jeudi 26 février 2015

lueur de cinéma à Tanger

Lueur de cinéma à Tanger



L’esquisse d’une ligne de partage qui traverse les films de la compétition officielle commence à se dessiner à quelques moments de la clôture et du palmarès de la 16ème  édition du festival national du film. Une ligne de partage née de l’inscription de chaque film dans une démarche plus au moins portée par un souci de cinéma. La plupart des films, ceux des jeunes « cinéastes », notamment, sont des téléfilms en instance de diffusion. Des images formatées et des discours lisses sans aspérité ni audace ont caractérisé l’écriture dominante de cette édition…. Le festival somnolait (après le coup de semonce de Lagtaâ le premier jour) quand Tala Hadid l’a réveillé ! Son film, La nuit entr’ouverte a semé du doute, secoué les regards et a aiguisé l’intelligence. Bref, une lueur de cinéma a percé dans le brouillard cathodique qui pesait sur Tanger.
Le film était passé comme un OVNI dans le ciel serein du festival de Marrakech, son titre en anglais, avec une traduction timide en arabe, The narrow frame of midnight (Itar el-Layl), a certainement rebuté plus d’un. Le premier long métrage de Tala Hadid est pourtant un film de notre temps. Il est le plus inscrit dans l’actualité : n’aborde-t-il pas à sa manière le départ des jeunes pour rejoindre les guerres du moyen orient ? Mais il le fait par les moyens du cinéma, par le biais d’une narration non linéaire ; un récit éclaté, polyphonique. Un film choral qui dit la complexité du monde ; on y retrouve les thématiques et les figures chères à Hadid : la quête, le travelling d’accompagnement, l’image de l’enfance…pour accéder à cet OVNI, il faudra certainement passer par Gilles Deleuze : à l’image mouvement du cinéma dominant, Tala Hadid oppose l’image temps : « des personnages pris dans des situations optiques ou sonores, se trouvent condamnés à l’errance ou à la balade ».
 Le bon hasrd de la programmation a mis le film avec celui très attendu de Mohamed Mouftakir, L’orchestre des aveugles…C’est pour dire que ce fut, pour les festivaliers cinéphiles, une journée faste où le cinéma repris ses droits…
L’orchestre des aveugles, je le dis d’emblée, a bousculé l’horizon d’attente de ceux qui voulaient aborder le film à partir d’a priori ou selon une grille de lecture établie d’avance. Erreur fatale d’une réception paresseuse car chaque film propose son programme de lecture ; et le film réussi et celui qui crée cet écart avec les préjugés. Je pose rapidement (en attendant d’y revenir en détail) comme hypothèse de lecture qu’avec son deuxième long métrage, Mouftakir aborde d’une manière personnelle une équation encore en friche dans le cinéma marocain, celle de proposer un cinéma d’auteur ouvert sur le grand public ; ou dit autrement, un cinéma grand public qui ne renonce pas à ses ambitions artistiques, restant fidèle à une conception « auteuriste » du cinéma. Cette stratégie d’ensemble ou cette finalité non écrite se décline à travers des moyens et des procédés. Le film en effet s’inscrit dans une démarche d’écriture que l’on qualifierait d’autofiction. Le drame, le contenu scénaristique, se réfère à des éléments d’autobiographie…Sauf que l’autofiction ne se réduit pas au simple de récit de vie. C’est l’autobiographie marquée par le discours, portée par le langage choisi par l’auteur en l’occurrence, le langage du cinéma. Mouftakir fait du Proust avec les moyens du cinéma. Il rejoint ainsi un autre auteur « cérébral » de notre cinéma, Moumen Smihi qui a entamé un vaste projet d’autofiction.
A contenu nouveau, forme nouvelle, semble être le code qui a mené le travail de Mouftakir pour son deuxième long métrage. Ce retour à un passé biographique est organisé non pas selon un découpage dicté par la mémoire mais selon les codes narratifs d’un cinéma que l’on qualifierait de postmoderne. Postmodernité qui transparaît dans les références cinéphiliques qui marquent l’orchestre des aveugles, dans l’éclectisme des modes narratifs choisis, le poétique alterne avec le réaliste ; l’épique avec le comique. Le genre autofictionnel répond en outre à un traumatisme originel qui traverse  tous les films de Mouftakir mais abordé d’une manière explicite dans son deuxième long métrage, à savoir la disparition précoce du père. Cette mort non annoncée va marquer l’enfant Mimou et ouvrira la  voie à une crise identitaire qui se révélera à un double niveau : celui du sujet/narrateur ; celui du texte/narré produit par le sujet. Une crise d’identité textuelle à travers un moi morcelé et un récit fragmenté…d’où le malaise chez une partie des récepteurs. Dans l’orchestre des aveugles, le caractère fragmenté du récit est porté par le recours à la figure centrale du montage et à la multiplication des références visuelles : images plastiques et poétiques des lieux supérieurs (les rencontres avec Shama dans les terrasses) versus des images d’un réalisme quasi tragique dans les milieux d’en bas (chambres sombres du rez de chaussée). Le haut et le bas en alternance et fonctionnant comme vecteur d’une tension qui marquera le sujet. Le lieu du récit, une véritable grande maison au sens de Mohamed Dib, est filmé comme un vaste huis clos.  Les contraintes de production d’une reconstitution historique ont réduit, certainement et limité tout recours à un contre-champ spatial ; le drame est centré alors sur un jeu entre la verticalité, indice du rêve et du désir (lieu de rencontre avec l’objet du désir : Chama) et l’horizontalité, espace de l’interdit, de la violence, du faux et de l’usage du faux (la note de l’école falsifiée, l’orchestre des aveugles qui n’en est pas un…).



les enfants de la télé à tanger

Les enfants de la télé débarquent à Tanger


Oui, on peut le dire, certains veulent présenter cette édition du festival national du film comme une édition « très particulière ».  On peut les rejoindre sur le même constat mais non à partir du même diagnostic ni sur les mêmes critères de « particularité ».  Certains, obnubilés par leur arrivée sous la lumière lâchent la proie pour l’ombre et mènent le débat sur le cinéma vers des voies sans issue …or l’essentiel du festival national est ce que l’écran du Roxy apporte comme éléments de nouveautés ou de changements dans ce qui fait les fondements d’un cinéma, en termes de génération et de choix esthétiques et comment ce cinéma dialogue  avec l’imaginaire de son époque. Et là, des particularités se dégagent effectivement.
La première caractéristique de cette édition de « renouveau », peut être signifiée par ce postulat : l’emprise définitive de la télévision sur le cinéma. D’abord avec ce qu’on pourrait appeler l’arrivée des enfants de la télé sur grand écran. Des jeunes (et moins jeunes) cinéastes ayant fait leurs premières armes à la télévision présentent à Tanger leur long métrage. C’est le cas de Younes Reggab, Les feuilles mortes, de Yassine Fennane, Karyan Bollyood, de Mohamed Ali Mejboud, Dallas, de Sanae Akroud, khnifsset rmad, de Mohamed Karrat, Un pari pimenté, de Youssef Britel, Chaibia, de Mohamed Lyounssi, L’échrape rouge, de Saïd Naciri, Les transporteurs, de Addellah Ferkouss, Le coq et je pourrai même y ajouter le « vétéran » Driss Lamrini puisque, organiquement il est issu de la télévision, présent lui aussi  à Tanger avec son troisième long métrage, Aida. La liste pourrait même être élargi à Youssef Fadel scénariste de cinéma, mais ayant passé d’abord par la télévision avant de tourner Agadir express. Deux cinéastes restent en marge de cette tendance, Mohamed Mouftakir, avec L’orchestre des aveugles qui est en train de se forger une carrière et Abdelkader Lagtaâ un rescapé de la génération des années 70 et qui fait figure à Tanger d’un véritable extra-terrestre.
Nous sommes alors en face d’un raz de marée cathodique qui n’est pas loin d’avoir sur le plan esthétique et dramatique, les conséquences d’un véritable tsunami. Signe éloquent dans ce sens, le recours des organisateurs, pour la formation du jury long métrage, « nationalisé », à des figures de proue de la télévision (deux responsables de programmation et un scénariste). Gageons qu’ils ne seront pas trop dépaysés, ils retrouveront les codes et les univers qu’ils ont contribués à faire émerger, des Ramadans durant…C’est pour cette nouvelle donne que j’ai proposé d’ouvrir la présélection pour la compétition du festival national à tous les longs métrages produits le long de l’année y compris pour des longs métrages de la télévision (remarquez que je n’ai pas dit téléfilm) non encore diffusée. Je le dis sans gaieté de cœur mais le fait est là : les anciennes frontières défendues par la cinéphilie sont devenues poreuses. La télévision est le stade suprême du cinéma (merci Lénine !). Elle a forgé toute une génération en termes de consommation et de production qui vient prendre le pouvoir au cinéma ouvrant la voie à une crise « identitaire » de ce que nous appelions « le septième art ».
Reste maintenant à voir ce que cela a engendré comme modes d’expression de l’imaginaire et quelles figures sociales sont mises en valeur. En somme quel Maroc ces films ont scénarisé.


mercredi 25 février 2015

Le cinéma marocain et mythologies

Mythologies marocaines
Quel est ce pays qui apparaît à l’écran du festival national du film ? Quel est ce Maroc que les scénarii de la compétition officielle ont dramatisé ?  Les films sont des véhicules de mythologies qui finissent par irriguer leurs propos et apparaissent comme des miroirs de la société qui les a vu naître. Lors d’un krash d’avion, moult interrogations viennent nourrir différentes hypothèses. Jusqu’à ce que la boîte noire livre des clés de compréhension. Nous formulons l’hypothèse aujourd’hui que le cinéma marocain est la boîte noire incontournable pour comprendre la société marocaine. Une société traversée de multiples mutations à différents niveaux et qui souffre du déficit d’approches analytiques. Le professeur Rahma Bourquia parle d’une « société sous-analysée ». Peut-être du point de vue des grilles de lecture académique traditionnelle, issue de la sociologie ; celle-ci, chez nous avait pâti des années de plomb et ses départements évacués du cursus universitaire. Le cinéma offre un corpus, riche et diversifié, offrant au regard observateur et attentif, tout un discours sur la société marocaine. Un discours derrière le discours, le dit et le non-dit contribuent à établir un bilan de santé d’une réalité du point de vue de son imaginaire.
Pour comprendre l’Amérique, dans son processus d’évolution historique, il n’y a pas mieux que le western…et le film noir. La configuration du programma narratif, les stéréotypes véhiculés, les figures féminines mises en scène les lieux et les espaces construits…disent les angoisses, les interrogations qui traversent la société américaine à différents stades. Quel Maroc alors se dessine en filigrane à l’écran ? Un synopsis : crise de soi et fragmentation identitaire.
C’est, en effet, et à partir des films vus jusqu’à mardi, un pays clivé et divisé, atteint d’un mal incurable (Aida de Driss Lamrini) ; au bord de la crise des nerfs et du dédoublement de la personnalité (Les feuilles mortes de Younes Reggab). Un pays qui se souvient de ses blessures (La moitié du ciel) souffrant d’un mal de voisinage (L’écharpe rouge de Mohamed Lyounssi) et qui revendique un droit de mémoire (le Rif 1958 – 1959). Un pays qui peine à s’inscrire dans une altérité positive dans son rapport à l’autre qu’il porte en lui-même : présence remarquée de la communauté juive ( la famille de Aïda dans le film de Driss Lamrini ; Mme Serfaty dans Les feuilles mortes de Reggab Jr.) et de la langue amazighe (dans Rif 1958-1959)…  
Mais c’est aussi un pays qui recherche du réconfort dans la fiction pure ou la comédie (Les transporteurs de Saïd Naciri)) dans le grotesque qui évacue un surcharge de frustration (Karyan Bollyood de Yassine Fennane) ou encore en se racontant des success story (Chaïbia de Youssef Britel).
La réception du seul « documentaire » inscrit en compétition officielle, Rif 1958- 1959,  de Tarik El Idrissi dénote de la part du public une forte attente par rapport aux récits mémoriels. Un engouement qui dit que le commerce du passé fait florès. En abordant frontalement, un sujet porteur d’une sensibilité politique évidente, le cinéaste prend le risque de « la clôture du sens », c’est-à-dire de s’enfermer dans une interprétation univoque d’une histoire en train de s’écrire et dont l’encre/le sang est encore frais. Certes, il s’appuie sur deux béquilles de sécurité, l’une institutionnelle (le CNDH et le CCME) et l’autre académique (la référence aux historiens) mais ces précautions d’ordre éthique sont vite neutralisées par son écriture cinématographique, par se choix de mise en scène avec l’usage envahissant de la musique, des zooms sur les victimes, et du montage sec sans distance…Bref un usage fictionnel d’un matériau documentaire. Un documentaire qui fait pleurer son récepteur a raté sa mission.


lundi 23 février 2015

la moitié du ciel, vers une nouvelle polémique

L’histoire entre scénario et mémoire 


Ou comment aborder la forme cinématographique de l’histoire. L’histoire a animé, en effet, les journées ternes du FNF. C’est ainsi que très vite le festival national du film est entré dans le vif du sujet avec l’irruption de l’Histoire dans les histoires racontées par les films de la première journée de la compétition officielle. Deux films ont puisé dans des faits historiques du Maroc contemporain leur matériau dramatique : ce que l’on a convenu d’appeler la guerre des sables de 1963 entre le Maroc et l’Algérie pour le film L’écharpe rouge de Mohamed Lyounssi et les arrestations de nature politique du début des années 70 dans les milieux de l’extrême gauche marocaine pour le film La moitié du ciel de Abdelkader Lagtaâ… Cela n’a pas manqué d’ailleurs de déclencher des débats passionnés, notamment autour du film La moitié du ciel. Passionnés car les faits rapportés sont encore omniprésents comme souvenirs douloureux pour certains voire comme cicatrices indélébiles pour d’autres. Et du coup la distance nécessaire pour accueillir une fiction cinématographique a été neutralisée au bénéfice d’une demande quasi éthique, celle de devoir de mémoire. Ce qui n’est pas inscrit dans le protocole narratif d’un récit qui puise sa légitimité intrinsèque dans un point de vue spécifique celui de la narratrice, en l’occurrence Jocelyne Laabi qui dans son livre La liqueur d’aloès rapporte entre autres les faits inhérents à l’arrestation de son mari, le poète Abdellatif Laabi. Le débat a pris très vite une dimension passionnée voire tragique suite à l’intervention de la sœur de la militante Saida Elmenbehi. L’intervenante a protesté contre la manière avec laquelle certains dialogues du film ont rapportée le décès de sa sœur ; « morte dans mes bras, dit-elle du fait de sa longue grève de la faim ». Le débat a pris une autre tournure quand elle a exigé des excuses, a demandé de revoir la scène incriminée et a menacé les promoteurs du film de poursuite judiciaire. Abdelakder Lagtaâ, son équipe et son co-producteur n’en revenaient pas, abasourdi par l’ampleur de la réaction.
Au-delà du sentiment humain compréhensible face au poids encore pesant sur le cœur et la mémoire de cette disparition tragique de la militante et poétesse Saida Elmenbehi pour les siens et pour l’ensemble des progressistes, la réaction à l’égard du film est disproportionnée et risque d’ouvrir une voie sans issue pour le cinéma marocain, celle de voir les films réécrits à la lumière des débats de l’hôtel Chellah à Tanger. Si chaque film doit être revu et corrigé à la lumière de la réaction d’une partie du public au festival national du film, il serait alors plus logique d’arrêter cette mascarade et revenir au temps du silence ; le silence de la nuit et des cimetières…Le combat de Saïda Elmenbehi et de tous les démocrates auraient été alors vain. Car ne l’oublions pas, Saïda a donné sa vie pour la liberté d’expression. Si celle-ci est muselée par les gardiens d’un quelconque ordre (moral ou mémoriel), c’est tout l’édifice qui s’écroulerait. L’enjeu de ce qui s’est passé ce soir-là à Tanger est autrement plus grave. Il rappelle comme un remake tragique ce qui s’est passé dans les mêmes lieux, il y a dix ans, en 2005, autour du film Marock. L’histoire, se répète dit-on. Mais comment.
Avec le film de Lyounssi, qui pour sa part a « osé » une reconstitution historique loin d’être ridicule, d’un drame familial autour de la frontière maroco-algérienne, et le film de Lagtaâ nous aurions aimé voir les débats prendre une autre dimension ; notamment autour de la problématique de la présence de l’histoire dans le cinéma. Quelle forme cinématographique pour un fait historique ? Ecriture historique et écriture cinématographique quels rapports et quels échanges au bénéfice des uns, les historiens et des autres, les cinéastes ? Quelle relation entre récit filmique et récit historique ?...Autant de questionnements qui nourrissent une attitude et un positionnement critique à l’égard du souvenir, de la mémoire et des récits. Un travail de réflexion et une pose d’humilité pour montrer que rien d’avance n’est acquis, ni les drames, ni la morne banalité du quotidien. S’attacher pour un récit refusant de rien clore ; comme le suggère le plan final du film de Lagtaâ montrant, non pas des retrouvailles, mais  la voiture qui file dans les champs, avec une femme et des enfants…décrivant l’événement comme s’il n’était pas achevé ou définitivement accompli. Une posture énonciative qui libère le récit cinématographique et renvoie la balle à l’histoire.


vendredi 20 février 2015

Film d’ouverture du festival national : L’Exposé de Ismaïl Faroukhi


Identité de l’écriture, écriture de l’identité




L’immigration/ l’émigration, l’orthographe révèle le point de vue et instaure déjà la problématique. Parler de l’immigration, c’est être déjà dans le territoire de l’autre, épouser son regard, ses textes, ses lois.
L’immigration a été traitée pendant longtemps en termes économiques, en chiffres et statistiques ; elle est désormais la question culturelle par excellence de notre temps. Elle est au centre des débats de la géostratégie ; elle est au cœur des mutations qui traversent les sociétés d’accueil et posent aux sociétés d’origine une nouvelle configuration de la question identitaire. Mutation fondamentale l’immigration n’est plus un concept, un objet construit par le discours des experts ; c’est un sujet social ; un acteur économique, culturel ; elle est un lieu de production de discours ; plus encore elle est le lieu de production de producteurs de discours : les émigrés parlent d’eux-mêmes. Au mutisme sublimé par l’éloquence du silence des générations précédentes succèdent une nouvelle rhétorique qui emprunte divers supports pour accéder au statut de sujet : des musiciens, des sportifs ont ouvert la voie ; désormais c’est autour des écrivains et surtout de cinéastes…le discours sur l’émigration ne saurait remplacer le discours  des émigrés sur eux-mêmes.
Longtemps la musique a été le vecteur privilégié de cette parole émanant de la marge sociale et culturelle ; depuis quelques années déjà c’est autour de productions audiovisuelles, au sens générique, de venir enrichir cette panoplie. Une production portée par la soif de dire le moi prohibé des écrans, d’assouvir ce besoin de signes d’images ; le désir d’une génération née avec la télé à la maison ; née avec le cinéma comme référent culturel incontournable dans les sociétés d’accueil.
Une génération qui nous propose alors très vite des films installés dans les événements, dans le factuel ; tâtonnement du signe, errance de la mémoire, privée d’ancrage. La plupart de ces films ont commencé comme des variations sur cette perdition où l’existence errante, la désespérance et le vide extrêmes sont autant de promesses que de programmes. Ouverts sur plusieurs possibles narratifs. Où tout peut arriver ; au sens propre comme au sens figuré : de l’actualité douloureuse des banlieues à l’esthétique beur, du roman au film, de la fiction au documentaire, du long métrage au court. Le court justement voie royale d’expression pour une génération qui se prend en charge pour dire son récit. A l’instar de L’Exposé d’Ismaïl Faroukhi.
L’Exposé : le titre de ce premier court métrage offre une certaine stabilité sémantique. C’est un syntagme autonome (l’équivalent d’un plan fixe) ; il instaure déjà un registre de lecture avec une première connotation didactique. En tant que signifié du premier degré il renvoie à une production cinématographique; mais ce signifié devient lui-même signifiant d’une lecture au deuxième degré et renvoie par conséquent à un univers didactique, de la transmission, de l’échange. Hypothèse confirmée par le récit développé durant les vingt minutes du film : nous sommes en présence d’une écriture de la transparence ; de la lisibilité. Le court métrage de Faroukhi revendique-t-il d’emblée une posture « classique », refusant de rompre avec les normes de la narration en vigueur ? « Est classique tout texte lisible ». Le film en effet n’emprunte aucune voie expérimentale ; rien d’extraordinaire ou d’éblouissant, c’est une tranche de vie ; une coupe franche dans le quotidien d’un enfant, sa famille et son univers le plus proche. Mais ce n’est là qu’une première impression ; un synopsis. Le film se laisse en fait porter par une grande authenticité ; il crée une ambiance et embarque le récepteur dans une logique de réception, dans une logique de texte. Et qui dit texte, dit écriture, construction. Et ma foi, l’Exposé est bien construit, avec du dit et beaucoup de non dit. Il est fait de mosaïques, de situations parfois à peine esquissées ; de mouvements, d’attentes, d’angoisse, de jeux, de fragments de drame. Et je dirai de promesses de tragédie, celle par exemple inscrite virtuellement dans le programme narratif de Hafid
Sur un axe syntagmatique, l’exposé fait défiler  quatorze unités narratives à partir d’un décompte réalisé sur la base du paramètre spatial. Un espace narratif multiple, je ne dirai pas éclaté car il est structuré selon une configuration homogène qui aide à restituer un monde uni, un univers familier : la maison, la rue, l’école…je neutralise pour le moment toute allusion à l’espace hors-champ diégétique (l’espace d’origine (le Maroc) versus l’espace du rêve (la France, le Canada, la Mecque)…
La séquence d’ouverture est une sorte d’exposé dans l’exposé. Elle permet en premier de découvrir des indices du lieu de référence : un lieu, en l’occurrence une ville marquée historiquement (la présence de monument) et culturellement (le plan de l’église ; le son de cloche). Elle permet aussi l’entrée en lice du protagoniste, le personnage principal ; c’est un enfant, il s’appelle Réda. Les premières images l’instaurent dans le statut du héros ; ce n’est pas un acteur connu, c’est d’emblée un rôle, un actant, sujet de l’énoncé, le conducteur du récit. C’est le point d’ancrage narratif à partir duquel vont désormais s’articuler tous les événements et tous les points de vue sur le drame. Ce sont ces allées et venues qui dessinent la topographie du film et c’est son action qui lui assure une dynamique. Mais très vite on s’aperçoit que l’aire (la zone) de ses déplacements est restreinte.
L’espace narratif de l’Exposé est un espace ouvert et limité, il est porté en fait par une logique binaire dictée par les actants qu’il véhicule, invite ou propose. Chaque lieu du film propose deux figures antinomiques :
La maison
Le père      =
Autorité
Distance
La mère     =
Tendresse
Personne ressource

La rue
Le frère    =
L’autorité
L’envie
L’handicapé  =
L’amitié
La communication

L’Ecole
L’institutrice =
Savoir
Discipline
Elisabeth   =
altérité
Complicité

La maison et la classe sont dans la perspective qui nous intéresse des lieux à forte charge symbolique. L’univers de la dénotation s’inscrit en toute logique de récit dans une fonction référentielle, informative permettant d’ancre le récit dans une réalité. Mais ils nous intéressent aussi en tant que lieux textuels, lieux de manifestations idéologiques : ils sont traversés de signes qui s’inscrivent dans une rhétorique de l’identité : identité de l’écriture et écriture de l’identité.
Quand la caméra entre dans la maison (cinq occurrences), elle contribue à élaborer une poétique de l’espace, forge « une psychologie sémantique des sites de notre vie interne ». Elle dévoile ainsi l’organisation de cet espace exigu. Nous sommes dans un univers d’enfermement : les portes, les murs, les couloirs, les encombrements d’objets…nous sommes dans un paradigme de blocage, de suppressions des issues repérables. La Maison est sans horizon. Sauf peut-être à interroger l’imaginaire des uns et des autres. Le lieu réel est un lieu fermé.
L’usage des portes est particulièrement significatif : elles n’ouvrent pas sur d’autres espaces, sur un ailleurs. Comme chez Bresson, ce sont des frontières (entre Réda et son père notamment).
De ce lieu clos se dégage la figure de la mère ; Nous sommes en présence alors d’un signe plein. La mère est la figure centrale du discours identitaire. Ce n’est pas un hasard d’ailleurs si elle constitue un signe récurrent de tout un cinéma maghrébin : l’image inaugurale de ce cinéma n’est-elle pas la mère du Vent des Aurès. Une figure reprise abondamment dans le cinéma de l’autre rive avec en particulier le film Un thé au harem d’Archimède (le thé aussi est présent dans le film de Faroukhi !). La présence de la mère n’est pas seulement sujet d’un énoncé global mais c’est une présence qui se décline à travers une matérialité sémiotique à travers notamment l’occupation de l’espace. Ses déplacements, ses positions sont des indicateurs socioculturels, des opérateurs de sens à partir de mouvements, de parcours et de rencontres. L’espace de sa représentation filmique dessine l’espace culturel du corps féminin. L’exposé peut alors se lire comme un exposé sur le corps féminin et sa clôture. Au sein de l’enfermement/exiguïté générale, le corps féminin est un reclus de deuxième de degré. Un corps assigné à résidence en l’occurrence la cuisine où la caméra ne parvient jamais à saisir un corps en plan moyen, c’est toujours en cadrage serré. La plénitude passe à travers d’autres vecteurs, le verbe notamment.


Le commerce des corps au sein de cet espace trahit un échange, un partage de pouvoir et de champ. Le religieux par exemple est investi par le père ; dans un plan fort on le voit lire le coran, rêvant  certainement d’accomplir le pèlerinage de La Mecque (voir le décor d’une tapisserie sur le mur restituant l’image de la Kaaba). La gestion du quotidien, l’éducation des enfants relèvent du domaine maternel. C’est elle d’ailleurs qui se substituera au dictionnaire pour répondre aux questions de Réda sur le Maroc pour préparer son exposé.
La classe est l’autre lieu central du film ; il est en position symétrique à l’espace de la maison. Mais ici, la classe est le lieu de l’altérité, de la circulation de l’information, de l’intertextualité. C’est le lieu doublement didactique ; d’abord par sa fonction référentielle dans l’économie générale du récit et en outre parce que c’est l’espace où le film produit son propre discours, sa propre didactique de l’altérité. C’est le lieu du film où se produit un effet de morale : les consignes, les indications de la maîtresse et un effet de culture. Le film va en effet faire confronter la culture savante, légitimée par l’institution et la culture anthropologique portée par les différents élèves, dans leur dire et dans leur corps. L’école, notamment dans la tradition jacobine française vise, par sa clôture comme dispositif de transmission, à reproduire l’enfant, comme élève, par la mise en palce de pratiques nommées, le fameux curriculum, le façonner en référence à une image idéale qu’il s’agit de réaliser dans la perspective d’une intégration sociale. Ainsi Réda se voit dans l’obligation de réaliser un exposé dans les règles : on lui donne un questionnaire pour le guider dans sa recherche et on le renvoie à un modèle précis d’exposé.
L’enfant dans ce cadre d’enseignement est réduit au statut d’exécutant de modèles, pur sujet d’apprentissage intellectuel. On assiste à la négation systématique de l’enfant comme sujet désirant : Réda veut faire un exposé sur le Canada parce que c’est ce qui le motive et ce qui le relie avec son frère. L’institutrice le ramène à sa réalité socioculturelle et lui impose un sujet sur son pays d’origine ou plutôt de ses parents, le Maroc. L’identité comme assignation à résidence. Le film révèle une forme de violence symbolique qui ramène l’enfant au giron maternel, au propre et au figuré. Il joue un rôle  de médiateur culturel entre l’institution et la famille. Mais au prix de quelle censure ? De quelle mutation et bouleversement psychologique ?
La séquence de l’exposé concoctée avec la complicité de la mère est le moment le plus problématique du film. Notamment autour de la définition de la culture qu’il laisse deviner ou supposer. Le thé et le gâteau, thèmes clichés de l’offrande et de l’hospitalité. Des indices pris comme marqueurs identitaires. La séquence du thé s’inscrit en fait dans la logique de la fiction du paradis perdu, de la culture originelle. L’Exposé, un brin nostalgique ? La bande son vient élargir la perspective en refusant de verser dans une ghettoïsation de l’appartenance puisque la maman initie son enfant au rituel du thé sur un fond musical inspiré d’une chanson de Fayrouz. Une complémentarité entre la bande son et la bande image. Tout l’art du cinéma  réside dans la recherche d’une écriture qui pense l’autre sans entrer dans un discours de maîtrise, sans le réduire à l’état d’objet. C’est peut-être ce que veut nous dire le beau plan final de Réda, son sourire plein de malice et de cinéma.






Festival national du film Tanger 2015

Festival national du film
Une édition sous de  nouveaux  auspices


La 16ème édition du festival national du film commence aujourd’hui à Tanger avec au programme de l’ouverture, à la salle Roxy, la projection du court métrage L’exposé (1993) du cinéaste franco-marocain Smaïl Ferroukhi ; la cérémonie comprend également des hommages à la comédienne Malika Omari et au critique de cinéma Mohamed Gallaoui.
Plusieurs facteurs font que cette édition se démarque des précédentes ce qui amène les observateurs du champ  cinématographique à la suivre avec une attention particulière. Si le festival national est désormais un acquis incontournable de la profession du cinéma, constituant un rendez-vous bilan mais aussi humain et festif son organisation connaît des changements et des modulations en fonction des choix conjoncturels. C’est ainsi qu’une  nouvelle époque du festival  commence avec M. Sarim Fassi Fihri, directeur du CCM qui a succédé à M. Saïl. C’est une époque qui se caractérise déjà par le retour en force des professionnels qui ont dicté un peu leur « loi »  quant à l’organisation générale du festival et par le recours massif à la société civile pour arbitrer les différentes compétitions du festival.   
Le moment fort du festival a toujours été la compétition officielle ; elle a été montée cette année pour la première fois en procédant à une présélection dont le but principal était de ramener le nombre de films inscrits à un nombre gérable. Les professionnels ont opté pour le chiffre de quinze longs métrages (fictions et documentaires). Le règlement  précisant que les documentaires ne devraient pas dépasser deux films. Finalement, la liste obtenue (15 films retenus sur 22 inscrits) comprend 14 films de fiction et un documentaire.
Une première lecture de la liste des films en compétition permet de dégager quelques observations sur les tendances qui traversent le cinéma marocain. On constate une forte présence des premiers films (8 sur 15) ; deux films sont réalisés par des femmes ; un scénariste qui passe derrière la caméra (Youssef Fadel), un biopic (biographical picture) Chaïbia de Youssef Britel ; une star des séries télévisées qui réalise son premier long métrage, Sanae Akroud ; des champions de la comédie populaire (Abdellah Toukouna et Saïd Naciri) ; des thématiques historico-politiques directement à travers le documentaire les événements du Rif (dans Rif 58-59) ou via la fiction ( les relations maroco-algériennes dans L’écharpe rouge) ; la disparition politique dans La moitié du ciel de Abdelkader Lagtaâ) . La comédie populaire et le mélodrame social portent de nouveau la fiction marocaine…à suivre de près !
Deux films seulement ont déjà été distribués dans le circuit commercial, Le coq de Abdellah Toukouna et Les transporteurs de Saïd Naciri. D’autres films ont été vus dans des festivals, à Salé, pour Les feuilles mortes de Younès Reggab et Marrakech pour L’orchestre des aveugles de  Mohamed Mouftakir, la moitié du ciel de Abdelkader Lagtaâ, Karyane Bollywood de Yassine Fennane, Un pari pimenté de Mohamed Karrat et La nuit entr’ouverte de Tala Hadid. Globalement, on peut donc dire que c’est une édition marquée par des inédits. Un jury présidé par le romancier Mohamed Berrada et qui ne compte aucun cinéaste ni producteur ni interprète est appelé à partager 13 prix pour ces 15 films. La dotation du Grand prix a été ramenée à 70 mille dirhams (au lieu de cent mille) pour permettre le retour du prix de la réalisation. Un jury présidé par le publiciste et scénariste Mohamed Laaroussi départagera pour sa part 15 courts métrages qui concourent pour trois prix.  Des activités parallèles sont organisées comme le traditionnel bilan de l’année écoulée et des tables rondes autour de sujets précis comme l’avance sur recettes ou la coopération cinématographique entre le Maroc et l’Espagne.

Mohammed Bakrim

lundi 16 février 2015

Adieu Amouri Mbark

Une voix authentique du Maroc profond

On le savait malade, mais on entretenait un espoir, celui de le voir sortir, comme à son habitude,  de cette ultime épreuve… car Amouri Mbark appartenait à une espèce née pour combattre, pour affronter l’adversité, naturelle et « culturelle » ; née pour gagner, à la sueur du front, le droit à la vie ; le droit d’exister. Mais cette fois c’est le mal qui a eu le dernier mot, il a fini par vaincre ce grand cœur  aux sentiments les plus nobles.
La triste nouvelle du décès du chanteur amazigh  Amouri Mbark est tombée tôt le matin du samedi et il a été enterré le jour même dans son village natal, dans les environs de Taroudant, aux confins de l’Anti-Atlas. Le pays de l’arganier, des mystiques, des poètes et des bergers ou des bergers-poètes. Là où il a vu justement le jour, au début des années 50 du siècle dernier, au sein d’une nature aride et quasi hostile ; là où il a appris que la vie ne lui fera pas de cadeau (orphelin très tôt) où il a appris qu’il fait partie d’un peuple à la culture séculaire chantée par les Roayess troubadours,  mais réduite, par l’échange inégal dominant, à la marge des circuits officiels…Il fit alors ses études dans la langue de l’autre tout en nourrissant au fond de lui-même, le projet de rester fidèle à la langue de sa mère et de la porter comme un gage ancestral. Cela fut fait avec brio. A l’instar du paysan mélancolique des vallées asséchées de l’Atlas, il trouva dans le chant et la musique le moyen d’exprimer sa personnalité ; la musique comme voie royale pour se réapproprier une culture, de lui rendre ses lettres de noblesse. Par fidélité à la mère.
Dans cette quête artistique et culturelle, il rencontra des amis, des frères animés de la même passion ; ils l’accompagnèrent  dans une formidable aventure qui donna un premier fruit, Ousmane, un groupe qui fut plus fulgurant qu’un éclair. Ce fut l’un des groupes les plus populaires de la chanson amazighe contemporaine. Puisant dans le riche patrimoine de Souss, composant une musique portée par le dynamisme de la jeunesse, Ousmane avec Amouri Mbark comme figure emblématique, s’est forgé une place de choix dans notre mémoire ; comme symbole d’une génération qui  découvrait enfin un renouveau de sa culture.
La vie ayant dicté ses lois implacables, Amouri Mbrk entama une longue période de réflexion et de recherche. Revenant une nouvelle fois toujours avec le même espoir, le même projet culturel. Il eut l’idée judicieuse d’appuyer sa musique sur  un socle de textes signés par d’illustres poètes amazighs (Mestaoui, Azaycou, Akhayat…). Cela donna des chefs-d’œuvre, que tous les jeunes de tamazgha et dans les banlieues froides abritant la diaspora, fredonnent comme hymne à l’amour, à la joie, à la vie.  Car Amouri Mbark  fut la voix des sans voix : à l’exemple des ouvriers arrachés aux plaines de Souss, du Rif, de l’Atlas et envoyés à la brume des mines et usines du nord, thème de son titre mythique Gennevilliers…mais aussi les désabusés, les déçus de la vie ou de l’amour. Ses chansons sont  marquées par le terroir comme ce beau chant dédié « au champ d’amandiers qui surplombe la source… »…

Sur le plan personnel, c’était un vrai ami, généreux et disponible ; un être charmant au sourire discret et presque timide.  Une figure qui donnait tout leur charme et leur chaleur à certaines places gadiries, désormais couvertes d’un voile de tristesse et de mélancolie.

dimanche 15 février 2015

Ma chronique du week- end

Chronique du week-end              Par Mohammed Bakrim

Polémique : le mauvais procès fait à Saïd Naciri
C’est un mauvais procès que l’on fait à Saïd Naciri, le comédien marocain, star du One man show et cinéaste. Après l’affaire de la comédienne parlant à son égard de harcèlement sexuel, voilà qu’on l’accuse de plagiat. Sur les deux tableaux, il s’agit d’affaires montées et amplifiées par les médias, notamment électronique. Ce sont deux sujets, aussi bien pour le cas de la jeune comédienne que pour le plagiat, éminemment sérieux et qui ne se règlent absolument pas sur la place publique.
Saïd Naciri est un artiste éminemment populaire. On peut aimer ce qu’il fait ou ne pas aimer. Avec le début des années 2000, il est passé à la production et à la réalisation cinématographique. Sa filmographie compte des films qui ont caracolé en tête des entrées. Dans le film de Nour Eddine Lakhmari et Nadia Larguet, Black screen, il se présente comme « le sultan du box office ». Il n’a pas tort. Des films comme Les Bandits, Le Clandestin, ou Sarah sont de véritables comédies populaires qui ont drainé des foules dans le peu de salles qui restent en activité.
L’histoire du plagiat fait sourire. Quand un cinéaste dit « auteur » copie un autre cinéaste on dit qu’il « cite » ou fait des clins d’œil à Godard, Hitchcock ou…Martin Scorsese…quand il s’agit d’un cinéaste qui fait et ne le cache pas dans le divertissement populaire, on crie au plagiat…Les Egyptiens qui en sont à plus de 3000 longs métrages (le Maroc 300) ont toute une filmographie faite de remake de Hollywood.
La pseudo affaire Naciri est en somme un indicateur de plus sur le climat malsain qui règne au sein d’une profession qui manque de référentiel et de boussole.
A voir : Imitation game
C’est le film tout indiqué pour donner une dimension cinéphile à un week-end  hivernal. Imitation game, film américano-britannique de Marten Tyldum réunit en effet tous les ingrédients – histoire, casting, mise en scène- d’un grand film de facture classique ; même si au niveau de structure narrative il s’agit d’un récit d’une temporalité à trois niveaux sans linéarité chronologique. L’histoire peut s’apparenter en effet à un genre remis à la mode par Hollywood ces dernières années, celui du film biopic, biographical picture. Le récit de vie filmique, en l’occurrence, la vie d’Alan Turing, un génie de la science, l’informatique avant l’heure, qui a été appelé par l’Etat-major britannique à intégrer un service de contre-espionnage chargé de décrypter le système de renseignement et de transmission allemand, le fameux projet connu sous le nom de code Enigma.  Mais le film ne se présente pas sous la forme d’une variante de film de guerre ; ce cadre historique très fort en termes de dramatisation, n’est que le prétexte pour livrer un témoignage sur une vie exceptionnelle, sur les prouesses d’un cerveau qui a réussi à dévoiler une énigme. Une vie exceptionnelle, un cerveau qui a dompté une machine, technologique et qui finit broyé par la machine sociale. C’est le récit d’un génie dont le destin sera  brisé par la loi des mœurs  figées. Le film s’ouvre par une séquence dans les années 50, au moment où a déjà commencé la déchéance de la vie de Alan Turing avec la mise en place des éléments d’une intrigue policière : que cherche à cacher le célébrissime agent du contre-espionnage britannique ? Aucune clé n’est offerte d’emblée car le film revient à l’adolescence du futur génie où nous découvrons ses penchants sexuels avant de le suivre dans sa brillante carrière qui trouvera son apogée par l’accès au code secret allemand (l’un des moments forts du film et la description du travail en équipe sous la triple contrainte : le temps, la machine et la bureaucratie) et fera gagner ainsi aux alliés la guerre tout en abrégeant sa durée et  épargnant ainsi plus de vies humaines. Ce héros atypique finira cependant broyé par l’archaïsme des mœurs…Plusieurs années plus tard, en 2009, le Premier ministre Gordon Brown présenta des excuses au nom du gouvernement britannique pour la manière dont Alan Turing fut traité. En 2013, la reine lui exprima un pardon posthume. En 2015, c'est un grand acteur qui, en l'incarnant, lui rend hommage. Le film est en course pour les Oscars. Il  a été très applaudi à Marrakech, où il a été présenté Hors compétition. Notre avis : à voir.
A lire : Edgar Morin dans Zamane

Le salon du livre ouvre ses portes pour une nouvelle édition qui accueille la Palestine comme invité d’honneur. Le pays de la résistance est (était ?) aussi le pays de grands écrivains : Mahmoud Darwich, Sami Alkassem, Ghassan Kanafani ont-ils été suivis d’une relève. A découvrir. Côté marocain, le nouveau livre-mémoire de Abdellah Laroui est très attendu et fera certainement partie des meilleurs ventes…Un salon pour célébrer la lecture au moment où le livre, pourquoi se le cacher, a perdu la compétition qui lui est imposée par toute une panoplie de circuits, de réseaux et de gadgets. Bientôt nous vivrons une autre variante du film d’anticipation de François Truffaut, Fahrenheit 451…quand lire un livre devient un acte de résistance.   En attendant, la lecture intelligente passe aussi par les revues et le dernier numéro (février 2015) de la revue spécialisée dans l’histoire, Zamane, propose une excellente interview du sociologue et philosophe français, et néanmoins marrakchi, Edgar Morin. Le théoricien de la complexité y livre les éléments pour une approche lucide et apaisée de l’actualité et nous invite à « assumer et affronter nos contradictions ». A lire également la chronique toujours très tonique de Hassan Aourid. Mostfa Bouaziz, l’éminent chroniqueur et conseiller scientifique de la revue annonce son départ « momentané » , précise-t-il, de la revue. Si Mostafa, reviens vite, ta plume citoyenne nous manque déjà !

Adieu Amouri Mbark, titrit n tamazgha


Albachado de Hassan Aourid

  L’intellectuel et le pouvoir ou la déception permanente ·          Mohammed Bakrim «  Avant d’être une histoire, le roman est une in...