La chaîne européenne
d’information continue, Euronews, a consacré l’ouverture de ses journaux de la
nuit du 31 au 1er à la présentation de la célébration de l’arrivée du nouvel an
à travers les quatre coins de la planète. Images éloquentes, présentées en
boucle jusqu’à satiété selon la logique propre à une chaîne d’info. Eloquentes
à double titre ; à un niveau référentiel, direct, celui de capter un
moment dans la vie des grandes capitales ; la joie commune des populations
sous des latitudes différentes. Mais l’autre information dans l’information
transcende le factuel pour nous dire autre chose sur la carte d’un monde,
disons –le d’emblée, à la fois globalisé et multipolaire. En passant de Sidney
à New York, la chaîne des festivités montre que l’humanité ne règle plus sa
montre à la même enseigne. La fameuse tour Big Ben et son horloge qui était la
référence majeure et qui dictait le timing de l’évolution du monde, est devenue
un indicateur parmi d’autres. Dans les salles de rédaction des grands médias,
dans les banques, les bourses…il y a désormais une multitude de cadrans qui
renvoient à l’heure qu’il fait, là où se prennent désormais les décisions
majeures, en liaison avec les mouvements de capitaux : Dubaï, Shanghai,
Tokyo…
En fait, nous assistons à un
nouveau redéploiement épistémologique qui remet en question la lecture
installée à la fois de la carte et de l’histoire du monde. La revue parisienne
Esprit, a consacré son dossier du numéro de décembre à « Comment faire
l’histoire du monde ». Le monde dans sa pluralité advient à la face de ce
qui était jusqu’à présent « le monde » à savoir l’occident en général
et l’Europe en particulier qui se sont octroyés le « droit » de
parler au nom du monde et surtout de placer les normes qui leur sont propres
comme lé référence unique du développement, de la civilisation…. Désormais, un
peu partout, le modèle européen est battu en brèche : sur le plan
économique, avec les pays émergents et leur chef de file la Chine qui vole à la
rescousse d’une économie fatiguée du vieux continent ; culturellement par
l’irruption de phénomènes extrêmes dont
la figure symbolique reste la destruction des Tours du World Trade Center.
Les chercheurs en sciences
humaines et les historiens en particuliers sont interpellés par ce nouvel état
du monde. Leurs travaux nous permettent de saisir et de comprendre que nous ne
sommes pas devant un fait passager mais devant une tendance lourde. Tendance
qui était là en filigrane mais occultée par la myopie intellectuelle qui a
obstrué l’horizon de la pensée devenue « pensée unique », celle du
centre européen. L’histoire comme discipline ouverte et pluridisciplinaire a
retrouvé ses droits. Face à la vague des écoles à la mode inspirées par
l’histoire des annales et des microcosmes sociaux et géographiques, une
discipline solide revient au devant de la scène scientifique, celle de
l’histoire de longue durée. On parle désormais de l’histoire globale et sur de
longues périodes.
A l’instar de ce qui se passe
dans de nombreuses disciplines relevant des sciences sociales, c’est en
Amériques que des chercheurs ont réinvesti ce champ prometteur pour une
meilleure compréhension d’un monde désormais multidimensionnel. Aux USA, on
désigne cette démarche par World/ global history. Résumant les thèses de cette
école, le professeur et historien Michel Minard nous dit que cette histoire
globale vise un triple déplacement. D’abord dans l’espace puisque c’est une
histoire qui s’ouvre à des régions et à des contrées longtemps ignorées par les
historiens occidentaux. Un déplacement dans le temps, ensuite, en élargissant
« le spectre chronologique séculaire » pour intégrer des phénomènes
de plus longue durée. Et il s’agit enfin de sortir des entités limitées géographiquement,
par exemple les Etats, pour enjamber les frontières, souvent arbitraires (voir
le cas de l’Afrique) et s’ouvrir plutôt sur des entités plus larges,
culturelles et/ou civilisationnelles.
Les conséquences méthodologiques
sont immenses. On ne regarde plus le parcours historique de l’humanité à l’aune
de la seule civilisation occidentale, « l’histoire du monde se réduisait à
l’ascension de l’occident et à l’occidentalisation du reste ».
Le Jt d’Euronews, peut-être
malgré lui, nous met en situation de sortir du récit exclusif de la
globalisation, pour nous inviter à embrasser le monde dans la pluralité et la
diversité de ses récits.
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