Démarrage de la compétition
officielle de la sixième édition du festival international du film documentaire
d’Agadir avec l’entrée en lice de films venant de zones géographiques et
esthétiques différentes mais inscrits tous dans le souci de témoigner, de dire
le monde dans sa diversité et sa complexité. Auparavant les festivaliers et
surtout les étudiants de cinéma avaient rendez-vous avec la leçon de cinéma
présentée par Nicolas Philibert auteur entre autres du célébrissime Etre et
avoir, documentaire qui avait bousculé le box office à sa sortie en drainant
des millions de spectateurs pour une histoire qui se passe dans salle de lasse
dans la France profonde, sans stars ni budget colossal. Seul le réel ;
pour son master class le cinéaste invité a préféré opter pour un échange direct
avec les étudiants. Ceux-ci ont en profité pour poser toutes les questions qui
leur semblent obstruer l’horizon de leur jeune pratique cinématographique. Se
prêtant généreusement à l’exercice, plus de trois heures de débat, Nicolas
Philibert a notamment insisté sur le fait que dans le rapport au sujet et
concernant la place de la caméra, il ne s’agit pas de chercher à
« tricher » en essayant de camoufler le dispositif cinématographique
qui préside au tournage du film. Au contraire, il s’agit d’assumer des choix de
la part des deux partenaires du projet, « le filmeur et le filmé ».
La suite de la programmation a
permis en quelque sorte de mettre en pratique certaines thèses avancées lors du
master class et de les confronter à des choix filmiques notamment autour de
cette question fondatrice, qu’est-ce qui fait qu’un documentaire relève du
cinéma ? Une composante implicite d’une grille de lecture nécessairement
ouverte face à l’offre multiple qui caractérise l’offre documentaire. Le premier
film présenté dans le cadre de la compétition officielle est L’oued, l’oued, de
l’Algérien de Abdennour Zahzah. A partir d’une idée simple, suivre le parcours
d’un fleuve de sa naissance dans les hauteurs de l’Atlas à l’embouchure sur la méditerranée,
pas loin d’Alger, capter les signes qui meublent ses rives. Le bilan est un
constat accablant sur l’Etat d’un pays délabré. Il n’y a pas de sujet à
proprement parler sauf peut être le fleuve lui –même qui apparaît comme le
personnage principal. Dans son cheminement sinueux il charrie les débris d’une
société aux abois. Ses eaux troubles n’en sont pas moins le miroir limpide d’un
désarroi livrée à travers une parole libérée ; une parole sous la double
contrainte d’un passé tragique et d’un avenir incertain. La caméra de Zahzah
promène son regard avec la distance juste, souvent en plan fixe pour clore ce
drame avec un plan large sur l’horizon d’une mer sereine.
Autre registre, autre regard avec
le film ne me quitte pas (Belgique-Pays Bas) ; ici on passe en quelque
sorte de la sociologie à la psychologie, de la caméra qui enregistre à la
caméra qui colle au sujet qui n’est plus le contexte mais le moral et le corps.
Deux personnages aux profils opposés mais qui forment un couple face aux drames
familiaux et personnels qui les accablent. L’atmosphère est noire froide. Les
deux personnages sont forts et émouvants ; s’il y a un prix d’interprétation dans un festival de
documentaire, les deux protagonistes de Ne me quitte pas le mérite largement.
Dans le cadre de la carte blanche
de Rasha Salti, le public a eu à
découvrir deux films du moyen orient, le libanais Mon père est toujours
communiste de Ahmed Ghossein et C’est quoi ton histoire du palestinien Jamal
Khalaie. Les deux films ont un point commun dans leur démarche est qu’ils
ouvrent le documentaire sur la voie expérimentale. L’image n’est plus portée par
un référent situé dans le monde, mais elle se réfère à elle-même avec un
travail plastique qui lui confère un statut esthétique autonome, renforcé par
une bande son omniprésente.
Mohammed Bakrim
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