Objet presque banal de consommation tous les jours de l'an, la télévision retrouve une certaine épaisseur sémantique avec le Ramadan: face au repli des autres sujets "publics" qui pâtissent du rythme ralenti que prennent les affaires en ce mois sacré, la télévision prend de l'intérêt parce que on en consomme davantage et parce que aussi c'est une occasion d'une forme d'évaluation de l'offre télévisuelle. Je parle de la production locale qui fait du ramadan un quasi moussem annuel pour étaler ses réalisations en matière de comédie et de dramatique. Le débat cependant est presque répétitif comme si le retour des mêmes acteurs du paysage charrie du coup le même discours. les mêmes remarques et critiques virulentes qui s'estampent une fois le croissant de Chaoual apparaît à l'horizon. Alors même que c'est une opportunité d'asseoir une vraie réflexion sur la télévision, d'un point de vue stratégique.
Ace propos, il est utile de rappeler quelques fondamentaux à la veille de la première livraison cathodique de ce nouveau ramadan. Et en premier lieu rappeler que ce qui par exemple distingue une télévision d’une autre? On pourrait partir d’une différence institutionnelle en rapport par exemple avec le statut juridique d’une chaîne. Cela donne alors le schéma canonique: chaîne publique, chaîne privée. Distinction qui en principe doit dessiner une frontière nette, au niveau de la finalité, de la démarche, du rapport au temps, des relations avec le téléspectateur… bref, une approche différenciée de la télévision là on pense moins au commerce, ici, on met la rentabilité au poste de commande. En principe, avions-nous précisé, car dans les faits ces différences ontologiques s’estompent. En regardant la présentation des programmes, on ne fait plus la différence. Je parle ici du paysage audiovisuel qui a réalisé une certaine homogénéité juridique, avec des statuts clairs pour les uns et les autres. Au Maroc ce n’est pas aussi transparent. On parle bien d'un pôle public de télévision mais les dernières déclarations du patron de ce pôle sèment le doute sur sa fiabilité. D'un point de vue théorique, l’analyse reste quand même légitime étant entendu que l’on retrouve certains comportements qui ne peuvent s’expliquer que par cette hantise de rentabilité et de sensationnalisme.
Le philosophe Henri Maler note avec pertinence: “Il ne suffit pas, explique-t-il, qu’il existe un secteur public de télévision pour qu’existe un service public de télévision”. La confusion sémantique est entretenue par des considérations strictement économiques avec ce leitmotiv: est public ce qui n’est pas privé. Ce qu’on constate par contre, c’est que “l’idée d’un service dû au public est abandonnée au nom de la rationalisation.”
Les dirigeants des deux bords se rejoignent au niveau des profils: des managers appelés à faire preuve d’une gestion efficace. Avec un maître mot: la rentabilité. Un professionnel raconte: tout ce qui n’est pas rentable doit mourir ou ne pas naître; “si je veux que mon émission voie le jour, il faut que j’amène un sponsor”. On se retrouve alors avec le cas de figure quasi-universel où ce sont les annonceurs qui font la politique des programmes des chaînes, publique ou privée. Cela se traduit par des réécritures de scénario, des têtes d’affiche imposées, un découpage temporel qui prend en compte la séquence publicitaire, un rapport au spectateur spécifique perçu d’abord comme un consommateur.
Le créneau horaire du ftour offre à ce propos un cas de figure insolite: le flot de spots publicitaires dépassent l'entendement. Ce sont des véritables tunnels qui enferment le récepteur dans un carcan. C'est une véritable violence qui est exercée. Les Mollahs de Haca qui viennent de sévir contre une émission radiophonique devraient plutôt veiller à nous faire sortir de ce tunnel. A mettre de l'ordre dans ce super marché sauvage qui envahit les foyers.
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