Critique de cinéma
C’est le plus beau métier du monde ! Être critique de
cinéma, dans le contexte d’une cinématographie avancée, c’est être payé pour
voir des films ! Quelle veine ! Ailleurs, chez nous par exemple,
c’est plutôt la boutade de Truffaut qui convient pour décrire le paysage :
« chacun à deux métiers…le sien et critique de cinéma » à lire in Les films de ma vie, Flammarion, 1975,
page 19. Hypothèse que je vérifie, chaque matin ou à chaque occasion : mon
voisin de palier, mon coiffeur…entre deux remarques sur la dernière prestation
du Raja, on glisse des flèches sur tel ou tel film marocain. Le festival de
Marrakech en a fourni un autre exemple grandeur nature. C’est peut-être l’un
des rares festivals au monde à se voir bénéficier chez lui d’une « couverture »
par une armada de gens qui n’ont que des rapports de bon voisinage avec le
cinéma…en fait par des gens qui ont leur propre métier…et à l’occasion du
festival de Marrakech se couvrent de la casquette de critique de cinéma, encore
Truffaut. Cela donne, in fine, des productions discursives, passionnantes et
édifiantes. Dommage que les facultés de lettres ne développent pas des
départements de sociologie des médias et d’analyse de discours
médiatique…notamment autour du cinéma. Edifiant encore une fois.
Ceci dit, un discours en cache un autre ; si la critique
cinématographique au sens professionnel du mot faite encore défaut, une
approche cinéphilique du cinéma marocain émerge ici et là à travers des textes
bien nourris de la passion du cinéma. Car, le drame de notre cinéma est qu’il
est souvent abordé par des gens qui n’ont découvert le cinéma qu’une fois
adulte, une fois installé dans leur confort universitaire. Ils plaquent alors
sur les films des concepts et des grilles élaborées en dehors du
cinéma ; ou dans le contexte d’une
cinématographique profondément ancrée dans l’histoire du cinéma et dans
l’histoire tout court…comme lorsqu’on cite Godard ou Tarkovski (la dernière
tarte à la crème en vogue) pour parler de Saïd Naciri ! Surréaliste.
Michel Ciment, critique de cinéma français, directeur de la
publication de la revue Positif, le contre-champ cinéphilique des Cahiers du
cinéma, vient de sortir un livre d’entretiens
sur son expérience de critique. Sa lecture est enrichissante et tonique.
Le titre est en soi un programme : Le cinéma en partage. Oui l’amour du
cinéma, acquis dès l’enfance se prolonge avec l’acte de partage et de
transmettre qui est le fondement éthique en quelque sorte de la fonction
critique. Car, c’est quoi la finalité en somme ? C’est partager une
passion, transmettre, un savoir pour donner à cette passion une dimension
intellectuelle, culturelle et artistique.
En conclusion de son livre, il cite quelques principes
fondamentaux qui constituent pour lui, les qualités de base que doit avoir un
bon critique. Il les appelle, « les sept vertus cardinales pour celui qui
veut devenir critique de cinéma ». Ce n’est pas un programme, ni une
grille mais des indications nées d’une riche expérience et d’une longue
pratique dans le pays qui reste l’emblème internationale de la cinéphilie. Car,
fondamentalement, un critique, c’est aussi le produit d’un environnement. Si
j’étais méchant, je dirai qu’en effet, chaque cinéma a la critique qu’elle
mérite.
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