lundi 29 décembre 2008

casanegra de nourdine lakhmari

Dramaturgie urbaine

Casanegra est le deuxième long métrage de Noureddine Lakhmari. Originaire de Safi, la ville, entre autres, de Osfour et de Reggab, il fait partie de la génération des cinéastes de la diaspora, il vit en partie au Norvège, qui ont fait une entrée remarquée au sein du paysage cinématographique local à l'occasion du festival national du film à Tanger en 1995 qui avait officialisé l'ouverture sur les jeunes cinéastes marocains issus de l'émigration. Lakhmari y avait fait sensation notamment avec son film Brèves notes, primé à Tanger…Impressions confirmées avec Dans les griffes de la nuit, et surtout avec Le livreur de journaux. Des courts métrages qui avaient placé la barre très haut et avait posé sur leur auteur une pression, surtout de la part de certains médias enthousiastes dans l'attente de ses films suivants. Le Dernier spectacle, court métrage tourné au Maroc était une sorte de préparation de retour au bercail et de la découverte du système de production marocain. Un long métrage suivra, Le regard (2004). Film qui a déçu par rapport à l'énorme horizon d'attente instauré avec les courts mais qui néanmoins s'inscrivait en toute logique dans le débat entamé par de nombreux films marocains sur la question de la mémoire. Thématique abordée ici dans une perspective de rapport à l'autre: notre histoire étant constitutive aussi de sa mémoire; la reconstitution de celle-ci étant une entreprise partagée y compris dans la douleur du souvenir. Mais le film ne correspondait pas encore aux attentes de nombreux spectateurs séduits par les premiers courts.
Tout semble indiquer qu'avec Casanegra c'est chose faite. Lakhmari a déjà réussi ce premier pari, celui de se réconcilier avec le club de ses fans des années 90. Ils ont retrouvé dans ce deuxième long métrage un rythme, une fougue, un désir de cinéma qui rappellent Brèves notes et le livreur de journaux. Casanegra peut en effet être abordé d'abord dans cette perspective, celle de l'évolution d'une carrière en regard avec l'accumulation intervenue, entre temps, dans le champ cinématographique marocain. Et à ce titre, le film est un indicateur éloquent. A l'image de la réception médiatique des premiers courts, le film a généré une sorte d'inflation discursive illustrée par les prix de la presse et de la critique à Tanger; par l'enthousiasme accompagnant la soirée de l'avant première à Casablanca où pas moins de trois salles ont été mobilisées pour une soirée de lancement; par un discours d'escorte dont la figure emblématique pourrait être l'intervention du directeur d'un magazine hebdomadaire parlant, à propos de Casanegra, carrément d'un "tournant" dans le parcours du cinéma marocain; même si l'idée du tournant est toujours à double sens…c'est pour dire que le film crée déjà un débat. Et il est utile de lui offrir des références théoriques. Car au sein de cette cacophonie médiatique, des aberrations sont souvent véhiculées au détriment de la nature réelle du film.
Le film s'ouvre déjà par un titre programme: casanegra. Dans l'imaginaire collectif marocain, il renvoie à l'image de Casablanca, la ville des villes, celle qui a longtemps cristallisé tous les rêves et toutes les illusions. Ville moderne, elle a assuré pendant longtemps une sorte d'ascenseur sociale pour les couches successives d'immigrés de l'intérieur. Au cinéma, Casablanca a joué comme figure d'ancrage de sujet clivé, quittant un milieu hostile et frustrant pour trouver refuge dans ce qui était appelé intimement "l'bouida" (la petite blanche): je rappelle à ce propos que le premier personnage dramatique du premier film officiel marocain, Vaincre pour vivre (1968) quitte son village natal pour réussir dans le domaine de la chanson à Casablanca… Abdelouahed, le héros "réel" de O les jours ne rêve que de Casablanca… une ville-mère/mirage qui se révélera ogresse pour Abika personnage mythique interprété par Habachi dans Les Cendre du clos, arrivant à Casablanca où il se fait subtiliser porte feuille et âme… C'est dans cette suite que peut se lire le scénario de Casanegra… Des jeunes, mais déjà vieux de soucis du film de Lakhmari. La ville n'a plus cette blancheur de l'espoir; elle est devenue casanegra, la maison noire ; elle n'est plus cet horizon vers lequel regarde les ambitieux; elle est cet enfer nocturne que la jeunesse veut déserter pour d'autres cieux qui s'appellent cette fois Malmoe ou le Norvège (clin d'œil du film à la biographie du cinéaste!). Adil et Karim (magnifique trouvaille du casting) sont les protagonistes d'une dramaturgie urbaine. Ils font partie d'un système qui les intègre et les broie. Mais ils résistent à leur manière, par le rêve; le rêve de partir vers un ailleurs…un ailleurs géographique pour Adil ou un ailleurs social et sentimental pour l'élégant Karim. Des personnages conformes au schéma narratif dominant du cinéma marocain qui repose sur le paradigme du sujet clivé, en rupture avec son espace et dont le programme consiste à passer d'une exclusion à une intégration. Casanegra est le récit de cette recherche d'intégration dans l'enfer de la violence urbaine; violence physique et symbolique. En fait Adil et Karim même s'ils évoluent dans des structures (famille, quartier, réseau…), vont se révéler très vite comme des êtres condamnés à la solitude. Car enfin de compte ce sont des romantiques qui s'ignorent ou qui se cachent (l'épisode du cheval renvoyant à celui de la tortue): ce sont des espèces écrasées par le système. D'un point de vue cinéphilique ce sont des enfants du cinéma de Martin Scorsese (Taxi Driver et After hours) et de Michael Mann (Collateral)…des êtres qui n'arrêtent pas de se mouvoir; ce n'est pas un hasard si le film s'ouvre sur leur course désespérée…métaphoriquement c'est une course sisyphienne. Une course forcée les conduisant à l'enfermement, à la claustrophobie. Car on n'échappe pas à la ville, à Casanegra: plus on fuit, plus les pièges urbains se referment sur vous…
Le film pourrait-il pour autant être taxé de "réaliste"; l'affirmer est une aberration théorique. Le film se réclame d'une esthétique aux antipodes du réalisme. C'est une écriture justement qui tente de contourner l'essoufflement du récit réaliste par des emprunts à l'esthétique de la publicité et de la production des images modernes. La ville est filmée comme un faisceau de signes qui mobilisent tous les sens (importance de la bande son), relevant du courant de l'expressionnisme qui fait de la ville non plus un décor mais un actant dynamique avec ses ombres et lumières, ses lignes et ses formes.

palmarès du festival national du film

Ayouch et Mouftakir récompensés
C'est devant une salle comble et enthousiaste que le palmarès de la dixième édition du festival national du film a été proclamé dans la soirée du samedi 20 décembre 2008 à Tanger. C'est Madame Rajae Benchemsi présidente du jury court métrage qui a ouvert la liste des prix décernés par le jury court métrage qu'elle présidait. Le film Paris sur mer de Mounir Abbar a obtenu une mention spéciale du jury , le Prix du scénario est allé à Sellam et Demetan de Amin Benamraoui; ces deux cinéastes appartenant à la diaspora marocaine en Europe. Le Grand prix du court métrage est allé à un habitué des prix nationaux Mohamed Mouftakir pour son court Le Chant funèbre.
L'excellent critique et historien du cinéma égyptien Samir Farid a ensuite dévoilé les Prix de la compétition long métrage avec le Prix de la musique à Belaid Elkkaf, compositeur de renommée internationale, un ancien du groupe amazigh Ousmane. Il a été récompensé pour la musique composée pour le film Tamazirt Oufla de Mohamed Mernich. Le prix du montage est allé à Julien Foure pour le film Kandisha de Jérôme Cohen Olivar; le prix du son à Emanuelle pour le film Casanegra de Nordine Lakhmari; le prix de l'image à Krimou Derkaoui pour le film Itto titrit de Mahmed Abbazi; le prix du second rôle masculin à Mohamed Benbrahim pour son interprétation dans le film Casanegra de N. Lakhmari; le prix du second rôle féminin est allée à Saadia Ladib pour son rôle dans Amours voilées de Aziz Salmi, le prix du premier rôle masculin est allé à Omar Lotfi pour son interprétation dans Casa negra de N. lakhmari; le prix du premier rôle féminin est allé à Houda Sedki pour son rôle titre Kharboucha de Hamid Zoughi ; le prix du scénario est allé à Aziz Salmi pour son film Amours voilées. Le prix de la première œuvre est allé au film Le temps des camarades de M. C. Tribek. Un prix spécial cinquantenaire du cinéma marocain a été crée cette année et c'est Laila Kilani qui l'a obtenu pour son film documentaire Nos lieux interdits; il est de la même valeur que le Prix du jury qui a été décerné à Moumen Smihi pour son film Le cri de jeune fille des hirondelles. Et enfin le Grand prix du festival national du fil est allé à Lola de Nabil Ayouch qui avait reçu u triomphe dans la salle Roxy lors de sa première projection dans le festival.
C'est un palmarès équilibré et intelligent envoyant plusieurs signaux non seulement à la profession cinématographique mais aussi à l'ensemble de la société marocaine dont il le met en exergue la diversité, l'ouverture d'esprit et le dynamisme culturel. Il a été, à un cas ou deux près globalement bien accueilli par le public.

samedi 6 décembre 2008

Peut-on enseigner le cinéma?

peut-on enseigner le cinéma? Une question rhétorique, cela va presque de soi car la réponse n'est jamais univoque n'est dogmatique. Orson Welles, le plus grand cinéaste, le génie du cinéma, Hitchcock…n'ont pas fait d'école de cinéma. D'autres grands cinéastes, Coppola et toute la bande de sa génération qui a donné naissance à ce que l'on appelé le Nouvel Hollywood ont été des lauréats d'université notamment la fameuse UCLA. Pour le cas marocain, la même logique. Les pionniers du cinéma marocain sont des lauréats de la prestigieuse institution parisienne, IDHEC. D'autres sont venus à la réalisation par des chemins multiples qui à partir de la photo, qui encore à partir du théâtre, qui encore de la cinéphile laissant de côté leur métier d'origine (la pharmacie, la douane…) pour embrasser celui du cinéma. Il n'y a pas de carcan académique, heureusement par ailleurs…
Cependant, la question de la formation aux métiers du cinéma revient avec acuité aujourd'hui au Maroc. D'abord parce que le cinéma occupe désormais une place de choix dans l'expression artistique de l'imaginaire collectif de la société marocaine contemporaine. Ce sont les films marocains en effet qui abordent de manière diversifiée plus que les autres formes avérées de la production imaginaire les grands thèmes de société, les grands sujets qui traversent l'espace public. De ce fait, le cinéma est devenu plus qu'un référent culturel, un horizon professionnel pour la jeunesse marocaine. Ensuite, parce que cette demande d'expression pose en des termes nouveaux la question de la formation aux métiers du cinéma. Elle est devenue une question récurrente de toutes les rencontres professionnelles.
Le hasard a voulu en outre que cette question de formation soit abordée dans deux rencontres organisées en marge du festival de Marrakech. D'abord lors du cours inaugural prononcé par M. Nour-Eddine Sail à l'invitation de la faculté des lettres relevant de l'université Cadi Ayad de Marrakech à l'occasion du démarrage du nouveau département, Etudes cinématographiques et audiovisuelles; une nouvelle licence instaurée dans le cadre de la réforme universitaire destinée à former des critiques de cinéma (!), des scénaristes et …des cinéastes. Le sujet a en outre été abordé pratiquement lendemain dans le cadre de la master class animée au sein de l'école des arts visuels, la désormais connue ESAV, par la cinéaste égyptienne Inas Aldaghidi. Ce fut deux moments d'une grande richesse. L'analyse académique et cinéphile de M. Saïl et l'approche professionnelle de Madame Aldaghidi se sont révélées par un heureux hasard d'une grande complémentarité. Elles convergent toutes vers ce constat, on peut enseigner les règles de l'expression cinématographique mais on ne forme pas un réalisateur par un diplôme. Inas Aldaghid a passé dix ans comme premier assistant réalisateur pour confronter ses connaissances théoriques à la réalité du terrain: on a beau avoir dans sa tête une idée du plan qu'on veut filmer encore faut-il savoir pratiquement où placer le chariot, les rails du travelling pour obtenir l'effet escompté. Pour sa part, M. Saïl a invité les jeunes étudiants à puiser dans le patrimoine cinématographique, à se nourrir d'images et d'abord chez les maîtres, ceux qui ont su "transformer le désordre du monde en ordre narratif" : Ford, Bunuel, Fellini, Renoir…les invitant en quelque sorte à se confronter à ce que Nietzsche appelle "l'étrangeté" qui caractérise toute véritable œuvre d'art. La voie royale de tout acte de transmission.

vendredi 21 novembre 2008

festival du film de marrakech

tombée de rideau

C'est fini. La huitième édition du festival international du film de Marrakech prend fin aujourd'hui avec la proclamation du palmarès par le jury présidé par Barry Levinson. A Marrakech, contrairement aux nouveaux concurrents venus du Golfe, l'Etoile d'or, consécration suprême, n'est pas dotée en argent. C'est une valeur symbolique ajoutée au film. Rappelons, par exemple, que rien que pour l'enveloppe réservé aux Prix, le festival d'Abou Dhabi met en jeu près de 8 millions de Dirhams, c'est-à-dire le total du budget que le CCM consacre à deux grands festivals! L'argent est le nerf de la guerre, dit-on, c'est vrai aussi dans cette autre guerre qui traverse l'espace symbolique de la compétition artistique.
Outre l'Etoile d'or, le jury de Marrakech décerne également le Prix du jury, une forme de grand prix ex æquo; plus deux autres prix dédiés à l'interprétation, masculine et féminine: à Marrakech, en effet, on aime beaucoup les acteurs et les actrices. Alors ce sera la Pologne (Time to die) ou la Finlande (Tears of april)? Ou le Maroc? Les pronostics sont ouverts, tout est possible. Il n'y a pas eu de chef-d'œuvre consensuel. Longtemps en effet, le film polonais est resté en tête des prévisions du public des festivaliers. Ses choix esthétiques minimalistes avaient en effet plus que séduit. Puis Tears of april est arrivé pour remettre en question les premiers pronostics. C'est aussi le premier film la grande histoire dans la petite histoire. Le film situe son récit dans le contexte de la guerre civile qui avait ravagé la Finlande au début du siècle dernier. Le combat entre "rouges ", socio-démocrates et "blancs", droite conservatrice, fait rage. Les socialistes avaient mobilisé parmi leurs troupes des milliers de femmes, c'est l'histoire dramatique de l'une d'elles et de sa rencontre avec un soldat de la partie adverse, que le film développe avec une construction d'un système de personnages complexes et profonds. Il dessine notamment un portrait de l'intellectuel transformé en bourreau, en traître de ses valeurs initiales. Kandisha de Jérôme Cohen-Olivar pourrait en toute légitimité postuler à une place au palmarès notamment pour le Prix d'interprétation féminine.
Beaucoup d'observateurs notent cependant que la compétition officielle de cette année est moins passionnante que celle de l'année dernière où à chaque projection, les propositions de pronostic changeaient tant le niveau était proche entre les films. Il est vrai qu'il est de plus en plus difficile de trouver des films inédits et originaux. La difficulté est d'autant plus grande que Marrakech de programmer des rediffusions, c'est-à-dire des films épuisés dans d'autres festivals. La recherche de la perle rare se révèle très ardu.
Mais les cinéphiles ont trouvé une grande consolation dans les sections annexes, notamment le cycle des 40 ans de la cinématographie britannique avec notamment la projection de Barry Lyndon de Stanley Kubrick, certainement le plus beau moment cinématographique du festival.
Mohammed Bakrim

mercredi 22 octobre 2008

ayam à Beyrouth

Beyrouth étouffe. Il fait beau et lourd…la pollution y est pour beaucoup: c'est la ville certainement qui compte le plus de voiture au…mètre carré! Et c'est par expérience la ville qui vit un embouteillage permanent. Le samedi, vers minuit, par exemple, il était impossible de circuler près de la place des Martyrs non loin de l'Imposant immeuble qui abrite les locaux du journal Annahar. Des voitures – et les grosses de préférence – à ne pas finir, occupent l'espace urbain. On était obligé de faire demi-tour. Je pose la question à un ami journaliste; il me répond que les Libanais ne savent pas ce qu'est un service public de transport en commun; "mais, ajoute-t-il, on choisit aussi de se déplacer en voiture par snobisme, une façon de montrer qu'on existe" et paraître passe désormais à Beyrouth par les énormes 4- 4 qui bloquent la vie urbaine.
Dès l'aéroport, la file des voitures est interminable. Je communique avec le chauffeur de taxi en français; je déteste en effet cette manière des moyens orientaux à ramener les Maghrébins, et surtout les Marocains, à user de leur dialecte qui n'a que peu à voir avec l'arabe classique. Mais je suis plutôt concentré sur les signes urbains qui me parlent éloquemment du pays et des gens. On traverse une partie de la Dahié (la banlieue) le fief du Hizbollah. On se croirait à Téhéran. Un immense édifice est traversé par une banderole où l'on peut lire "cadeau de la municipalité de Téhéran…"Je vais m'apercevoir, en fait, très vite qu'il n'y a pas un seul mais plusieurs Beyrouth. Une dizaine de minutes plus tard, le centre de Beyrouth avec la mosquée, Mohamed Alamine, flambant neuf qui vient juste d'être inauguré en grande pompe avec moult discours sur la nécessaire tolérance.
Mon hôtel se trouve au quartier Alhamra: mon cœur bat la chamade : je suis au cœur de ce qui a été Beyrouth ouest de l'époque terrible de la guerre civile (1975- 1990). Trop de lectures, de films, de récits de souvenirs d'amis… passent par là. Tous les noms que j'entends ou je vois me restituent ce triste et peut-être héroïque temps perdu. Au loin un immense édifice à l'allure délabré, c'est l'ancien Hilton abandonné comme vestige de cette période. La voiture se rapproche, comme un travelling de caméra: les murs portent encore les traces de l'impact des balles. Au moment où tout le centre de la ville a été réaménagé selon une autre configuration au détriment de la mémoire blessée de la ville, ce triste monument apparaît comme le seul témoin debout d'une tragédie. D'une tragédie, l'autre. Au détour d'une avenue, nous tombons sur la place qui a vu mourir, emporté par l'explosion d'une voiture piégée, RafiK Hariri. C'est tout simplement inouï! A des centaines de mètres, les dégâts énormes sont encore visibles.
Mais le Liban et les Libanais te sortent rapidement de ce long flash-back. Ils sont complètement versés dans le présent, abordent la vie avec boulimie, font la fête tout le temps comme pour assouvir une soif. "On apprécie la vie du point de vue de celui qui a goûté à la mort" me dit une grande dame du théâtre libanais, très familière de notre pays. Cet amour de la vie, se traduit aussi heureusement par un grand amour de cinéma. Et le cinéma revient avec force au Liban. Première bonne nouvelle: chez eux les salles ouvrent et ne ferment pas. Ils ont adopté avec succès la formule des multiplexes.
La cérémonie d'ouverture de la semaine Ayam Beyrouth acinimaia se déroule à l'Empire au quartier Achrafieh. Le public est nombreux, chaleureux et cinéphile. Caractéristique qui frappe d'emblée: ayam Beyrouth est purement une organisation féminine. Des femmes à tous les échelons à commencer par la dynamique Eliane, maîtresse d'œuvre de toute l'opération. Elle organise ces journées pour défendre cette année le thème du Cinéma d'auteur dans le monde arabe. Le Maroc va en être la vedette. D'abord par son expérience originale d'aide publique au cinéma. Elle fera l'objet d'une grande attention lors de la journée consacrée à la thématique du soutien au cinéma d'auteur. Mais c'est tout le Maroc qui sort grandi avec la projection du film "Nos lieux interdits" premier long métrage documentaire de Leila Kilani. Un film qui restitue des moments d'intense émotion en mettant au centre de son récit les témoignages des victimes des années de plomb lors des audiences organisées par l'instance équité et réconciliation. Tous les présents de la salle ont salué ce travail magnifique. Les Libanais en particuliers retenaient à peine leur émotion: "quand est-ce que à notre tour on va commencer à faire des films comme ça?".
Croyez-moi, le cinéma nous donne cet immense bonheur: la fierté d'être marocain.

mercredi 15 octobre 2008

aimer et soutenir le cinéma

Le ministère de la communication a remis au devant de l'actualité, la journée nationale du cinéma. Une journée célébrée tous les 16 octobre; une date choisie en hommage à la mémoire de feu Mohamed Reggab, un cinéaste disparu au moment où le cinéma marocain connaissait sa traversée de désert. C'était en automne 1990. C'était aussi à la veille de la décennie qui va connaître un tournant dans la jeune histoire du cinéma marocain. Deux films produits et sortis au tout début de cette décennie, Un amour à Casablanca de Abdelkader Lagtaâ et À la recherche mari de ma femme de Abderrahmane Tazi vont bousculer la donne et ouvrir la voie à une place prépondérante du film marocain en tête du box office. Le 16 octobre était ainsi choisi pour présenter un état des lieux et offrir une synthèse des doléances de la profession. L'exercice a été utile un laps de temps avant de devenir pratiquement ennuyeux puisque les mêmes litanies étaient reprises tantôt sur la production, tantôt sur la distribution et tantôt encore sur l'exploitation. Tous les problèmes ont été cernés, passé en revue et de guerre lasse on a décidé d'opérer une pause dans ce rituel en attendant de lui trouver une formule plus pertinente et de célébrer la journée nationale d'une manière plus adéquate à la nouvelle réalité du cinéma marocain. Car pendant ce temps là ce cinéma se traçait une destinée, une trajectoire. Il vit aujourd'hui une véritable dynamique et le cinéma est redevenu la première forme d'expression artistique de l'imaginaire collectif de la société marocaine.
Le hasard d'ailleurs de l'actualité fait que la reprise de cette journée du 16 octobre est marquée par deux nouvelles à forte charge symbolique: deux consécrations pour deux films marocains qui sont un indicateur de cette dynamique: Jihane Behar a décroché à Beyrouth le prix du scénario pour son film Shift + sup et Latif Lahlou a obtenu, à Lyon, un prix pour son nouveau long métrage Les jardins de Samira. Un homme, une femme; un vétéran, une jeune; un court, un long…la génération des pionniers et la génération de l'avenir qui se retrouvent dans ce tableau d'honneur du cinéma marocain. Et cela est plus éloquent que tous les discours…
Cela doit nous amener à une nouvelle attitude à l'égard de notre cinéma. Au moment où il contribue à forger une nouvelle image pour notre pays? Faut-il rappeler à ce propos que ce 19 octobre, le Festival international d'Abou Dhabi va consacrer une journée entièrement dédiée au cinquantenaire du film marocain. Une journée qui verra la projection du film Le temps des camarades de M. C. Tribek (programmé dans le cadre de la compétition officielle) et un prix le Black pearl sera décerné à cette occasion à un représentant du Centre Cinématographique Marocain. Ce festival à Abou Dhabi devrait nous interpeller. Voilà un petit pays qui met les bouchées doubles pour accéder à la planète cinéma. Il met les moyens et dieu sait que ce n'est pas ce qu'il lui manque. Savez-vous que le premier prix de ce festival est doté de la somme de 250 000 dollars ! des mega stars, d'Amérique, d'Europe, d'Asie… ont été invitées à force d'avions privés et de séjour luxueux. Cela se passe à quelques jours d'une nouvelle édition de Marrakech se prépare dans un esprit cinéphile, studieux et avec les moyens d'un pays, le Maroc. A Marrakech, l'Etoile d'or n'est pas dotée en argent, mais sa valeur est déjà prestigieuse. Une valeur qui n'a pas été forgée à force de pétrodollars…Mais à force d'abnégation et d'amour pour le cinéma. Il faut préserver cet esprit et se mobiliser tous pour permettre à Marrakech d'asseoir encore davantage sa prestigieuse renommée. Il faut se mobiliser tous pour donner au cinéma marocain les moyens de prolonger cette dynamique. Pour ce faire, aimer et soutenir le cinéma nous semble être la meilleure devise d'une journée de cinéma.
Mohammed Bakrim

samedi 4 octobre 2008

la caméra comme ordonnateur de discours

On sait que la télévision comme media dominant joue un rôle de plus en plus essentiel dans la mise en scène de l'ordre social. Déjà par exemple à un niveau microsocial, celui de la famille, on ne peut pas imaginer la mise en place du décor d'une maison, de l'installation de son architecture intérieure sans prendre en compte la place primordiale de la télévision, d'abord comme meuble à partir duquel tout le reste va se positionner: "on va mettre la télévision ici"…est la phrase fondatrice du nouveau dispositif familial. A partir de cet exemple, issu de la sphère privée, il y a tout un paradigme qui préside désormais au comportement des acteurs et des institutions de la vie publique. On ne fait plus rien sans le regard de la télévision. C'est elle qui dicte le nouveau protocole social. De nombreuses anecdotes circulent à ce propos: des responsables qui déterminent leur action en fonction de cette question récurrente "jaouw shab talfasa?" comprendre "les gens de la télé sont arrivés?". C'est-à-dire qu'on ne fera rien sans leur présence. J'ai vu une scène inouïe lors d'un journal télévisé : un ministre n'hésita pas à pousser de sa main un responsable subalterne qui lui présentait des explications mais qui –hélas- se mettait entre lui et le champ de la caméra! Cet été, j'ai assisté à une séquence insolite : une chaîne satellitaire arabe organisait une conférence débat avec d'éminentes personnalités; des problèmes de son liés au plateau installé dans un lieu à mauvaise acoustique, ont retardé le démarrage de l'émission de plus d'une heure. Phénomène incroyable, aucune des personnalités n'a bougé de sa place ou a émis un début de protestation. Tout le monde attendait sagement que la télévision sorte de ses caprices. On imaginera facilement que dans un autre contexte, plus trivial, face par exemple au retard d'un train, d'une conférence dans une université, ils auraient crié au scandale. Ils l'auraient même fait devant une caméra de télévision…oui parce qu'aujourd'hui, être, c'est paraître à la télévision. Vous connaissez tous l'histoire de ce détenu politique qui ayant été libéré très tôt par l'administration pénitentiaire (celle-ci n'aime pas la médiatisation non contrôlée) s'est vu obligé/contraint par son comité d'accueil de "rejouer" la scène de sa sortie de prison, des heures plus tard, cette fois devant les caméras. Les mouvements de protestation aujourd'hui considèrent comme un échec s'ils n'ont pas eu leur minute de gloire sur 2M ou Aljazira. Lors de la guerre du Golfe, le pays avait connu des manifestations sporadiques de citoyens contre la guerre. Celles-ci étaient couvertes par la deuxième chaîne en fonction d'un ensemble de critères propres à la chaîne…des élèves n'ont pas compris cette démarche et sont venus manifester devant le siège de la chaîne à Ain Sbaâ. Protestant deux fois : contre Bush qui avait déclaré l'Irak et contre la chaîne qui ne donnait pas une existence à leur geste de colère.
La dernière semaine de Ramadan, Tvm sentant l'audimat lui échapper lors du prime time du ftour a ressorti une arme lourde avec les sketches de Houcine Beniaz. Un choix très réussi puisque l'ex Baz du célèbre duo a montré des qualités indéniables. Il a même été invité au plateau du ftour oula pour envoyer des clins d'œil à son ancien camarade Ahmed Snoussi, alias Bziz. Des amabilités ont été dites à son égard y compris des vœux de l'aid. Une occasion de le diffuser, un peu malgré lui, sur la chaîne avec un sketch du milieu des années 80; sketch devenu célèbre car il décrivait le comportement public généré par la présence de la caméra. La fameuse expression de Bziz "caméra chaala" (la caméra mise mode play) était entré dans le discours social pour signifier la schizophrénie des médias officiels qui décrivaient un monde idyllique qui n'existait que sur les écrans de Dar Brihi. Mais ce sketch revu aujourd'hui nous donne une autre indication sur le changement du comportement des Marocains à l'égard des caméras de la télévision. Si, à l'époque du duo Bziz et Baz on changeait de registre de discours, une fois la caméra mise en marche de peur de ne pas s'attirer les foudres de qui veillait sur l'ordre dominant, aujourd'hui autre temps autre mœurs médiatique: la caméra allumée ouvre un appétit pour un discours de doléances, de lamentation et de dénonciation. Le discours contestataire se forge une identité via le discours cathodique. Des groupuscules organisent des sit in et ne se soucient guère du nombre de militants ou de citoyens mobilisés autour d'une cause ou d'une autre, pourvu que cela passe sur les antennes, que cela soit pris par les caméras de la télévision. Celle-ci s'arrangera d'ailleurs par la technique du montage à en faire un événement réussi ou non. En fonction de l'agenda du moment.
La caméra de la télévision contribue ainsi à l'émergence de nouvelles légitimités qui mettent en crise les anciennes formes de légitimation sociale.

cinquantenaire du cinéma marocain

En fêtant les cinquante du cinéma marocain on privilégie l'année 1958 comme celle qui a vu naître le premier film marocain, Le fils maudit de Mohamed Ousfour. . Même si parler des cinquante ans du cinéma marocain pose des questions de fond, principalement d'ordre méthodologique. L'histoire du cinéma marocain reste à écrire autour notamment de cette question fondatrice: quel est le premier film marocain?. Cela ouvre sur un vaste champ théorique et méthodologique. Une problématique qui n'est pas d'ailleurs spécifiquement marocaine. L'histoire du cinéma est traversée de débat sur…l'histoire du cinéma. Deux constatations marquent ce débat, et qui abordent l'histoire du cinéma différemment : l'une comme simple accumulation de faits et recensement de films. Conception qu'un théoricien de l'histoire du cinéma, Jean Mitry récuse. L'autre conception défendue par Jean-Louis Comolli est beaucoup plus ambitieuse; elle s'appuie sur la théorie du cinéma comme pratique signifiante articulée aux séries de déterminations complexes d'ordre économique, politique et idéologique.
Sur les deux aspects, le discours d'escorte autour du cinéma marocain affiche un déficit théorique flagrant même si des initiatives timides ont tenté de proposer quelques pistes de réflexion. Une situation qui s'explique par les conditions objectives de ce cinéma lui-même. Longtemps, celui-ci était réduit à sa plus simple expression. Le film de Ousfour lui-même reste un objet rare. Inédit, inconnu pour la plupart des observateurs et des cinéphiles. C'est un moyen métrage, produit dans des conditions quasi artisanales et qui en tant qu'écriture reste très naïf voire primitif au moment même où le cinéma en tant que langage a bouclé sa bouclé, d'un point de vue esthétique et artistique.
Cela nous ramène à des questions de méthodologie. Quelle est l'année de référence pour un film: celle de sa production? De l'obtention de visa? De sa sortie commerciale? Ou de sa programmation dans un festival? Dans ce sens, il y a des observateurs qui font rappeler que Le film de Ousfour remonte en effet à 1957 même si il est officiellement daté de 1958, en fait, l'année de l'obtention de son visa.
Autres questions concernant cette fois le format (court, moyen ou long), le genre (fiction documentaire), voire la nationalité du cinéaste, la nature de la production…si on ouvre ce répertoire, on se rend compte que la question du premier film marocain est une question largement ouverte. Puisque déjà, par exemple, Othello d'Orson Welles a été inscrit à Cannes et a décroché la Palme d'or sous les couleurs marocaines en…1952. En outre, le Centre Cinématographique Marocain, né en 1944, a produit un joli film en 1957, Le collier de beignets signé Jean Fléchet avec Hassan Skali dans une belle prestation. Beaucoup de critiques de cinéma privilégient ce film comme point de départ de la cinématographie marocaine. Si l'on se réfère à l'exemple de l'Egypte qui vient de fêter avec pompe le centenaire de son cinéma (la différence est de taille), on constate que le repère choisi par les historiens égyptiens est un court métrage, documentaire réalisé par un turc en 1907, au moment où l'Egypte n'a pas encore eu son indépendance. Si l'on applique la même grille au Maroc, l'année prochaine, il faudra fêter les 90 ans du cinéma au Maroc avec l'Anniversaire de Mektoub de Jean Pinchon et Daniel Quentin, tourné au Maroc en 1919. Et je ne parle pas des dizaines de "vues" prises par les opérateurs des frères Lumière!
D'un point de vue strictement institutionnel, d'autres hypothèses penchent plutôt vers l'année 1968 comme celle qui voit le démarrage officiel du cinéma au Maroc avec Vaincre pour vivre de Mohamed Tazi et Ahmed Mesnaoui, le premier long métrage officiel puisque produit par le CCM. Il faut rappeler que cette année a vu la production d'un autre long métrage, Quand mûrissent les dates de A. Ramdani et Larbi Bennani. Sa sortie a été retardée par rapport à Vaincre pour vivre pour des raisons techniques, étant tourné en couleurs, les travaux de laboratoire ont été effectués à l'étranger…Faut-il ajouter que pour la barnche pure et dure de la cinéphile marocaine, la date de naissance du cinéma maroacain se situe plutôt en 1970 avec Wechma de Hamid Bennani!La recherche reste à affiner, d'autant plus qu'il y a des films "portés disparus". On parle, par exemple, d'un projet intitulé Le Violon de Belhachemi, premier directeur du CCM après l'Indépendance. On parle également d'un long métrage de commande, réalisé dans le début des années 60 par des lauréats de l'IDHEC, mais rapidement retiré et détruit ayant été jugé "communiste" par les autorités de tutelle de l'époque. C'est un véritable objet de recherche qui suppose au préalable des outils théoriques et méthodologiques cohérents et fiables. Ensuite, en proposant une distinction entre les différentes formes de production ayant marqué le parcours du cinéma au Maroc. Il y a en effet une histoire du cinéma au Maroc qui épouse pratiquement l'histoire du cinéma tout court, les premiers opérateurs Lumière sont arrivés dans notre pays quelques semaines seulement après la grande première parisienne du cinématographe. Et il y a une histoire du cinéma marocain qui a ses prémices, sa périodisation et son institutionnalisation. En somme une histoire et une préhistoire.

dimanche 28 septembre 2008

la mort de la critique de télévision

La mort de la critique de télévision

Le mois de ramadan se termine sur un constat: la mort de la critique de télévision. Le mois sacré réputé pour sa forte consommation cathodique a été l'occasion cette fois d'officialiser l'acte de décès d'une pratique journalistique qui sous d'autres cieux a fini par acquérir ses lettres de noblesse rejoignant en légitimité culturelle et professionnelle sa cousine la critique cinématographique. Certes parler de la disparition d'un objet, d'une pratique peut signifier qu'elle avait déjà existé; en l'occurrence pour la critique de télévision dans notre paysage médiatique, il serait plutôt judicieux de parler d'un mort-né. Les balbutiements d'un discours raisonné sur la télévision apparus dans le tournant de la fin des années 70 et les années 80 ont tout de suite révélé des symptômes qui ont fini par emporter cette lueur. Sur le cham de ruines qui s'en suivit, poussèrent alors des pratiques d'un nouveau genre, tout autre chose que de la critique. Au moment où la télévision parvient à asseoir son hégémonie sur le marché de la circulation des images, la fin de la critique de la télévision est une autre manière de dire tout simplement la fin de la télévision.
Durant ce mois de ramadan nous avons assisté à une inflation de discours, de diatribes autour d'un seul moment de la programmation, le créneau porteur de fortes potentialités publicitaires, celui du ftour. Cette séquence emblématique de notre paysage audiovisuel a fini par devenir un conducteur d'émission et multiplicateur de discours. La séquence du ftour a son propre genre télévisuel qui a fini par générer un discours sur le discours. Mais point de discours critique; des diatribes, des polémiques, des règlements de compte, des services commandés. Beaucoup de commentaires, confirmant par là une donne anthropologique chère au professeur Abdellah Laroui nous sommes une société des commentaire. La critique a disparu de l'espace publique comme elle a disparu des consciences. Elle a cédé sa place aux attachés de presse, aux commentateurs attitrés…aux campagnes de marketing, au zapping.
Derrière la critique, la vraie, il y a toujours un désir; entre autre le désir de l'objet critiqué. Il n'y a pas de critique sans amour.
Je n'ai pas l'impression que ceux qui parlent de la télévision aiment la télévision. Même les discours laudateurs donnaient l'impression d'être mus par d'autres considérations que celle de l'analyse et de la critique.
Nous avons eu affaire à des discours où l'amnésie le dispute au cynisme et au mépris.
La télévision est le medium de l'éphémère; elle a fini par produire sur elle-même un discours qui lui ressemble.

samedi 27 septembre 2008

Paul Newman: la star au coeur d'or

Une étoile de moins dans le pays des stars : Hollywood et le cinéma américain ont perdu en effet vendredi dernier une figure de légende, Paul Newman, mort d'un cancer de poumon à l'âge de 83 ans. Dans un paysage riche en vedettes et en acteurs de talent, Paul Newman a su se forger une carrière brillante et une présence qui ne manquait pas de charisme. Ses atouts dans ce sens étaient bien sûr ses qualités intrinsèques dans le jeu et la maîtrise de l'art dramatique mais aussi de grandes qualités humaines. On peut dire qu'il faisait partie de ce cercle très étroit de comédiens qui donnaient du sens à leur métier par la charge humaine et sociale qu'ils donnaient à leur action. Paul Newman était généreux dans ses rapports avec les siens et les autres et avait un grand souci de la condition humaine. Un artiste engagé à sa manière. Il faisait partie de ce Hollywood de gauche qui fait la force du cinéma américain traversé de thèmes et de sujets à caractères progressistes.
Notre père était un symbole rare de l'humilité. Il ne considérait jamais que ce qu'il faisait été extraordinaire. Discrètement, il a réussi à améliorer la vie des autres avec sa générosité", écrivent ses cinq filles dans le communiqué annonçant sa mort.
Né le 26 janvier 1925 dans la banlieue de Cleveland, il avait servi dans une unité de transmission de la marine américaine dans le Pacifique lors de la Seconde guerre mondiale. Démobilisé, il reprit ses études à la faculté Kenyon dans l'Ohio et voulut se consacrer au football, mais il fut exclu de l'équipe universitaire après une dispute.
Il rejoignit alors l'école d'arts dramatiques de Yale après avoir travaillé dans le magasin familial d'articles de sport.
Il arrive au cinéma à un tournant de Hollywood qui sortait d'une période faste marquée par le star système qui atteignit sont point paroxystique dans les années 40 Et 50. Il sut très vite s'imposer et assurer une transition vers une nouvelle génération d'acteurs dont il fut l'emblème. On peut citer à ce propos son rôle inoubliable dans Une chatte sur un toit brûlant de Richard Brooks (1958) au côté d'Elisabeth Taylor. Un personnage complexe, sportif déchu, alcoolique au penchant sexuel ambigu. Ce fut le vrai point de départ d'une carrière qui le voit travailler avec les plus grands cinéastes : Hitchcock (le rideau déchiré), Robert Wise, Martin Ritt, John Huston, Arthur Penn… Si le grand public est séduit par ce beau regard qui crève l'écran et par des interprétations dans des films à grand spectacle comme La Tour infernale, les cinéphiles gardent en mémoire des films à tendance politique ou tout simplement fortement ancré dans les problématiques du monde contemporain: Absence de malice de Sydney Pollack que je conseille aux jeunes journalistes, L'affrontement qu'il réalisa lui-même; Le verdict de Sydney Lumet; ou encore Les maîtres de l'ombre de Roland Joffe…cette brillante carrière sera bien sûr récompensée par un Oscar, tardif certes mais ô combien mérité pour son rôle dans La couleur de l'argent de Martin Scorses (1986) avec Tom Cruise. Un remake de L'Arnaqueur (1961), film où il avait joué lui-même dans le rôle que va interpréter Tom Cruise, un symbolique passage de témoin entre générations d'acteurs.

Adieu liberté

Ce fut une belle salle!
Hélas on parle déjà de la magnifique salle Liberté de Casablanca au passé. L'année 2008 confirme une tendance: rien que pour les six premiers mois, le parc des salles au Maroc a perdu neuf salles dont certaines sont prestigieuses comme l'Empire de Fès où le Rex; là où j'ai fait mes premiers pas de cinéphile. J'étais jeune élève au lycée Moulay Slimane, interne. et chaque mardi, il ya avit une scène qui attirait toujours mon attention: un groupe d'élèves plus âgés étaient servis les premiers pour le dîner et se mettaient en rang dans la cour. "ce sont les membres du Ciné-club" me donnaient-on pour explication. Ils se dirigeaient en fait au Rex pour assister à la séance hebdomadaire du ciné-club! quelle chance, ils avaient: sortir (ce qui était un événement pour un interne) et aller voir un film. depuis le début je gardaias donc cette double fascination pour l'idée d'aler au cinéma. nous avions bien un ciné-club pour nous au collège; tous les vendredis après midi en copie 16mm. mais c'était un ciné cluv qui venait chez nous. le Rex aujourd'hui redn l'âme par la faute de la mort de la cinéphile.Oui on dit beaucoup de choses sur la disparition des salles mais c'est la désaffection du public qui en est la principale cause; il n'y a plus d epublic cinéphile. Et la cinéphilie est devenue le parent pauvre de l'espace public.
Une nouvelle preuve nous a été donnée avec le traitement réservé à l'affaire du cinéma RIf: un traitement sensationnel qui en ajoute à la crise des salles. Le Camp conservateur se frotte les mains: on lui a servi un argument de choix dans sa guerre contre le cinéma.

Y a -t- il encore des villes?

L'été avec le temps des vacances est un moment de porter un nouveau regard sur l'espace, l'espace comme construction sociale, comme lieu qui dit l'effet de l'homme sur son environnement. Une impression qui se renforce avec le ramadan. Le mois sacré est l'occasion en effet de se retrouver dans son environnement; avec les lieux et les hommes. Ramadan, c'est la société qui se dévoile dans toute sa nature…réelle. C'est une séquence temporelle éloquente qui nous dresse un bilan accablant sur ce que nous sommes. Le ramadan c'est un miroir grossissant de nos contradictions. Pendant les vacances ou pendant ce mois on se révèle à soi même. Un exemple parmi mille qui dit où nous en sommes. La ville.
C’est la ville en effet qui fonde, qui illustre l’accès d’une communauté à un stade supérieur de la civilisation. C’est la ville aussi qui trahit et exprime l’échec d’un projet politique perçu comme projet de société.
Circuler dans une ville, médiner comme dit magnifiquement le poète Abdeouheb Meddeb informe sur le progrès, les mœurs et l’avancement de la démocratie d’un pays. C’est l’essence même de la notion de la cité forgée par les Grecs et présentée par Platon comme facteur décisif de l’éducation. C’est la cité qui éduque fondamentalement; c’est elle qui initie à la beauté; c’est elle qui nous forme à la culture de la tolérance. La cité est l’expression même de la démocratie car elle offre le lieu qui gère dans une cohabitation harmonieuse les différences d’origine ethnique, sociale ou professionnelle.
Où en sont nos “villes” par rapport à ce programme? C’est un spectacle de désolation qui s’offre au regard; partout la ville cède la place à la “préville” avec tout ce que cela peut charrier comme images primitives quand l’homme était un loup pour l’homme.
A se demander s’il y a une conscience qui préside à la gestion de nos villes. La liste des lacunes et dysfonctionnements est longue et variée. Par où commencer pour décrire la dégradation. Beaucoup de villes rayonnantes par le passé sont transformées en gros bourg miné par la criminalité et l’argent sale. C’est ainsi pour tous les fleurons de notre paysage urbain, les noyaux de leur population sont acculés à vivre au rythme de la nostalgie. La nostalgie d’un passé où l’urbanité avait un sens dans la vie quotidienne.
Bien sûr, il est stupide d’incriminer l’exode rural. Le charme de la ville est justement l’hospitalité et la convivialité: accueillir l’autre en détresse; qu’il vienne de la campagne ou d’une autre ville. La ville est un droit pour tous. La plus grande puissance du monde compte à peine 4% de ruraux. Aller à la ville est inscrit dans la logique d’une évolution qui est celle de l’humanité vers plus d’humanité.
La ville marocaine illustre un des aspects de la mutation globale que connaît notre société. Réussir la ville, c’est réussir le rendez-vous avec les temps modernes.

vendredi 26 septembre 2008

l'esav à l'honneur à san sebastian

Le bal des suspendus court métrage de Elmehdi Azzam, étudiant à l'école des arts visuels de Marrakech a remporté le premier prix de la rencontre internationale des écoles de cinéma, une section organisée au sein du prestigieux festival de San Sebastian la très belle ville basque du nord de l'Espagne. Le jury de cette édition, présidé par le cinéaste israélien a eu à trancher entre une grande participation puisque plus de 27 pays ont pris part à cette compétition. Le prix doté d'une bourse de 6000 euros est destiné à permettre au jeune lauréat à préparer son prochain film.c'est une distinction qui vient mettre en valeur le travail fourni au sein de l'ESAV qui en est à peine à sa trosième année. rappelons que son siège a été inauguré par le Prince Moulay Rachid à l'occasion de la 7ème édition du Fetsival International du Film de Marrakech.

Sortir du tunnel

Objet presque banal de consommation tous les jours de l'an, la télévision retrouve une certaine épaisseur sémantique avec le Ramadan: face au repli des autres sujets "publics" qui pâtissent du rythme ralenti que prennent les affaires en ce mois sacré, la télévision prend de l'intérêt parce que on en consomme davantage et parce que aussi c'est une occasion d'une forme d'évaluation de l'offre télévisuelle. Je parle de la production locale qui fait du ramadan un quasi moussem annuel pour étaler ses réalisations en matière de comédie et de dramatique. Le débat cependant est presque répétitif comme si le retour des mêmes acteurs du paysage charrie du coup le même discours. les mêmes remarques et critiques virulentes qui s'estampent une fois le croissant de Chaoual apparaît à l'horizon. Alors même que c'est une opportunité d'asseoir une vraie réflexion sur la télévision, d'un point de vue stratégique.
Ace propos, il est utile de rappeler quelques fondamentaux à la veille de la première livraison cathodique de ce nouveau ramadan. Et en premier lieu rappeler que ce qui par exemple distingue une télévision d’une autre? On pourrait partir d’une différence institutionnelle en rapport par exemple avec le statut juridique d’une chaîne. Cela donne alors le schéma canonique: chaîne publique, chaîne privée. Distinction qui en principe doit dessiner une frontière nette, au niveau de la finalité, de la démarche, du rapport au temps, des relations avec le téléspectateur… bref, une approche différenciée de la télévision là on pense moins au commerce, ici, on met la rentabilité au poste de commande. En principe, avions-nous précisé, car dans les faits ces différences ontologiques s’estompent. En regardant la présentation des programmes, on ne fait plus la différence. Je parle ici du paysage audiovisuel qui a réalisé une certaine homogénéité juridique, avec des statuts clairs pour les uns et les autres. Au Maroc ce n’est pas aussi transparent. On parle bien d'un pôle public de télévision mais les dernières déclarations du patron de ce pôle sèment le doute sur sa fiabilité. D'un point de vue théorique, l’analyse reste quand même légitime étant entendu que l’on retrouve certains comportements qui ne peuvent s’expliquer que par cette hantise de rentabilité et de sensationnalisme.
Le philosophe Henri Maler note avec pertinence: “Il ne suffit pas, explique-t-il, qu’il existe un secteur public de télévision pour qu’existe un service public de télévision”. La confusion sémantique est entretenue par des considérations strictement économiques avec ce leitmotiv: est public ce qui n’est pas privé. Ce qu’on constate par contre, c’est que “l’idée d’un service dû au public est abandonnée au nom de la rationalisation.”
Les dirigeants des deux bords se rejoignent au niveau des profils: des managers appelés à faire preuve d’une gestion efficace. Avec un maître mot: la rentabilité. Un professionnel raconte: tout ce qui n’est pas rentable doit mourir ou ne pas naître; “si je veux que mon émission voie le jour, il faut que j’amène un sponsor”. On se retrouve alors avec le cas de figure quasi-universel où ce sont les annonceurs qui font la politique des programmes des chaînes, publique ou privée. Cela se traduit par des réécritures de scénario, des têtes d’affiche imposées, un découpage temporel qui prend en compte la séquence publicitaire, un rapport au spectateur spécifique perçu d’abord comme un consommateur.
Le créneau horaire du ftour offre à ce propos un cas de figure insolite: le flot de spots publicitaires dépassent l'entendement. Ce sont des véritables tunnels qui enferment le récepteur dans un carcan. C'est une véritable violence qui est exercée. Les Mollahs de Haca qui viennent de sévir contre une émission radiophonique devraient plutôt veiller à nous faire sortir de ce tunnel. A mettre de l'ordre dans ce super marché sauvage qui envahit les foyers.

La guerre de Lola n'aura pas lieu

Finalement, Touria Jabrane l'a fait; la ministre de la culture est allée, en effet, à Alexandrie répondre à l'invitation du festival international du film d'Alexandrie qui lui rendait hommage en tant que artiste femme ayant accédé à un poste politique. Nous pensons qu'elle a fait le bon choix. Les organisateurs du festival d'Alexandrie ont commis une bévue en interdisant (il n'y a pas d'autre mot) le film de Nabil Ayouch déjà annoncé et programmé en ouverture du festival. Ils ont manqué d'élégance et de courtoisie à l'égard de Latef Lahlou dont le film, les Jardins de Samira a été sélectionné en compétition officielle. Latéf Lahlou n'est pas un cinéaste inconnu. C'est un des vétérans du cinéma marocain et africain. C'est un producteur d'envergure internationale. Son film a déjà décroché des prix importants au Maroc et à l'étranger. Le comportement des organisateurs du festival d'Alexandrie l'a acculé à retirer son film par solidarité également avec son collègue Nabil Ayouch.
Fallait-il aller dans le sens de la bêtise des organisateurs et céder à leur stupide provocation dont ils regrettent déjà eux-mêmes les retombées? Certains observateurs nationaux ont attendu un geste de la part de la comédienne et néanmoins ministre. L'argumentaire utilisé étant légèrement excessif ; on parle de "dignité bafouée" et réclamait un boycott de l'ensemble de la manifestation. Une telle attitude extrême est disproportionnée et inadéquate. La politique de la chaise vide n'a jamais été une bonne politique; en politique comme en art ; la surenchère relève certes d'un comportement "culturel" inhérent à la région mais n'aboutit qu'à l'impasse. La profession du cinéma par ses voix les plus autorisées a dit ce qu'il fallait dire à propos d'un comportement qui nuit principalement ses initiateurs. Le film de Nabil Ayouch a perdu une projection mais il a gagné une bataille. Il a montré sa force en tant qu'œuvre; une oeuvre artistique qui dérange ayant parvenu à dévoiler les contradictions et la bêtise des pseudo cinéphiles. La guerre de Lola n'aura pas lieu faute d'enjeux réels. Tant mieux pour le cinéma, le vrai.
Certains milieux conservateurs du cinéma égyptien ont l'habitude de déclencher ce genre d'opérations pour légitimer leur présence immuable à la tête de la profession du cinéma égyptien. Ils cherchent sans cesses des raisons d'exister… rappelez-vous les attaques incessantes contre le festival de Marrakech, les déclarations contre Mohamed Miftah à Oran…
En se comportant avec lucidité et avec intelligence, c'est une cartouche en moins qu'on leur enlève dans cette guéguerre d'un autre temps qu'ils cherchent à déclencher. D'autant plus que les relations entre le Maroc et l'Egypte sont appelées à d'autres rounds chauds autour notamment du poste du Directeur général de l'Unesco; poste brigué à la fois par le Maroc qui a mis en lice la candidature de Madame Aziza Bennani et par l'Egypte via la candidature de Farouk Hosni celui là même qui accueillait tout sourire notre ministre de la culture.

merci wall street

l'actuelle crise finacière qui secoue la planète bancaire est une nouvelle confirmation du verdict émis il y a longtemps: le capitalisme se nourrit des crises. parler de crise financière à ce propos est une nouvelle manoeuvre: il s'agit bel et bien de la crise majeure d'un système. ce qui est amusant c'est de voir la réaction des grands de ce monde: au jt on nous a montré une belle image du consens entre les candidats à l'élection présidentielle américaine; ils se sont tous retrouvés autour de l'actuel président dans une sainte alliance pour sauver le capital: l'Etat va déboursser plus de 700 milliards de dollars pour sauver wall street: c'est ça le libéralisme: quand ça marche on privatise les bénéfices; quand ça casse on appelle l'état à la rescousse.
c'est une magnifique leçon que wall steet est en train d'aministrer à une certaine gauche qui a chosisi d'abdiquer ; aaujourd'hui c'est véritable rappel à retrouver so identité. non décidément le capitalisme n'est pas réformable; regardez le visage hideux qu'il offre en chine avec le scandale du lait frelaté. partout ce sont les mêmes ravages: contre les hommes, contre la planète, contre l'avenir de l'humanité

Albachado de Hassan Aourid

  L’intellectuel et le pouvoir ou la déception permanente ·          Mohammed Bakrim «  Avant d’être une histoire, le roman est une in...