lundi 31 août 2015

Voyage en Tamazgha (2ème partie)

Comme un génocide culturel (2)


C’est l’écrivain soudanais Tayeb Saleh, auteur du célébrissime  Saison de la migration vers le nord, qui a certainement le mieux capté et exprimé les signes de cette métamorphose de la culture locale face à l’avancée chaotique de la modernité et qui a engendré ce que j’ai appelé à la suite de Pasolini, un génocide culturel. Issu  lui-même de la petite paysannerie pauvre, Saleh a fait de la disparition de la culture traditionnelle suite à la confrontation avec la modernité, un de ses thèmes majeurs. Dans un recueil de nouvelle « daoumat Ouad hamed » (merci à mon ami Ferradi qui m’a mis sur cette piste), il décrit,  dans une langue authentique car parlant au nom de ceux qui n’ont pas accès à la parole, les mutations brutales que subit un village du Soudan suite à cette pseudo-modernité envahissante. Toute une production de l’imaginaire africain dit  cette disparition programmée ; ce dérapage non contrôlé. Sembene Ousmane, Ahmed Bouanani, Oumar Sissoko, Hakim Belabbès…ont, pour le cinéma, eu le souci de mettre en récit imagée cette perdition, ce monde qui disparaît.
Attention, il ne faut pas lire ce constat comme une position nostalgique, un regret des formes passéistes d’organisation sociale. Non, c’est un cri de colère, spontané, face à cette agression sauvage qu’opère l’arrivée au sein des campagnes et des villages de formes et des modes de vie plaquées sur une réalité qui  ne les a pas vu arriver. Les conséquences étant standardisation, mercantilisme, perte de valeurs et de repères…
En entamant la descente du col de Tizi N’test vers la plaine du Souss, et tout en accordant l’attention qu’il faut à la route faite de virages et de tournants aussi surprenant les uns que les autres, ma pensée vogue vers les souvenirs de contes et des images qui ont nourri mon enfance. Chaque été mes parents entamaient le voyage de retour vers le Souss natal faisant notre bonheur. Un bonheur simple fait de fêtes de mariage, de moussems, de rencontres dans les souks hebdomadaires et de quelques rares travaux d’été  notamment le ramassage de l’argane…La pauvreté était là, mais point de misère. Les gens étaient dignes, fiers et somme toute, heureux …Milieu des années 1960 jusqu’au milieu des années 1970. L’immigration était sur toutes les bouches et le passeport était la hantise des jeunes rêvant d’aller à l’eldorado. Un nom revenait souvent dans les discussions, le soir ou dans les pauses dans les champs celui de Murat (prononcé Mougha). Il était envoyé par les mines de charbon, notamment du nord et de l’est de la France pour recruter de la main d’œuvre. Il sillonnait les villages du Souss et tamponnait sur les poitrines frêles qui se présentaient à lui, tantôt « apte », tantôt « inapte »…des chants et des poèmes spontanés ont immortalisé cette séquence historique. Les conséquences sont aujourd’hui visibles ici et là-bas. Il ya ceux qui ont eu de la chance, ceux qui sont restés entre les deux rives. De belles chansons du regretté Amori Mbarek disent éloquence ce que ces rêves sont devenus. Notamment Gennevilliers dont le texte était écrit par Ali Sidki Azaicou, fils béni de la région.
Le col de Tizi N’test est chargé de ce genre de récits ; les récits de ceux qui affronté l’adversité et ont escaladé des montagnes ardues pour aller « lgharb » à la recherche du pain quotidien. Des migrants de l’intérieur qui ont suivi le chemin de différents mouvements sociopolitiques qui ont emprunté cette voie mythique sous la houlette de dirigeants hantant encore la mémoire collective. En termes de lecture je vous conseille le livre « Un caïd du Maroc d’antan, Tayeb Goundafi (1855-1928) », par son petit-fils Oumar Goundafi ; ouvrage riche en informations sur la région du Haut Atlas et son flanc sud qui m’intéresse ici particulièrement
L’arganier : en finir avec l’omerta


Ce col marque d’ailleurs un passage vers le territoire de ma tribu d’origine, les Ait Smeg. Tribu rebelle, illustration parfaite du fameux bled siba et qui a toujours alimenté les troupes des Caïds et des dissidents qui voulaient en découdre avec le pouvoir central. C’est l’un des derniers bastions qui ont échappé à la France. Les Ait Smeg occupent une position centrale dans le flanc sud du Haut Atlas, et le nord de la plaine du Souss, dans ce que l’on appelle ici Ras Eloued, en amont du fleuve. Le centre administratif a été et reste Tafingoult qui a connu son heure de gloire jadis. Cette région a donné de grands poètes amazighs autodidactes qui accompagnent les fêtes et les moussems…dans son expression moderne,  le plus célèbre d’entre eux Ali Sidki Azaikou, dada Ali pour les intimes. Figure du mouvement culturel amazigh, Azaikou est le symbole de l’attachement et de la défense à une culture originale. L’un des titres de ses textes est tout un programme : Retour à la culture populaire, authenticité et racines profondes ! Cette culture,  je découvre aujourd’hui qu’elle subit une violente agression : l’architecture, la langue, les traditions culinaires et alimentaires, et surtout le rapport à la nature sont sujet d’une profonde mutation. Expression de l’appartenance à un territoire donc d’une identité, ils sont réduits à des avatars d’une époque révolue. La préparation du pain en donne une xemple concret. La région était connue par deux variantes de pain préparées maison au feu de bois. Le premier « Tanourt » pour la consommation de tous les jours et le « afarnou » pour les grands événements…Aujourd’hui tous les villages dépendent du pain standard fabriqué industriellement et distribué chaque matin à l’instar des grandes villes. Progrès ? 
Du coup, le paysage change forcément ; le paysage naturel comme le paysage humain et social : apparition de nouveaux phénomènes comme la pollution (les sacs en plastique, les eaux usées…) apparition de nouvelles maladies liées aux nouveaux modes de consommation non adaptées au contexte.
Le signe qui a longtemps symbolisé la symbiose entre l’homme soussi et son environnement spécifique est l’arganier. Arbre sobre et résistant,  qualités reconnues à l’être soussi lui-même. C’est l’arbre qui est né dans une  adaptation parfaite avec le climat semi-désertique de la région. Econome, il consomme peu d’eau. Il était l’expression d’un écosystème équilibré.  Du coup toute la plaine de Souss reposait sur une nappe phréatique abondante née d’une accumulation séculaire…jusqu’à l’arrivée de nouveaux prédateurs qui ont découvert une terre en friche, de l’eau en abondance et ont commencé un travail transformation du paysage agricole  relevant d’un véritable crime écologique : on arrachait l’arganier en profitant de la misère des gens et on le remplaçait par des fermes de culture d’exportation. Toute la région de Taroudant a connu une gigantesque métamorphose ;  en l’espace d’une décennie, elle est passé de l’Arizona (un paysage désertique) à la Californie (un paysage verdoyant). Mais à quel prix ? « Mais vous êtes fous ! me dit un ami ingénieur. Vous êtes un pays aride et vous exportez de l’eau en Europe ! », remarquant mon étonnement il ajoute : Souss manque d’eau et vous cultivez de la tomate, de l’orange, du raison… des légumes et des fruits qui sont en majorité à base de près de 80% d’eau ».
L’autre agression subie par l’arganier est plus subtile et plus souterraine, donc plus pernicieuse car elle touche à la quintessence même de cette huile généreuse. Un technicien d’une coopérative féminine préparant des produits à base d’argane me rapporte qu’ils ont de plus en plus de difficulté à trouver de l’argane pur car celui de toute la région a été contaminé par les produits chimiques utilisés d’une manière extensive par les fermes de la région de Houara. Non seulement la nappe phréatique a été mise à sac mais elle est aujourd’hui et peut-être définitivement contaminée.
Bref,  la région fut saignée à blanc.  De  nouvelles couches sociales voient le jour avec notamment une nouvelle bourgeoisie avide qui a donné une assise sociale aux nouveaux partis politiques crées dans els années 70 et un prolétariat rural en majorité féminin, peu syndiqué et manquant d’expression politique ; de nouveaux centres urbains voient le jour, Ouled Taima en est le meilleur exemple…de nouvelles mœurs sociales nées de l’immense exode intérieur qu’à connu la région avec l’arrivée massive de la main d’œuvre des régions de intérieures du pays… et du coup de nouvelles pratiques sociales inédites ou peu répandues avant se développent. Beaucoup d’observateurs se sont étonné ses dernies mois des changements que connaît la ville d’Agadir et son agglomération en termes de violences et d’intolérance (hooliganisme dans le grand stade Adrar, criminalité…machisme sous couvert de rigorisme moral…). Quand on a en background les faits dévastateurs du génocide culturel que subit la région, il n’y a pas lieu de s’étonner, mais de s’alarmer.
Et pourtant c’est un beau pays


barrage Mokhtar Soussi

Les retrouvailles avec cette magnifique terre de mes ancêtres mobilisent mon temps, mes sentiments et ma passion. Je me donne quand même des pauses de lecture. Je reviens à ce dossier intéressant consacré dans un numéro d’été du Nouvel Obs, aux penseurs arabes. A commencer par Avicenne, cet « Aristote en turban ». Il a réfléchi sur la logique, la métaphysique…Un rationnel, un bon vivant… mais qui croit aux vertus de la religion ; « elle est même, dit-il,  nécessaire à la paix civile ». Je ne manque pas de penser à cette remarque lors de cette virée dans le flanc sud du haut Atlas. Au tournant d’un virage, loin de tout, la petite route débouche sur un village à l’horizon perché dans une montagne, ou au fond d’une vallée, apaisé et regroupé autour d’un minaret. Oui la religion est autre chose que « l’opium du peuple » elle est le ciment d’un  corps social en mal de cohésion. Facteur d’intégration et non d’exclusion ; d’union et non de division sectaire…Le rapport au sacré est justement un autre indicateur du changement subi.
Dans notre enfance, nous avons baigné dans un rapport joyeux et quasi-ludique avec la religion. Ma grand-mère dont l’arabe se limitait à deux ou trois versets du coran était pratiquante. Cela ne l’empêchait pas d’assister aux fêtes, d’entonner une chanson quand elle est emportée par le rythme. Les jeunes filles allaient en groupe chercher du bois ou de l’eau à la source à la tombée du soleil. Elles chantaient et riaient et souvent des groupes de jeunes les taquinaient du haut de la petite colline qui surplombe le source. Et plusieurs destins de couples ont été ainsi noués dans l’allégresse et la sérénité. Les femmes portaient leur Amlhaf, habit ample qui couvre le corps, retenu par des broches en argent, la fameuse tizerzit, emblème de Tamazgha et un léger foulard sur la tête. Pendant les fêtes nationales, les mariages et les moussems…les gens du village constituaient eux-mêmes leur groupe d’Ahouach. Une djellaba au blanc immaculé et un poignard en argent étaient ressortis à cette occasion. La communion était totale. Aujourd’hui le wahhabisme est passé par là. Dans les villages de mon enfance, le sourire a disparu. L’habit noir a fait son apparition. L’Afghanistan a fait des émules. Le prénom Oussama est légion. Les femmes portent gants et chaussettes (à 40°). Pour célébrer une fête on va chercher un groupe ou un Dj ou tout simplement on met un CD…
Je revisite Tafingoult. Ce chef lieu prestigieux des temps passés, vivote autour de quelques services administratifs ayant perdu son éclat d’antan. Il y a certes des signes de changement positif dans le sens où l’eau et l’électricité relient des coins jadis isolés. Face au déclin de Tafingoult, Oulad Berhil  est devenu un centre urbain dynamique ayant tiré profit de l’arrivée de l’agro-industrie dans la région. Les terres fertiles irriguées par l‘oued Souss donnent des variétés d’agrumes et de légumes d’une qualité exceptionnelle. Le niveau de vie a changé. La misère recule cédant la place a une  autre variante de misère immatérielle. Oulad Berhil  abrite encore la Kasbah du terrible Caïd Hida N Mouiss. Cet ancien délégué du Makhzen, pacha de Taroudant ; il avait semé la terreur dans la région. Il a connu une mort atroce, décapité par les hommes d’El Hiba. Le patrimoine folklorique garde encore le souvenir de ce despotisme  féodal qui avait marqué tout le haut Souss. A sa mort on chantait en effet « « Asif n Tighanimin, agh ibbi lmenchar asatour,
Nghan igdad lbaz, our soul ksouden iat.
  C’est dans l’Oued de Tighanimin (sud d’Agadir) que la hache a coupé le tronc, les moineaux n’ont plus peur de rien, ils ont mis à mort le faucon ». Admirez la beauté des images poétiques que la traduction ne reflète que partiellement.
Impossible de ne pas faire un saut du côté d’Aoulouz. Jeune centre urbain et ancien centre de pouvoir des célèbres caïds Dardouri, dont les vestiges historiques sont encore visibles. Aoulouz est connu pour ses produits agricoles, ses moussems de gnaoua. Sa position stratégique auprès de  Oued Souss lui confère aujourd’hui une autre importance. C’est le bassin d’eau qui nourrit toute la plaine du Souss notamment la région de Taroudant. De formidables ouvrages hydrauliques permettent de gérer en amont les flux de l’eau. Je fais une tournée du côté du barrage Mohktar Soussi, je suis ébloui par le gigantisme du travail accompli au sein de la montagne. Inauguré par le souverain en 2002, c’est une des fiertés du Maroc nouveau. La commune d’Iouziuoua est devenue verdoyante. Je m’y arrête pour une pause à quelques kilomètres du barrage. Un silence apaisant et des montagnes tout autour incitant à la méditation et au recueillement. Je ne manque pas d’avoir une pensée à ses instituteurs et institutrices qui affactés dans ses régions accomplissent souvent leur devoir avec abnégation. De vrais militants de l’ombre. Notre système éducatif devrait trouver une formule pour leur rendre un hommage permanent. Des oasis naissent ici et là bénéficiant de la retenue d’une eau qui a permis la résurgence de sources limpides et fraîches. Pourvu qu’une bonne gouvernance permette de rétablir un équilibre entre les zones de l’oued Souss. Les petits paysans en amont du fleuve sont défavorisés par rapporta aux gros fermiers de la zone de Sebt Elgourdane et Ouleid Taima.
En remontant vers la base du barrage je me rends compte que je ne suis plus qu’à une cinquantaine de kilomètres du parc national Toubkal. La tentation est forte de découvrir ce site splendide. Mes cousins me conseillent de le programmer plutôt pour avril. Rendez-vous est pris pour le printemps Inchallah.
En allant vers Taroudant, je fais un détour du côté d’une oasis, Tioute, véritable havre de paix. Je prends un repos dans les champs noyés dans un océan de verdure. C’est un vieux centre historique qui ne manque pas d’atouts…de l’eau en abondance il y a des piscines mais qui ne sont plus entretenues et une très belle palmeraie dans la vallée. Les palmiers  hélas sont attaqués par des parasites graves. Dommage encore une fois. Le génocide dont j’ai parlé semble général.  Je visite l’école coranique, une medersa traditionnelle, la zaouïa tijania. Je découvre également la coopérative Taïtmatine (les sœurs). Des femmes organisées grâce au soutien de l’INDH développent leurs savoir faire en matière d’argane avec l’apport des nouvelles techniques.  Je n’hésite pas à m’approvisionner ; je raffole de l’argane et de ses dérivés notamment l’amlou. Un délice qui dit et résume tout le charme et la spécificité de cette région.
Taroudant. La belle capitale de la région justement. Fille de l’histoire, avec son heure de gloire avec les Saadiens ; fille aujourd’hui de la géographie avec les mutations que connaît la plaine de Souss et qui influent sur son développement. Il y a au moins deux villes en une. Il y a le Taroudant du capitalisme agricole avec ses signes et ses symboles ; et il y a le Taroudant intra muros, celle que j’aime ; l’alter ego de Marrakech, paisible, au rythme adapté à la nature et au souvenir. Il y a beaucoup de vélos notamment avec des femmes ; le centre ville devrait être interdit aux voitures. Elle peut postuler à être la première ville écologique du pays ! Le soir la place Assarag s’anime tranquillement. Je prends un thé à la place farq Lahba… car tout ici bas est appelé à la séparation, sur la voie de la rencontre ultime.
Taroudant, ville de la mémoire refoulée mérite un meilleur sort. Ville prisée par les politiques internationaux grâce au mythique La gazelle d’or mais aussi par les cinéastes. Jacques Becker y a tourné son Ali Baba (1954) avec Fernandel. Le cinéaste français André Téchiné m’a raconté une fois qu’il aime venir y écrire.
Alors pourquoi pas un festival de scénario à Taroudant ? Un scénario possible contre l’oubli.
  

    

  

mardi 25 août 2015

Voyage en Tamazgha

Comme un génocide culturel




une culture en déperdition
Des  vacances sous le signe de découverte et de retrouvailles. Le vecteur de ce programme, désormais ancré dans les mœurs, est souvent le voyage. Mais il y a voyage et voyage. Il y a le voyage physique dans l’espace et il y a le voyage mental dans l’imagination. La nôtre ou celle des autres via la production symbolique que constitue les récits et autres écrits de fiction. Cela explique pourquoi les livres et les voyages entretiennent des rapports étroits ; les uns se nourrissent des autres et vis versa. S’apprêter à effectuer un voyage, dans le sens d’un déplacement physique suppose, du moins chez la génération prénumérique, d’inclure dans la liste des effets à ne pas oublier, des livres. Oui, ce sont de fidèles compagnons peu encombrants, discrets, commodes et toujours disponibles ; je parle des livres support papier en format de poche. Car aujourd’hui la donne a changé, par exemple ma tablette est dotée d’une riche bibliothèque électronique, via le téléchargement gratuit,  mais cela reste tributaire d’aléas comme  la durée de la charge et de l’alimentation en énergie externe. Pas de souci de ce côté-là pour les livres. Je reste donc plutôt papier dans ce genre de programme. Pour cet été, je fais le choix de quelques titres déterminés cette fois par deux genres fortement codés : le polar et les biographies historiques. Le Polar en premier lieu car sous l’apparence de l’évasion et du divertissement par le bais du suspense et des intrigues multiples transparaît un regard souvent pertinent sur les sociétés contemporaines.  Et depuis quelques années, mon auteur de référence en la matière est l‘américain Michael Connelly. Pour le découvrir je vous conseille absolument de commencer par Le poète. Cette fois, ce sont deux titres que je dévore : Le cadavre dans la Rolls (intrigue qui se déroule entre les milieux de Hollywood à Los Angeles et ceux de la mafia à Las Vegas ; je résume car c’est plus compliqué que cela) et Créances de sang (fiction portée à l’écran et interprétée   notamment par Clint Eastwood). Coté biographie historique c’est un voyage exceptionnel dans la Russie tsariste du 19ème siècle avec Alexandre 1et et Nicolas 1er du maître du genre Henry Troyat. Ce penchant pour l’histoire est accentué par la présence dans mes affaires des derniers numéros  de l’excellente revue Zamane dont le numéro en arabe ne manque pas de sensations fortes étant entièrement dédié au sexe dans la religion musulmane (cela me rappelle que le numéro d’été des Cahiers du cinéma est consacré à l’érotisme…sauf qu’il n’a pas encore été distribué chez nous ; censure ? Je note que je dois me renseigner –sur cette affaire- dès mon retour à Casa).
Mais en accumulant les textes à lire pour occuper mes temps de détente je me rends très vite compte qu’un texte d’une riche éloquence s’offre à moi comme un livre ouvert et va occulter les livres que j’emporte. C’est le bled. Le Maroc en effet se livre comme un formidable champ de signes à décrypter et dont le déchiffrage et la perception me marqueront à jamais. Le Maroc comme expérience permanente de lecture

Sous le signe de l’anthropologie
L’itinéraire que j’ai choisi pour mon voyage ne manque pas de nostalgie ; il est chargé de mémoire et d’histoire. J’ai programmé  d’effectuer le chemin emprunté jadis par mes ancêtres mais dans le sens inverse : Casablanca – Taroudant à travers le col de Tizi N’test ; c’est-à-dire franchir de nouveau le Haut Atlas. Eux, mes parents, émigrés de l’intérieur mais aussi tous mes ancêtres amazighs ont fait ce chemin dans le sens Sud-nord pour répondre aux différents appels où se conjuguent le sacré et le profane.
J’effectue également ce voyage sous le signe de deux auteurs : C.L Strauss avec cette citation éclairante de ma démarche : « Tout autre est le monde où nous pénétrons à présent, monde où l’humanité se trouve abruptement confrontée à des déterminismes plus durs ». L’autre auteur est Hassan Rachik, anthropologue du « nous », de l’intérieur en quelque sorte puisque c’est un intellectuel issu du terroir, enfant lui-même de ce Haut Atlas fascinant et énigmatique. Anthropologue confirmé, Rachik a été attentif aux changements sociaux qui traversent et bouleversent les structures ancestrales. Le titre de l’un de ses livres résume la problématique qui clôt mont itinéraire : comment rester nomade ! Je me permets de le citer longuement car interpellé par les changements que j’ai observés dans la vie sociale de mon espace d’origine (le pays du Souss en amont du fleuve du même nom) j’ai été confronté    à un dilemme théorique : est-cela la modernité ? Cette perdition des rites, des comportements, des pratiques… est-elle prix fort à payer au changement ? Hassan Rachik note au terme de son enquête passionnante sur la société nomade de l’oriental du pays : « La compréhension d’un processus de transformation suppose d’abord la reconstitution des processus sociaux  répétitifs qui le précèdent. Nous pensons que pour l’étude des changements sociaux, la description de cette continuité empirique (qui, d’un autre point de vue, peut être interprétée comme une discontinuité, voire une rupture) entre les deux types de processus est fondamentale dans la mesure où elle nous donne l’occasion de décrire et de comprendre  à la fois d’actions nouvelles et l’abandon d’anciennes pratiques ». Le passage d’une société nomade à une société sédentaire peut représenter la parabole de grands bouleversements qui touchent la structure sociale composite de notre pays. Notamment dans sa dimension culturelle.
L’impression forte qui s’imprègne dans l’esprit au terme de ces pérégrinations dans le Maroc profond est la déperdition qui frappe toute la dimension symbolique des rapports sociaux. Nous assistons en effet à un processus de standardisation  culturelle qui anéantit toute spécificité locale et régionale. Je suis de plus en plus convaincu, suite à ce que j’ai vu et observé, de la pertinence d’un concept forgé par le cinéaste et écrivain italien, Paolo Pasolini, celui du génocide culturel. Concept qu’il a forgé en constatant que son pays était plongé « dans une vulgarité, dans une ignorance et dans une médiocrité jamais connue auparavant ». Je reprends à mon compte le concept de génocide culturel constatant que ce que l’on appelle le Maroc authentique et qui fait sa spécificité est en train de périr sous les coups de boutoir d’une société de consommation effrénée qui balaie sur son chemin pratiques culturelles, traditions culinaires, vies sociales collectives... Une violence symbolique, « symbolique » car ses victimes la subissent avec leur propre consentement, transforme les rapports sociaux dans un sens mécanique, imposée d’en haut. C’est une modernité superficielle qui casse des acquis historiques pour leur substituer des gadgets souvent inadaptés  au contexte social et à l’environnement naturel. J’ai cité le cas des pratiques culinaires (la préparation du  pain en est un meilleur exemple) mais il y a le cas flagrant de l’architecture et des nouvelles constructions.
On peut noter avec une certaine fierté l’arrivée de l’eau courante, de l’électricité dans des villages jadis démunis de tout accès aux moyens de la vie urbaine. Cependant, cette arrivée bouleverse certains équilibres forgés dans la durée et dans un rapport harmonieux avec l’environnement. Les nouvelles habitations, signe des nouvelles richesses, construites avec des briques en ciment et des charpentes en fer  et selon des normes qui ne prennent pas en compte la spécificité climatique du sud.  Le droit au confort comme exigence citoyenne a été mené loin de toute approche pensée et élaborée en fonction d’un développement harmonieux. Ce confort de façade se révèle très vite incompatible avec le rythme de vie forgée par la tradition. De  nouveaux villages naissent ainsi dans un mélange de genre qui produit de nombreuses conséquences sociales, hygiéniques et culturelles. Le développement chaotique de nos campagnes explique l’apparition d’un certain nombre de phénomènes inédits dans nos contrées : le vol ; la recrudescence de la criminalité ; l’apologie des thèses religieuses extrémistes. C’est dans un contexte périurbain ou préurbain marqué par une fragmentation sociale et culturelle que se développent les phénomènes extrêmes. Un simple parcours des banlieues de nos villes, ou carrément  dans les nouveaux centres urbains en fournit une illustration.
Brèves notes itinérantes
Aire de repos, vitrines sociales.   L’autoroute, tôt le matin. La sortie de Casa est déjà très encombrée. Le mois d’août concentre et condense à la fois les déplacements professionnels et touristiques. La zone de Sidi Maarouf – Bouskoura exprime le nouveau dynamisme de la métropole blanche version Hi Tech et nouvelles technologies, l’économie de l’immatériel.  Vers Nouaceur, se dessine la configuration de la ville de demain y compris avec des fantasmes autour de la plus haute tour d’Afrique signé Ben Laden, le frère. Qu’est-ce qu’elle a la famille du milliardaire saoudien avec les tours, l’un les abat, l’autre les construit ?
Aire de repos à mi-chemin de Marrakech. Un de mes amis universitaires spécialistes de sciences sociales a fait une remarque pertinente : nos autoroutes sont tristes, absence d’imagination pour meubler l’immense espace qu’elles mobilisent autour du regard des passagers, en outre il trouve qu’elles et sont peu dotées en aires de repos. Sur les 240 kms entre Casa et Marrakech il y en a combien : quatre ? Y a-t-il des normes internationales qui fixent la distance entre une aire de repos et une autre ? Peut-être un créneau d’investissement en friche, espérons au bénéfice des usagers et des villages environnants. Première pause donc.  Prépondérance des véhicules immatriculés à l’étranger. Mais un constat s’impose : la société de consommation est bien là. Des couches sociales très versées dans le consumérisme tournent le dos à la crise : voiture 4x4, vacances avec réservation dans des sites prisés…Le Maroc aux vitesses multiples s’affichent dans une aire de repos. C’est une véritable vitrine de nos nouvelles mœurs. Les gens autour de moi parlent d’un accident mortel qui a eu lieu ce matin même. L’autre dimension tragique de la route des vacances.
J’arrive à Marrakech sous une chaleur torride. Le ciel est rougeâtre, cela augure d’un orage quelque part vers les hauteurs. Je ne m’attarde pas dans la ville ocre, le temps d’un rafraichissement et de quelques téléphones puis j’aborde la montée en prenant la route nationale 203, celle qui traverse justement le Haut Atlas par le biais du col de Tzi N’test. Chemin mythique chargé de souvenirs, de mémoire et de légendes.
Adrar N’dern. Le Haut Atlas, chaîne emblème de tamazgha ; barrière naturelle aux allures infranchissable n’a jamais constitué une frontière entre le nord et le sud du pays. Ses chemins sinueux sont animés de souvenirs de passages qui ont cimenté l’unité politique et religieuse du pays. Chaque village, chaque vestige est témoin de ce mouvement incessant qui émane du sud pour nourrir le nord de son apport multiple, politique, mystique et culturel.

Tahanaout: la porte du Haut Atlas
Dès Tahanaout, nouvelle jeune ville tendance, très prisée par l’élite cosmopolite marrakchie, villégiature pour les artistes et autres écrivains, je reçois les premières gouttes de pluie de l’orage qui a fini par éclater dans les hauteurs. Un climat frais règne sur les lieux. J’arrive alors à Moulay Brahim sous un ciel clément. L’endroit n’a pas changé quelques échoppes, des restaurants populaires. Je m’attable pour le déjeuner et invite un groupe de musiciens, des troubadours, à jouer de la musique locale. De l’eau fraiche coule dans l’oued. Mais Moulay Brahim reste encore là-haut. J’aime aller du côté du sanctuaire passer par les marches où quelques scènes du film Mille mois de Faouzi Bensaïdi ont été tournées. L’endroit est très animé ; forte affluence féminine. Immense déception du côté du sanctuaire de Moulay Brahim ; pour y accéder il faut en effet passer par de véritables barrières constituées de mendiants et de marchands de toutes sortes de produits. Le visiteur animé de sentiment sacré est perturbé par cette irruption de « vulgarité et d’indécence ». J’accède tout de même à l’enceinte du marabout pour ma lecture de la Fatiha à la mémoire de ce saint dont les récits avec ces trois autres amis et compagnons ont nourri les contes de mon enfance. On raconte en effet qu’ils étaient trois ou quatre érudits ayant terminé leur formation religieuse et ayant acquis un fort savoir liturgique se sont séparés à Taraudante, à l’endroit dit « Farq lahbab » (séparation des amis) et ont pris des directions différentes pour répandre la bonne parole, constituer de grandes zaouïas qui marqueront le destin du Souss, du sud voire de tout le Maroc. Moulay Brahim a fini ses jours à l’orée de la ville ocre, au sommet de l’une des montagnes du haut atlas.  Ses autres compagnons ont fondé des lieux où mysticisme et politique ont assuré de grandes zones d’influence (sidi Hmad oumoussa et sidi mhand nyaakoub).
En reprenant mon chemin, vers mon sud natal, je découvre, presque à chaque tournant, des panneaux publicitaires signalant des sites renvoyant au nouveau tourisme en vogue, celui des gîtes montagneux et des randonnées. Je ne résiste pas à la tentation et je décide de tenter l’expérience dans un hôtel sympathique, véritable petite ferme, et surtout entièrement tourné vers la montagne. Le concept est intéressant et les prix ne sont pas excessifs. Le lieu est paisible, propice à la détente et à la méditation face à la nature (la bonne idée en plus : il n’y a pas de télé dans les chambres !). Ce repos authentique me permet le lendemain de retrouver la partie la plus ardue de la route de Tizi N’test. 
Tinmel; une mémoire refoulée
Comme à l’accoutumée, je m’arrête longuement à la mosquée de Tinmel. Pour les amazighs c’est « timzguida imlouln », la mosquée blanche. Lieu mythique de mémoire qui remonte aux origines de la dynastie Almohade. Pour y accéder je quitte la route et je rejoins le village de Tinmel. Le site est magnifique. De la verdure et quelques villages disséminés en flancs de montagne ; sur quelques sommets les vestiges de kasbah fondées au 19ème siècle par le célèbre caïd Goundafi pour contrôler la route de Marrakech. Sous un soleil d’aplomb je contemple les lieux et je me demande pourquoi Mehdi Ben Toumert  a choisi ce site quasi inaccessible pour y installer son état-major ? Plus je contemple cette nature d’apparence hostile, sa physionomie accidentée, ses chemins  en lacets comme dans un film de Abbas Kiarostami, j’en arrive à la conviction qu’une pensée aussi rigoureuse  que celle des fondamentalistes que sont les almohades, ne pouvait trouver meilleure métaphore pour l’exprimer que l’espace qui l’abrite. C’est du sens auquel on ne peut accéder non pas par un chemin mais par un long cheminement. La route ne cesse en effet de monter, de descendre, de tourner à gauche, puis à droite…donnant l’impression de revenir à son point de départ.
Un plan kiarostamien: la quête de sens

Mais on finit toujours par monter… et atteindre le col de Tizi N’Test qui culmine à 2100 mètres ; il est le plus haut d’Afrique du nord. Il a été réalisé dans les années 20 du siècle dernier. Je m’installe dans un silence des hauteurs dans un décor qui sied à la méditation, au recueillement, à l’admiration du Créateur. Derrière,  les immenses montagnes, et en face vers le bas,  au-delà des cimes, la plaine du Souss, ouverte et prometteuse. On raconte, qu’au début du protectorat,  un médecin français était arrivé à cet endroit  avec des amis marocains pour s’installer à Souss. Contemplant très tôt le matin le paysage qui s’offrait à lui,  son attention fut attirée par une fumée blanche qui sortait de chaque foyer à cinq heures du matin. Posant la question à ses compagnons, on lui expliqua que les gens préparaient leur repas matinal à base du fameux « askif », cette soupe légère faite d’orge, de maïs et d’huile d’olive. La légende dit que le médecin décida de faire alors demi-tour arguant que des gens qui prenaient un tel menu le matin n’avaient nullement  besoin de médecin.  Qu’en est-il aujourd’hui ?
Les portes de Taroudant



vendredi 7 août 2015

Histoire et cinéma au Maroc

Histoire et cinéma en débat à Mohammedia
Le passé recomposé
« Raconter un drame, c’est en oublier un autre »
Paul Ricœur
La septième édition de l’université d’été organisée par la fédération nationale des ciné-clubs à Mohammedia du 28 juillet au premier août 2015 a connu une intense activité avec des moments phares. Il s’agit notamment du master class animée cette année par le cinéaste Mohamed Mouftakir, de la table ronde autour du thème « cinéma et histoire au Maroc » de l’hommage rendu au cinéphile Hamid Tbatou auteur de plusieurs ouvrages théoriques et académiques sur le cinéma et le théâtre et de la signature du livre « Le plus beau métier du monde : critique de cinéma ».


La table ronde autour du thème Histoire et cinéma a suscité un vif intérêt. Débattre de l’histoire aujourd’hui et de ses rapports multiples et complexes avec le cinéma rejoint une vaste problématique sociale qui traverse à la fois le champ de l’histoire et celui du cinéma. Il y a en effet un engouement particulier pour l’histoire et pour les récits mémoriels exprimés à travers la multiplication des cérémonies commémoratives, de la célébration de pratiques et de rites ancestraux. Le succès d’un projet médiatique incarné par la revue Zamane consacrée à l’histoire en est une autre preuve éloquente. Le voyage dans le passé fait florès. Et la mémoire ne cesse d’être convoquée ici et là. Le titre du roman Nous avons enterré le passé de Abdelkrim Ghallab était allé un peu vite en besogne. Jamais le passé n’a été aussi omniprésent et imprègne l’actualité à la fois politique, religieuse et sociale.
Le cinéma quant à lui connaît de fortes turbulences dans son expression du réel. Cette année en particulier a été marquée par de vives polémiques autour de certains films. Du coup inscrire l’ensemble de ces questions en interrogeant l’articulation du cinéma et de l’histoire trouve toute sa pertinence dans la mesure où ce débat restitue et réhabilite une autre notion essentielle, celle de l’historicité.
Le cinéma en effet entretient des rapports « historiques » si j’ose dire avec l’histoire. Devenu septième art, il a cherché très tôt à asseoir sa légitimité sociale sur une légitimité artistique et culturelle. Pour ce faire le cinéma s’est approché du roman, du théâtre et s’est inspiré de récits historiques. Mais en échange l’intérêt des historiens pour le cinéma a été tardif. Ce n’est que vers la fin des années 50 du siècle  dernier que des historiens ont proposé d’élargir la panoplie de leurs sources en convoquant la source filmique. Des raisons d’ordre techniques et méthodologiques expliquent ce retard. Les avancées réalisées en matières des sciences humaines ont doté les chercheurs d’outils susceptibles de décrypter le film cinématographique comme document historique ; à la fois utile pour l’histoire tout court comme pour l’histoire du cinéma. Témoin de son temps, le cinéma comme l’ont montré Godard et théorisé Gilles Deleuze, est aussi témoin de lui-même. Tout film peut être considéré comme témoin de son tournage, porter les traces visibles de son temps et être ainsi marqué d’historicité. L’idée d’historicité me semble en effet, et comme l’a montré le théoricien franco-iranien Youssef Ishaghpour, un concept opératoire qui permet d’englober les questions vastes soulevés par le rapport cinéma et histoire : histoire du cinéma, le cinéma historique,  l’histoire des formes et des techniques, le discours sur le cinéma ainsi que les influences réciproques entre le cinéma et l’histoire.
S’agissant du cinéma marocain en particulier on peut dire qu’il a accumulé un corpus suffisamment consistant qui offre une variété d’approches de la thématique historique. Si l’on suspend momentanément le fait essentiel que chaque film peut être interrogé du point de vue de l’histoire et on se concentre sur l’approche classique du film historique, on peut relever dans la filmographie marocaine des titres qui font directement référence à l’histoire comme argument dramatique. L’emblème cinématographique important de cette démarche étant Les cavaliers de la gloire de Souheil Benbarka (1993) grandiose superproduction qui a, largement, tenu ses promesses.
Cependant, ce qui caractérise ce corpus ce sont des films qui ne se sont pas contentés de s’inspirer de faits historiques mais ont tenté de « problématiser » cette approche en l’interrogeant d’un point de vue cinématographique. Ils ont abordé l’histoire avec une écriture originale qui est aussi un regard du cinéaste sur le récit historique.
Ahmed Bouanani avec Mémoire 14 (1971) Moumen Smihi avec 44 ou les récits de la nuit (1984) Laila Kilani avec Nos lieux interdits (2008) nous offrent ainsi ce que j’ai appelé des « propositions filmiques ». Proposition à prendre au sens philosophique et logique à savoir « un énoncé susceptible d’être vrai ou faux ».
Mémoire 14 construit un regard d’inspiration mythologique sur les années de la colonisation perçues comme « génocide culturel » ; l’originalité réside dans le détournement des images de l’autre : les archives filmées et photographiques produites par les instances coloniales pour les monter autrement et leur faire dire un autre point de vue imprégné de la culture agressée.

Côté fiction, Moumen Smihi rejoint Bouanani dans le refus du récit canonique de l’histoire coloniale : « 44 », c’est-à-dire le nombre des années du protectorat sont revisitées à la lumière de récit empreint là aussi de mythologies locales, réhabilitant le conte, le crieur public et la halqa comme référence d’une autre narration moins linéaire, fragmentée et polyphonique. 

Albachado de Hassan Aourid

  L’intellectuel et le pouvoir ou la déception permanente ·          Mohammed Bakrim «  Avant d’être une histoire, le roman est une in...