photo de la version restaurée du film |
Mostafa Derkaoui est une figure marquante de la
cinématographie marocaine. Il en est tout simplement l’un des emblèmes. Après
des études de cinéma à Lodz en Pologne, il rentre au Maroc en 1973. Comme un
certain nombre de ses collègues, jeunes lauréats de grandes écoles de cinéma
européennes, il rejoint le CCM. Mais dans son cas, se fut pour une courte durée. Un indice sur
un caractère et une personnalité. Il fonde alors une société privée de production qui va lui permettre d’entamer
la réalisation de son premier long métrage, Quelques événements sans
signification. Le film lui-même sera « un événement » et porteur de beaucoup de
significations. Nous sommes en 1974, l’ambiance générale dans le pays n’est pas
sereine. « C’est une époque marquée notamment par les arrestations et les
procès politiques à l’égard des militants de l’extrême gauche » nous précise
Larbi Bellakaf, producteur et ami de longue date de Mostafa Derkaoui. En
d’autres termes, ce n’était pas une ambiance idéale pour la sortie d’un film «
extrémiste » comme De quelques événements sans signification. Pour filer cette métaphore politique, le film
est « radical" dans sa forme et dans
son contenu. A comprendre dans le sens où il va à l’encontre des schémas
narratifs dominants. Mostafa Derkaoui a choisi, pour son premier essai de
reprendre le cinéma là où il est arrivé avec les nouvelles avant-gardes
européennes, le cinéma indépendant américain et le nouveau cinéma d’Amérique
latine. L’intrigue classique est neutralisée au bénéfice d’une quête qui joue
sur la mise en abyme filmique puisque nous sommes en présence du dispositif qui
nous montre un film dans un film. Une équipe de cinéma cherche à réaliser un
film sur le cinéma marocain tombe par hasard sur un crime et décide de suivre
l’affaire. Il s’agit du procédé de détournement du récit policier classique au
bénéfice d’une narration qui neutralise les codes de genre, creusant un écart
avec l’horizon d’attente du spectateur habitué au cinéma dominant…au point de
déranger le ministre de l’information de l’époque qui décide d’interdire le
film. « Il ne faut pas que ceci voit le jour » ; après moult tractations, il
ramena sa décision à une interdiction à l’exportation (sic).
De quelques événements sans signification fait partie
aujourd’hui des films cultes de notre mémoire cinéphilique. Il est porté par une démarche esthétique qui
n’est pas sans rappeler le cinéma de Cassavetes, la figure emblématique du cinéma
indépendant et radical américain. Mon hypothèse est que « De quelques événements
sans signification » de Derkaoui est frère de combat de Faces de Cassavetes (1968). On y retrouve en
effet le même souffle contestataire qui bouscule le langage cinématographique
standardisé. Une radicalité qui commence en fait avec le dispositif même de
production tout à fait original. La lecture du générique du premier film de
Mostafa Derkaoui est en soi un manifeste pour une nouvelle manière de faire le
cinéma. Tout ce que le pays compte comme intellectuel est quasiment impliqué
d’une manière ou d’une autre dans le film. Des peintres célèbres sont associés
à la production. Le film s’ouvre in medias res ; sans scène d’exposition
classique. Une série de plans rapprochés ; une multitude de visages, cheveux
longs et rebelles ; barbes révolutionnaires ; la bande son en contre-point joue
sur un autre registre. La caméra, portée à l’épaule est toujours en mouvement ;
suit tel acteur puis rebrousse chemin pour en suivre un autre. La caméra est
impliquée dans ce corps à corps. Le montage imprègne un autre rythme et qui ne
fait pas du raccord un dogme ; il privilégie plutôt le télescopage des
plans. On part sur un mouvement esquissé par un acteur, pour brusquement enchaîner sur un autre dans une suite de gros plans et d’inserts qui
dialoguent autrement.
Férid Boughédir,
le critique de cinéma tunisien qui avait co-dirigé le numéro 14 (printemps
1981) de CinémAction, consacré au cinéma
maghrébin, avait émis des réserves à l’égard du style du film « D’aucuns
affirment que l’hermétisme ou le symbolisme de certains films intellectuels
sont parfois dans le tiers monde, la seule façon de détourner la censure en
présentant masqué ce qu’on ne peut dire directement. Si dans certains cas, cet
effort débouche sur des découvertes éclatantes, dans d’autres il aboutit aussi
au pire des confusionnismes » écrit-il en substance…Sauf que dans ce cas
marocain « l’hermétisme » supposé du film n’a pas empêché les décideurs de
l’époque de bien comprendre son message et de l’empêcher finalement à tester
son rapport au public
1 commentaire:
The Poker Room at Borgata Hotel Casino & Spa
Find The Poker 성남 출장마사지 Room at bet analysis Borgata Hotel 충주 출장안마 Casino 전라북도 출장마사지 & Spa, Atlantic City, NJ 08401. Find reviews and discounts for AAA/AARP members, seniors, 인천광역 출장마사지
Enregistrer un commentaire