Marrakech!
Le festival de Marrakech dont la quatorzième édition se tient
du 5 au 13 décembre 2014 occupe désormais une place incontournable non
seulement dans le paysage cinématographique mais dans l’ensemble de l’espace
social. Le festival certes se présente d’abord comme une manifestation
cinématographique d’envergure. Dès le départ, les initiateurs du Festival ont
choisi de placer la barre très haute pour s’inscrire dans le sillage des grands
rendez-vous cinématographique qui marquent la planète cinéma. Et il faut lui
reconnaître que le pari a été tenu avec beaucoup de réussite et d’originalité.
Marrakech a réussi en effet à se positionner à partir d’atouts qui relèvent du
cinéma et de la culture. Contrairement à d’autres manifestations qui sont nés
dans son sillage, l’attrait principal n’est pas les sommes d’argent versés dans
les prix accordés mais dans la ligne éditoriale qui conjugue convivialité,
esprit festif et cinéphilie.
Mais le festival a d’autres fonctions dans le contexte
spécifique qui l’a vu naître. On peut dire pour résumer que ses fonctions sont
multiples ; d’abord, il y a des fonctions classiques inhérentes à toute
manifestation d’envergure qui relèvent de l’image, de la promotion d’une ville
et d’un pays, de l’industrie culturelle,
en l’occurrence l’industrie du cinéma…mais pour notre part nous y ajoutons des
fonctions aux vertus pédagogiques indéniables. Une première qui nous semble
primordiale, celle de former un public, attentif, organisé, respectueux du
protocole d’une projection de cinéma et in fine, un public cinéphile. Dans la
population d’un festival, il y a les curieux, les touristes…ceux à la recherche
de la villégiature mais il y a un noyau constitué de cette « tribu »
cinéphile qui se forge au fur et à mesure que le festival se donne une identité
claire et une organisation transparente et pérenne. Ce public et la
meilleure garantie et assurance sur le
devenir du festival. Il en constitue l’écosystème qui lui offre un
environnement propice à son épanouissement continu. C’est un travail de longue haleine mais qui
se nourrit d’actions quotidiennes au niveau de la programmation, des activités
parallèles organisées, des rapports au sein des différents intervenants et de
la qualité de l’accueil. Un festival qui ne construit pas son public sur la
durée est un festival qui a raté sa
mission de base.
Pédagogique, le festival l’est aussi à l’égard des autres
acteurs du domaine notamment ceux qui sont impliqués dans l’organisation de
manifestations cinématographiques. Depuis quelques années, celles-ci, on le
sait, font florès au Maroc. Leur nombre nous ne pose absolument pas de
problème ; il y a longtemps que nous avons appelé à ce que « cent
festivals s’épanouissent au Maroc ! » ; slogan paraphrasant
celui de nos camarades chinois d’une certaine époque et il faut dire
qu’aujourd’hui on n’est pas loin de la centaine puisque en 2014, ce sont près
d’une soixantaine de rencontres de cinéma qui sont organisées. Cependant et
pour rester dans la métaphore chinoise, « que cent écoles
rivalisent », il faut s’interroger en quoi justement ces manifestations
cinématographiques rivalisent ? Et à quel point ils ont su bénéficier du
savoir-faire et de l’expertise qui leur sont proposés en grandeur nature par le
festival de Marrakech ? force est de constater que les échos qui nous
parviennent dessinent un triste bilan de la pratique dominante chez nombre de
manifestations cinématographiques. A
commencer par cette aberration absurde de mettre en place des
« compétitions » tous azimuts sans le minimum de conditions requises
pour une projection de cinéma. La course vers la subvention du CCM, la frénésie
des catégories instaurées par la commission d’aide aux festivals ont créé un
climat malsain dont la principale
victime n’est autre que les films…et le cinéma. En somme, Marrakech a encore du
boulot !
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