« Sois belle et
tais-toi », la formule immortalisée par le film de Marc Allégret et la
Chanson de Serge Gainsbourg…a fonctionné également comme code non écrit
régissant les rapports entre les stars et l’espace public, dans le contexte
américain d’une certaine époque ; elle fut en quelque sorte la règle d’or du star
system que des producteurs mythiques ont imposé à l’industrie hollywoodienne.
Cela n’empêcha pas cependant l’émergence d’une opinion publique très forte au
sein de la profession prenant position autour d’un tel sujet ou tel autre. Des
prises de poitions estampillées « libérales » au sens américain du
mot, c’et-à-dire progressiste ou carrément de gauche. La maccarthysme, cette
ignominie de l’histoire, profitant du climat tendu de la guerre froide pour régler ses comptes avec le sens de
l’engagement chez les professionnels du cinéma américain qui étaient
majoritairement pour l paix et le progrès social. Le courant conservateur
surfant sur l’esprit patriotique, en fait chauvin, pour ériger des obstacles et
dicter une série de règles à suivre pour produire un art
« puritain », « propre » comme dirait nos conservateurs
aujourd’hui. Des commission d’enquête furent montées, un climat de suspicion et
de délation régna sur Hollywood, des carrières, des vies furent brisées…de la
résistance aussi s’organisa pour rendre au cinéma sa liberté ; car il n’y
a pas d’art sans liberté…Aux Usa comme… au pays qui fut le premier à
reconnaitre leur indépendance, je veux dire le Maroc.
Nous n’avons pas encore de star
system et notre industrie cinématographique est embryonnaire, donc fragile, mais nous avons un cinéma qui bouge…qui fait
parler de lui car inscrit par ses thèmes et ses sujets dans notre imaginaire…
et surtout ramène du public dans les salles grâce à des films qui répondent à
quelque chose dans l’horizon d’attente du spectateur. Rachid Elouali, comédien,
a accompagné cette relance qui a démarré grosso modo à partir des années 90. Il
était, alors jeune lauréat, l’une des têtes d’affiche du film qui ouvrit la
voix du box office devant le cinéma
marocain, Un amour à Casablanca de Abdelkader Lagtaâ. Un film urbain,
casablancais, donc porté par une forme
d’expression du vécu qui ne manque pas de panache. Rachid Elouali s’y amuse, le
personnage qu’il interprète est un jeune de son époque, proposant des
« joints » à ses conquêtes féminines comme…remède au mal de vie qui
traverse l’univers du film. Le film fut une réussite absolue. Rachid Elouali
accède alors à une notoriété méritée et fondée sur beaucoup de travail, portée
par des rôles diversifiés, notamment avec Hakim Noury. Ce fut sa décennie de
gloire réelle. L’image qu’il renvoya était celle d’un homme affable et ouvert,
sans a priori. Quand le festival de Marrakech fut lancé au début des années
2000, on pensa en toute légitimité à Rachid El Ouali, comme maître de
cérémonie.
Pendant ce temps là, le cinéma
marocain continue sa dynamique qui créa de nouveaux rapports de forces et une
nouvelle réalité sur le terrain : une nouvelle génération de cinéastes, de
nouveaux thèmes, de nouveaux visages…Bref une longue mutation est entamée.
Aujourd’hui, celle-ci nous donne une nouvelle configuration. Rachid Elouali a
changé de fusil d’épaule. Il passe derrière la caméra, après une expérience de
courts métrages, son premier long métrage sort cette semaine sur les écrans du
Royaume, Yemma, titre ô combien symptomatique. Le film a bénéficié de l’avance
sur recettes. Il affronte désormais la réalité du guichet. On ne peut que lui
souhaiter bon vent. Sauf que, c’est le moment que le citoyen Rachid Elouali choisit
pour accompagner la sortie de son film par un discours qui relève du prêche et
de la prédication. Dans le quotidien Attajdid, il livre une série de fatwas sur
ce que devrait être le cinéma, tire gratuitement sur le festival de
Marrakech ; il s’instaure comme le nouveau maître à penser, imprégné de
l’esprit du temps, celui du retour du désenchantement. Rachid Elouali, le
citoyen est libre de ses choix qu’il peut exhiber en fonction des saisons, mais
pourquoi cherche-t-il à tracer aux autres
la voie à suivre ; chose que
lui-même a tant refusé ? Tactique politique ou stratégie de
marketing ? Ou ce n’est qu’un rôle dans un scénario éphémère ?
Espérons que pour le cinéma marocain ce
sera pas « nhar dwa tfa dow », pour paraphraser le titre de l’un de
ses films où il est lui-même et son double. C’est-à-dire personne.
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