peut-on enseigner le cinéma? Une question rhétorique, cela va presque de soi car la réponse n'est jamais univoque n'est dogmatique. Orson Welles, le plus grand cinéaste, le génie du cinéma, Hitchcock…n'ont pas fait d'école de cinéma. D'autres grands cinéastes, Coppola et toute la bande de sa génération qui a donné naissance à ce que l'on appelé le Nouvel Hollywood ont été des lauréats d'université notamment la fameuse UCLA. Pour le cas marocain, la même logique. Les pionniers du cinéma marocain sont des lauréats de la prestigieuse institution parisienne, IDHEC. D'autres sont venus à la réalisation par des chemins multiples qui à partir de la photo, qui encore à partir du théâtre, qui encore de la cinéphile laissant de côté leur métier d'origine (la pharmacie, la douane…) pour embrasser celui du cinéma. Il n'y a pas de carcan académique, heureusement par ailleurs…
Cependant, la question de la formation aux métiers du cinéma revient avec acuité aujourd'hui au Maroc. D'abord parce que le cinéma occupe désormais une place de choix dans l'expression artistique de l'imaginaire collectif de la société marocaine contemporaine. Ce sont les films marocains en effet qui abordent de manière diversifiée plus que les autres formes avérées de la production imaginaire les grands thèmes de société, les grands sujets qui traversent l'espace public. De ce fait, le cinéma est devenu plus qu'un référent culturel, un horizon professionnel pour la jeunesse marocaine. Ensuite, parce que cette demande d'expression pose en des termes nouveaux la question de la formation aux métiers du cinéma. Elle est devenue une question récurrente de toutes les rencontres professionnelles.
Le hasard a voulu en outre que cette question de formation soit abordée dans deux rencontres organisées en marge du festival de Marrakech. D'abord lors du cours inaugural prononcé par M. Nour-Eddine Sail à l'invitation de la faculté des lettres relevant de l'université Cadi Ayad de Marrakech à l'occasion du démarrage du nouveau département, Etudes cinématographiques et audiovisuelles; une nouvelle licence instaurée dans le cadre de la réforme universitaire destinée à former des critiques de cinéma (!), des scénaristes et …des cinéastes. Le sujet a en outre été abordé pratiquement lendemain dans le cadre de la master class animée au sein de l'école des arts visuels, la désormais connue ESAV, par la cinéaste égyptienne Inas Aldaghidi. Ce fut deux moments d'une grande richesse. L'analyse académique et cinéphile de M. Saïl et l'approche professionnelle de Madame Aldaghidi se sont révélées par un heureux hasard d'une grande complémentarité. Elles convergent toutes vers ce constat, on peut enseigner les règles de l'expression cinématographique mais on ne forme pas un réalisateur par un diplôme. Inas Aldaghid a passé dix ans comme premier assistant réalisateur pour confronter ses connaissances théoriques à la réalité du terrain: on a beau avoir dans sa tête une idée du plan qu'on veut filmer encore faut-il savoir pratiquement où placer le chariot, les rails du travelling pour obtenir l'effet escompté. Pour sa part, M. Saïl a invité les jeunes étudiants à puiser dans le patrimoine cinématographique, à se nourrir d'images et d'abord chez les maîtres, ceux qui ont su "transformer le désordre du monde en ordre narratif" : Ford, Bunuel, Fellini, Renoir…les invitant en quelque sorte à se confronter à ce que Nietzsche appelle "l'étrangeté" qui caractérise toute véritable œuvre d'art. La voie royale de tout acte de transmission.
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