l'argent du cinéma: 2ème partie
Un peu d’histoire
Parler aujourd’hui du cinéma marocain, c’est parler de
l’histoire de l’aide au cinéma. Celui-là n’aurait pas existé sans celle-ci.
D’ailleurs, le Maroc passe pour être un modèle régional et continental en
matière d’aide publique au cinéma.au Maghreb, en Afrique, le Maroc est regardé
avec admiration…et jalousie. Faut-il rappeler que parmi les premières actions
de la nouvelle Tunisie post-Ben Ali, en matière de cinéma, était de réfléchir
au modèle marocain avec notamment un décret gouvernemental instaurant un
organisme public du cinéma et une réflexion sur les modalités d’aide publique à
partir de l’exemple marocain : un jour l’histoire dira ce qu’il en a été
exactement et qui a aidé dans ce sens nos frères tunisiens…
Précisons d’emblée néanmoins que la formule marocaine actuelle
n’est pas la panacée ; elle est, elle-même, le résultat d’un processus et
d’une longue maturation. Comme elle est appelée aussi à évoluer. Trois étapes
vont caractériser ce processus :
1980- 1987 : le fonds de soutien
1987-2003 : le fonds d’aide à la production
Depuis 2004 : l’avance sur recettes
Ces grandes datent qui balisent l’évolution de l’aide au
cinéma sont aussi traversées de dates intermédiaires qui renvoient à des
corrections et des amendements apportées aux textes fondateurs ; ce fut le
cas notamment en 1995, 1997, 2003, et 2005…A chaque fois, l’autorité de tutelle
et les professionnels apportent des réajustements en fonction du retour
d’informations à partir de la pratique.
Il faut donc remonter
à la fin des années 70 pour trouver la première trace financière d’une
intervention étatique d’aide à la production. Rappelons que le Centre
Cinématographique Marocain avait parmi ses prérogatives originelles de
produire…cela a donné lieu à une riche filmographie de courts métrages
notamment institutionnels et à quelques tentatives en matière de long métrage
de fiction de Vaincre pour vivre à Sarab… Mais l’aide proprement dite remonte à
1980. A cette époque on parlait du fonds de soutien à la production. C’était quasiment
une aide automatique, tout projet déposé auprès de la direction du CCM
disposait d’une prime à la production. Le cinéma marocain vivait une traversée
du désert : en moyenne un film par an : à peine vingt films ont été
produits depuis 1958, c’est-à-dire depuis Le fils maudit de Mohamed Ousfour considéré
par certains historiens comme le premier film réalisé par un Marocain, jusqu’à
1979.
Avec l’entrée en vigueur de la formule du fonds de soutien et
de la prime à la production le nombre de films va connaître un accroissement
considérable. Rien qu’entre 1980 et 1984, vingt-six (26) films de long métrage
vont voir le jour et permettre l’émergence, en 1982 à Rabat, d’une
manifestation entièrement dédiée au film marocain ; ce sera le Festival
National du Film. Il est utile de rappeler le montant de la prime octroyée à
l’époque à travers quelques exemples. C’est ainsi que pour l’année 1980, un
film comme Le Facteur de Hakim Noury avait obtenu 360 000, 00 dirhams ;
Alhal (Transes) de Ahmed Maanouni avait obtenu 100 000,00 dhs ; Le
grand voyage de Tazi 350 000, 00
dhs. En 1981, Le coiffeur du quartier des pauvres de feu Mohamed Reggab avait
obtenu 300 000, 00 dhs ; Les beaux jours de Shehrezade de Mostafa
Dekaoui avait obtenu 400 000, 00 dhs. Hadda de Mohamed Aboulouakar en 1984
avait eu pour sa part 400 000, 00dhs.
Cette première expérience ne fera pas long feu : déjà à
l’époque on avait ressorti le débat sur la quantité qui a « primé »
sur la qualité. Rien de nouveau sous le soleil, à ce niveau aussi !
Ce tableau va nous permette de récapituler le nombre de films
produits et le total des montants distribués lors de la première expérience du
fonds de soutien au cinéma au Maroc, lors de la décennie 1980 – 1989 :
|
Nombre total de films soutenus
|
Avant production
|
Après production
|
Total soutien
en Dhs
|
Moyenne soutien par film en dhs
|
|
Longs métrages
|
42
|
39
|
3
|
15 127 000,00
|
360 166,67
|
|
Courts métrages
|
34
|
32
|
2
|
1 558 000,00
|
45 823,53
|
|
TOTAL SOUTIEN
|
16 685 000, 00 DHS
|
|||||
Cette première expérience, malgré les critiques suscitées ici
et là, ouvrira la voie à l’entrée du
Maroc dans le club des pays qui apportent un soutien public au cinéma. Il faut
aussi préciser à ce niveau que le fonds de soutien instauré à partir de 1980
était principalement alimenté par la taxe (10%) prélevée sur les billets de
cinéma : signe des temps, le cinéma était fiancé par le cinéma. Cette
situation va être bouleversée dès la fin des années 80 avec la chute
vertigineuse des recettes guichet et le début d’érosion du parc des salles de
cinéma.
La formule initiale sera alors révisée à la fois dans son mode de
fonctionnement et dans les modalités de financement ainsi que sur le montant de
l’aide octroyée.
Dès 1987, on instaure l’idée d’une commission composée de
personnalités de divers horizons et surtout instaurer le système de la
sélection sur dossier. On assistera alors à un nouveau départ de la production
cinématographique nationale. Les montants octroyés vont connaître une
progression consistante.
Le tableau récapitulatif suivant nous en donne un bref aperçu sur
la période 1990-2003
|
Nombre de films soutenus
|
Avant production
|
Après production
|
Total du soutien
|
Moyenne par film
|
|
Longs métrages
|
83
|
73
|
10
|
145 024 250,00
|
1 747 280,12
|
|
Courts métrages
|
63
|
44
|
19
|
14 092 875,00
|
223 696,43
|
|
Total soutien
|
159 117 125,00 dhs
|
|||||
Les chiffres commencent à avoir leur propre éloquence ;
les résultats ne tardent pas à suivre ; la décennie 90 sera taxée de
tournant dans l’évolution du cinéma marocain notamment à travers le paradigme
de la réception publique. Un film emblématique de cette rencontre avec le
public, Un amour à Casablanca de Abdelkader Lagtaâ avait obtenu 800 000,00
dhs ; un film très prisé par les cinéphiles, La plage des enfants perdus
de Jilai Ferhati avait obtenu 930 000,00 dhs ; A la recherche du mari
de ma femme de M.A Tazi avait bénéficié d’une aide de 1 750 000, 00
dhs… Entre 1980 et 2003, l’aide publique au cinéma a permis la production de
129 longs métrages et 93 courts métrages ; le montant global de l’aide se
chiffrant à 177 929 125, 00 dhs. Les choses sont mûres alors pour
passer à une nouvelle étape et à une nouvelle formule d’aide au cinéma. Ce sera
le système de l’avance sur recettes.
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