dimanche 15 février 2015

Ma chronique du week- end

Chronique du week-end              Par Mohammed Bakrim

Polémique : le mauvais procès fait à Saïd Naciri
C’est un mauvais procès que l’on fait à Saïd Naciri, le comédien marocain, star du One man show et cinéaste. Après l’affaire de la comédienne parlant à son égard de harcèlement sexuel, voilà qu’on l’accuse de plagiat. Sur les deux tableaux, il s’agit d’affaires montées et amplifiées par les médias, notamment électronique. Ce sont deux sujets, aussi bien pour le cas de la jeune comédienne que pour le plagiat, éminemment sérieux et qui ne se règlent absolument pas sur la place publique.
Saïd Naciri est un artiste éminemment populaire. On peut aimer ce qu’il fait ou ne pas aimer. Avec le début des années 2000, il est passé à la production et à la réalisation cinématographique. Sa filmographie compte des films qui ont caracolé en tête des entrées. Dans le film de Nour Eddine Lakhmari et Nadia Larguet, Black screen, il se présente comme « le sultan du box office ». Il n’a pas tort. Des films comme Les Bandits, Le Clandestin, ou Sarah sont de véritables comédies populaires qui ont drainé des foules dans le peu de salles qui restent en activité.
L’histoire du plagiat fait sourire. Quand un cinéaste dit « auteur » copie un autre cinéaste on dit qu’il « cite » ou fait des clins d’œil à Godard, Hitchcock ou…Martin Scorsese…quand il s’agit d’un cinéaste qui fait et ne le cache pas dans le divertissement populaire, on crie au plagiat…Les Egyptiens qui en sont à plus de 3000 longs métrages (le Maroc 300) ont toute une filmographie faite de remake de Hollywood.
La pseudo affaire Naciri est en somme un indicateur de plus sur le climat malsain qui règne au sein d’une profession qui manque de référentiel et de boussole.
A voir : Imitation game
C’est le film tout indiqué pour donner une dimension cinéphile à un week-end  hivernal. Imitation game, film américano-britannique de Marten Tyldum réunit en effet tous les ingrédients – histoire, casting, mise en scène- d’un grand film de facture classique ; même si au niveau de structure narrative il s’agit d’un récit d’une temporalité à trois niveaux sans linéarité chronologique. L’histoire peut s’apparenter en effet à un genre remis à la mode par Hollywood ces dernières années, celui du film biopic, biographical picture. Le récit de vie filmique, en l’occurrence, la vie d’Alan Turing, un génie de la science, l’informatique avant l’heure, qui a été appelé par l’Etat-major britannique à intégrer un service de contre-espionnage chargé de décrypter le système de renseignement et de transmission allemand, le fameux projet connu sous le nom de code Enigma.  Mais le film ne se présente pas sous la forme d’une variante de film de guerre ; ce cadre historique très fort en termes de dramatisation, n’est que le prétexte pour livrer un témoignage sur une vie exceptionnelle, sur les prouesses d’un cerveau qui a réussi à dévoiler une énigme. Une vie exceptionnelle, un cerveau qui a dompté une machine, technologique et qui finit broyé par la machine sociale. C’est le récit d’un génie dont le destin sera  brisé par la loi des mœurs  figées. Le film s’ouvre par une séquence dans les années 50, au moment où a déjà commencé la déchéance de la vie de Alan Turing avec la mise en place des éléments d’une intrigue policière : que cherche à cacher le célébrissime agent du contre-espionnage britannique ? Aucune clé n’est offerte d’emblée car le film revient à l’adolescence du futur génie où nous découvrons ses penchants sexuels avant de le suivre dans sa brillante carrière qui trouvera son apogée par l’accès au code secret allemand (l’un des moments forts du film et la description du travail en équipe sous la triple contrainte : le temps, la machine et la bureaucratie) et fera gagner ainsi aux alliés la guerre tout en abrégeant sa durée et  épargnant ainsi plus de vies humaines. Ce héros atypique finira cependant broyé par l’archaïsme des mœurs…Plusieurs années plus tard, en 2009, le Premier ministre Gordon Brown présenta des excuses au nom du gouvernement britannique pour la manière dont Alan Turing fut traité. En 2013, la reine lui exprima un pardon posthume. En 2015, c'est un grand acteur qui, en l'incarnant, lui rend hommage. Le film est en course pour les Oscars. Il  a été très applaudi à Marrakech, où il a été présenté Hors compétition. Notre avis : à voir.
A lire : Edgar Morin dans Zamane

Le salon du livre ouvre ses portes pour une nouvelle édition qui accueille la Palestine comme invité d’honneur. Le pays de la résistance est (était ?) aussi le pays de grands écrivains : Mahmoud Darwich, Sami Alkassem, Ghassan Kanafani ont-ils été suivis d’une relève. A découvrir. Côté marocain, le nouveau livre-mémoire de Abdellah Laroui est très attendu et fera certainement partie des meilleurs ventes…Un salon pour célébrer la lecture au moment où le livre, pourquoi se le cacher, a perdu la compétition qui lui est imposée par toute une panoplie de circuits, de réseaux et de gadgets. Bientôt nous vivrons une autre variante du film d’anticipation de François Truffaut, Fahrenheit 451…quand lire un livre devient un acte de résistance.   En attendant, la lecture intelligente passe aussi par les revues et le dernier numéro (février 2015) de la revue spécialisée dans l’histoire, Zamane, propose une excellente interview du sociologue et philosophe français, et néanmoins marrakchi, Edgar Morin. Le théoricien de la complexité y livre les éléments pour une approche lucide et apaisée de l’actualité et nous invite à « assumer et affronter nos contradictions ». A lire également la chronique toujours très tonique de Hassan Aourid. Mostfa Bouaziz, l’éminent chroniqueur et conseiller scientifique de la revue annonce son départ « momentané » , précise-t-il, de la revue. Si Mostafa, reviens vite, ta plume citoyenne nous manque déjà !

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