Dix ans, c’est court du point de
vue de la perspective historique ; mais c’est riche, intense et sans cesse
prometteur du point de vue de l’expérience historique ; en l’occurrence
celle du festival du court métrage méditerranéen de Tanger qui se retrouve
aujourd’hui pour sa dixième édition, dix ans après cette initiative, intelligente, généreuse et ambitieuse de
lancer cette manifestation en ce jour
béni du mois de juin 2002. Honneur aux pionniers qui, dans le cadre du
mouvement de dynamique générale que vivait le Maroc, ont invité le cinéma à
faire partie de ce nouvel acte fondateur d’un Maroc qui bouge, crée et voit
grand…La suite, on la connaît. Ceux qui ont pris le relais ont assumé
l’engagement de départ et le jeune festival de Tanger a patiemment et
passionnément placé ses marques comme un
rendez-vous essentiel pour le court métrage méditerranéen et une adresse de
choix dans la carte de la cinéphilie mondiale…
Une programmation ouverte et
cohérente, une ambiance conviviale, un public chaleureux et des débats
continus…en sont les grandes lignes…Des jeunes cinéastes de « la mer
blanche du milieu », ont réussi leur baptême de feu ici, d’autres ont
confirmé un bon démarrage et pour d’autres ce fut tout simplement le tremplin
heureux vers d’autres horizons…dans tous les cas de figure, c’est le court
métrage et le cinéma qui sont, à Tanger, le centre d’intérêt, le point de
référence. Le hasard de la programmation de cette année nous en offre une autre
confirmation avec la présence de deux grands noms de cinéma pour nous dire ou
plutôt pour nous rappeler, en cette édition anniversaire, que le court métrage
n’a pas d’âge comme il n’a pas de frontières et qu’ il relève plutôt d’un choix
esthétique et artistique. C’est le
message de la présence de Moumen Smihi et de son beau court métrage Si Moh pas
de chance (1970) dans la cérémonie d’ouverture et du court métrage, The wholly
family, d’une figure illustre du cinéma international, Terry Gilliam, en
compétition officielle !!! un montage original est ainsi proposé, entre
les générations, les appartenances géographiques culturelles et artistiques…
Fadel Chouika, Terry Gilliam…en
lice dans la même compétition officielle, le pari fondateur de Tanger a été
tenu !
Si Moh, une chance !
D’emblée dans le vif du sujet
avec la sobre soirée d’ouverture marquée pourtant par un événement solennel
celui de rendre hommage aux dix ans du festival (2002-2012). Dans le vif du
sujet, car les discours extra-cinématographiques induits par le cérémonial
étaient portés par ce désir de dire la méditerranée célébrée dans l’une de ses
villes phares, Tanger, par l’image et le son. Et c’est un méditerranéen invétéré
qui prit la parole deux fois pour dire à
sa manière ce rapport viscéral entre Tanger et le cinéma entre Tanger et la
méditerranée ; Moumen Smihi deux fois fois, c’est-à-dire par un discours
d’introduction de son film et par son film lui-même qui fut un moment plein
d’attention, de curiosité et d’empathie pour cette œuvre, Si Moh, pas de chance
(1970) pratiquement insolité car rarement vu si ce n’est jamais vu dans des
conditions de projections correctes, c’est-à-dire cinématographiques. Le moment
fut donc cinéphile, culturel et pédagogique.
Au moment où le festival a
instauré (a institutionnalisé !) une séquence autonome (un
pléonasme ? en principe toute séquence est autonome !) dédiée aux
films d’école voilà que la cérémonie d’ouverture elle-même est porteuse de
vertus didactiques avec un court métrage qui porte certes les conditions de sa
production (voire de sa conservation) mais qui ne manque pas d’indiquer aux
jeunes cinéastes d’aujourd’hui ce que peut-être un rapport au cinéma. Le court
métrage de Moumen Smihi est une leçon de cinéma dans sa modestie et dans son
éloquence. Tout simplement parce qu’il va à l’essentiel : ce qui fait un
film (court ou long, la durée n’a plus alors de signification particulière),
c’est d’abord un regard et un point de vue ; un regard sur le monde et un
point de vue sur le cinéma. Celui-ci exprimant bien celui-là : un travail
sur l’image plan par plan ; le recours à l’image fixe ; un montage
original qui sort des sentiers battus de la narration standard et une b
Carrefour d’imaginaires
Carrefour d’imaginaires
« N’oubliez pas les ciseaux ! »
Eisenstein
Un regard, un brin anthropologue,
n’aurait pas manqué de relever ce hasard heureux qui a mis en ouverture de la
première projection officielle du festival, celle du mardi matin dédiée aux
films d’école, une séquence gnaouie
comme dans la pure tradition mystique de se référer à ce rituel consistante en
tahdart pour saluer « les propriétaires des lieux » et se prémunir
des « démons et autres forces obscures » ! C’était, en effet,
émouvant de voir la salle Roxy, vibrer aux rythmes, qui puisent dans le
métissage des signes culturels qui font de notre identité plurielle. Le film,
un court métrage documentaire présenté par un lauréat du département du cinéma
de la faculté de Marrakech, était d’une grande sincérité et plein de promesse.
Sa première partie tient la route avant de céder à ce défaut presque inhérent
aux œuvres scolaires et que nous retrouvons, à des degrés divers dans les
autres films des autres instituts, celui de la surcharge discursive et
thématique. D’où cette citation en exergue que nous avons empruntés au maître
du cinéma soviétique des années 20 « n’oubliez pas les ciseaux ! »
qu’il avait affiché à la porte de son bureau de travail. Saluons au passage la
qualité générale des films présentés, ce qui est de bon augure pour l’avenir de
notre cinéma, avec des films coup de cœur comme le très beau
Zahra de Houda Lakhdar et l’exercice réussi de Zahra Sadik et Mustapha
Aboulfath ; bon vent les amis…
Chez leurs ainés de la
compétition officielle, l’offre fut riche, diversifiée et éloquente en termes
d’expression d’imaginaires. La méditerranée était là, imagée, dans un faisceau
de lumière projetant rêves, angoisses, interrogations et incertitudes. Un
imaginaire pluriel exprimé à travers des approches tout autant diversifiées.
Allant de la grande possibilité de jeu avec les images qu’offre le numérique
comme dans l’espagnol Memory ou le
chypriote Stahia… à des structures plus de facture classique (au sens positif
du mot car exprimant une grande maîtrise des outils de mise en scène) comme
dans le grec Buyout ou dans Easter Eggs. Comme il y a eu des idées qui ne sont
pas allés très loin (le turc The bus, dommage la chute est ratée) ou des films
qui ont marqué la salle ( Four walls Sarajevo) ou tout simplement le coup de
cœur de la journée, avec le français, Ce chemin devant moi…
P. S : dédicace spéciale à
l’élégante membre du jury Safinez Bousbia en hommage à son bijou de
documentaire El Gusto ; je l’ai vu il y an et il m’habite encore. Merci.ande son
en contre-point. Moumen Smihi dessinait en filigrane ce qui sera son programme
esthétique, confirmé par sa filmographie de longs métrages: un plan de
film bien construit peut suffire à témoigner des choix fondamentaux d’un
cinéaste. N’est-ce pas une bonne introduction à l’économie du court !
Carrefour d’imaginaires
« N’oubliez pas les ciseaux ! »
Eisenstein
Un regard, un brin anthropologue,
n’aurait pas manqué de relever ce hasard heureux qui a mis en ouverture de la
première projection officielle du festival, celle du mardi matin dédiée aux
films d’école, une séquence gnaouie
comme dans la pure tradition mystique de se référer à ce rituel consistante en
tahdart pour saluer « les propriétaires des lieux » et se prémunir
des « démons et autres forces obscures » ! C’était, en effet,
émouvant de voir la salle Roxy, vibrer aux rythmes, qui puisent dans le
métissage des signes culturels qui font de notre identité plurielle. Le film,
un court métrage documentaire présenté par un lauréat du département du cinéma
de la faculté de Marrakech, était d’une grande sincérité et plein de promesse.
Sa première partie tient la route avant de céder à ce défaut presque inhérent
aux œuvres scolaires et que nous retrouvons, à des degrés divers dans les
autres films des autres instituts, celui de la surcharge discursive et
thématique. D’où cette citation en exergue que nous avons empruntés au maître
du cinéma soviétique des années 20 « n’oubliez pas les ciseaux ! »
qu’il avait affiché à la porte de son bureau de travail. Saluons au passage la
qualité générale des films présentés, ce qui est de bon augure pour l’avenir de
notre cinéma, avec des films coup de cœur comme le très beau
Zahra de Houda Lakhdar et l’exercice réussi de Zahra Sadik et Mustapha
Aboulfath ; bon vent les amis…
Chez leurs ainés de la
compétition officielle, l’offre fut riche, diversifiée et éloquente en termes
d’expression d’imaginaires. La méditerranée était là, imagée, dans un faisceau
de lumière projetant rêves, angoisses, interrogations et incertitudes. Un
imaginaire pluriel exprimé à travers des approches tout autant diversifiées.
Allant de la grande possibilité de jeu avec les images qu’offre le numérique
comme dans l’espagnol Memory ou le
chypriote Stahia… à des structures plus de facture classique (au sens positif
du mot car exprimant une grande maîtrise des outils de mise en scène) comme
dans le grec Buyout ou dans Easter Eggs. Comme il y a eu des idées qui ne sont
pas allés très loin (le turc The bus, dommage la chute est ratée) ou des films
qui ont marqué la salle ( Four walls Sarajevo) ou tout simplement le coup de
cœur de la journée, avec le français, Ce chemin devant moi…
P. S : dédicace spéciale à
l’élégante membre du jury Safinez Bousbia en hommage à son bijou de
documentaire El Gusto ; je l’ai vu il y an et il m’habite encore. Merci.
Qui peut
voir…
Le public a découvert, ce
mercredi, les deux premiers films marocains en compétition officielle. Il
s’agit de Comme ils disent de Hicham Ayouch et The target de Munir Abbar. Jeudi
et vendredi trois autres courts métrages complètent la sélection 2012. Cinq
films qui disent d’abord une réalité en termes de production et de
tournages ; bon an mal an, le Maroc peut disposer en effet d’une centaine
de courts métrages émanant de structures de production diversifiée. Une
diversité que nous retrouvons en amont déjà, c’est-à-dire au niveau des
générations et de leurs parcours. Abbar et Ayouch sont par exemple issus de la
génération de la diaspora (France et Allemagne) ; les autres réalisateurs
présents en compétition officielle confirment cette diversité. Les parcours
aussi sont atypiques. Beaucoup sont issus directement de la production,
d’autres sont venus à la réalisation de la cinéphilie. On attend encore les
jeunes issus des écoles de cinéma. Qu’est cela donne et exprime en termes
artistiques et esthétiques ? là encore nous retrouvons une diversité
d’approches. Par exemple, Abbar reste fidèle à son désir d’aborder de front des
thèmes et des sujets d’actualité centrés sur l’expression de l’altérité, le
rapport à l’autre avec les conséquences que cela induit comme quête et
mouvement dans l’espace ou dans le rêve. Le choix du titre The target aux
connotations militaires évidentes dit bien cette insistance. Le héros de son
film porte un nom emblématique Tarik ; l’ancêtre en quelque sorte des
« brûleurs » et qui a instauré dans l’imaginaire local le rêve
définitif d’une Andalousie devenue un eldorado inaccessible…tout cela est porté
par un beau travail au niveau de l’image flirtant avec l’esthétique de la publicité…
Chez Hicham Ayouch qui revient
ici au court après avoir déjà entamé une carrière de long, la focalisation
s’opère au niveau d’un système de personnages désaxés en rupture avec la
doxa. Avec les valeurs dominantes. C’est
en général un univers insolite travaillé à bras le corps par un montage
incisif, aux antipodes du récit réaliste. Des êtres singuliers servi dans des
formes singulières mobilisant les signes dans une démarche qui invite le
récepteur à un autre dispositif de réception…à l’instar de ce que dessine en
filigrane le court métrage grec The Attic en posant la question du voir :
la jeune fille et son grand-père parviennent, dans leur complicité, à voir ce
que les autres ne voient pas…
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