnement d’origine pour accompagner Lhaj, un ami de la famille (excellent Azelarab Kaghat) vers Casablanca où il pourra travailler pour subvenir aux besoins de sa famille. Du coup le film récupère pour l’actualiser, un paradigme fondateur de l’imaginaire cinématographique marocain, la dichotomie Centre (Casablanca) versus périphérie (la campagne). Un clivage de l’espace qui annonce un sujet clivé. Pour Mica, le parcours initiatique né de cette rupture sera appuyé par la mort du père, et prend une autre dimension avec l’arrivée dans la grande ville. Là aussi, il s’agira d’un partage de territoires ; géré par une autre forme de violence. La quête de Mica le mène en effet à la découverte d’un autre milieu, un club de Tennis où Lhaj est chargé de logistique. Un club huppé fréquenté par la nouvelle bourgeoisie urbaine et où les rôles et les places sont assignés en fonction de l’échelle sociale. Lhaj, chargé, du fait de sa fonction, de sauvegarder un ordre hiérarchique, n’a pas manqué d’ailleurs de lui signifier les frontières à ne pas dépasser. Les barrières, les grilles, les murs, comme le traçage du terrain sont là pour lui rappeler sa place. La lutte pour une place autre est une variante de la lutte des classes. Un symbole révélateur : Mica va briser par inadvertance la vitre qui le sépare de l’autre monde. Occasion pour le film de développer une autre métaphore : le terrain de tennis va évoluer comme un champ symbolique où « les conflits » se déroulent en fonction d’un certain nombre de règles. Le terrain de sport comme prolongement de l’espace public où l’application des règles permet l’émergence d’une nouvelle configuration des rapports sociaux. Mais les règles seules ne suffisent pas. Comme, il ne suffit pas d’être doué. Mica en fera la douloureuse expérience au prix d’une certaine humiliation qui le mènera à une forme de refus et de choix radical (il cherchera à emprunter la voie clandestine de l’immigration). Pour cette entrée dans l’univers des adultes, il faut des repères. Deux personnages vont agir comme adjuvants dans cette quête. Un homme et une femme. Lhaj va fonctionner comme le substitut symbolique du père disparu. Il a en charge la dimension morale de cette initiation. Dans son rapport avec Mica, deux scènes cependant sont problématiques. Celle où Lhaj l’emmène à la plage pour une baignade à la mer. Lui qui vient de la campagne, il se jette à l’eau…et affronte les vagues successives au point de s’en trouver complétement nu. Tout un programme ! L’autre scène est également en rapport avec l’eau puisque Lhaj l’accompagne cette fois au bain maure. Le fameux Hammam qui avec la nuit de noces et la fête de circoncision ont longtemps constitué des figures imposées à tout un cinéma maghrébin portée par une esthétique répondant au désir d’exotisme de l’autre. Le rapport du corps à l’eau ouvre sur une multitude d’interrogations et sur un vaste champ de lecture…

L’autre figure tutélaire est une entraineur de tennis exerçant dans le club.  Mica qui de temps en temps s’exerçait sur un terrain sera remarqué et quasiment adopté par Sophia (Sabrina Ouazzani), une ex-championne de tennis rentrée au pays. Un retour quasi forcée ; une blessure l’empêchant de continuer son ascension sportive. On revient de l’immigration estropié, amputé de quelque chose. Son retour au pays s’accompagne d’une nouvelle conscience ; elle s’investit avec Mica. Le soutien qu’elle lui apporte lui permettra d’échapper à l’assignation qui lui a été imposée par les rapports sociaux dominants y compris dans un espace « neutre », le sport. A travers ce microcosme spécifique, le film nous indique que les enfants, dont certains feront preuve d’une grande méchanceté à l’égard de cet intrus social, ne sont pas en soi méchants ou gentils mais le prolongement des milieux qui les ont vus naître.

Mica, l’enfant social ne se réduit pas qu’à cela : il y a l’enfant acteur, Zakaria Inane, qui a porté le rôle avec spontanéité et beaucoup de réussite indiquant l’énorme travail accompli en amont par le réalisateur pour mettre le jeune enfant-acteur en symbiose avec le personnage pour que le rôle ne l’écrase pas. Ses gestes, ses regards continuent à dire cette innocence violentée.

L’école de l’espoir de Mohamed El Aboudi

Vidas secas



C’est un fait significatif et éminemment symbolique de voir la rentrée cinématographique entamée par la projection d’un film documentaire. Est-ce à dire que la fiction a épuisé ses armes et que le retour aux sources du cinéma, le documentaire, s’avère salvateur face à la complexité du monde ? Le geste de la deuxième chaîne marocaine 2M mérite ainsi d’être souligné et salué en présentant à un public assoiffé du grand écran, le nouveau film documentaire, L’école de l’espoir de Mohamed El Aboudi.

« Il faut bien reconnaître que c’est la télévision qui a réinsufflé la vie à un genre moribond, note le documentariste Alan Rosenthal ; et comme le docteur Faust de Goethe, elle pose ses conditions ». Certes, il y a beaucoup de vrai dans cette affirmation,  la télévision, notamment certaines chaînes de la sphère anglo-saxon ont réhabilité le genre, lui rendant ses lettres de noblesse ; cependant, dans le cas de figure, la chaîne de Aïn Sbaâ en organisant une projection dans la tradition des avant-premières cinéma, reconnaît implicitement que la patrie originelle du documentaire demeure la salle de cinéma. Une forme d’humilité du petit écran devant la légitimité artistique et culturelle de son aîné, le grand écran. C’est tout à l’honneur de Réda Benjelloun et ses amis. D’autant plus que le film d’El Aboudi est à la base un projet cinéma porté par la dynamique productrice Lamia Chraïbi, la figure montante du renouveau du documentaire marocain et dans la région MENA. L’école de l’espoir a en effet bénéficié de l’avance sur recettes du CCM et a été coproduit avec 2M. Cette relation est importante à rappeler car elle a des implications, au-delà de sa dimension institutionnelle, sur l’esthétique du film. Pour faire vite, je dirai que le documentaire a besoin du temps or la télévision de par sa nature n’a pas de temps ; c’est pour cela qu’elle préfère le reportage, le fast food de l’écriture audio-visuelle ; on ne pourrait jamais imaginer par exemple une chaîne de télévision grand public présenter A l’ouest des rails du chinois Wang Bing dont la durée dépasse les neuf heures.  Le film d’El Aboudi n’en n’est pas là ; mais ses films sont traversés par cette dimension de durée. Il filme ses sujets dans la durée. L’école de l’espoir comme le film qui l’a fait connaître, Dance of outlaws (2012) sont des récits au long cours. Dance of outlaws suit le parcours quasi tragique d’une jeune femme en butte aux traditions et qui fait face aux  tracasseries administratives pour donner une identité officielle à sa fille née hors mariage. On suit cette femme issue du peuple, danseuse dans une troupe populaire, à la fois dans sa vie intime comme dans ses démarches vers une reconnaissance sociale, pour sortir de la marge. Le film a eu une riche carrière dans les festivals internationaux et a été présenté au festival national du film ; mais dans sa forme et dans son propos, il dépasse les possibilités de paysage télévisuel actuel

C’est une autre marge que va capter L’école de l’espoir ; le cinéaste nous fait voyager cette fois  dans le Maroc profond, sur les Haut-plateaux de l’Atlas à travers le destin d’une communauté en train de disparaître, celle des nomades éleveurs de moutons. L’argument dramatique du film tourne autour de la question de l’école : comment cette population appelée sans cesse à bouger au gré des aléas climatiques va-t-elle gérer son rapport à l’éducation institutionnelle de ses enfants ?

Un plan en ouverture du film nous donne déjà une indication : on découvre un troupeau de moutons d’emblée (je n’ai pas pu ne pas penser à l’ouverture du film Les temps modernes de Charlie Chaplin ???!!!) ; et tout au fond de l’image, une maison minuscule. On apprendra plus tard qu’il s’agit de l’école.  Le film donne ainsi avec ces images le rapport de forces qui va orienter l’ensemble du récit ; il dessine en filigrane le rapport nature et culture qui va écrire la dramaturgie du film. Le rapport de cette population à l’école ne sera pas déterminé par des choix ou des doutes idéologiques ou moraux (même si un père à un moment du film dit préfère voir sa fille se préparer à devenir femme de foyer) mais par la situation de leur troupeau et surtout comment lui assurer un point crucial dans ces milieux semi-désertiques, l’eau. C’est l’eau en effet le véritable protagoniste du film.

Comment cela va-t-il se traduire au niveau des choix de mise en scène ? Je note que le film a réussi à échapper à deux écueils. En filmant ces paysages, il n’a pas cédé à la tentation facile de laisser  l’espace lui imposer son « esthétique » ; il a évité de faire de ce beau paysage de belles images, à la carte postale touristique ; l’alternance de larges plans  extérieurs et des plans rapprochés intérieurs assure au film un équilibre visuel qui n’écrase pas le sujet. On ne voit pas un film pour ses beaux plans !

Le deuxième écueil consiste pour le film d’éviter d’être emporté cette fois par le drame vécu face à la pénurie généralisée qui marque le contexte décrit ; en filmant ces populations abandonnées, au milieu de nulle part, il n’a pas versé dans le misérabilisme. Le parti pris esthétique qui porte le film d’EL Aboudi est celui de la sobriété et du dépouillement. D’où le titre de mon article, Vidas secas, un clin d’œil au film de Nelson Pereira Dos Santos, cinéaste brésilien, un des fondateurs du mouvement «  Cinema Nuovo » qui a marqué le cinéma brésilien dans les années soixante et que Glauber Rocha a synthétisé dans le manifeste Esthétique de la soif ». Avec le film d’El Aboudi on peut paraphraser Glauber Rocha en parlant cette fois « d’esthétique de la soif ». C’est la sécheresse en effet qui oriente l’action. Quitte à voir un peu le récit fonctionner avec la logique nomade, allant d’un personnage à l’autre : suivre le parcours des trois enfants (Miloud, Fatima, Mohamed), la vie de l’instituteur et voyager carrément avec les camionneurs à la recherche d’un nouveau point d’eau. La figure de l’instituteur aurait mérité à elle seule de porter le film de bout en bout. Rien qu’avec ce personnage exceptionnel, le film mérite pour moi tous les éloges. On le voit d’ailleurs dans la très belle scène finale avec ce plan-panoramique lointain où il engage avec son élève une discussion sur qui va arriver le premier ; résumant ainsi la finalité de l’acte pédagogique : le maître qui réussit est celui qui, in fine, est dépassé par son élève !

 Qu’importe si les bêtes meurent de Sofia Alaoui

Rencontre du troisième type en  Tamazgha

« Sofia Alaoui a pertinemment placé son rapport au fantastique dans le mode suggérer au lieu de montrer »

 


Primé (Grand prix du jury) à Sundance (USA), festival fondé par Robert Redford, considéré par les cinéphiles comme La Mecque du film indépendant et du cinéma d’auteur, le court métrage de Sofia Alaoui, Qu’importe si les bêtes meurent, continue sur cette lancée avec le César 2021 du meilleur court métrage. Ayant bénéficié de l’avance sur recettes du CCM, le film est une co-production franco-marocaine.  Tourné dans les hauteurs de Grand Atlas, il ouvre la langue amazighe (dialogues du film, décors, paysages… et le tifinagh présent sur l’affiche du film) sur une dimension internationale ; une parfaite illustration d’une « mondialisation heureuse » et de  l’universalité.

 Celle-ci, l’universalité, traverse le film dans sa thématique et dans son écriture cinématographique. Le film s’inscrit en effet dans le sillage d’un genre fortement codé, le fantastique.  Des êtres venus d’un ailleurs (le ciel ?) viennent perturber un ordre. Un ordre ancestral transmis de père en fils à l’image des protagonistes du film. Abdellah, jeune berger qui se trouve en transhumance avec son père. Les gestes et les paroles indiquent une tradition établie et que le père cherche à transmettre en annonçant à son fils que désormais c’est à lui d’assurer la continuité en l’exhortant à se marier ; en lui promettant de lui trouver « une femme au marché du mariage ». Abdellah donne l’impression d’acquiescer ; en fait, il est déjà branché sur son portable où il fait défiler une galerie de motos. Une rupture se dessine en filigrane entre l’ici et l’ailleurs. Son corps est là parmi ses bêtes mais l’esprit est ailleurs. Cet ailleurs se présente d’abord sous la forme du village. Il est invité par son père à s’y rendre pour chercher de l’alimentation pour leur bétail. Son regard hors champ nous offre un ciel énigmatique. Plus tard, il découvre un village vide ; seul un personnage atypique, une sorte de fou du village lui indique que des « êtres inconnus » sont venus du ciel et les gens ont fui. Cela offre au film sa structure : filmer des personnages ordinaires face à une situation extraordinaire. Cette apparition va fonctionner comme révélateur : plusieurs registres de réaction nous sont offerts. A commencer bien sûr par celle d’Abdellah, apeuré, inquiet pour son père et ses bêtes. En champ/contre-champ on découvre une réaction quasi officielle médiatisée par un écran de télévision où le discours d’un prédicateur exhorte les gens à rejoindre les mosquées face à ce qu’il présente comme une malédiction divine. Le fou du village, en fait la voix de sagesse, rassure Abdellah et lui dit que «  ces êtres ne veulent que nous informer de leur présence ». Le film à ce niveau ne cherche pas à reproduire ce que Hollywood a déjà balisé. On ne voit rien. Sofia Alaoui a pertinemment placé son rapport au fantastique dans le mode suggérer au lieu de montrer. En distillant des éléments iconiques (la lumière du ciel) et sonores (la musique), elle crée une ambiance générant une émotion d’abord esthétique (c’est beau). Elle ne cède pas au désir voyeuriste  y compris et surtout quand le fou du village montre à Abdellah la vidéo sur son téléphone pour le convaincre de l’arrivée des « êtres du ciel ». L’enjeu esthétique du film étant non pas de filmer les « Aliens », mais  de capter et de sonder les réactions des uns et des autres. Avec une question fondamentale, le rapport à l’autre surtout quand cet autre nous est absolument étranger. Le film va dans le sens d’une rencontre positive. D’autant plus que le film est porté par une écriture cinématographique ancrée dans la cinéphilie. On pense à la référence absolue, Rencontre du troisième type de Steven Spielberg (USA, 1977) ; film justement qui a réhabilité l’image de l’extraterrestre.

L’arrivée d’Abdellah au village est filmée en outre comme un western : un homme seul avec sa monture qui arrive dans un lieu devenu étranger.

Il y a une séquence qui pourrait se lire comme un manifeste féministe, celle où Abdellah rencontre Itto (sa sœur ?) dans une sorte de dépôt de marchandises (on voit des pneus et du matériel). Itto est la femme qui a dit non à la doxa ; elle refuse de suivre les injonctions d’Abdellah. Elle ne cède pas à la peur collective ; elle considère même que l’arrivée de ces « êtres » est une bénédiction. Les plans qui suivent son échange avec le jeune berger désorienté par son refus sont éloquents : une scène hommage à la femme marocaine d’aujourd’hui. Deux plans autorisent cette lecture : un bref plan où l’on voit le portrait du Royal  et puis Itto qui s’en va avec son triporteur ; moyen de transport de marchandises, devenu emblème de l’action sociale du nouveau régime. A nouveau régime, nouveau cinéma !

 Le miracle du Saint inconnu de  Alaa-Eddine Eljam

Des Saints et des voleurs

« Finalement, le premier personnage du film…c’est le paysage »



 D’un Saint, l’autre…où le plus Saint des deux n’est pas (toujours) celui que l’on pense ! Pour son premier long métrage, Le miracle du Saint inconnu (Maroc-France, 2020), Alaa-Eddine Eljam a choisi de se confronter, via un registre ludique (on peut parler d’une comédie burlesque), à une dimension du sacré dans son interprétation sociale ; celle de l’omniprésence des saints, des marabouts dans la pratique religieuse du quotidien et dans l’organisation du rapport au monde. L’idée de base du scénario est portée en effet par un constat avéré par les recherches en sciences sociales, celui du culte des Saints. L’anthropologue marocain Hassan Rachik écrit à ce propos, en analysant les explications avancées par des ethnologues étrangers : « Le culte des saints est expliqué en termes cognitifs en ce sens qu’une catégorie de croyants trouvent l’idée de Dieu si abstraite qu’ils éprouvent le besoin d’un sacré au ras du sol, d’un sacré qui se manifeste dans des objets familiers et concrets. Edmond Doutté écrit à cet égard que le culte des saints est «la revanche du cœur et de la fantaisie sur l’abstraction du monothéisme ». Il suffit de parcourir la campagne marocaine pour rencontrer moult indices, dans l’espace comme dans le discours, de cette omniprésence. Celle-ci ne manque pas de légendes qui la nourrissent de récits et d’anecdotes plus au moins fantaisistes. On raconte par exemple que tel voyageur solitaire, obligé de se séparer de sa monture (cheval, mulet, âne…) l’ enterre dans un endroit quelconque pour retrouver plus tard, à son retour, que la tombe triviale qu’il avait creusée pour sa bête est devenue un sanctuaire avec des visiteurs, des rites et tout un commerce autour. C’est la structure de base du scénario du film d’Aljam. On découvre en ouverture, un voleur poursuivi par des gendarmes, se débarrasse de son butin en l’enterrant au haut d’une colline. Arrêté, il purge sa peine. A sa sortie de prison, il se dirige vers la colline où il avait « enterré » son sac rempli de billets de banque. Combien sa surprise fut grande quand il découvre, érigé en lieu et place de la tombe qu’il avait improvisée, un superbe marabout avec des visiteurs, des commerçants et tout un village à proximité. L’intrigue consiste donc d’emblée pour le protagoniste en comment récupérer son magot. Pour le film se pose aussi une double question, dramatique et esthétique : quel type de récit pour développer l’intriguer ? Quel type d’image pour porter ce récit ? Ou pour résumer en une question centrale : quel cinéma pour dépasser l’anecdote. Au fur et à mesure de l’évolution du récit on entre dans une ambiance particulière qui donne le ton du film, à savoir une comédie burlesque la Emir Kusturica. Un comique de situations avec comme point d’orgue l’opération que va subir le chien du gardien du mausolée.  Le personnage principal est un voleur atypique. Dès la séquence d’ouverture, on a une idée que son destin lui échappe : ce n’est pas lui qui a choisi le lieu pour cacher son argent mais c’est la voiture qui a est tombée en panne au milieu de nulle part, au sein d’un paysage qui confine au désert. Toute la mise en scène est inféodée à ce projet, celui d’une fable de notre temps ; lieux, objets, personnages sont les rouages d’une machinerie bien huilée.

Il me semble que le film lui-même nous offre une piste de lecture intéressante qui enrichit le débat autour du film. C’est une scène située vers la fin du film, quand Hassan va ériger un mausolée en hommage à son père Brahim. Hassan avait fait sauter la bâtisse qui abrite la tombe du « Saint inconnu », récupérant par la même occasion et accidentellement le sac rempli d’argent. Ce nouveau mausolée va redonner de l’espoir aux gens qui vont commencer à revenir au village tombé en ruine. Cependant, cette séquence est traversée par une scène où l’on voit des touristes européens venir prendre des photos auprès du nouveau mausolée et même contribuer au rite de l’offrande. C’est une scène riche en significations et qui me semble fondatrice. Sur un plan culturel, elle nous informe sur la dichotomie qui marque le rapport au sacré chez les autochtones et les Européens. D’un côté, on continue à y croire, à y voir une composante essentielle de l’imaginaire qui aide à vivre ; et de l’autre, une vision marquée de dystopie qui  voit dans le mausolée un objet exotique, que l’on visite en touriste. Mais bien au-delà, la scène des touristes qui se prennent en photo devant le mausolée peut se lire comme une mise en abyme de la réception du film ; une réception portée un certain regard européo-centriste en quête de carte postale et qui va jusqu’à faire une lecture politique du film pour parler d’une société figée dans ses mythes et croyances.

Le film est porté par un investissement  dans la forme qui annonce et préfigure, une personnalité cinématographique. Si l’on distingue dans l’évolution du cinéma, le style de l’idée et le style de l’image, Alaa Eddine Eljam se situe indéniablement du côté du cinéma de l’image. Une figure récurrente marque déjà sa jeune filmographie, celle du désert. J’aime faire un parallèle entre Le miracle et son court métrage Les poissons du désert (2015) : le désert certes mais aussi la figure du père à qui il va rendre hommage dans son long métrage.

En fait, c’est le paysage qui reste le personnage principal du film. Le paysage désertique. Il en fait l’ouverture et la clôture de ses films. Une présence qui constitue in fine une poétique de l’espace qui renvoie au vide, au silence, à l’errance. Le vide des rapports sociaux, l’errance de l’individu face à l’incertitude des lendemains (la scène finale du voleur égaré dans un paysage qui l’englobe).

Ces plans vides d’un paysage désertique nous renvoient à nous-mêmes. Ils nous invitent à une méditation, un parcours. Et surtout à une attitude, à une posture d’humilité face à l’éternel inconnu. En ouvrant de son film avec ses splendides plans désertiques, il nous invite à une ouverture sur la dimension mythologique. La ligne d’horizon qui découpe le cadre entre ciel et terre instaure un rapport de forces ; les cadrages opérés inscrivent au sein même du champ les multiples conflits qui s’y déroulent. La structure des plans avec le retour de la contre-plongée sur la colline du mausolée, les lignes de fuite (c’est très pictural), la répartition dans le champ des vides et des pleins organisent aussi bien la structure du paysage et la hiérarchisation des personnages. Une hiérarchisation qui met en avant le désenchantement des uns (le médecin et son infirmier, le coiffeur et ses clients, enfermés dans une situation à laquelle ils s’accordent) et une figure de résistance incarnée par Brahim et son fils. C’est lui qui deviendra le Saint Sidi Brahim, attaché à la terre et espérant la pluie. Avec cette figure, le film bloque toute velléité de nihilisme

 

Albachado de Hassan Aourid

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