Une voix
authentique du Maroc profond
On le savait malade, mais on
entretenait un espoir, celui de le voir sortir, comme à son habitude, de cette ultime épreuve… car Amouri Mbark
appartenait à une espèce née pour combattre, pour affronter l’adversité,
naturelle et « culturelle » ; née pour gagner, à la sueur du
front, le droit à la vie ; le droit d’exister. Mais cette fois c’est le
mal qui a eu le dernier mot, il a fini par vaincre ce grand cœur aux sentiments les plus nobles.
La triste nouvelle du décès du
chanteur amazigh Amouri Mbark est tombée
tôt le matin du samedi et il a été enterré le jour même dans son village natal,
dans les environs de Taroudant, aux confins de l’Anti-Atlas. Le pays de
l’arganier, des mystiques, des poètes et des bergers ou des bergers-poètes. Là
où il a vu justement le jour, au début des années 50 du siècle dernier, au sein
d’une nature aride et quasi hostile ; là où il a appris que la vie ne lui
fera pas de cadeau (orphelin très tôt) où il a appris qu’il fait partie d’un
peuple à la culture séculaire chantée par les Roayess troubadours, mais réduite, par l’échange inégal dominant,
à la marge des circuits officiels…Il fit alors ses études dans la langue de
l’autre tout en nourrissant au fond de lui-même, le projet de rester fidèle à
la langue de sa mère et de la porter comme un gage ancestral. Cela fut fait
avec brio. A l’instar du paysan mélancolique des vallées asséchées de l’Atlas,
il trouva dans le chant et la musique le moyen d’exprimer sa
personnalité ; la musique comme voie royale pour se réapproprier une
culture, de lui rendre ses lettres de noblesse. Par fidélité à la mère.
Dans cette quête artistique et
culturelle, il rencontra des amis, des frères animés de la même passion ;
ils l’accompagnèrent dans une formidable
aventure qui donna un premier fruit, Ousmane, un groupe qui fut plus fulgurant
qu’un éclair. Ce fut l’un des groupes les plus populaires de la chanson
amazighe contemporaine. Puisant dans le riche patrimoine de Souss, composant
une musique portée par le dynamisme de la jeunesse, Ousmane avec Amouri Mbark
comme figure emblématique, s’est forgé une place de choix dans notre
mémoire ; comme symbole d’une génération qui découvrait enfin un renouveau de sa culture.
La vie ayant dicté ses lois
implacables, Amouri Mbrk entama une longue période de réflexion et de
recherche. Revenant une nouvelle fois toujours avec le même espoir, le même
projet culturel. Il eut l’idée judicieuse d’appuyer sa musique sur un socle de textes signés par d’illustres
poètes amazighs (Mestaoui, Azaycou, Akhayat…). Cela donna des chefs-d’œuvre,
que tous les jeunes de tamazgha et dans les banlieues froides abritant la
diaspora, fredonnent comme hymne à l’amour, à la joie, à la vie. Car Amouri Mbark fut la voix des sans voix : à l’exemple
des ouvriers arrachés aux plaines de Souss, du Rif, de l’Atlas et envoyés à la
brume des mines et usines du nord, thème de son titre mythique
Gennevilliers…mais aussi les désabusés, les déçus de la vie ou de l’amour. Ses
chansons sont marquées par le terroir
comme ce beau chant dédié « au champ d’amandiers qui surplombe la
source… »…
Sur le plan personnel, c’était un
vrai ami, généreux et disponible ; un être charmant au sourire discret et
presque timide. Une figure qui donnait
tout leur charme et leur chaleur à certaines places gadiries, désormais
couvertes d’un voile de tristesse et de mélancolie.
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