Chronique
du week-end Par Mohammed
Bakrim
Polémique :
le mauvais procès fait à Saïd Naciri
C’est un mauvais procès que l’on
fait à Saïd Naciri, le comédien marocain, star du One man show et cinéaste.
Après l’affaire de la comédienne parlant à son égard de harcèlement sexuel,
voilà qu’on l’accuse de plagiat. Sur les deux tableaux, il s’agit d’affaires
montées et amplifiées par les médias, notamment électronique. Ce sont deux
sujets, aussi bien pour le cas de la jeune comédienne que pour le plagiat,
éminemment sérieux et qui ne se règlent absolument pas sur la place publique.
Saïd Naciri est un artiste
éminemment populaire. On peut aimer ce qu’il fait ou ne pas aimer. Avec le
début des années 2000, il est passé à la production et à la réalisation
cinématographique. Sa filmographie compte des films qui ont caracolé en tête
des entrées. Dans le film de Nour Eddine Lakhmari et Nadia Larguet, Black
screen, il se présente comme « le sultan du box office ». Il n’a pas
tort. Des films comme Les Bandits, Le Clandestin, ou Sarah sont de véritables
comédies populaires qui ont drainé des foules dans le peu de salles qui restent
en activité.
L’histoire du plagiat fait
sourire. Quand un cinéaste dit « auteur » copie un autre cinéaste on
dit qu’il « cite » ou fait des clins d’œil à Godard, Hitchcock
ou…Martin Scorsese…quand il s’agit d’un cinéaste qui fait et ne le cache pas
dans le divertissement populaire, on crie au plagiat…Les Egyptiens qui en sont
à plus de 3000 longs métrages (le Maroc 300) ont toute une filmographie faite
de remake de Hollywood.
La pseudo affaire Naciri est en
somme un indicateur de plus sur le climat malsain qui règne au sein d’une
profession qui manque de référentiel et de boussole.
A voir :
Imitation game
C’est le film tout indiqué pour
donner une dimension cinéphile à un week-end
hivernal. Imitation game, film américano-britannique de Marten Tyldum
réunit en effet tous les ingrédients – histoire, casting, mise en scène- d’un
grand film de facture classique ; même si au niveau de structure narrative
il s’agit d’un récit d’une temporalité à trois niveaux sans linéarité
chronologique. L’histoire peut s’apparenter en effet à un genre remis à la mode
par Hollywood ces dernières années, celui du film biopic, biographical picture.
Le récit de vie filmique, en l’occurrence, la vie d’Alan Turing, un génie de la
science, l’informatique avant l’heure, qui a été appelé par l’Etat-major
britannique à intégrer un service de contre-espionnage chargé de décrypter le
système de renseignement et de transmission allemand, le fameux projet connu
sous le nom de code Enigma. Mais le film
ne se présente pas sous la forme d’une variante de film de guerre ; ce
cadre historique très fort en termes de dramatisation, n’est que le prétexte
pour livrer un témoignage sur une vie exceptionnelle, sur les prouesses d’un
cerveau qui a réussi à dévoiler une énigme. Une vie exceptionnelle, un cerveau
qui a dompté une machine, technologique et qui finit broyé par la machine
sociale. C’est le récit d’un génie dont le destin sera brisé par la loi des mœurs figées. Le film s’ouvre par une séquence dans
les années 50, au moment où a déjà commencé la déchéance de la vie de Alan
Turing avec la mise en place des éléments d’une intrigue policière : que
cherche à cacher le célébrissime agent du contre-espionnage britannique ? Aucune
clé n’est offerte d’emblée car le film revient à l’adolescence du futur génie
où nous découvrons ses penchants sexuels avant de le suivre dans sa brillante
carrière qui trouvera son apogée par l’accès au code secret allemand (l’un des
moments forts du film et la description du travail en équipe sous la triple
contrainte : le temps, la machine et la bureaucratie) et fera gagner ainsi
aux alliés la guerre tout en abrégeant sa durée et épargnant ainsi plus de vies humaines. Ce
héros atypique finira cependant broyé par l’archaïsme des mœurs…Plusieurs
années plus tard, en 2009, le Premier ministre Gordon Brown présenta des
excuses au nom du gouvernement britannique pour la manière dont Alan Turing fut
traité. En 2013, la reine lui exprima un pardon posthume. En 2015, c'est un
grand acteur qui, en l'incarnant, lui rend hommage. Le film est en course pour
les Oscars. Il a été très applaudi à
Marrakech, où il a été présenté Hors compétition. Notre avis : à voir.
A lire : Edgar
Morin dans Zamane
Le salon du livre ouvre ses
portes pour une nouvelle édition qui accueille la Palestine comme invité
d’honneur. Le pays de la résistance est (était ?) aussi le pays de grands
écrivains : Mahmoud Darwich, Sami Alkassem, Ghassan Kanafani ont-ils été
suivis d’une relève. A découvrir. Côté marocain, le nouveau livre-mémoire de
Abdellah Laroui est très attendu et fera certainement partie des meilleurs
ventes…Un salon pour célébrer la lecture au moment où le livre, pourquoi se le
cacher, a perdu la compétition qui lui est imposée par toute une panoplie de circuits,
de réseaux et de gadgets. Bientôt nous vivrons une autre variante du film
d’anticipation de François Truffaut, Fahrenheit 451…quand lire un livre devient
un acte de résistance. En attendant, la lecture intelligente passe
aussi par les revues et le dernier numéro (février 2015) de la revue
spécialisée dans l’histoire, Zamane, propose une excellente interview du sociologue
et philosophe français, et néanmoins marrakchi, Edgar Morin. Le théoricien de
la complexité y livre les éléments pour une approche lucide et apaisée de
l’actualité et nous invite à « assumer et affronter nos
contradictions ». A lire également la chronique toujours très tonique de
Hassan Aourid. Mostfa Bouaziz, l’éminent chroniqueur et conseiller scientifique
de la revue annonce son départ « momentané » , précise-t-il, de la
revue. Si Mostafa, reviens vite, ta plume citoyenne nous manque déjà !
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