vendredi 9 janvier 2015

Exodus, Gods and kings de Ridley Scott (version marocaine)


L’histoire comme gadget numérique


Comment parler du nouveau film de Ridley Scott sans être obnubilé, aveuglé par la polémique qui a accompagné sa sortie marocaine ? Une des entrées possibles qui privilégie une piste cinéphile est fournie par le film lui-même : dans la scène d’ouverture on voit le pharaon réunir ses collaborateurs pour parler de la menace qui pèse aux frontières orientales (menaces hittites).  On décide d’interroger les viscères ; le pharaon demande à la préposée  aux oracles ce qu’elles disent ; elle lui répond : «  elles ne suggèrent rien ; elles offrent des signes à interpréter ». Une manière de proposer au spectateur un pacte de réception du film : ce que propose le film est  un ensemble de signes à interpréter selon la grille de lecture de chacun.
 Certes, le film offre des indications temporelles, spatiales et dramatiques qui lui assurent un ancrage et une référence historique. Nous sommes en Egypte, 1400 ans avant J.C ; en Egypte où le peuple hébreu subit un esclavage terrible depuis plus de 400 ans.
L’intrigue s’inspire largement d’un des scénarios les mieux développés de l’histoire de l’humanité, La Bible. C’est elle qui a donné matière à un genre cinématographique longtemps florissant, le péplum avec ses titres emblématiques Ben Hur ou encore plus proche du film de Ridley Scott, les 10 commandements…Sauf que avec cette nouvelle version, ces titres mythiques de Hollywood sont renvoyés au musée des antiquités :  Gods and kings offre une débauche d’effets spéciaux, Ridley Scott a déjà bluffé son public avec les effets numériques dans Gladiator où il a reconstitué la Rome antique ; ici il va encore plus loin, et frappe plus fort…sans égaler cependant ses films qui restent sur le plan visuel,  ses chefs d’œuvre je pense notamment à Alien et surtout Black Hawk Down
Reste alors à expliciter les raisons qui président ce retour à cette période faste en rebondissements. Il y a certainement une raison technique avec le numérique qui facilite le voyage dans le passé. Les grandes interrogations de notre époque marquée par le déferlement du retour d religieux y sont aussi pour beaucoup. Et Ridley Scott et ses coscénaristes affichent clairement leur point de vue en remettant frontalement en question certaines images inscrites dans le marbre de l’histoire officielle des religions.  La scène d’ouverture nous permet de découvrir les protagonistes du récit : Moise et Ramsès. Le pharaon agonisant est face à un dilemme : il est séduit par l’intelligence, le courage de Moïse mais il ne peut pas le proposer à la succession, car il n’est pas son fils. C’est Ramsès qui lui succède. Ramsès et Moïse entretiennent des relations ambiguës faites d’attirance, de jalousie mais aussi de reconnaissance : Moïse a sauvé la vie de Ramsès lors d’une attaque ratée contre les hittites. Cette relation va donner au film son argument narratif principal. Le film se laisse lire en effet comme une réflexion sur le pouvoir. Quand Moïse découvre sa vraie filiation et sa vraie identité, il devient un vrai leader. Un opposant intraitable de Ramsès. Ridley Scott fait de lui un  général, stratège qui mène différentes formes de guérilla ; les dialogues sont d’ailleurs « très modernes ».

 On retrouve de grands épisodes historiques dont la traversée de la mer rouge filmée autrement que la  version « biblique » ou du moins ambiguë : marée basse ou miracle divin. La séquence est spectaculaire comme pour rappeler l’ambition qui préside à l’ensemble de projet. Un projet qui retrouve sa dimension humaine toute empreinte d’humilité quand un tableau vient ouvrir le générique de fin : « le film est dédié à mon frère Tony Scott ».

1 commentaire:

Kostorn a dit…

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