Le film qui a
fait voler en éclats le silence consensuel autour de la réception des films.
Marock a tout de suite partagé le public. On ne sort pas neutre du film, non
pas pour une certaine qualité cinématographique exceptionnelle, le film est
certes techniquement et globalement bien construit mais c’est surtout pour
l’originalité de son propos qui visite un rayon de notre mémoire collective
souvent omis ou passé sous silence. Un film qui dit d’abord le désir du cinéma
d’une jeune et qui, pour l’exprimer, choisit de revenir sur quelque chose
qu’elle connaît bien : son univers socio-économico-culturel ; appelons-le pour
faire vite celui de la jeunesse Lyautey–Anfa. Un univers bourgeois, doré. En
parler au cinéma est déjà politiquement incorrect du point de vue des normes
démagogiques et populistes en vogue dans l’espace public. Pour faire pathos et
mélodrame vaut mieux en effet faire du social et filmer la marge avec ses
femmes battues, ses enfants SDF ou ses «brûleurs». Même des cinéastes issus de
milieux aisés surfent sur cet aspect en allant filmer le peuple ; ils
s’inscrivent dans une vision des représentations qui rejoint l’idéologie
dominante. Sans retourner la caméra du côté de leur classe sociale. Leila
Marrakchi l’a fait : première cinéaste à retourner la caméra vers sa
propre classe sociale… et c’est la polémique. La querelle sur la nationalité du
film n’est qu’un paravent pour masquer une certaine gêne. Le film exprime une
réappropriation de la parole. Sa réception partage le public. Ses détracteurs
ont tenté de camoufler leur conservatisme culturel par une surenchère
idéologique nationaliste.
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