Chant
nuptial ou comment filmer l’intime
Le court métrage
Hyménée de Violaine Maryam Blanche Bellet est une co-production
franco-marocaine (Abdelahay Laraki en a assuré la direction artistique,
Caroline Locardi à la production), connaît une riche carrière à travers des festivals au Maroc et à l’international Etalon d'or au fespaco 2017).
Le film part d’une histoire bien locale, bien ancrée dans la tradition marocaine du mariage pour lui offrir une dimension universelle à laquelle renvoie le titre du film, Hyménée. Ce chant nuptial convoquant des images de la mythologie grecque, et de la tradition païenne avec Hymen la déesse des noces.
Le film part d’une histoire bien locale, bien ancrée dans la tradition marocaine du mariage pour lui offrir une dimension universelle à laquelle renvoie le titre du film, Hyménée. Ce chant nuptial convoquant des images de la mythologie grecque, et de la tradition païenne avec Hymen la déesse des noces.
Toute la structure du
film, et pour le dire d’emblée, sa réussite en termes d’écritures, consiste à
gérer ce passage du local à l’universel à travers l’hommage rendu au couple qui
se découvre au prix d’une longue nuit de recherche, de quête de soi, de
violence directe ou suggérée. Gérer le passage de l’hymen, enjeu d’une nuit de
noces traditionnelle à l’hyménée qui est un hymne à l’amour…le film nous
introduit dans l’intimité d’un couple lors de sa nuit de noce dans une ambiance
de fête rurale bien marocaine en termes de décors, d’ambiances musicales et de
rites ancestraux. Tout cela va se révéler au fur et à mesure du déroulement du
récit simple prétexte pour aller scruter, dans le lieu de l’intimité suprême,
la nature des relations humaines et surtout leur complexité dont l’issue, d’un
côté ou de l’autre ne tient qu’à un fil (en l’occurrence, un geste, un regard…). Un plan furtif en
ouverture du film, celui d’un scorpion, et qui précède l’arrivée en fanfare
d’un groupe d’invités à la fête instaure un horizon d’attente énigmatique et
qui neutralise l’ambiance festive dont il va révéler le côté factice (le
cinéphile en moi n’a pas pu s’empêcher de penser à l’ouverture de La horde sauvage
de Sam Peckinpah). Plan qui finalement trouvera son aboutissement sémantique
avec le plan de la scène finale avec des poussins qui picorent tranquillement
autour de bijoux de la mariée. Tout le trajet du récit vers une altérité
positive est ainsi résumé : le passage de la violence tacite
(scorpion) à la naissance d’une nouvelle idylle. Evolution du personnage
renforcée avec le refus de rejoindre l’appel au voyage : le minibus
matinal qui s’apprête à partir vers Casablanca ; horizon hypothétique
d’émancipation qui paraît d’ailleurs saturé (Casa "blaça" une place ! ne cesse de
crier l’assistant du chauffeur pour rabattre d’éventuels voyageurs).
L’autre enjeu du film
est esthétique : comment revisiter un sujet et un thème, le mariage traditionnel et le rituel qui
l’accompagne, constitutif de toute une imagerie d’un cinéma exotique, sans
tomber dans le cliché ni le voyeurisme. Et pourtant la camera de Violaine
Bellet n’hésite pas à franchir le seuil « interdit », celui de la
chambre nuptiale. Un moment fort vécu et restitué sous forte pression ;
les familles en fête sont dans l’attente du drap nuptial portant la fameuse tache
rouge, signe de la confirmation d’une réputation. L’angoisse du jeune couple
est redoublée par l’angoisse « du public » rapporté par le jeu du
montage parallèle, entre le dehors et le dedans ; passant du couple, aux
parents…et à cette jeune fille dont le
regard scande le drame qui se joue. En franchissant ce seuil, la caméra se
trouve dans une posture voyeuriste idéale sauf que les choix de la réalisatrice
vont transcender cette proximité en privilégiant de capter l’intime à travers
cette expérience profonde et radicale de l’altérité. La caméra occupe la
chambre avec ce jeune couple qui
découvre le corps de l’autre à travers des gestes de maladresse, d’affection et
de répulsion. Le couple tarde à accomplir le geste attendu et du coup le
suspense augmente avec la pression des
membres de la famille de la jeune fille qui viennent taper à la porte pour
s’enquérir de ce qui se passe. Et là, le film retrouve une dimension humaine en
retournant l’image classique véhiculée dans ce genre de circonstances celle de
la jeune fille qui se coupe le doigt pour renvoyer aux autres le signe de la
défloraison qui n’a pas eu lieu. Ici, c’est le garçon qui se blesse au cours de
son duel nocturne avec sa fiancée et renvoie aux autres l’image souhaitée et
les renvoyant en même temps à leur hypocrisie. Avec sa fiancée qu’il découvre la nuit durant,
ce sera un long processus de découverte mutuelle. Avec l’aube nouvelle, c’est
un nouveau couple qui voit le jour. Un couple qui offre l’occasion à deux
jeunes comédiens marocains, Nisrin Erradi (belle et généreuse) et Nabil
Elmansour (au regard farouche) de donner toute la preuve de leur talent.
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