jeudi 20 décembre 2012

le journal de dubai


Le voyage fut long, très long. J’ai quitté chez moi à 9h30, le lundi pour atterrir finalement dans ma chambre d’hôtel – le Jumeirah beach- à 4h du matin du lendemain. Le trajet en soit ne fut pas très pénible. L’avion a décollé avec un léger retard, c’est un Boeing immense,  l’un des derniers 777. Beaucoup de monde mais les sièges à côté de moi resteront inoccupés. Je vais m’apercevoir beaucoup plus tard que ce sera une bonne chose pour… mes jambes.
Je m’occupe un temps à admirer le ciel marocain et surtout les cimes enneigées du moyen atlas...et puis c’est la vitesse de croisière et la nuit ; j’imagine la méditerranée en dessous, toujours chargée de récits tragiques et, ici et là, de lueurs de lumières. Je somnole un peu ; puis je me résigne à consulter les programmes de divertissement offerts par la vidéo de bord. Je clique sur le menu cinéma ; je trouve non sans plaisir un film marocain dans la liste proposée. Il s’agit de Mains rudes de Mohamed Asli ; ce n’est pas son meilleur. Je revois la belle séquence d’ouverture, très cinématographique et qui s’arrête pour moi avec la scène de l’arrivée de Bastaoui et son collier de beignets. Après, ce sera un téléfilm plein de stéréotypes en termes d‘images ; et très conservateur en termes culturels. Je zappe vers les spécialistes du divertissement : je commence avec le film égyptien 6 7 8, sur le harcèlement sexuel dont sont victimes les femmes dans les moyens de transport publics ; je retrouve les mêmes points forts classiques du cinéma du Nil : scénario bien structuré, cast de choix et moralisme gratuit. J’enchaine avec deux films américains, Seeking justice avec Nicholas Cage et the Hunter avec William Defoe. Cela me mènera sans m’en rendre compte jusqu’ au terrain d’atterrissage de l’aéroport de Dubaï. Il est 2h du matin locales, 22h à Casablanca ! Bonjour le décalage horaire.
L’accueil est personnalisé. Type VIP. Je suis dans le même avion avec l’équipe du film de Zéro, Nour-Eddine Lakhmari en tête, accompagné de ses acteurs Si Mohamed Majd et le jeune et prometteur Anas Bouab. L’aéroport est immense comme est vaste l’autoroute rapide qui mène à l’hôtel. Pourquoi des petits pays en termes de superficie, s’adonnent à  des projets gigantesques, pharaoniques : des tours, des hôtels… tout est grand alors que chez nous avec un espace plus grand nos autoroutes sont étroites, nos aérogares exigus. Il faut chercher l’explication, peut-être du côté de la psychanalyse et de l’anthropologie culturelle ; je suis convaincu que le pétrole n’explique pas tout. Je suis frappé par le calme et la sérénité des gens sur place. Pour moi qui viens d’une ville bruyante, c’est mon premier dépaysement. Quand  je dis les gens, je parle de rares autochtones rencontrés car tout le personnel est asiatique. Depuis l’aéroport, tous les services sont demandés en anglais.
La première nuit, je la passe non pas dans une chambre mais dans un vrai appartement. Je demande à changer ; c’est trop vaste ! Les baies vitrées de ma nouvelle chambre donnent sur le Golfe et sur l’incontournables Bourj Alaarb que l’on voit de partout.
Ma première journée se passe à découvrir les sites du festival et à rencontrer mes amis : des Libanais, notamment le cher Hauvick qui passe d’un festival à un autre à travers la planète comme on tourne les pages d’un magazine de cinéma…des Egyptiens, des Tunisiens, des Camerounais, des Algériens et des Marocains aussi. Il y a, en effet, une importante présence marocaine, des cinéastes (il y a au moins trois films en compétition) des professionnels de la production et de la distribution ; des cinéastes de la diaspora…Une remarque qui ne veut rien dire peut-être : j’ai constaté que les festivals du Golfe (Dubaï, Abu Dhabi, Doha) aiment beaucoup inviter les cinéastes d’origine marocaine installés dans différents pays du monde ; cela apparaît aussi au niveau des palmarès…Bizarre,
Pour accéder aux salles de projection, le badge ne suffit pas ; il faut aller prendre son billet à l’avance. Un journaliste dûment accrédité doit en permanence aller réserver ses billets au risque de rater des films importants. Si l’on prend son billet et on « oublie » de se présenter à la projection choisie, on reçoit un message de rappel et d’avertissement. Si cela se répète, l’accréditation est tout simplement bloquée. C’est presque du contrôle scolaire mais je trouve que c’est une forme de rigueur pertinente qui conviendrait a nos festivals où les gens se prennent pour des invités de centres de vacances et viennent dans les salles un peu par hasard sans aucun effort. Pour la première séance du film Zéro,  impossible de trouver son billet. J’avais presque envie, ayant déjà vu le film, de dire merci à la jeune indienne qui me signala l’information ; c’est toujours un plaisir de voir l’engouement du public pour un cinéma différent. Cet intérêt se répétera aussi pour la deuxième projection : apparemment ici aussi Lakhmari a son public.
Mon film de la journée est un film égyptien atypique, Moondog ; il signe le retour de Khairi Bichara au cinéma après une longue éclipse. Je suis allé le voir avec un réel plaisir ; Bichara  est une figure historique de ce que la critique avait présenté comme le nouveau cinéma dans les années 70 ; son film Collier et bracelets avait beaucoup circulé dans les ciné- clubs. Ici,  il renouvelle complètement de registre, embrasse la nouvelle technologie de prise d’images et offre ce que je qualifierai, faute de mieux, d’un ciné-journal de ses années américaines, mettant en scène des membres de sa famille et où il s’imagine être incarné dans un chien. Les images sont belles et la bande musique est tout simplement sublime ; mon amie, la productrice marocaine Lamia Chraibi, me précise que c’est le fils de Bichara qui a composé la musique du film. Chapeau !
Devant le gigantisme ambiant, la débauche de moyens....IMPRESSIONNANT est le mot que ne cesse de répéter le touriste qui sommeille au fond du cinéphile. J’apprends de la part d’un collègue libanais, vieux routier de la critique, longtemps installé à Londres et New-York et qui a finalement choisi Dubaï comme destination de résidence, que la capitale émiratie est classée 78 sur 200 comme ville agréable à vivre ; et elle est première ville arabe,  suivie d’Abu Dhabi. Un peu jaloux, je ne cherche même pas à savoir le classement de ma ville chérie, Casanégra... heu… pardon, Casablanca. Au petit déjeuner, mon ami algérien est plus sceptique : au moins ici, dit-il, on voit où va l’argent du pétrole ! Il sait de quoi il parle. Dubaï est une vraie leçon de choses pour nous maghrébins...Au cinéma, c’est une autre histoire. Dubaï est équipée en salles multiplexes ancrées dans de gigantesques centres commerciaux. Pour une population dix fois moins que la population du Maroc les Emirats comptent 299 écrans, dix fois plus que nous ! Les conditions de projections sont plus que correctes ; la qualité de l’image et du son est impeccable mais les odeurs de nourritures fastfood polluent l’atmosphère. Le public est bon enfant. Dans le catalogue officiel du festival, je suis surpris de voir  de curieuses précisions qui suivent chaque fiche du film ;  pour Zéro, par exemple, je lis (kalimat nabia. 3ary. Jinss, et il n’est pas le seul à être présenté ainsi) et il est interdit au moins de ...18 ans.  Un film porno le serait-il alors pour les moins de 40 ans?????? Mais attention, ces précautions de sagesse n’indiquent en rien une forme de censure, c’est juste une information pour les familles, sinon les films sont présentés dans leur intégrité comme ce très beau film portugais Tabou avec de belles scènes érotiques reçues dans la plus grande sérénité.

Sortant peu à peu des dommages collatéraux du décalage horaire, mon rythme de vision de films a atteint son rythme de croisière : je suis passé rapidement d’un film à trois films par jour...la programmation est importante (plus de 150 films), très éclectique et répond a des soucis multiples : les nouveautés internationales ; les compétitions arabes, afro-asiatiques et le cinéma émergent du Golfe et surtout le cinéma hindi omni présent, of course, la communauté du sous-continent indien est majoritaire au sein des populations immigrées.
Le cinéma marocain est présent avec force ; avec des surprises, agréables, comme ce documentaire, Femmes sans identité, qui nous vient de Finlande signé par le jeune Mohamed Laaboudi (il est de nationalité australienne, immigré en Finlande !!!!) ; le documentaire suit sur deux ans, avec délicatesse et empathie le destin tragique d’une jeune mère célibataire acculée, par l’intolérance et la bureaucratie, à vendre son corps. Le film restitue avec humanité, les gestes d’une mère désabusée et d’une femme écrasée. Femmes sans identité, retenez bien ce titre: il fera beaucoup de bruit. J’espère qu’il sera retenu pour la prochaine édition du festival national du film. Hakim Belabbes continue son rythme régulier de présenter un nouveau film et une nouvelle démarche ; nouvelle mais tout en gardant le cap d’un nouveau cinéma qui transcende les frontières des genres et des modes de production. Dans ce sens, son nouveau film, Vaine tentative de définir l’amour, est un délice comme un biscuit léger et tonique. Cette forme presque ludique de faire du cinéma en interrogeant sans cesse les outils du cinéma aborde ici des questions stratégiques en termes de construction de scénario, de direction d’acteurs, de rapports au réel, et de positionnement par rapport à l’imaginaire d’une société ; le prétexte cette fois est la légende d’Isli et de Tislit. Cette belle histoire de dépit amoureux qui donna lieu a des flots de larmes donnant naissance à deux lacs situés au milieu de hautes montagnes ; le film est un hommage à cet espace et aux hommes (et femmes) qui l’habitent. Quant au récit lui-même, il se construit devant nous en amont avec la recherche du sujet : cette histoire de conflit tribal empêchant un mariage entre jeunes amoureux a-t-elle eu vraiment lieu? La population interrogée est sceptique. On pense alors à John Ford de Liberty Valance qui dit entre la légende et les faits, gardez la légende. Hakim choisit de la mettre en scène ou plutôt de la mettre en épreuve en demandant à ses acteurs (les deux sont de magnifiques trouvailles) de la mettre en scène. Exercice délicat qui aboutit à l’impasse et à une forme d’autocritique: le téléphone que le cinéaste reçoit de sa comédienne à la fin du film dans le film est un vrai bilan en forme de miroir sonore !
Je sors d’un beau film algérien Yemma de Jamila Sahraoui, véritable tragédie antique ayant pour décor les Aurès de l’est algérien où une mère est confrontée au dilemme tragique de deux fils partagés par la guerre civile...je sors de ce film pour rattraper le débat de Lakhmari dans une salle à côté. La salle est comble pour cette deuxième présentation du film. Lakhmari, Majd et Bouab sont félicités et le débat revient sur l’éternelle question du rapport du cinéma et du réel. Un marocain résident à Dubaï, se soucie de l’image du Maroc véhiculée par ce genre de films. On sent que la télévision est passée par là ayant phagocyté le regard et formaté les modes de représentation. Lakhmari et ses comédiens se défendent bien. De toutes les façons, tout le monde relève  l’originalité,  la diversité du cinéma marocain et surtout sa liberté de ton. Ceci dit beaucoup de boulot nous attend: et le monde lui n’attend pas.

Dîner chez Paul. Non, ce n’est ni à Rabat, ni à Casa ; mais c’est au sein de cet immense mall émirati, véritable ville dans la ville, que je tombe enfin sur ce coin relativement francophone. Une aubaine pour moi dont l’anglais est juste utilitaire ; trouver des indications en français  sur la carte me soulage un peu ; mais c’est en anglais qu’il faut s’adresser au personnel....coréen. Comme partout, l’anglais est de rigueur. Il faut, en effet, souligner  cet aspect plus que positif de la tolérance linguistique qui caractérise les rapports humains à Dubaï. L’anglais est dominant : la présentation des films, les débats qui suivent les projections, les sous-titres des films...tout est en anglais. Quand je pense à la guerre civile linguistique permanente que nous vivons au Maghreb, je comprends en partie pourquoi nous sommes en retard et pour quoi ils se sont développés (pour reprendre la célèbre formule d’un des théoriciens de la Nahda  arabe). Peut-être que la proximité avec l’Inde y est pour quelque chose ; le pays et la nation qui a reconnu ses centaines de langues nationales et leur donne une place de choix dans l’espace public. Cette ouverture d’esprit en matière de langue est un aspect sur le rapport à l’autre notamment à l’expertise internationale qui est convoquée ici sans complexe. Le festival de Dubaï est dirigée par une tête pensante locale, notamment l’incontournable Massoud Amrallah Al Ali, le directeur artistique du festival ; l’homme qui voit 700 films par an. Personnage affable et d’une grande modestie que l’on croise partout et qui n’hésite pas à venir par exemple saluer un jeune cinéaste marocain pour le féliciter pour les qualités humaines de son film, avec des détails qui indiquent qu’il a effectivement vu le film ! Cette direction locale fait appel à des experts de nationalités différentes ; les conseillers du festival appartiennent aux quatre coins de la planète et le personnel actif est majoritairement libanais, égyptiens, syriens ...les Marocains arrivent et font leur percée...il y a une sorte d’imprégnation par le pragmatisme de la culture anglo-saxonne qui fait qu’on se situe plus du côté du résultat que de l’idéologie ... Un mode de gestion à méditer quand on sait que la compétition est appelée à être encore plus ardue entre les nations, les pays, les festivals. Bien sûr il ne s’agit pas d’être dupe, encore mois de faire preuve de naïveté ou encore de jouer à Alice au pays des merveilles.  Tout choix de gestion est porté par un choix de société voire de civilisation. Et là il ya beaucoup à dire mais ce n’est pas le sujet. Celui-ci étant comment parvenir à mettre de notre côté toutes les chances et toutes les expériences susceptibles de parvenir à notre propre modèle: efficace, tolérant et  humaniste. Est-ce d’ailleurs le message en filigrane du beau film japonais, The land of hope. C’est peut-être le premier film nippon post Fukushima. Il aborde la tragédie du Tsunami dans une approche intime, minimaliste. On sait que le Japon a été un grand  producteur de films catastrophes. C’est un cinéma qui a abordé toutes les tragédies imaginables : invasion, tremblement de terre, immersion...The land of hope est aux antipodes de cette approche, il filme les déchirures d’une famille de paysans éleveurs dont la ferme est située à la limite de la zone d’évacuation atteinte par les radiations émanant de l’accident nucléaire engendré par le tsunami. Un  vieux couple, leur enfant ainé dont la femme attend un bébé ; tout cela filmé avec humanité, peu de moyens, la catastrophe reste en hors champ et la déchirure omniprésente. Très beau dans son pessimisme même.
Dans cette boulimie de films, j n’oublie pas le court métrage. Oublié est, en effet,  un risque qui meuble l’horizon de ce format cinématographique surtout au sein de festivals gigantesques où il est écrasé par de méga évènements. J’assiste donc à un  module où se trouvent des films que j’avais vu à Tanger, notamment le  beau Valse avec Ismahane de Samia Charkioui et La route devant moi de Mahe (France). Ce sont les deux films qui se démarquent du lot de cinq films que j’ai vus ce soir-là. Le reste étant très approximatif ou très idéologique comme le film syrien. Par contre je découvre tard dans la soirée un film présenté au nom du Maroc, Casablanca mon amour de John Slaterry. C’est un film hybride, un vrai bricolage d’images ; se réclamant de la démarche du free cinema british mais le résultat est très décevant. Il est porté par l’intention de revisiter l’image du Maroc via son rapport à l’imaginaire hollywoodien. Il suit, pour ce faire, deux jeunes à travers le Maroc sous prétexte que l’un d’eux va retrouver son oncle. Quand il arrive, c’est  trop tard ! Cela peut être aussi la conclusion du film : pleins de contresens et de contre-vérités, il joue à fond la carte de l’ambiguïté ; utilisant le point de vue des deux personnages pour leur faire dire ce que le film ne veut pas ou n’ose pas dire (exemple : les propos sur le festival de Marrakech) ; le titre du film, très accrocheur, a ramené un important public de la communauté marocaine de Dubaï. Beaucoup d’entre eux se sont sentis piégés. Ils n’ont pas aimé le film et l’ont fait savoir avec virulence au réalisateur qui n’a pas daigné leur répondre. Comme dirait Mahmoud Darwich, il y a des amours dont on aimerait bien se passer.
C’est l’heure du bilan et du palmarès. Comme, je l’avais suggéré supra, c’est un film marocain de la diaspora qui a été distingué. Khoya (My Brodher) de Kamal Mahouti a obtenu, en effet, le prix du meilleur réalisateur arabe. Kamal Mahouti revient de loin. Ce projet qui lui tient à cœur remonte très loin. C’est le premier travail de ce cinéphile avant tout qui dirige un sympathique festival dans la région parisienne. Khouya est une double réflexion culturelle et cinématographique sur la question de l’identité. Un jeune peintre, issu de l’immigration marocaine, traumatisé par la perte d’un frère, tente de restituer sa mémoire et son moi à travers un conflit latent et apparent avec le père. La symbolique est très forte, parfois au premier degré. Le film reflète dans son écriture même cette dualité et cette perte. Le coût en termes de cohérence narrative et esthétique est patent. Le jury a été sensible à l’intention. Le Prix de la critique  internationale, Fipresci, est allé à Yemma de la cinéaste Jamila Sahraoui. C’est très cohérent, le film séduit par la qualité de ses images et la structure tragique de son scénario. L’Arabie Séoudite, dans un film coproduit avec les Emirats et l’Allemagne remporte le Prix du meilleur film arabe, Oujda, signé par Haifae Almansour, une touche sensible et un récit qui renvoie à l’univers d’une certaine esthétique du film d’enfant iranien.
La carte cinématographique du monde arabe n’est plus ce qu’elle était. La multipolarisation est née. Le monopole égyptien vole en éclats. Au Maghreb, au Moyen orient, au Golfe…la diversité creuse son sillon. Le retour, en somme, à une certaine logique de la géographie et de la culture.



dimanche 28 octobre 2012

weekend à Bruxelles

vendredi 26 octobre
il fait un temps splendide ce matin à Casablanca quand je quitte ma résidence vers l'aéroport; un peu froid, il vient de pleuvoir...du coup les gens qui reviennent de la grande prière de l'aid arborent un sourire qui annonce une journée de fête. de beaux habits, enfant, adultes, vieux...mais peu de femmes, elles sont restées à la maison . tous sont matinaux; normal le programme s'annonce chargé marqué de rituels ancestraux. mon fils qui conduit la voiture se sent un peu gêné de fondre au milieu de cette foule quasi compacte..
mais très vite nous retrouvons une atmosphère plus apaisée sur l'autoroute du sud qui nous mène vers l'aéroport...
contrairement à ce que je croyais je n'étais pas le seul à rater la grande fête sacrée; beaucoup de monde en effet anime le grand hangar qui sert de Terminal 1; des étrangers mais aussi de nombreux nationaux; je remarque que la destination Milan connaît une grande affluence alors que nous sommes quelques uns à enregistrer pour Bruxelles. Plus tard je découvre que l'avion sera quand même pratiquement plein. je passe la doaune (l'agent me demande si j allais à Istanbul) et je me présente au guichet de la police des frontières; geste que je fais toujours avec un léger pincement au coeur; j appartiens à une génération qui n aime pas voir la police fouiner dans ses dossiers comme si nous avions toujours la hantise de ces années dits de plomb quand nous jouions à cache cache avec les services de sécurité. mais les temps ont changé et souvent les jeunes proposés à cette tache me demande comment va le cinéma marocain et me souhaitent un bon voyage
j'ai la chance et le bonheur de faire le voyage avec la chorégraphe marocaine B. O: charme, finesse et compétence. elle me raconte le périple artistique qui l' a menée au pays de l'oncle Sam. c'est une grande voyageuse. l'Afrique, le monde arabe, l'Europe et maintenant l'Amérique...partout elle a montré ses travaux.
j'ai eu la chance de faire sa connaissance à Marrakech dans un contexte humain et culturel d'une grande finesse avec des gens splendides que je respecte et aime beaucoup...Elle aussi fait le voyage en Belgique dans le cadre de l'évènement Daba Maroc où elle va présenter un travail réalisé presque en direct avec l'écrivain Abdellah Taia. je lui montre le nouveau numéro du magazine cinémag; elle se l'est tout de suite accaparée, lisant la plupart des articles; fidèle à son tempérament vif et lucide elle me fait des remarques pertinentes à la fois sur le format qu'elle trouve peu commode et sur le contenu ayant relevé que certains articles manquaient de fluidité
l'avion arrive à l'heure convenue à l'aéroport de Bruxelles;  les formalités sont vite liquidée (il n y a pas beaucoup de monde) et nous retrouvons dans le hall d'arrivée le sympathique Hugo de l'équipe d'organisation qui remet nos documents et nous dirige vers le taxi. 
la première impression confirme notre présence en Europe: il fait gris et il pleut; une pluie fine qui dans ma mémoire est toujours liée aux voyages dans les villes du nord. c'est la première fois que je foule le sol belge. le taxi peine à avancer les embouteillages sont monstres weekend; vacances et surtout le quartier où nous sommes bloqués abrite la plupart des organismes européens. on arrive, finalement à l'hôtel; très bien situés au centre la ville et surtout pas très loin de ce qui va être notre lieu de travail, les halles. les halles justement que nous rejoignons très vite à peine nos bagages installés dans nos chambres car je ne voulais rater le spectacle de la soirée un récital de musique, de chant et de poésie avec deux grands artistes Abdellatif Laabi et Naziha Miftah. celle-ci est une amie et camarde que je n ai plus revue depuis les années 80, elle a une voix splendide, une beauté d'ange et une présence faite de charme et de grâce. le poète Laabi lisait ses textes en arabe et en français que Naziha reprenait de sa belle voix. j'ai eu le plaisir de suive ce spectacle avec mon amie la documentariste Simone Bitton; en rentrant ensemble vers notre hôtel nous avons le tour des grandes questions de l’actualité cinématographique marocaine. Simone enseigne aussi à Marrakech
Samedi 28 octobre

jeudi 4 octobre 2012

mes chroniques tangéroises


Le court des grands

Dix ans, c’est court du point de vue de la perspective historique ; mais c’est riche, intense et sans cesse prometteur du point de vue de l’expérience historique ; en l’occurrence celle du festival du court métrage méditerranéen de Tanger qui se retrouve aujourd’hui pour sa dixième édition, dix ans après cette initiative,  intelligente, généreuse et ambitieuse de lancer cette manifestation en ce  jour béni du mois de juin 2002. Honneur aux pionniers qui, dans le cadre du mouvement de dynamique générale que vivait le Maroc, ont invité le cinéma à faire partie de ce nouvel acte fondateur d’un Maroc qui bouge, crée et voit grand…La suite, on la connaît. Ceux qui ont pris le relais ont assumé l’engagement de départ et le jeune festival de Tanger a patiemment et passionnément  placé ses marques comme un rendez-vous essentiel pour le court métrage méditerranéen et une adresse de choix dans la carte de la cinéphilie mondiale…
Une programmation ouverte et cohérente, une ambiance conviviale, un public chaleureux et des débats continus…en sont les grandes lignes…Des jeunes cinéastes de « la mer blanche du milieu », ont réussi leur baptême de feu ici, d’autres ont confirmé un bon démarrage et pour d’autres ce fut tout simplement le tremplin heureux vers d’autres horizons…dans tous les cas de figure, c’est le court métrage et le cinéma qui sont, à Tanger, le centre d’intérêt, le point de référence. Le hasard de la programmation de cette année nous en offre une autre confirmation avec la présence de deux grands noms de cinéma pour nous dire ou plutôt pour nous rappeler, en cette édition anniversaire, que le court métrage n’a pas d’âge comme il n’a pas de frontières et qu’ il relève plutôt d’un choix esthétique et artistique.  C’est le message de la présence de Moumen Smihi et de son beau court métrage Si Moh pas de chance (1970) dans la cérémonie d’ouverture et du court métrage, The wholly family, d’une figure illustre du cinéma international, Terry Gilliam, en compétition officielle !!! un montage original est ainsi proposé, entre les générations, les appartenances géographiques culturelles et artistiques…
Fadel Chouika, Terry Gilliam…en lice dans la même compétition officielle, le pari fondateur de Tanger a été tenu !
Si Moh,  une chance !
D’emblée dans le vif du sujet avec la sobre soirée d’ouverture marquée pourtant par un événement solennel celui de rendre hommage aux dix ans du festival (2002-2012). Dans le vif du sujet, car les discours extra-cinématographiques induits par le cérémonial étaient portés par ce désir de dire la méditerranée célébrée dans l’une de ses villes phares, Tanger, par l’image et le son. Et c’est un méditerranéen invétéré qui prit la parole deux fois pour  dire à sa manière ce rapport viscéral entre Tanger et le cinéma entre Tanger et la méditerranée ; Moumen Smihi deux fois fois, c’est-à-dire par un discours d’introduction de son film et par son film lui-même qui fut un moment plein d’attention, de curiosité et d’empathie pour cette œuvre, Si Moh, pas de chance (1970) pratiquement insolité car rarement vu si ce n’est jamais vu dans des conditions de projections correctes, c’est-à-dire cinématographiques. Le moment fut donc cinéphile, culturel et pédagogique.
Au moment où le festival a instauré (a institutionnalisé !) une séquence autonome (un pléonasme ? en principe toute séquence est autonome !) dédiée aux films d’école voilà que la cérémonie d’ouverture elle-même est porteuse de vertus didactiques avec un court métrage qui porte certes les conditions de sa production (voire de sa conservation) mais qui ne manque pas d’indiquer aux jeunes cinéastes d’aujourd’hui ce que peut-être un rapport au cinéma. Le court métrage de Moumen Smihi est une leçon de cinéma dans sa modestie et dans son éloquence. Tout simplement parce qu’il va à l’essentiel : ce qui fait un film (court ou long, la durée n’a plus alors de signification particulière), c’est d’abord un regard et un point de vue ; un regard sur le monde et un point de vue sur le cinéma. Celui-ci exprimant bien celui-là : un travail sur l’image plan par plan ; le recours à l’image fixe ; un montage original qui sort des sentiers battus de la narration standard et une b

Carrefour d’imaginaires
                                                                   « N’oubliez pas les ciseaux ! »
Eisenstein
Un regard, un brin anthropologue, n’aurait pas manqué de relever ce hasard heureux qui a mis en ouverture de la première projection officielle du festival, celle du mardi matin dédiée aux films d’école,  une séquence gnaouie comme dans la pure tradition mystique de se référer à ce rituel consistante en tahdart pour saluer « les propriétaires des lieux » et se prémunir des « démons et autres forces obscures » ! C’était, en effet, émouvant de voir la salle Roxy, vibrer aux rythmes, qui puisent dans le métissage des signes culturels qui font de notre identité plurielle. Le film, un court métrage documentaire présenté par un lauréat du département du cinéma de la faculté de Marrakech, était d’une grande sincérité et plein de promesse. Sa première partie tient la route avant de céder à ce défaut presque inhérent aux œuvres scolaires et que nous retrouvons, à des degrés divers dans les autres films des autres instituts, celui de la surcharge discursive et thématique. D’où cette citation en exergue que nous avons empruntés au maître du cinéma soviétique des années 20 « n’oubliez pas les ciseaux ! » qu’il avait affiché à la porte de son bureau de travail. Saluons au passage la qualité générale des films présentés, ce qui est de bon augure pour l’avenir de notre cinéma,   avec des films coup de cœur comme le très beau Zahra de Houda Lakhdar et l’exercice réussi de Zahra Sadik et Mustapha Aboulfath ; bon vent les amis…
Chez leurs ainés de la compétition officielle, l’offre fut riche, diversifiée et éloquente en termes d’expression d’imaginaires. La méditerranée était là, imagée, dans un faisceau de lumière projetant rêves, angoisses, interrogations et incertitudes. Un imaginaire pluriel exprimé à travers des approches tout autant diversifiées. Allant de la grande possibilité de jeu avec les images qu’offre le numérique comme dans  l’espagnol Memory ou le chypriote Stahia… à des structures plus de facture classique (au sens positif du mot car exprimant une grande maîtrise des outils de mise en scène) comme dans le grec Buyout ou dans Easter Eggs. Comme il y a eu des idées qui ne sont pas allés très loin (le turc The bus, dommage la chute est ratée) ou des films qui ont marqué la salle ( Four walls Sarajevo) ou tout simplement le coup de cœur de la journée, avec le français, Ce chemin devant moi…
P. S : dédicace spéciale à l’élégante membre du jury Safinez Bousbia en hommage à son bijou de documentaire El Gusto ; je l’ai vu il y an et il m’habite encore. Merci.ande son en contre-point. Moumen Smihi dessinait en filigrane ce qui sera son programme esthétique, confirmé par sa filmographie de longs métrages: un plan de film bien construit peut suffire à témoigner des choix fondamentaux d’un cinéaste. N’est-ce pas une bonne introduction à l’économie du court !

Carrefour d’imaginaires
                                                                  « N’oubliez pas les ciseaux ! »
Eisenstein
Un regard, un brin anthropologue, n’aurait pas manqué de relever ce hasard heureux qui a mis en ouverture de la première projection officielle du festival, celle du mardi matin dédiée aux films d’école,  une séquence gnaouie comme dans la pure tradition mystique de se référer à ce rituel consistante en tahdart pour saluer « les propriétaires des lieux » et se prémunir des « démons et autres forces obscures » ! C’était, en effet, émouvant de voir la salle Roxy, vibrer aux rythmes, qui puisent dans le métissage des signes culturels qui font de notre identité plurielle. Le film, un court métrage documentaire présenté par un lauréat du département du cinéma de la faculté de Marrakech, était d’une grande sincérité et plein de promesse. Sa première partie tient la route avant de céder à ce défaut presque inhérent aux œuvres scolaires et que nous retrouvons, à des degrés divers dans les autres films des autres instituts, celui de la surcharge discursive et thématique. D’où cette citation en exergue que nous avons empruntés au maître du cinéma soviétique des années 20 « n’oubliez pas les ciseaux ! » qu’il avait affiché à la porte de son bureau de travail. Saluons au passage la qualité générale des films présentés, ce qui est de bon augure pour l’avenir de notre cinéma,   avec des films coup de cœur comme le très beau Zahra de Houda Lakhdar et l’exercice réussi de Zahra Sadik et Mustapha Aboulfath ; bon vent les amis…
Chez leurs ainés de la compétition officielle, l’offre fut riche, diversifiée et éloquente en termes d’expression d’imaginaires. La méditerranée était là, imagée, dans un faisceau de lumière projetant rêves, angoisses, interrogations et incertitudes. Un imaginaire pluriel exprimé à travers des approches tout autant diversifiées. Allant de la grande possibilité de jeu avec les images qu’offre le numérique comme dans  l’espagnol Memory ou le chypriote Stahia… à des structures plus de facture classique (au sens positif du mot car exprimant une grande maîtrise des outils de mise en scène) comme dans le grec Buyout ou dans Easter Eggs. Comme il y a eu des idées qui ne sont pas allés très loin (le turc The bus, dommage la chute est ratée) ou des films qui ont marqué la salle ( Four walls Sarajevo) ou tout simplement le coup de cœur de la journée, avec le français, Ce chemin devant moi…
P. S : dédicace spéciale à l’élégante membre du jury Safinez Bousbia en hommage à son bijou de documentaire El Gusto ; je l’ai vu il y an et il m’habite encore. Merci.

Qui peut voir…
Le public a découvert, ce mercredi, les deux premiers films marocains en compétition officielle. Il s’agit de Comme ils disent de Hicham Ayouch et The target de Munir Abbar. Jeudi et vendredi trois autres courts métrages complètent la sélection 2012. Cinq films qui disent d’abord une réalité en termes de production et de tournages ; bon an mal an, le Maroc peut disposer en effet d’une centaine de courts métrages émanant de structures de production diversifiée. Une diversité que nous retrouvons en amont déjà, c’est-à-dire au niveau des générations et de leurs parcours. Abbar et Ayouch sont par exemple issus de la génération de la diaspora (France et Allemagne) ; les autres réalisateurs présents en compétition officielle confirment cette diversité. Les parcours aussi sont atypiques. Beaucoup sont issus directement de la production, d’autres sont venus à la réalisation de la cinéphilie. On attend encore les jeunes issus des écoles de cinéma. Qu’est cela donne et exprime en termes artistiques et esthétiques ? là encore nous retrouvons une diversité d’approches. Par exemple, Abbar reste fidèle à son désir d’aborder de front des thèmes et des sujets d’actualité centrés sur l’expression de l’altérité, le rapport à l’autre avec les conséquences que cela induit comme quête et mouvement dans l’espace ou dans le rêve. Le choix du titre The target aux connotations militaires évidentes dit bien cette insistance. Le héros de son film porte un nom emblématique Tarik ; l’ancêtre en quelque sorte des « brûleurs » et qui a instauré dans l’imaginaire local le rêve définitif d’une Andalousie devenue un eldorado inaccessible…tout cela est porté par un beau travail au niveau de l’image flirtant avec l’esthétique de la publicité…
Chez Hicham Ayouch qui revient ici au court après avoir déjà entamé une carrière de long, la focalisation s’opère au niveau d’un système de personnages désaxés en rupture avec la doxa.  Avec les valeurs dominantes. C’est en général un univers insolite travaillé à bras le corps par un montage incisif, aux antipodes du récit réaliste. Des êtres singuliers servi dans des formes singulières mobilisant les signes dans une démarche qui invite le récepteur à un autre dispositif de réception…à l’instar de ce que dessine en filigrane le court métrage grec The Attic en posant la question du voir : la jeune fille et son grand-père parviennent, dans leur complicité, à voir ce que les autres ne voient pas…




dimanche 23 septembre 2012

sorties nationales 1

Elle est diabétique 3 des frères Noury
Ce n'est pas le pied!

Il y a des signes qui ne trompent pas: l'affiche déjà n'augurait rien de bon par rapport au nouvel opus de la saga de Haja Fakhita, alias Amina Rachida, héroïne du "serial comic", inauguré il y a bientôt dix ans par Hakim Noury avec Elle est diabétique, hypertendue et refuse de crever...Le film avait plu; les gens ont adhéré; les critiques ont accepté: on rit de bon coeur; on passe un bon moment sans crier au chef d'oeuvre; pour l'essentiel, les ingrédients d'une comédie populaire sont là, portés par un casting très réussi bâti autour du duo Amina Rachid et Rachid Elouali; une belle trouvaille qui s'est révélée être un ticket gagnant...inspirant, fait rarissime dans notre jeune cinématographie, le deuxième épisode de ce qui allait devenir la saga de Hajja Fakhita: le scénario garde la même structure de base jouant sur les ressorts de la comédie de caractère avec un personnage central, déterminant par son "impérialisme" dramatique, les autres comportements, provoquant des situations insolites. Cela a donné Elle est diabétique 2, on est encore dans la comédie, mais le public a montré moins d'enthousiasme, entre 2000, année du premier épisode et 2005, l'année de la deuxième partie, de l'eau a coulé sous les ponts, certainement des larmes aussi: on rit moins peut-être. le gros du casting a été retenu, sauf pour Houda Rihani, la fille gâtée et l'épouse trompée et apparition marquante de Feu Mohamed Said Afifi dans l'une de ses très belles (et ultimes, hélas) prestations...cette année, hasard, heureux, verra également la sortie du premier long métrage des enfants (Hakim ne fait pas que des films!) Noury : Imed et Souhail, le très beau Les portes du paradis avec...un Hakim Noury dans un rôle inoubliable de justesse et de profondeur...hasard heureux car des années plus tard, les frères Noury reprendre le flambeau de la saga et réalisent Elle est diabétique 3 et mettent en scène de nouveau Hakim Noury qui donnera la réplique à Hajja Fakhita en l'absence de Najib/ Rachid Elouali que "le scénario" a envoyé en voyage, pour justifier son absence et surtout pour libérer le terrain à une nouvelle formule, au sens quasiment chimique du mot ou pour user d'une métaphore culinaire pour mettre en application une nouvelle recette avec d'autres ingrédients...au restaurant du coin on dirait familièrement que la mayonnaise n'a pas pris...Dommage, car on attendait ce film de Imad et Swel pour les voir enfin rencontrer un grand public; ce sont, en effet de vrais cinéastes, très doués, très professionnels: l'entrée par la comédie n' pas été la voie salutaire. une occasion ratée comme ailleurs, dans d'autres domaines, il arrive à des hyper doués de rater des choses...les frères Noury ratent cette comédie comme un Messi rate un penalty; on accepte, le coeur serré, car on connaît la vraie valeur des uns et de l'autre. pourquoi alors? La question stratégique au cinéma c'est plutôt comment? j'ai envie de dire qu'on ne filme pas Hajja Fakhita comme Spielberg filme Tintin. ce sont donc des choix de mise en scène ou plutôt de mise en image qui on provoqué une sorte de hiatus entre la conception et la réception. le projet s'inscrit dans une suite celle de la comédie populaire; les promoteurs du films parlent même de "la comédie de l'année". on est donc ici dans la logique de genre. Or, un genre c'est d'un côté un canevas de fabrication, un cahier des charges qui s'imposent aux créateurs et, de l'autre côté, un horizon d'attente doublé d'une grille de lecture chez le récepteur. grille de lecture activée s'il y a rencontre entre les normes du genre et les attentes...il me semble que ce rendez-vous n a pas eu lieu: la suite de la carrière du film nous le démontrera. le film pourtant se veut optimiste multipliant les clins d'oeil et les renvois aux épisodes précédents: l'adresse au public, l'image fragmentée et dilatée, les plans en split screen...une esthétique de la série télévisée avec du Tarentino et du Spielberg...
le film s'ouvre sur le gros plan d'un pied supposé être celui de l'héroïne: une image polyphonique qui renvoie à plusieurs lectures, riches de sens dans l'imaginaire du récepteur!

dimanche 16 septembre 2012

Chronique du week-end

Weekend chargé en images fortes mais, hélas, pas forcément agréables ou pertinentes; combien, en effet, j'aurai aimé consacrer cette chronique de fin de semaine uniquement aux plaisirs du weekend: les films vus et surtout ma passion première , le football avec cette fois une belle victoire du barça et, cerise sur le gâteau, une défaite du réal...mais l'actualité offrait  d'autres images plus tristes et surtout plus révélatrices de la stupidité et de la bêtise humaines...deux arrêts sur images: la colère des musulmans et le départ de Gerets
l'innocence des musulmans...la culpabilité des images?.
"nous sommes là; les uns à côté des autres, contemporains, mais chacun se trouve à un moment différent de l'histoire"
un petit film vidéo, intellectuellement débile et techniquement artisanal a mis le feu au poudre: non ce que nous venons de vivre n'est pas une dénonciation d'un geste offensant pour un symbole religieux fort; cela va bien au-delà et révèle une crise grave plus profonde, certainement très politique mais essentiellement culturelle.
un commentaire journalistique a résumé jusqu'à la caricature le paradoxe de la situation où se trouve enfermée, par les fanatiques et les extrémistes la communuaté musulmane: "réaction violente à un film qui accuse les musulmans de violence" on a envie de sourire mais c'est triste, et il y a mort d'hommes...oui des gens sont morts un peu partout à travers la vaste carte du monde musulman, des dégâts énormes ont été apportés aux biens publics et privés et surtout des images en boucle d'un fanatisme d'une autre époque sont venues servir, comme un bonus, la médiocre vidéo anonyme qui nous  est parvenue de la lointaine  Californie.
que dire alors quand tout discours serein, apaisé et modéré est acculé à l'attentisme? trois choses qui viennent confirmer ce que nous savons déjà:
1) les paradoxes de notre rapport à l'Amérique et à l'Occident
2) notre rapport compliqué aux images
3) notre sens étriqué de la démocratie et de la liberté d'expression.
mon hypothèse est que les gens qui sont allés buter sur les murs des différentes représentations diplomatiques américaines et/ou occidentales et au-delà des fortes présomptions de manipulation politicienne ici et là, sont l'autre version du désir de l'autre que tous les jours que le bon Dieu fait est exprimé par les vaques incessantes de flots migratoires dans le détroit, dans les environs de l'ïle de Lampedusa! il n'y a pas de désir sans haine: le désir d'Amérique se traduit aussi par une haine viscérale: regardez les images de ces jeunes heureux de "déflorer" l'enceinte de l'amabassade américaine et de remporter un trophée, à défaut de la mythique carte verte, ici un ordinateur, là une table...dérisoire mais révélateur...il n y a pas pire que le dépit quand il ne trouve pas un issue cathartique...ce sont les mêmes mécontents que nous retrouverons dans quelques semaines, devant les mêmes ambassades;  remplissant les formulaires de demandes de visas...quant à Sidna Mohammed له رب يحميه
les ripostes adéquates sont venues de l'Amérique elle-même qui ne cesse de nous rappeler que c'est un pays et une civilisation complexes; l'Amérique n est pas monolithique; aux images ternes et  fades de la vidéo assassine, l'Amérique nous renvoie la belle image d'Angelina Jolie (oh quel merveilleux nom!) n'hésitant pas à pousser son désir d'altérité à métamorphoser son image; pour épouser l'image de l'autre pour ne pas le...tuer; j'ai envie de citer Emmanuel Levinas: "il y a dans le visage d'autrui toujours la mort d'autrui et ainsi, en quelque manière, incitation au meurtre". Affaire à suivre
Cherche entraîneur désespérément!!!!
fin d'un mauvais feuilleton, celui de l'entraîneur de l'équipe nationale: voilà un rendez-vous complètement raté; on sait qu'en matière de football tout le monde est spécialiste et le malheureux Gerets a eu affaire à trente millions de directeurs techniques doublés cette fois de conseillers de la cour des comptes. dès le départ, il y avait focalisation sur le salaire de l'expert international plaçant le débat sur un terrain favorable aux démagogues et aux populistes. une brèche a été ainsi ouverte et à chaque déboire technico-tactique de la sélection marocaine, on crie au scandale du salaire faramineux de "l'étranger"; dans cette cacophonie, il y avait bien sûr ceux que cela arrangeait car à l'origine, ils n'aiment pas le football, ils n'aiment pas le spectacle. descendre Gerets était une première victoire sur la voie de l'assainissement moral de la société: Mawazine, Gerets...c'était le même combat! 
quant à la situation de notre football, la réponse est venue du terrain le jour même du limogeage du sélectionneur national, avec la défaite du Widad à domicile face à une modeste équipe malienne! 
ceci dit, tout rajaoui que je suis, j'ai toujours défendu l'hypothèse d'un badou Zaki entraîneur national avec un effectif formé en majorité d'éléments issus du championnat local, renforcé ici et là par des valeurs sûres émanant de la diaspora: Kharja, Berrada...et puis surtout laisser une marge de manoeuvre réelle au staff technique...loin des interventions multiformes!



لسلاف خلاو وصية
امانة لجيال اليوم
حكاو مسايل هي 
وصلات في الزمان المعلوم

دبا تشوف الزمان الماجي دبا تشوف
المرحوم الرائع سوسدي

jeudi 13 septembre 2012



Repérages! 
Sur la route de Tafraoute des sites splendides au coeur  de l'anti-atlas: comment l'imaginaire de la géographie peut développer la géographie de l'imaginaire.
ici la référence ne peut être qu'américaine car c'est le cas quasiment historique de la rencontre ou de la convergence de la naissance d'un art, le septième,  et de l'épanouissement d'une nation: le développement de l'amérique s'st fait à travers de la conquête d'un espace ; le récit cinématographique américain est le récit d'un rapport à l'espace...
dans notre jeune cinématographie, le rapport à l'espace est la traduction de la crise du récit cinématographique lui-même enfermé dans une quête permanente de l'équilibre adéquat entre raconter et montrer
plus la narration est fluide plus le rapport à l'espace est ouvert!!!!!!!!!!!

mardi 11 septembre 2012


l'argent du cinéma: 2ème partie


Un peu d’histoire
Parler aujourd’hui du cinéma marocain, c’est parler de l’histoire de l’aide au cinéma. Celui-là n’aurait pas existé sans celle-ci. D’ailleurs, le Maroc passe pour être un modèle régional et continental en matière d’aide publique au cinéma.au Maghreb, en Afrique, le Maroc est regardé avec admiration…et jalousie. Faut-il rappeler que parmi les premières actions de la nouvelle Tunisie post-Ben Ali, en matière de cinéma, était de réfléchir au modèle marocain avec notamment un décret gouvernemental instaurant un organisme public du cinéma et une réflexion sur les modalités d’aide publique à partir de l’exemple marocain : un jour l’histoire dira ce qu’il en a été exactement et qui a aidé dans ce sens nos frères tunisiens…
Précisons d’emblée néanmoins que la formule marocaine actuelle n’est pas la panacée ; elle est, elle-même, le résultat d’un processus et d’une longue maturation. Comme elle est appelée aussi à évoluer. Trois étapes vont caractériser ce processus :
1980- 1987 : le fonds de soutien
1987-2003 : le fonds d’aide à la production
Depuis 2004 : l’avance sur recettes
Ces grandes datent qui balisent l’évolution de l’aide au cinéma sont aussi traversées de dates intermédiaires qui renvoient à des corrections et des amendements apportées aux textes fondateurs ; ce fut le cas notamment en 1995, 1997, 2003, et 2005…A chaque fois, l’autorité de tutelle et les professionnels apportent des réajustements en fonction du retour d’informations à partir de la pratique.
 Il faut donc remonter à la fin des années 70 pour trouver la première trace financière d’une intervention étatique d’aide à la production. Rappelons que le Centre Cinématographique Marocain avait parmi ses prérogatives originelles de produire…cela a donné lieu à une riche filmographie de courts métrages notamment institutionnels et à quelques tentatives en matière de long métrage de fiction de Vaincre pour vivre à Sarab… Mais l’aide proprement dite remonte à 1980. A cette époque on parlait du fonds de soutien à la production. C’était quasiment une aide automatique, tout projet déposé auprès de la direction du CCM disposait d’une prime à la production. Le cinéma marocain vivait une traversée du désert : en moyenne un film par an : à peine vingt films ont été produits depuis 1958, c’est-à-dire depuis Le fils maudit de Mohamed Ousfour considéré par certains historiens comme le premier film réalisé par un Marocain, jusqu’à 1979.
Avec l’entrée en vigueur de la formule du fonds de soutien et de la prime à la production le nombre de films va connaître un accroissement considérable. Rien qu’entre 1980 et 1984, vingt-six (26) films de long métrage vont voir le jour et permettre l’émergence, en 1982 à Rabat, d’une manifestation entièrement dédiée au film marocain ; ce sera le Festival National du Film. Il est utile de rappeler le montant de la prime octroyée à l’époque à travers quelques exemples. C’est ainsi que pour l’année 1980, un film comme Le Facteur de Hakim Noury avait obtenu 360 000, 00 dirhams ; Alhal (Transes) de Ahmed Maanouni avait obtenu 100 000,00 dhs ; Le grand voyage de  Tazi 350 000, 00 dhs. En 1981, Le coiffeur du quartier des pauvres de feu Mohamed Reggab avait obtenu 300 000, 00 dhs ; Les beaux jours de Shehrezade de Mostafa Dekaoui avait obtenu 400 000, 00 dhs. Hadda de Mohamed Aboulouakar en 1984 avait eu pour sa part 400 000, 00dhs.
Cette première expérience ne fera pas long feu : déjà à l’époque on avait ressorti le débat sur la quantité qui a « primé » sur la qualité. Rien de nouveau sous le soleil, à ce niveau aussi !
Ce tableau va nous permette de récapituler le nombre de films produits et le total des montants distribués lors de la première expérience du fonds de soutien au cinéma au Maroc, lors de la décennie 1980 – 1989 :






Nombre total de films soutenus
Avant production
Après production
Total soutien
en Dhs
Moyenne soutien par film en dhs
Longs métrages
42
39
3
15 127 000,00
360 166,67
Courts métrages
34
32
2
1 558 000,00
45 823,53
TOTAL SOUTIEN
 16 685 000, 00 DHS


Cette première expérience, malgré les critiques suscitées ici et là,  ouvrira la voie à l’entrée du Maroc dans le club des pays qui apportent un soutien public au cinéma. Il faut aussi préciser à ce niveau que le fonds de soutien instauré à partir de 1980 était principalement alimenté par la taxe (10%) prélevée sur les billets de cinéma : signe des temps, le cinéma était fiancé par le cinéma. Cette situation va être bouleversée dès la fin des années 80 avec la chute vertigineuse des recettes guichet et le début d’érosion du parc des salles de cinéma. 
La formule initiale  sera alors révisée à la fois dans son mode de fonctionnement et dans les modalités de financement ainsi que sur le montant de l’aide octroyée.
Dès 1987, on instaure l’idée d’une commission composée de personnalités de divers horizons et surtout instaurer le système de la sélection sur dossier. On assistera alors à un nouveau départ de la production cinématographique nationale. Les montants octroyés vont connaître une progression consistante.
Le tableau récapitulatif suivant nous en donne un bref aperçu sur la période 1990-2003

Nombre de films soutenus
Avant production
Après production
Total du soutien
Moyenne par film
Longs métrages
83
73
10
145 024 250,00
1 747 280,12
Courts métrages
63
44
19
14 092 875,00
223 696,43
Total soutien
159 117 125,00 dhs


Les chiffres commencent à avoir leur propre éloquence ; les résultats ne tardent pas à suivre ; la décennie 90 sera taxée de tournant dans l’évolution du cinéma marocain notamment à travers le paradigme de la réception publique. Un film emblématique de cette rencontre avec le public, Un amour à Casablanca de Abdelkader Lagtaâ avait obtenu 800 000,00 dhs ; un film très prisé par les cinéphiles, La plage des enfants perdus de Jilai Ferhati avait obtenu 930 000,00 dhs ; A la recherche du mari de ma femme de M.A Tazi avait bénéficié d’une aide de 1 750 000, 00 dhs… Entre 1980 et 2003, l’aide publique au cinéma a permis la production de 129 longs métrages et 93 courts métrages ; le montant global de l’aide se chiffrant à 177 929 125, 00 dhs. Les choses sont mûres alors pour passer à une nouvelle étape et à une nouvelle formule d’aide au cinéma. Ce sera le système de l’avance sur recettes. 

lundi 9 juillet 2012

L ' argent du cinéma: 1ère partie


Du fonds d’aide à l’avance sur recettes

La commission d’aide à la production cinématographique nationale vient de rendre public le résultat de ses délibérations au titre de la première session de son nouveau mandat (1). Un résultat très attendu quand on sait que  l’installation de cette nouvelle commission avait donné lieu cette année à un accueil spécial exprimant une certaine curiosité de la part des médias et d’une partie de l’opinion publique alors qu’il n’y a pas si longtemps, cela relevait presque du non-événement. Cet intérêt médiatique et public  peut être perçu également comme   une des conséquences de la place qu’occupe désormais le cinéma marocain dans le paysage artistique et de l’intérêt qu’il suscite dans l’espace public.

Il y a, en fait, une explication en liaison directe avec la conjoncture politique issue du scrutin du 25 novembre et surtout eu égard au discours d’escorte qui a précédé, accompagné la nomination et l’installation de cette nouvelle commission. La chose a pris une tournure telle que l’impression laissée chez de nombreux citoyens est que cette nomination intervient dans le cadre du programme de réforme du nouveau gouvernement. Les discours, les mots utilisés… ont véhiculé en filigrane une interprétation dans ce sens. D’autant plus que cela coïncidait avec la fameuse polémique sur la publication des noms des bénéficiaires des agréments…Bref, l’arrivée de la nouvelle commission était conditionnée par un contexte électrique !

A signaler en outre que les interventions des principaux acteurs de cette opération à savoir le ministre de la communication, le nouveau président de la commission et certains commentaires apparus ici et là ont contribué à accentuer cette impression en instaurant un nouvel horizon d’attente porté par une éventuelle rupture dans le travail de la commission du fonds d’aide à la production cinématographique nationale. La révolution, ou presque !

So on était dans Shakespeare, on aurait dit « beaucoup de bruit pour rien ». Force est de constater, en effet,  qu’il y a eu autour de cette nomination beaucoup de choses  inexactes ou relevant tout simplement de la surenchère facile et démagogique. Un  volet que l’on qualifierait d’idéologique a largement marqué le discours sur  l’action de la commission ; tout cela  mérite aussi débat.

Nous nous proposons dans cette contribution de restituer la nomination de cette commission dans une perspective historique, de rappeler les modalités de son action telles qu’ elles sont arrêtées et fixées par  de nombreux textes et de commenter en outre, les présupposés qui ont porté les discours produits autour de cette nomination notamment sur cette dichotomie devenue argument majeur du référentiel des uns et des autres à savoir la distinction entre la quantité et la qualité : on annonce en effet avec beaucoup d’emphase que l’aide au cinéma va entrer dans une nouvelle ère où la priorité sera accordée à la qualité au détriment de la quantité ! (2)



Signalons alors, en tout premier lieu, que c’est un pur hasard de calendrier qui a fait coïncider l’installation de la nouvelle commission avec l’arrivée d’un nouveau gouvernement. Tout laissaissait croire dans le non-dit des discours véhiculés à cette occasion que la commission précédente a été purement et simplement renvoyée. 0r celle-ci, présidée d’abord par M. Mohamed Larbi Messari (démissionnaire pour des raisons sur lesquelles il faudrait peut-être revenir) puis par Mme Ghita Elkhayat, est arrivée tout simplement  au terme de son mandant de deux ans et ce le 31 décembre  2011. La courtoisie dicterait à rappeler ce fait d’autant plus qu’avec Mme Elkhayat on était devant un cas de figure original : elle était la première femme à avoir présidé la commission du fonds d’aide. Beaucoup d’observateurs objectifs ont regretté ce silence à l’égard de la précédente commission qui tranche avec la philosophie de l’élégance du geste développée et mise en pratique, y compris dans son action personnelle,  par le chef du gouvernement.

dimanche 8 juillet 2012

abderrahmane sissako: le cinéma en attendant le bonheur



La quinzième édition du festival du cinéma africain de Khouribga (30 juin, 7 juillet) a rendu, lors de la cérémonie d’ouverture, un hommage au cinéaste Abderrahmane Sissako. A cette occasion, Mohammed Bakrim a prononcé le discours suivant :

Permettez-moi de prime abord de dire mon plaisir, si ce n’est ma fierté de contribuer modestement à l’excellente initiative de mes amis du festival de Khouribga avec cet hommage rendu à Abderrahmane Sissako ; un hommage aux dimensions multiples, professionnelles, cinéphiles, culturelles et une dimension humaine sûrement ;  car Si Abderrahmane est à l’image de son cinéma : une œuvre ouverte qui ne s’inscrit pas dans un schéma, dans une grille définitive ; une œuvre  à l’échelle d’un continent, le continent africain dont il transforme les blessures en poèmes et les  cicatrices en promesse de bonheur…d’ailleurs c’est le socle de son identité, le paradigme essentiel de sa pensée L’Afrique…il est alors tout à fait légitime de lui rendre hommage ici à Khouribga, le bastion historique de la cinéphile marocaine qui a choisi très tôt de fêter le cinéma africain, de montrer ses films et de dire à ses pionniers : on n’oublie pas ; en célébrant Abderrahmane Sissako ici et maintenant nous célébrons l’Afrique notre mère nourricière,  le creuset de notre imaginaire commun ; le titre générique de notre horizon…

Abderrahmane Sissako a choisi de dire son africanité par le langage de son temps, le cinéma, les images… Au moment où l’Afrique était pratiquement le dernier continent à rejoindre la carte du cinéma mondial. Venu de la Mauritanie profonde, il traversa les frontières à la quête du savoir…traçant en filigrane le scénario de ses créations futures, celle de l’homme moderne confronté à l’horizon incertain ; l’homme nomade comme métaphore de la modernité

Après de brillantes études de cinéma au pays du montage et de la sacralité des images je veux dire le pays qui a donné au cinéma mondial Eisenstein et Tarkovski, Abderrahmane Sissako choisit fondamentalement de mettre son savoir et son savoir-faire au service du cinéma africain. Il entame son parcours par un titre emblématique Octobre, film tourné avec le chef opérateur de Tarkovski dans André Roublev. Octobre est traversé de questions que nous retrouverons déclinées autrement et différemment dans la filmographie en devenir : l’altérité, la quête de reconnaissance, la rupture douloureuse et peut être nécessaire…le film séduit, il décroche le premier prix au festival de Milan en 1994. Le cinéaste a alors trouvé sa voie ; après l’expérience du court il revient à Milan en 1999 pour décrocher le prix du meilleur long métrage avec La vie sur terre ; un film né dans le sillage d’un nouveau millénaire, occasion pour Sissako de revisiter un village malien, métonymique de tout un pays de tout un continent de tout un destin pour dire à la lumière d’un grand poète Aimé Césaire, la détresse et l’abandon. Dialogue de deux poètes à l’aube d’un siècle qui vient…le cinéaste africain assume ce choix ; il est reconnu comme une nouvelle voix qui rejoint celle des maîtres : Sembene Ousmane, Souleymane Cissé, Djibril Diop Mambety… les jalons de l’universalité d’un cinéma émergent

Pour  Adberrahmane Sissako l’entrée par la grande porte du cinéma mondial sera celle  la Croisette.  En 2002 pour En attendant le bonheur, lauréat du Prix de la critique internationale, dans lequel il dénonce l'impuissance des pouvoirs publics africains et les politiques anti-immigrations des pays occidentaux. L’échange inégal des relations Nord / Sud sera une nouvelle fois abordées en 2006 dans Bamako, fable humaniste projetée à Cannes en Sélection Officielle Hors Compétition. Un grand film au sens plein du mot, une construction cinématographique originale qui se joue des frontières factices entre documentaire et fiction ; une rhétorique qui puise dans la tradition orale africaine pour mettre en place un dispositif (la cour) où les rôles et les échanges obéissent à une dramaturgie mais aussi aux règles du quotidien ; avec des moments forts d’émotion, d’empathie et d’éloquence comme cette séquence du paysan qui vient dire son malheur dans sa langue ancestrale et que le cinéaste a eu l’intelligence de ne pas sous titrer car le discours crevait l’écran au-delà des normes linguistiques…Pour Sissako, un cinéaste africain, c’est un artiste venu d’un territoire presque désertique, du point de vue de son art. Quand il arrive à faire un film, il est envahi par le sujet qui devient politique. C’est comme s’il devenait porte-parole. Dans, Bamako, Sissako parvint à neutraliser cette fatalité et son point de vue sur le monde et d’abord un point de vue sur le cinéma…d’où cette sollicitation qui le met au cœur d’une riche activité professionnelle ;

En 2007, par exemple,  il préside le jury du festival Premiers plans d’Angers ; c’est l’année également où il fera partie du jury de la compétition officielle de Cannes. L’année suivante il présidera le jury de la Femis et il viendra aussi à Khouribga  pour présider son jury.

Cette présence multiforme est portée par une générosité et une disponibilité à toute épreuve : il est sans cesse en solidarité permanente avec ses collègues africains profitant de sa notoriété et sa présence dans des commissions d’aide pour mettre en valeur le cinéma africain et encourager les cinéastes de notre continent. La jeunesse en particulier est au cœur de sa démarche de citoyenneté cinématographique africaine ; j’ai eu la chance et le plaisir de constater sur place à Nouakchott l’énorme engouement qu’il a suscité pour le cinéma chez les jeunes mauritaniens grâce à l’initiative de lancer une structure civile et cinéphile la maison des cinéastes qui est devenue rapidement la locomotive d’une riche activité cinématographique prometteuse avec notamment la Semaine nationale du film qui permet à cette jeunesse de montrer ses films et de les confronter à d’autres regards et à d’autres expériences, tout au milieu de ce havre de création une immense photo de Abderrahmane Sissako est dressée comme un geste de reconnaissance et de filiation. Les cinéastes de la nouvelle génération ne tarissent pas d’éloge à son égard et citent plein de projets avec lui, j’en ai retenu un qui continue à me faire rêver Aderrahmane pense en effet à l’organisation des rencontres cinéma et poésie au cœur du désert de Changuit là où le silence parle au silence et les étoiles éternelles illuminent les rimes du poème qui vient.

« Et maintenant, je me dirais à moi-même, à mon corps aussi bien qu’à mon âme : et surtout gardez-vous de croiser les bras en l’attitude stérile du spectateur car la vie n’est pas un spectacle, car un homme qui crie n’est pas un ours qui danse » in Cahier d’un retour au pays natal  par Aimé Césaire.

Pour finir Si Abderrahmane, à l’image du paysan de la cour de Bamako je te dirai dans la langue de mes ancêtres tanmirt immimen d tragat n jdiguen é gmatnnekh abderrahmane ; et là aussi on ne va pas traduire.

Merci à toi

Merci à Khouribga

Mohammed Bakrim

Critique de cinéma directeur de la rédaction du magazine Cinémag

Khouribga, 30/06/ 2012

Albachado de Hassan Aourid

  L’intellectuel et le pouvoir ou la déception permanente ·          Mohammed Bakrim «  Avant d’être une histoire, le roman est une in...