Les enfants de la télé débarquent à Tanger
Oui, on peut le dire, certains
veulent présenter cette édition du festival national du film comme une édition
« très particulière ». On peut
les rejoindre sur le même constat mais non à partir du même diagnostic ni sur
les mêmes critères de « particularité ». Certains, obnubilés par leur arrivée sous la
lumière lâchent la proie pour l’ombre et mènent le débat sur le cinéma vers des
voies sans issue …or l’essentiel du festival national est ce que l’écran du
Roxy apporte comme éléments de nouveautés ou de changements dans ce qui fait
les fondements d’un cinéma, en termes de génération et de choix esthétiques et
comment ce cinéma dialogue avec
l’imaginaire de son époque. Et là, des particularités se dégagent effectivement.
La première caractéristique de
cette édition de « renouveau », peut être signifiée par ce
postulat : l’emprise définitive de la télévision sur le cinéma. D’abord
avec ce qu’on pourrait appeler l’arrivée des enfants de la télé sur grand
écran. Des jeunes (et moins jeunes) cinéastes ayant fait leurs premières armes
à la télévision présentent à Tanger leur long métrage. C’est le cas de Younes
Reggab, Les feuilles mortes, de Yassine Fennane, Karyan Bollyood, de Mohamed
Ali Mejboud, Dallas, de Sanae Akroud, khnifsset rmad, de Mohamed Karrat, Un pari
pimenté, de Youssef Britel, Chaibia, de Mohamed Lyounssi, L’échrape rouge, de
Saïd Naciri, Les transporteurs, de Addellah Ferkouss, Le coq et je pourrai même
y ajouter le « vétéran » Driss Lamrini puisque, organiquement il est
issu de la télévision, présent lui aussi à Tanger avec son troisième long métrage,
Aida. La liste pourrait même être élargi à Youssef Fadel scénariste de cinéma,
mais ayant passé d’abord par la télévision avant de tourner Agadir express. Deux
cinéastes restent en marge de cette tendance, Mohamed Mouftakir, avec
L’orchestre des aveugles qui est en train de se forger une carrière et
Abdelkader Lagtaâ un rescapé de la génération des années 70 et qui fait figure
à Tanger d’un véritable extra-terrestre.
Nous sommes alors en face d’un
raz de marée cathodique qui n’est pas loin d’avoir sur le plan esthétique et
dramatique, les conséquences d’un véritable tsunami. Signe éloquent dans ce
sens, le recours des organisateurs, pour la formation du jury long métrage,
« nationalisé », à des figures de proue de la télévision (deux
responsables de programmation et un scénariste). Gageons qu’ils ne seront pas
trop dépaysés, ils retrouveront les codes et les univers qu’ils ont contribués
à faire émerger, des Ramadans durant…C’est pour cette nouvelle donne que j’ai
proposé d’ouvrir la présélection pour la compétition du festival national à
tous les longs métrages produits le long de l’année y compris pour des longs
métrages de la télévision (remarquez que je n’ai pas dit téléfilm) non encore
diffusée. Je le dis sans gaieté de cœur mais le fait est là : les
anciennes frontières défendues par la cinéphilie sont devenues poreuses. La
télévision est le stade suprême du cinéma (merci Lénine !). Elle a forgé
toute une génération en termes de consommation et de production qui vient
prendre le pouvoir au cinéma ouvrant la voie à une crise « identitaire »
de ce que nous appelions « le septième art ».
Reste maintenant à voir ce que
cela a engendré comme modes d’expression de l’imaginaire et quelles figures
sociales sont mises en valeur. En somme quel Maroc ces films ont scénarisé.
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