mercredi 3 juin 2009

cannes 2009


Le cinéma plein les yeux
Il fait beau sur la Croisette, les plages sont magnifiques sur la méditerranée mais c'est le cinéma qui détermine les comportements, les gestes…le mode de vie et les affaires bien sûr. Un festival de cinéma de l'envergure de Cannes est une aubaine économique. Le chiffre d'affaires confirmé pour 2009 tourne autour des 300 millions d'Euros pour une édition ayant démarré avec quelques incertitudes et la hantise des effets secondaires de la crise financière internationale. Mais très vite les choses sont rentrées dans l'ordre et Cannes est redevenu Cannes avec une caractéristique qui le distingue et fait sa marque de fabrique indélébile: la cinéphilie. On peut relever le côté stars et paillettes qui lui donne un certain charme souvent inaccessible pour le badge lambda, être agacé de l'organisation trop compartimentée sinon trop rigide mais Cannes reste la capitale de la cinéphile internationale, le rendez-vous des passionnés de cinéma, tout le cinéma. Une scène parmi mille: je coche sur mon programme d'aller voir le film, Amreeka de la palestino-américaine Shirin Dabis (une délicieuse comédie sur l'altérité). Il est programmé dans le cadre de la Quinzaine des réalisateurs, une section cannoise parallèle à la sélection officielle; c'est le creuset de la création internationale auréolée cette année par l'arrivée de F.F Coppola qui y a présenté son film en ouverture. Et bien imaginez qu'il m'a fallu patienter dans une longue file pendant près de deux heures pour être sûr d'accéder à la salle. Même scénario pour toutes les salles, tous les jours et tous les genres de cinéma. Une foule de toutes les générations portée par le même souffle celui de tomber sur la perle rare. Il faut dire à ce niveau que cette année et d'un point de vue strictement cinéphilique, les sections, disons mineures, sans jugement de valeur: Un certain regard, la Quinzaine et la semaine de la critique ont été des rivières charriant des perles au moment où la section phare, la sélection officielle a été portée par des vagues de polémiques et d'interrogations profondes sur l'état de la cinématographie mondiale. Et pourtant sur le papier quand le dynamique délégué général du festival, Thierry Frémaux avait annoncé les vingt films sélectionnés pour 2009, les observateurs avaient affiché une certaine satisfaction étant donné l'assurance tout risque que représentait la présence de certains noms familiers de Cannes et surtout ayant habitué leur public à des surprises agréables: Almodovar, Ken Loach, Lars Von Trier, Haneke…ou Quentin Tarentino…cette fois ce ne fut pas toujours le cas. Chaque film donnait lieu à des avis partagés.
Quand j'arrive à Cannes, le festival ayant déjà démarré, mes amis et collègues de la critique m'harcèlent de questions : "as-tu vu le dernier Lars Von Trier?"."Il faut absolument aller voir "Antichrist". Le film du rebelle danois a mis Cannes en émoi et a partagé le microcosme cinéphile habitué à des vénérations collectives. Le test dans ce sens est la séance de 8H30 celle où le gotha de la cinéphilie mondiale vient donner le ton de la journée avant les fastes de la montée des marches. Lars Von Trier n'a pas ménagé ce beau monde. Le film est une descente aux enfers. Tout commence pourtant sous des signes prometteurs avec une très belle scène d'ouverture du point vue esthétique de l'image et de la chorégraphie, accompagnée d'une somptueuse musique; un couple fait l'amour d'une manière intrigante (la salle de bain?); la caméra pivote vers la chambre à coucher pour nous faire découvrir un enfant qui vient de se réveiller. Le parallèle commence à inquiéter. L'enfant, en fait, un bébé, se dirige vers son jouet situé au bord de la fenêtre…la mort arrive en choc : la chute de l'enfant ne nous est pas épargnée. C'est délibéré de la part de l'enfant terrible de Dogma; cela en effet va mettre en place le traumatisme initial qui va entrainer le couple très loin dans une introspection d'une violence inouïe…Le film sera descendu par une grande partie de la critique française qui va opter plutôt pour Prophète de Jacques Audiard (belle prestation de jeunes comédiens d'origine maghrébine). Autre rendez-vous raté avec la critique Etreintes brisées de Pedro Almodovar. Un scénario qui puise dans le cinéma l'argument d'un mélodrame à trois un cinéaste qui tombe amoureux d'une actrice qui vit sous l'emprise un riche sexagénaire. Le cinéma dans le cinéma est toujours un exercice intéressant mais le film séduit et ne convainc pas. La surprise radicale vient de Quentin Tarentine avec son extraordinaire The Inglourious besterds qui nous transpose dans la France sous l'occupation nazie pour réécrire l'histoire à sa manière sans souci de vraisemblance. Cela donne un magnifique exercice de revanche du cinéma sur l'histoire. Un autre enfant doué du cinéma revisite l'histoire à la première personne, le palestinien Elia Suleiman et son The time that remains: un récit autobiographique qui n'hésite pas à brosser un tableau satirique d'une tragédie sans fin. De l'humour noire face au ridicule de la guerre de libération arabe de 1948 ou encore des gestes burlesques face au mur de séparation israélien…une comédie douce amère, mine de rien optimiste. La palme d'or décrochée par Le ruban blanc n'est pas "seulement?" un signe de la présidente du jury à l'égard de son cinéaste fétiche Michael Haneke; non c'est une récompense méritée et largement. Le film dans un noir et blanc époustouflant cerne les racines du mal à partir de la captation d'événements organisés en micro récits pour s'acheminer vers la tragédie qui pointe à l'horizon. Une dramaturgie du mal au scalpel de la caméra.
Guerre, violence, sexe, religion…la sélection officielle allait être à l'image d'un sommaire de jt d'une banale soirée de télévision, sauf que Jane Campion était là pour son film, mon coup de cœur cannois, Bright star: une émouvante histoire d'amour dans la banlieue de Londres du début du XIX siècle et qui met en scène la figure de proue de la poésie romantique anglaise, John Keats mort à l'âge de 26 ans. Un très beau film, une très belle actrice, des images qui expriment la poésie d'un monde qui s'en va.

vendredi 15 mai 2009

Dakhla: pôle stratégique


La grande place publique de la ville de Dakhla s'est révélée exiguë pour accueillir la foule immense venue assister à la projection du film Casanegra programmé dans le cadre des Rencontres cinématographiques internationales de Dakhla. Plus de cinq mille personnes se sont massées pour applaudir l'équipe du film notamment le grand Benbrahim qui a séduit tout le monde par sa bonté, la sympathie qu'il dégage et la grande générosité qui caractérise son jeu…par ce triomphe qu'il a consacré à ce film et à l'ensemble du cinéma marocain présenté ici, la ville de Dakhla confirme, en cette année trentenaire de son retour à la mère patrie (1979-2009), son appartenance non seulement à la géographie physique et naturelle du Royaume mais aussi à la géographie de son imaginaire…Il faut se rendre à Dakhla pour se rendre compte de l'ampleur du gigantesque effort accompli pour faire de l'unité retrouvée non seulement des un concept politique mais aussi une nouvelle configuration de la carte et du territoire. Non, ce ne sont pas des milliards perdus comme avait mis un magazine à son Une pour comptabiliser ce coûte le retour des provinces du sud. Dakhla est la confirmation de la justesse stratégique du choix de l'unité. En voyant sa position sur la carte du Royaume et du continent, le travail fourni au niveau des infrastructures et de l'équipement on comprend la haine des ennemis de l'unité marocaine, leur acharnement à empêcher le projet de développement à mobiliser toutes les sources disponibles sur la voie du progrès au bénéfice de toute la région. Oui, Dakhla a tous les atouts pour être un pôle de développement régional. Elle peut être la locomotive d'un nouvel équilibre entre le nord et le sud grâce à des richesses naturelles variées et multiples; cela va du tourisme à l'agro-industrie et aux activités générées par le sport, la culture et l'environnement. Déjà, ses plages sont réputées dans le monde pour leur beauté mais aussi pour la qualité des conditions atmosphériques propices pour les différentes compétitions qui conjuguent la mer et le vent. Il est indéniable que ces atouts ont besoin d'être intégrés à un projet global de développement durable qui intègre l'homme et son environnement. Pour, ce faire, l'une des entrées pertinentes et celle de la responsabilisation citoyenne de tous les acteurs du système par le biais notamment la politique de la régionalisation. Le principe commence à s'inscrire dans notre débat politique à l'occasion de l'offre marocaine pour sortir de l'impasse imposée par l'intransigeance algérienne. Mais, au-delà de cette dimension non négligeable pour conforter notre unité territoriale, la régionalisation est un principe philosophie, un choix de société qui sied parfaitement à la nature composite de notre sociologie. Notre projet de société démocratique ne peut avoir de sens que si les règles de la sociologie politique épousent, enfin, les règles de la sociologie tout court.

dimanche 10 mai 2009

la femme d'Ijoukak

"ce roman est le préféré de mes livres" avoue Christine Daure-Serfaty. Nous la rejoignons pour souligner d'emblée que c'est un joli roman effectivement qu'elle nous offre ici. Un récit de mémoire et de souvenirs à l'image de l'époque qui l' a vu naître. Le roman vient d'être réédité chez Tarik éditions en 2008; il remonte en fait à 1997 pour sa sortie parisienne; une année charnière dans une décennie décisive du Maroc moderne. Un Maroc que Christine Daure a porté dans son cœur comme dans son esprit de militante des droits de l'homme. Ce Maroc des années soixante qu'elle découvre en tant qu'enseignante avant d'épouser sa cause en s'engageant au près des militants motivés d'utopie montant à l'assaut du ciel. La femme d'Ijoukak est une histoire d'amour; amour de cette région montagneuse au cœur du haut atlas entre Amizmiz et Ijouka à l'ombre du col de Tizi n'test, le plus haut d'Afrique, nous apprend-on dans les livres de géographie. Mais amour aussi déclarée, tue, avortée entre des êtres emportés dans les tumultes d'une histoire qui a mis en scène des acteurs aux appartenances multiples. Tout commence par une rencontre en France entre la narratrice, Mathilde et un Monsieur d'un certain âge. Une rencontre brève mais chargée d'émotion et de signes énigmatiques; signes et indices qui vont déclencher un retour en arrière. Un long flashback vers ce Maroc des temps des Français, dans cette belle région de Tizi n'test. Retour sur l'enfance, sur les origines traversées de doutes et d'interrogations. Le récit est bien ancré dans cet espace chargé d'histoires non écrites, où la narration orale tient lieu de catharsis. Mathilde va être confrontée à cette part de vérité, traditionnellement confinée dans la boîte noire de la mémoire collective des sociétés et des familles. Mais elle persiste à restituer les détails de l'histoire. C'est Icare et son voyage vers le soleil…elle tient à compléter son histoire:"car on raconte aussi pour ne pas mourir ou parce que on est déjà mort; on raconte pour guérir" écrivait le critique de cinéma, Serge Daney. Cette référence cinéphilique n'est pas fortuite; le livre de Daure-Serfaty me semble être porté par une écriture cinématographique non seulement dans sa structuration narrative où chaque acteur prend en charge une part du récit; il n'y a pratiquement pas de figuration; chacun à sa part de "responsabilité narrative" dans la restitution de ce puzzle, mais aussi dans son rapport au temps avec des aller retour entre le temps de la narration et le temps de l'histoire; cinématographique surtout dans son rapport à l'espace. Le roman est à ce niveau très visuel quasiment tactile. On imagine aisément un plan large à partir de Targa, la maison de Mathilde dans la banlieue de Marrakech embrassant le haut atlas seigneurial. Pour ceux notamment qui connaissent la région, c'est une plongée aux sensations multiples dans un décor ouvert sur tous les possibles narratifs. Jeune, je traversais le col de Tizi n'test avec ma famille au rythme de récits fantastiques où il était question d'une folle qui hantait les lieux. A l'aube on prenait un petit déjeuner frugal, café et askif (soupe amazighe) chez Touda à Ijoukak. Cet univers perdu à jamais est restitué par l'écriture fluide, poétique, limpide de Christine-Daure Serfaty. Demain, un projet d'adaptation pour le cinéma? Ce serait magnifique.

samedi 9 mai 2009

dakhla comme espace cinématographique




La ville de Dakhla abrite depuis le 4 mai la deuxième édition des rencontres cinématographiques internationale. Des Rencontres nées à Laayoun et qui ont choisi cette année, pour des raisons principalement de logistique de s'installer à Dakhla. Choix judicieux car la ville, en effet, s'y prête merveilleusement bien. C'est une cité agréable à vivre, accueillante et ouverte sur de vastes étendues du côté de l'océan comme du côté du splendide désert qui en fait sa perle…Cette découverte est l'une des conséquences de la dynamique actuelle du cinéma marocain: il redessine à sa manière la carte du Maroc; en l'occurrence, les rencontres de Dakhla prolongent très loin la réception du film marocain (et autres) lui permettant d'aller à son public aux confins des racines africaines de notre identité plurielle…ce faisant ces rencontres offrent aussi à la production imaginaire de nouveaux horizons. Dakhla est ainsi le titre générique d'un scénario futur qui reste à écrire et dont les ingrédients dramaturgiques sont déjà là; et notamment ce merveilleux espace s'étalant à l'infini…le cinéma crée son propre espace, c'est l'espace filmique comme résultat de la captation par la caméra et de la restitution par le montage, par les mouvements d'appareil et les effets de lumière. Mais le cinéma se crée aussi à travers l'espace qu'il filme. Le cinéma américain est d'abord le fruit de l'espace américain. Le western, genre américain par excellence, est le produit d'une histoire mais aussi et surtout de la géographie. Ce que nous gardons d'un western, sa scène fondatrice, c'est l'arrivée d'un protagoniste dans un lieu. Ce que l'on appelle techniquement le Plan américain est la résultante de cette rencontre.
Les cinéastes marocains, les comédiens, les professionnels venus des pays amis ont été d'emblée éblouis par l'espace de Dakhla: à la sortie de l'avion, l'aéroport offre, dans la lumière crépusculaire d'une journée saharienne, un merveilleux panorama. En circulant dans la ville située dans une baie étendue sur des kilomètres, le regard capte les signes vierges d'une configuration filmique éloquente au premier degré. C'est l'espace comme discours en soi. Reste à l'inscrire dans une dramaturgie. C'est la nouvelle dimension qui s'ouvre/s'offre au cinéma marocain. Cela est venu à temps. D'autant plus que du point de vue des choix stratégiques du développement de la région, l'option culturelle est présente: Dakhla propose une multitude d'activités autour notamment des pratiques liées au sport de la mer. Cela génère déjà une infrastructure d'accueil digne des grandes métropoles. Les productions cinématographiques nationales et internationales trouveront un terrain déjà balisé. C'est un nouveau pôle qui se dessine en perspective.

jeudi 9 avril 2009

hanane fadili


la deuxième chaîne vient de lancer une nouvelle grille de programmes. Le moment choisi ne correspond à aucun calendrier particulier si ce n'est celui de la commémoration du vingtième anniversaire de la chaîne. Dans la tradition du PAM, une nouvelle programmation correspond souvent à la rentrée, à l'instar d'une pratique universelle ou à l'occasion du mois sacré du ramadan. 2M a choisi de se démarquer de ces mœurs médiatiques pour proposer un nouveau rendez-vous pour lancer sa grille du changement. On peut mettre cette démarche sur le compte de la volonté, légitime, de se constituer une personnalité propre. Dans un univers globalisé où la concurrence des chaînes est féroce, il est opportun pour une chaîne de se forger une place dans le flux des images. Une chaîne qui se respecte doit en effet se forger une identité en proposant autre chose que de la simple diffusion. Cela passe par une action cohérente à trois niveaux: le discours de la chaîne sur elle-même; la programmation qui correspond à une logique propre et les programmes ou émissions dont le contenu s'articule avec le ton de l'ensemble de la grille. Sans entrer dans les détails de cette construction, on peut déjà interroger les premiers signes livrés par la chaîne de Aïn Sbaâ. Il faut alors reconnaître que la nouvelle grille est livrée en compte goûtes; les grands moments forts annoncés se donnent le temps d'arrivée. Certes, il y a déjà le retour de quelques stars d'antan telle Nassima Alhorr dans un exercice de télévision compassionnelle ou Imaed Ntifi dna la tranche difficile de la soirée du samedi. On en reparlera. Il y a cependant une star qui a déjà réussi son passage avec son programme de divertissement, Hanane Fadili. C'est à coup sûr une valeur ajoutée non seulement à la nouvelle grille de la chaîne mais à l'ensemble de notre paysage audiovisuel. Hanane, c'est de l'humour intelligent fruit d'un travail et surtout d'un investissement personnel important. On sait que c'est une fille douée mais Hanane a capitalisé cela avec beaucoup de travail, de sérieux et de recherche. Le dispositif proposé samedi dernier reflète la touche de la mise en scène de Adil Fadili: c'est moderne et percutant. Peut-être qu'il y a une surcharge de mouvements notamment au niveau de l'articulation des séquences. Mais Adil Fadili s'amuse en filmant…et c'est contagieux. Bravo les gars!

mardi 31 mars 2009

ABDELLAH LAROUI

Je viens de rentrer des Rhamna où une ONG consacrée au développement local a organisé un moussem culturel où le volet cinéma a comporté une très belle programmation dédiée au cinéma palestinien et dont l'une des séquences majeures a été l'hommage rendu au professeur Abdellah Laroui, spécialiste de l'histoire, romancier, écrivain, intellectuel engagé…à sa manière. M. Abdellah Laroui n'a pas jugé utile de faire le déplacement à Benguerir, capitale du pays des Rhamana. Il fit donc l'événement deux fois. D'abord parce que l'idée de l'hommage a été saluée par de nombreux observateurs de la chose intellectuelle au Maroc. C'est un geste fort symbolique et le nombre de professeurs et de chercheurs qui ont pris part aux différentes rencontres organisées autour de cet hommage dénote de la place centrale qu'occupe la production intellectuelle et romanesque de Laroui au sein de notre paysage culturel. Son absence créa aussi l'événement dans la mesure où elle donna lieu à moult commentaires et a fait la Une des journaux du week end. Une absence qui donna lieu aussi à des récupérations parfois bassement politicienne, voire tout simplement électoraliste. D'ailleurs, toute cette manifestation sentait la campagne électorale précoce et un candidat potentiel mais déjà en poste dans une instance de la ville a cru bon de monter sur ses quatre chevaux pour voler au secours de "la dignité de sa région bafouée" semble-t-il par cette absence…c'est un peu trop tirer sur la corde…avant l'heure. Et cette frénésie ne pouvait que justifier a posteriori l'excuse de M. Laroui qui est resté en quelque sorte fidèle à sa démarche intellectuelle depuis des décennies: ne pas trop se mêler de la politique politicienne et s'offrir une distance qui favorise un dialogue avec les pratiques dans leur historicité. Bref, respecter le statut de la pensée qui ne peut progresser dans le tumulte, la confusion des genres et le flou des programmes…certaines interventions ont compris ce choix et ont été inscrite autant que possible se peut dans le prolongement d'une réflexion qui interpelle le champ politique et intellectuel depuis les années soixante. Le drame de notre projet de développement est que la pensée de Laroui n'a pas été comprise ou carrément mal comprise ou plus grave encore, ignorée. Certains lui ont reproché un silence épisodique lourd de signification. Ils oublient qu'il avait déjà parlé et qu'il n'aime pas la redite. On dit souvent le style c'est l'homme. Dans le cas de M. Laroui c'est aussi vrai dans l'autre sens; il est à l'image de son style. Sobre, dépouillé de surcharge rhétorique et s'offrant à son récepteur dans la durée et la progression de raisonnement; tout le contraire du fast thinking; du prêt à penser qui modèle les décideurs en vogue. M. Laroui c'est aussi un grand cinéphile qui a accompagné l'âge d'or de l'activité des ciné-clubs et le cinéma traverse sa production romanesque comme référent culturel ou comme mode de production de discours. Ses phrases sont à l'image du cinéma qu'il aime, le bon cinéma asiatique, fait de distance et de discrétion. A lire et à relire…c'est tonique par les temps qui courent.

Cinéma marocain en 2009

Des chiffres prometteurs
Le cinéma marocain entame une nouvelle année prometteuse de sa jeune histoire notamment en termes de box office. Pendant longtemps parler de ce cinéma en langage de chiffres et de statistique était un luxe inespéré. Voilà qu’aujourd’hui, ce cinéma bouscule les schémas établis et se permet même de jouer parmi les grands qui ont l’habitude d’occuper les premières places du tableau. On sait qu’en 2008 par exemple, le cinéma marocain s’est hissé pour la première fois de son histoire à la deuxième place du box office par nationalité loin devant l’Inde et l’Egypte et derrière les USA. Déjà au niveau du classement du box office par film, cela fait maintenant plusieurs années que deux, trois voire quatre films marocains parviennent à arriver en tête.
Pour 2009, les premiers chiffres avancés par le Centre Cinématographique Marocain, annoncent une année exceptionnelle. Rien que pour ce premier trimestre, les chiffres réalisés par les films marocain, sortis jusqu’à la mi-mars, dépassent de loin ceux réalisés par l’ensemble des films sortis en 2008 ; comme ils en dépassé les chiffres de 2007. si la moyenne de fréquentation des salles programmant des films marocains pur ces dernières années tournait atour de 300 000 entrées, les chiffres dont nous disposons pour 2009 avoisinent le demi million. Près de 500 000 spectateurs se sont déplaces en ce début d’années pour voir des filmas marocains. C’est un nouveau record qui va tirer vers le haut l’ensemble de la fréquentation des salles de cinéma qui se situe aujourd’hui autour des 4 millions d’entrées. Bien sûr ; derrière cette avancée extraordinaire, il y a le phénomène Casanegra qui a draine à lui tout seul près de 250 000 entrées. Il est suivi par Amours voiles avec 150 000 spectateurs sachant que ce film est encore à l’affiche alors que le film de Lakhmari opère une pause en attendant de revenir sur des salles non encore touchées. Autre film à succès alors qu’il en est encore à ses débuts est Ex-chemkar avec près de 60 000 entrées en trois semaines même s’il n’est pas sorti sur les écrans des multiplexes. Two lakes of tears se comporte également honorablement alors qu’il se situe sur autre registre celui du cinéma d’auteur à dimension cinéphilique.
Il faut rappeler, à ce propos, que le parc des salles est aujourd’hui le principal obstacle au succès public des films marocains. Avec une autre carte de salles, un film comme Casanegra atteindrait facilement le million d’entrées. Des villes entières ne sont plus touchées et des quartiers gigantesques des grandes villes n’ont plus de salles de cinéma.
Ce regain d’intérêt populaire pour le cinéma, dans un contexte difficile (crise économique, matraquage idéologique des conservateurs…), est un bon signe pour l’avenir. Il est susceptible d’enclencher une autre dynamique qui toucherait cette fois le secteur de l’exploitation.

cinéma marocain

Le cinéma marocain entame une nouvelle année prometteuse de sa jeune histoire notamment en termes de box office. Pendant longtemps parler de ce cinéma en langage de chiffres et de statistique était un luxe inespéré. Voilà qu’aujourd’hui, ce cinéma bouscule les schémas établis et se permet même de jouer parmi les grands qui ont l’habitude d’occuper les premières places du tableau. On sait qu’en 2008 par exemple, le cinéma marocain s’est hissé pour la première fois de son histoire à la deuxième place du box office par nationalité loin devant l’Inde et l’Egypte et derrière les USA. Déjà au niveau du classement du box office par film, cela fait maintenant plusieurs années que deux, trois voire quatre films marocains parviennent à arriver en tête.
Pour 2009, les premiers chiffres avancés par le Centre Cinématographique Marocain, annoncent une année exceptionnelle. Rien que pour ce premier trimestre, les chiffres réalisés par les films marocain, sortis jusqu’à la mi-mars, dépassent de loin ceux réalisés par l’ensemble des films sortis en 2008 ; comme ils en dépassé les chiffres de 2007. si la moyenne de fréquentation des salles programmant des films marocains pur ces dernières années tournait atour de 300 000 entrées, les chiffres dont nous disposons pour 2009 avoisinent le demi million. Près de 500 000 spectateurs se sont déplaces en ce début d’années pour voir des filmas marocains. C’est un nouveau record qui va tirer vers le haut l’ensemble de la fréquentation des salles de cinéma qui se situe aujourd’hui autour des 4 millions d’entrées. Bien sûr ; derrière cette avancée extraordinaire, il y a le phénomène Casanegra qui a draine à lui tout seul près de 250 000 entrées. Il est suivi par Amours voiles avec 150 000 spectateurs sachant que ce film est encore à l’affiche alors que le film de Lakhmari opère une pause en attendant de revenir sur des salles non encore touchées. Autre film à succès alors qu’il en est encore à ses débuts est Ex-chemkar avec près de 60 000 entrées en trois semaines même s’il n’est pas sorti sur les écrans des multiplexes. Two lakes of tears se comporte également honorablement alors qu’il se situe sur autre registre celui du cinéma d’auteur à dimension cinéphilique.
Il faut rappeler, à ce propos, que le parc des salles est aujourd’hui le principal obstacle au succès public des films marocains. Avec une autre carte de salles, un film comme Casanegra atteindrait facilement le million d’entrées. Des villes entières ne sont plus touchées et des quartiers gigantesques des grandes villes n’ont plus de salles de cinéma.
Ce regain d’intérêt populaire pour le cinéma, dans un contexte difficile (crise économique, matraquage idéologique des conservateurs…), est un bon signe pour l’avenir. Il est susceptible d’enclencher une autre dynamique qui toucherait cette fois le secteur de l’exploitation.

lundi 16 mars 2009

adieu khatibi

le capteur de signes

Abdelkébir Khatibi n’est plus. Il est décédé hier à Rabat à l’âge de 71 ans. On le savait malade ; début février il bénéficia de la haute sollicitude royale pour avoir les soins adéquats. On comptait aussi, pour dépasser cet épisode, sur son esprit de résistance à l’image du « lutteur de classes à la manière taôiste » ; mais son grand cœur a fini par céder pour ouvrir la voie au repos du guerrier : Khatibi fut en effet un infatigable travailleur. Serein, discret mais toujours profond, pertinent, élégant et perspicace. Comment le définir ? Sociologue ? Chercheur ? Romancier ? Poète ? Critique d’art ?...Tout cela est un peu plus. Il était en fait un intellectuel dans le sens qu’il nous avait précisé dans un entretien, à savoir l’intellectuel perçu comme le capteur des signes. Et Khatibi en fut un au sens fort et noble du mot. Il était à l’écoute des signes, attentif aux vibrations des ondes…il était un sismographe en état de veille permanent, au diapason de l’esprit du temps. Il était un grand amoureux de signes. Il aimait à sa manière : il nous apprenait par exemple à aimer notre pays mais toujours d’un amour critique. Sur cette voie, il forgea –le mot n’est pas approprié- il sculpta plutôt un joli concept, L’AIMANCE. L’aimance, c’est le paradigme fondateur de la pensée khatibienne ; la clé d’une œuvre en perpétuel mouvement transcendant les genres et les frontières académiques.
Et pourtant tout avait commencé sous le signe d’une appartenance affichée à la science des sciences, la sociologie. Comme un bon enfant de son siècle, Khatibi choisit la voie des sciences sociales. Il était né à Eljadida en 1938. La Deauville du Maroc. Il rejoint Paris pour poursuivre ses études supérieures à La Sorbonne. Sa thèse de recherche en dit déjà long sur sa démarche future : elle portait en effet sur le roman maghrébin. Non seulement elle devint vite l’ouvrage de référence en la matière, c’était notre bible quand, jeunes étudiants, nous débarquions à Rabat début des années 70, mais elle indiquait aussi la méthodologie de Khatibi chercheur : une société ne s’appréhende pas seulement à travers des statistiques et des courbes. La fiction pouvait aussi servir à l’intelligence du monde. La mémoire tatouée, son premier roman en est la parfaite illustration. La narration romanesque comme prolongement de la réflexion sociale par d’autres moyens. C’est toute une carrière qui se décline ainsi : des ouvrages pointus sur la sémiologie des formes symboliques dominantes allant de l’art graphique, au tapis… à la « blessure du nom propre », ou encore des ouvrages de réflexion politique (le Maghreb…) alternant avec des pauses littéraires où Khatibi voyage dans le temps, dans des récits historiques ou dans l’espace pour cerner les errances du cœur et du regard du côté, par exemple, de Stockholm…Khatibi ne cachait pas sa fascination pour les civilisations de la distance et du repli sur soi : l’Asie, le Japon en particulier, et les pays scandinaves. Car l’altérité est un autre fondement de sa démarche, l’autre comme horizon de pensée, comme destin inscrit dans le quotidien. Au total, une ouvre plurielle, diversifiée, tonique pour le cœur et l’esprit, qui est en fait « le même livre », celui d’un homme moderne, tolérant, ouvert ; celui d’une voix qui nous manque déjà. Adieu cher ami et cher
maître.

dimanche 8 mars 2009

sanae mouziane consacrée à ouaga




Le Palmarès du Festival Panafricain de Ouagadougou


C'est une cérémonie inédite et originale qui vient clore la 21ème édition du Fespaco organisée à Ouagadougou (Burkina Faso) du 28 février au 8 mars. Originale par le lieu même qui l'abrite; elle se déroule en effet dans le plus grand stade de la ville, le mythique stade du 4 août et c'était sous un soleil de plomb et une chaleur torride (40°), la cérémonie ayant débuté à 16h. Le cérémonial rappelle les arènes antiques avec en ouverture des jeux physiques et des acrobaties. Au total, cela a duré près de quatre heures, le Palmarès lui-même comprenant une trentaine de récompenses.
Le Maroc est sorti avec les honneurs tout en sachant qu'un verdict de jury est toujours relatif, étant déterminé souvent par plusieurs facteurs dont certains sont franchement extra cinématographiques. La gracieuse Sanae Mouziane, héroïne du film Les jardins de Samira a décroché le prix de la meilleure interprétation féminine. Une autre marocaine a été à l'honneur, Leila Kilani qui a obtenu le Prix du meilleur documentaire pour son film Nos lieux interdits dont le sujet est consacré aux audiences justice et réconciliation pour les victimes des années de plomb; la récompense est un hommage aux qualités du film mais aussi à cet épisode important de l'histoire contemporaine du Maroc. Des membres du jury documentaire nous ont affirmé que leur choix a été fait d'emblée au sein d'une sélection où les films politiques ont été dominants. Un autre heureux à Ouaga, Mohammed Ismael dont le film Adieu mères a obtenu deux récompenses importantes, les prix du meilleur décor et celui de la meilleure musique signée Kamel Kamel. Au niveau du court métrage, La jeune femme et l'instit de Mohamed Nadif a obtenu une mention spéciale du jury. A signaler que le Prix du meilleur court métrage a été décerné au film Ils se sont tus de Khalid Benaissa qui est en partie marocain, le jeune réalisateur a tenu d'ailleurs à remercier le Centre Cinématographique Marocain pour sa contribution au développement du film. C'est le cas d'un autre film, le long métrage Absence de Mama Keita, prix du meilleur scénario et qui a bénéficié du soutien du CCM.
Au niveau du triangle des Yenenga, le bronze est allé au film franco-algérien Mascarades de Lyes Salem, l'argent, prix spécial du jury au film Nothing but the truth du sud africain John Kani. L'or, le grand prix du Fespaco a été décerné au film Teza de l'Ethiopienne résidant aux USA Haile Germina. Dans une première lecture, on peut dire que le palmarès du jury présidé par Gaston Kaboré est d'une facture académique, ayant consacré davantage les films portés par une écriture "lisible" au premier degré, mettant en avant des événements forts de l'actualité africaine: devoir de mémoire pour le film sud-africain, le retour sur les années socialistes de l'Ethiopie post Haile Silassé. Un palmarès finalement très politique à l'air dominant.

samedi 21 février 2009

l'étrange histoire de benjamin button


Un conte à rebours

Nous naissons tous vieux; l'enfance, est-ce un commencement ou c'est déjà la fin? Au-delà de la clause de style, le nouveau film de David Fincher nous offre une variation cinématographique, disons-le d'emblée, ravissante pour le regard et l'esprit, sur cette thématique récurrente qu'est le travail du temps sur la matière, le corps, aussi bien dans des productions littéraires que cinématographiques. D'ailleurs le film de Fincher est une adaptation d'une courte nouvelle de l'écrivain américain Francis Scott Fitzgerald (publiée en 1922). Un premier angle de lecture du film pourrait être une analyse des métamorphoses intervenues lors du transfert du signe scriptural au signe iconique. On se rend compte alors qu'adapter est plus que trahir. Le film en effet puise dans la nouvelle son argument narratif de base, un enfant qui naît vieux et qui remonte le temps dans le sens inverse, il grandit en rajeunissant, pour ensuite se doter de sa propre dramaturgie qui nous offre in fine une œuvre romanesque qui place Fincher dans la lignée des grands classiques de Hollywood. Le dispositif narratif est tout aussi original. Si dans la nouvelle de Fitzgerald, le récit est pris en charge pratiquement du point de vue du père, le récit filmique se développe à partir de la voix off celle de la fille, Daisy, que rencontra Benjamin et bouleversa sa vie pour devenir sa femme. On la découvre vielle, sur un lit d'hôpital livrant à sa fille, Caroline, l'ultime secret de sa vie; lui demandant de lire le carnet et les lettres d'un certain Benjamin Button, la jeune fille finit alors par apprendre la vérité sur son propre père. Le tout dans la ville d'Orléans sur laquelle souffle l'ouragan Catrina. Le film, en effet, est riche de références et d'allusions. Il évolue sur une temporalité qui va du début du siècle précédent jusqu'aux années 90. L'histoire est livrée en blocs narratifs dont certains sont des monuments de grand cinéma. D'abord, la séquence d'ouverture qui met en place l'élément déclencheur: le contexte de l'époque est restitué à travers la fête de la ville pour l'inauguration de la nouvelle gare et fêter la fin de la guerre. Mais élément inédit: l'horloge qui est l'œuvre d'art majeure de la nouvelle gare tourne à l'envers et le maître d'œuvre, l'artiste qui en est le créateur refuse de la réparer; les aiguilles continueront à aller dans l'autre sens en hommage à la mémoire des victimes de la guerre; c'est dans ce contexte que Button un bourgeois de la ville apprend la naissance de son enfant. Se rendant à l'hôpital, il découvre que sa femme est morte en ayant accouché d'un enfant à la physionomie particulière: un bébé dont le corps est celui d'un homme de quatre-vingts ans. Il le prend dans ses bras mais pour tout de suite s'en débarrasser. Le petit Benjamin va découvrir une nouvelle famille dans une maison pour vieillards où il trouvera une mère adoptive, occasion pour le film de proposer un généreux projet d'altérité : Benjamin étant lui-même un cas atypique, il est adopté par une famille noire et évoluera dans un milieu où la mort ne cesse de roder. Son apprentissage se fera dans la douleur. L'apprentissage de la fragilité comme destin de l'humanité, de l'inéluctable travail de sape auquel se livre le temps. Mais où il rencontrera l'amour et prendra conscience de sa différence extrême. On le suit quand il quitte sa mère adoptive pour aller à la découverte de la vie poussé par l'énergie d'un corps qui se renforce au fur et à mesure du passage du temps. Deux séquences se démarquent dans cet édifice romanesque; celle où Benjamin vit une idylle avec l'épouse d'un consul britannique. Une rencontre faite de mouvement des corps et des sens dans le cadre d'un hôtel qui offre un huis clos d'une grande densité. Celle ensuite de l'accident parisien de son amie où le montage nous livre deux versions de l'accident pour mettre en exergue la fatalité de nos gestes quotidiens: il suffit d'un retard, d'une omission pour donner un autre cours aux événements de la vie. Cela est restitué d'une manière cinématographique éloquente.
Pour les cinéphiles, Fincher, c'est Seven où il y avait déjà Brad Pitt (aux côtés d'un inoubliable Morgan Freeman), c'est aussi Zodiac (magnifique structure narrative) et c'est désormais aussi Benjamin Button, un film long, plus de deux heures trente mais c'est un grand film non pas seulement par la prouesse technique (un logiciel spécial a permis de garder les signes physiques de Brad Pitt dans le long processus de décomposition / recomposition du visage du personnage), mais par sa double dimension esthétique et humaniste.

jeudi 12 février 2009

slumdog de Danny Boyle


Une fable de notre temps


C'est un merveilleux spectacle cinématographique à voir "sans modération" comme un spectateur du samedi soir. Danny Boyle nous propose en effet un patchwork où l'émotion est au rendez-vous à chaque scène, voire à chaque plan. Le film fait ainsi un tabac et récolte les prix et caracole à la tête du box office. Danny Boyle est un cinéaste éclectique; il a aligné jusqu'ici une filmographie qui alterne des œuvres fortes qui ont marqué les cinéphiles, je pense en particulier à Trainspotting ou encore des produits qui surfent sur les codes dominants pour offrir un film standard comme La plage. Mais c'est toujours un cinéma percutant où chaque plan fait mouche…cet éclectisme nous semble être sa marque, sa touche d'écriture puisque dans Slumdog millionnaire nous retrouvons un éclectisme esthétique qui passe par des références au néoréalisme dans toute la partie en flashback sur l'enfance de Jamal; des séquences mélodramatiques qui empruntent au cinéma indien et des moments d'action avec suspense, poursuite, règlement de compte et gangstérisme. Mais cette construction protéiforme aboutit in fine à un film spectaculaire certes mais où le cinéma joue pleinement le pari de l'émotion. Une émotion qui rejoint un horizon d'attente chez le spectateur d'aujourd'hui marqué par la crise du capitalisme. Les spectateurs d'aujourd'hui s'y retrouvent donc à travers la fabuleuse histoire de Jamal, cet anonyme qui sort des bas fonds pour gagner des millions mais à travers aussi des signes de notre temps: l'emprise de l'argent, le cynisme des médias, la permanence de l'amour. Cette dimension enferme peut-être le film dans un certain manichéisme où le bine finit par triompher…ce qui n'est pas toujours le cas dans la vie de tous les jours. Mais s'il y a de la réalité dans le cinéma, le cinéma n'est pas la réalité.
Mais de quoi s'agit-il? C'est l'histoire de Jamal, jeune serveur de café dans Mumbay; le hasard l'amène à participer à la fameuse émission "Qui veut gagner des millions". Contre toute attente, et malgré les magouilles d'un animateur cynique Jamal parvient à répondre à toutes les questions; au seuil de l'ultime question qui va lui permettre de toucher une super cagnotte, la police vient l'enlever l'accusant de tricherie. Pour l'establishment médiatique il est impossible qu'un jeune issu des couches populaires, qui n'appartient pas "aux héritiers" au sens que lui donne Bourdieu, c'est-à-dire n'ayant pas acquis le capital culturel transmissible entre les couches dominantes. Cet enlèvement de Jamal et son arrestation par la police va déterminer le dispositif narratif du récit filmique. Acculé par les questions –et la torture- du policier, Jamal va nous livrer son secret que le film va décliner par une série de flashbacks: l'officier va alors jouer de relais du spectateur en relançant à chaque fois l'interrogatoire devenu moteur du récit pour, petit à petit adhérer, à l'image de l'identification et de l'empathie nées chez le spectateur, à la thèse ahurissante dans sa simplicité et sa sincérité que développe Jamal.
Chaque séquence de l'émission correspond à un épisode de la vie d'un jeune pauvre de la banlieue. Chaque question posée par l'animateur réveille chez lui un souvenir de sa jeune et tumultueuse vie. Prétexte enfin pour le film d'offrir une radioscopie des maux de l'urbanisme, des mœurs médiatique et du désir de vie qui anime la jeunesse…
Un message reçu cinq sur cinq grâce à une esthétique captivante : montage alerte et vif : la séquence d'ouverture est dans ce sens emblématique du programme esthétique du film: montage parallèle, plans serrés et rapides, caméra mobile…mais aussi grâce à un cast époustouflant avec Dev Patel dans le rôle de Jamal et la gracieuse Freida Pinto dans le rôle de Latika. A voir absolument sur…grand écran.











vendredi 6 février 2009

cinéma et migrations

Agadir, le dernier maquis

La sixième édition du festival Cinéma et migrations organisée à Agadir du 21 au 24 janvier a été caractérisée cette année par un partenariat actif avec le Conseil de la communauté marocaine à l'étranger. L'équipe mise n place autour de Driss Elyazami, président du CCME a fourni un excellent travail qui place désormais le festival devant de nouveaux enjeux et de nouvelles ambitions. Changement qualitatif qui s'est traduit par une ampleur illustrée aussi bien par le niveau politique de certains invités, le festival par exemple a accueilli la ministre française Fadela Amara ou encore par la dimension internationale de ses invités à l'image de son président de cette année Said Taghmaoui et aussi par l'engouement des professionnels marocains qui ont répondu massivement à l'invitation du festival. Une nouvelle dimension qui impose un nouveau recadrage du festival pour mettre en congruence la nouvelle ambition artistique/politique et les structures organisationnelles. De l'avis unanime des observateurs, la septième édition, celle de 2010, sera décisive pour le devenir du festival. Dans tous les cas de figure, l'acquis primordial cette année est ce partenariat réalisé avec le CCME. De son évolution dépendra certainement la nature et la qualité des relations avec les autres partenaires.
Un festival légitimé au départ par la pertinence de la rencontre entre une ville, Agadir et un thème, les migrations. Agadir est en effet la capitale d'une région déterminée par les flux migratoires. Souss a été choisie très tôt, dès le début du XXème siècle, par les stratèges de la colonisation comme une zone cible de la quête de la main d'œuvre. Pour Lyautey le seul moyen de "pacifier" ce haut lieu de résistance est d'organiser le départ massif vers la zone industrielle de la région parisienne et les mines de charbon du Nord ; il disait dans ce sens que " un ouvrier Soussi à Gennevilliers, c'est un fusil de moins dans la région du Sud". Tout un programme qui a évolué dans le temps mais qui est resté le même dans ses objectifs. Mais Sous est également une région de mouvement migratoire interne…le cinéma ne pouvait que rencontrer cette axe dramatique d'un scénario toujours d'actualité. Un hasard heureux a voulu que le président d'honneur de cette édition, la star Said Taghmaoui est la figure emblématique de cette tendance caractéristique des Soussi. Il est lui-même originaire de la région, du côté de Haha, et il a prolongé ce départ initial de sa famille vers la France en "immigrant" vers les Usa dessinant une boucle qui dit en fait que la migration, le départ est une composante génétique de l'espèce humaine. Ce n'est pas les flux migratoires qui sont un problème ce sont les frontières. Nos cousins proches, les Touaregs dessinent, dans leur pratique et leurs mœurs, la carte d'un monde utopique de demain, celle d'un monde sans frontières.
Pour le moment, dans un monde complexe, replié sur des choix communautaires et frontaliers c'est le cinéma qui porte cette utopie. Des films présentés à Agadir ont permis à un public spontané et enthousiaste de découvrir des approches plurielles d'une problématique qui le touche de près. Le film d'ouverture a particulièrement marqué les esprits. Le Dernier maquis de Rabeh Ameur-Zaimech est un film inscrit dans l'esprit du temps: il met en jeu de manière frontale l'alliance entre le capital et la religion. C'est presque un huis clos filmé au sein d'une entreprise qui voit la lutte des classes noyée dans le prosélytisme d'un patron. Mao dirige en effet une entreprise de réparations de palettes et de camions poids lourds dans la région parisienne. Il décide de construire une mosquée pour ses ouvriers au sein même de l'usine. Ameur-Zaimech va filmer cette histoire comme une satire sociale dont la forme et les choix esthétiques trahissent en filigrane cette violence symbolique qui caractérise les rapports sociaux. La prédominance du rouge qui annonce la confrontation finale, le rythme quasi documentaire pour saisir les gestes quotidiens de l'univers infernal de l'entreprise, la bande son omniprésente dénonçant le calme factice des relations entre les protagonistes.
Le festival a connu en outre des moments d'une intense émotion avec les hommages rendus à Izza Genini, Hassan Benjelloun, Yamina Benguigui, Mourad Ait-Babbouche.

samedi 17 janvier 2009

che, l'argentin

Un rebelle sur nos écrans

Deux répliques du film dessinent bien le devenir médiologique du leader révolutionnaire internationaliste, Ernesto Che Guevara: dans une séquence montrant Che, triomphant, au sein des Nations unies où il est venu en 1964 représenter son pays d'adoption Cuba, il se livre à un exercice, l'interview de presse, qu'il ne maîtrise pas très bien et où il finit par avouer à la journaliste: "je préfère mille fois me retrouver devant un soldat armé que devant une journaliste"; plus tard dans le temps filmique mais en amont de cette séquence onusienne du point de vue de la chronologie historique, on retrouve Che dans l'euphorie de la victoire avec la prise d'une ville et face à sa popularité exceptionnelle, son compagnon Camillo lui dit "après la victoire finale, je te mettrais bien dans une cage et je ferai la tournée du pays, je gagnerai comme ça beaucoup d'argent!". Il ne croyait pas si bien dire, le révolutionnaire est de venu en effet après sa disparition une véritable star: portrait, poster, affiche, photo…et film. Au-delà des générations, des frontières et des croyances, plus fort qu'une mode et ou une manie, Che reste la figure populaire par excellence. Il a inspiré documentaire et fiction… Oui, le cinéma aussi s'est intéressé à cette figure de la mythologie contemporaine. Le dernier en date est le film fleuve de Steven Soderbergh, Che, actuellement sur nos écrans. Le film a été présenté à Cannes en mai 2008 dans sa version longue de plus de quatre heures, en deux parties. Aujourd'hui, la distribution commerciale concerne la première partie dite L'argentin, en référence à l'appellation que les camarades du Che utilisaient pour le taquiner. Le projet du point de vue de la production a longtemps muri dans l'attente d'une motivation. Ce sera celle d'abord et principalement celle de la star Benicio Del Toro qui joue le rôle titre. C'est lui qui s'est beaucoup investi pour que le projet aboutisse. Cette abnégation va toucher et finir par décider Steven Soderbergh qui réalisera le film. Le résultat est une œuvre passionnante, grandiose, quelque part humaine à l'image de la figure de son protagoniste. Attention, ce n'est pas un film apologétique; ce n'est pas un hymne à un héros perdu. Non, c'est plutôt une entreprise de démonstration sur la base de faits réels pour tenter d'appréhender une personnalité marquante de l'histoire contemporaine, si ce n'est de l'histoire tout court. Le film y procède par une approche qui ne manque pas d'empathie. La première partie est celle de la révolution triomphante à Cuba; celle de l'amitié avec Fidel Castro; la seconde partie, qui sortira fin janvier intitulée Guerrilla, sera celle de la tragédie.
La première partie joue beaucoup sur le registre temporel, pour ce faire un formidable travail va marquer la conception des images et des couleurs. Pour passer d'une séquence temporelle à une autre, le réalisateur met en valeur les différentes tonalités des couleurs tout en accentuant les mouvements de la caméra. Toute la partie des années soixante est filmé comme un documentaire inséré dans une fiction. On découvre le Che responsable avec déjà l'omniprésence des médias autour de lui. Le programme est ainsi annoncé: nous sommes en face d'un objet médiatique pare excellence. Cette aura sera développée par le charisme du leader sur le terrain des combats. Che va se distinguer par son comportement atypique. D'emblée par exemple, il interrompt Fidel pour demander l'explication d'un mot. Il est toujours à l'écoute, attentif à mettre en congruence la pratique et les principes. Il est sévère avec les traitres et ceux qui apportent atteinte à l'image de la révolution. Quand la révolution triomphe, il remarque que des jeunes ont pris une belle voiture américaine pour rejoindre La Havane. Il les arrête et leur demande de restituer la voiture et de se débrouiller pour retrouver un autre moyen de transport: "je préfère rentrer à pied que d'utiliser une voiture volée…toute cette première partie nous plonge dans cet univers qui dessine un horizon d'attente; Che est un militant hors pair. Le cinéma avec lui gagne un bon film et une prestation époustouflante d'un grand comédien.

Albachado de Hassan Aourid

  L’intellectuel et le pouvoir ou la déception permanente ·          Mohammed Bakrim «  Avant d’être une histoire, le roman est une in...