Je viens de rentrer des Rhamna où une ONG consacrée au développement local a organisé un moussem culturel où le volet cinéma a comporté une très belle programmation dédiée au cinéma palestinien et dont l'une des séquences majeures a été l'hommage rendu au professeur Abdellah Laroui, spécialiste de l'histoire, romancier, écrivain, intellectuel engagé…à sa manière. M. Abdellah Laroui n'a pas jugé utile de faire le déplacement à Benguerir, capitale du pays des Rhamana. Il fit donc l'événement deux fois. D'abord parce que l'idée de l'hommage a été saluée par de nombreux observateurs de la chose intellectuelle au Maroc. C'est un geste fort symbolique et le nombre de professeurs et de chercheurs qui ont pris part aux différentes rencontres organisées autour de cet hommage dénote de la place centrale qu'occupe la production intellectuelle et romanesque de Laroui au sein de notre paysage culturel. Son absence créa aussi l'événement dans la mesure où elle donna lieu à moult commentaires et a fait la Une des journaux du week end. Une absence qui donna lieu aussi à des récupérations parfois bassement politicienne, voire tout simplement électoraliste. D'ailleurs, toute cette manifestation sentait la campagne électorale précoce et un candidat potentiel mais déjà en poste dans une instance de la ville a cru bon de monter sur ses quatre chevaux pour voler au secours de "la dignité de sa région bafouée" semble-t-il par cette absence…c'est un peu trop tirer sur la corde…avant l'heure. Et cette frénésie ne pouvait que justifier a posteriori l'excuse de M. Laroui qui est resté en quelque sorte fidèle à sa démarche intellectuelle depuis des décennies: ne pas trop se mêler de la politique politicienne et s'offrir une distance qui favorise un dialogue avec les pratiques dans leur historicité. Bref, respecter le statut de la pensée qui ne peut progresser dans le tumulte, la confusion des genres et le flou des programmes…certaines interventions ont compris ce choix et ont été inscrite autant que possible se peut dans le prolongement d'une réflexion qui interpelle le champ politique et intellectuel depuis les années soixante. Le drame de notre projet de développement est que la pensée de Laroui n'a pas été comprise ou carrément mal comprise ou plus grave encore, ignorée. Certains lui ont reproché un silence épisodique lourd de signification. Ils oublient qu'il avait déjà parlé et qu'il n'aime pas la redite. On dit souvent le style c'est l'homme. Dans le cas de M. Laroui c'est aussi vrai dans l'autre sens; il est à l'image de son style. Sobre, dépouillé de surcharge rhétorique et s'offrant à son récepteur dans la durée et la progression de raisonnement; tout le contraire du fast thinking; du prêt à penser qui modèle les décideurs en vogue. M. Laroui c'est aussi un grand cinéphile qui a accompagné l'âge d'or de l'activité des ciné-clubs et le cinéma traverse sa production romanesque comme référent culturel ou comme mode de production de discours. Ses phrases sont à l'image du cinéma qu'il aime, le bon cinéma asiatique, fait de distance et de discrétion. A lire et à relire…c'est tonique par les temps qui courent.
mardi 31 mars 2009
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