Le
documentaire peut-il sauver la télévision ?
Il y a comme un engouement
insolite pour le documentaire dans la programmation des chaînes de télévision
du pôle public. Peut-être que d’un point de vue historique stricto sensu, il
est plus juste de parler d’un retour d’intérêt pour le documentaire sur nos
télévisions. Il y a en effet toute une
histoire à écrire à ce propos. L’histoire se répète-t-elle ? Un grand
Monsieur avait dit que quand elle (l’histoire) revient, c’est sous forme d’une
farce. Attendons pour voir.
Il y a ainsi 2M qui a ouvert
tout une fenêtre pour le documentaire à un créneau horaire très porteur, le
dimanche en seconde partie de soirée. Un moment idoine dans notre contexte
socio-culturel. Des Histoires et des Hommes (même si les femmes sont
omniprésentes) a très vite séduit et ramené un large public pour un genre taxé
un peu rapidement d’élitiste. Le film de Dalila Ennadre, Des murs et des hommes
a rencontré un immense succès chez de larges couches de la population
cathodique. Pour 2M, ce fut une bonne option qui lui a donné de l’appétit au
point de réaliser une OPA sur un festival de documentaire, le FIDA-DOC d’Agadir,
devenu la vitrine de la chaîne de Ain Sbaâ et son magasin pour le shopping du
dimanche... Si c’est pour la bonne cause, tant mieux.
La première chaîne n’est pas
restée loin de ce filon en lançant un moment original au titre maladroit
« Tiarat » (tendances) qui renvoie plutôt à une émission politique
qu’à un programme de documentaire. Ce titre générique accueille des
documentaires produits par la chaîne en partenariat avec Ali’n production, la
société de Nabil Ayouch. Deux points font son originalité jusqu’à
présent : chaque « épisode » en fait chaque film d’une
soixantaine de minutes est construit autour d’une thématique particulière.
Lundi dernier (19 janvier) c’était à propos des salles de cinéma ;
une autre fois c’était autour des
acteurs au Maroc. La deuxième originalité est que chaque opus est confié à un
cinéaste (Zakia Tahiri pour les acteurs, Faouzi Bensaïdi pour les salles). Très
bien sommes-nous tentés de dire et même d’ajouter : Pourvu que ça
dure !
D’où vient cet engouement subi
pour un genre, longtemps ignoré ? C’est
la conséquence de la crise au sens large : la crise du sens dans le
monde ; la crise de la fiction face à la complexité du réel et la crise identitaire
de la télévision qui se cherche une
nouvelle virginité. Le
documentaire se présente alors comme une planche de salut, une manière de
redorer le blason. Sauf que le documentaire va très vite fonctionner comme
révélateur des lacunes structurelles (politiques et culturelles) des uns et des
autres.
Soulignons en outre un
paradoxe qui atténue l’enthousiasme des cinéphiles : l’option pour le
documentaire a fait une victime collatérale : la programmation cinéma en
général. Celle-ci est devenue le parent pauvre des deux chaînes publiques. Le
documentaire n’est venu hélas que pour camoufler le repli de la télévision sur
d’autres zones éditoriales. Un ersatz des télé-poubelles qui viennent du nord
(M6 et TF1).
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