jeudi 1 janvier 2015

L'affaire Exodus

Interdit…d’interdire !

La malédiction qui frappe notre football va-t-elle finir par contaminer le cinéma aussi ? Après le scandale de la piscine, heu pardon du stade de Rabat, c’était autour du  cinéma de terminer l’année sur un air, si ce n’est d’un scandale du moins d’une grosse bévue avec l’interdiction – oui le mot est bien écrit, manuscrit au stylo, en lettres majuscules dans le document envoyé à la distributrice – du film Exodus de notre ami Ridley Scott. Nous nous acheminions sereinement vers le bilan d’une année cinématographique somme toute normale, avec ses soubresauts institutionnels, autour de la nomination du nouveau directeur du CCM, et surtout avec ses images, ses films et ses douloureux départs à l’image de la mort de notre cher Bastaoui…Sauf que, cette « malédiction » toute humaine est venue ternir le ciel serein de notre cinéma. 
Refuser un film, pour une raison relevant des prérogatives de l’Etat gardien des valeurs qu’une société se donne, peut être compris même s’il n’est pas accepté, des centaines de films porno sont ainsi déclarés interdits par les instances officielles ; des films prêchant explicitement la haine raciale ou appelant à l’xénophobie sont  interdits ici et là. Dans la désormais affaire Exodus, l’atteinte au droit d’un film de dialoguer avec son public a été doublée du ridicule de la manière. Tout un feuilleton rocambolesque a accompagné cette désastreuse décision. Autorisé, après avoir été visionné deux fois par la commission puis « interdit à l’unanimité des membres de la commission » alors que des séances publiques avaient déjà eu lieu…et qui à notre connaissance n’ont pas été suivies d’émeutes. La procédure, des mokaddams qui débarquent dans une salle de cinéma pour enlever des affiches de films, rappelle des tristes époques. Cela vient casser une dynamique ; mettre du désordre et de la confusion dans l’action du CCM qui a passé ces dix dernières années à se forger une  nouvelle image, professionnelle dans la prise de décision, dans le respect des normes et surtout dans le respect absolu dû aux films. Triste épisode qui rappelle notre position de principe, le cinéma doit se dégager de la tutelle politique de tel ministère ou de tel autre.
Que reste-t-il alors de l’année 2014 ? Le cinéma marocain continue d’offrir des raisons d’espérer ; il y a une nouvelle génération qui s’installe aux commandes ; le public continue de plébisciter les films marocains dans les salles et dans les différentes manifestations cinématographiques qui sont organisées à travers le pays. Le festival de Marrakech s’installe désormais comme le pôle de l’activité cinématographique et cinéphilique dans notre région.
Le tableau est parsemé cependant  de points d’ombres.
Un. Les pouvoirs publics semblent se soucier comme d’une guigne de la question des salles de cinéma. Aucune initiative ne pointe à l’horizon comme si l’on obéissait à un projet tacite d’étouffer le cinéma par le bas.
Deux. La distribution reste très formatée cinéma grandes tendances et ne s’ouvre guère sur la diversité géographique et/ou esthétique du cinéma. Un cinéphile dans une grande ville peut passer deux à trois mois sans se voir proposé un film inscrit dans cette diversité.
Trois. Le repli continu de la cinéphilie. On assiste à une  « professionnalisation » de l’intérêt pour le cinéma (voir l’inflation des circuits de formation pour le cinéma), surtout chez les jeunes, au détriment de l’activité cinéphilique. Ceci explique alors cela : dans un pays de grande cinéphilie on n’a pas peur d’une image de fiction. Il est tout simplement interdit d’interdire !

Bonne année, pleine de découvertes cinéphiliques !

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