mercredi 14 mai 2014

Retour à Agadir...


Pour  un grand rendez-vous autour du documentaire
Nicolas Philibert... à Agadir (photo bakrim)
« Retour à Agadir »…pour un bilan provisoire de la sixième édition du Fidadoc et qui prend la forme d’un clin d’œil à une époque phare du documentaire marocain, les années soixante. Retour à Agadir est en effet le titre d’un documentaire signé Mohamed Afifi ; un court métrage de 11 minutes, réalisé en 1967. Un poème visuel et sonore, en noir et blanc, dédié à la ville martyr. Le projet en effet s’inscrit dans le contexte de l’époque où le cinéma répondait à une demande institutionnelle de produire des images nationales. La télé n’était pas encore là (quelle chance !), le cinéma avait en charge cette mission de capter les moments importants de la vie du pays. Agadir venait de subir un terrible tremblement de terre, l’un des plus meurtriers de l’histoire (plus de 15 000 morts) ; tout le pays s’était mobilisé pour la remettre de ses débris de poussière et de fer. La caméra de Afifi est allée enregistrer cette « résurgence » ; cette renaissance, ce retour à la vie. Le résultat est tout simplement éblouissant ; le film a d’ailleurs obtenu le Tanit de bronze aux Journées cinématographiques de Carthage en 1968. Son écriture est spécifique ; il relève de ce que l’on pourrait appeler le documentaire de création. Il est alors symbolique qu’aujourd’hui, cette ville filmée comme « une statue en plusieurs mouvements » soit celle qui abrite un festival du film documentaire. Une manière de prolonger l’œuvre  de Afifi. En bouclant avec succès sa sixième édition, le festival devrait s’atteler à transformer l’essai pour donner à la ville, à la région, au pays le grand festival de cinéma documentaire que le contexte général légitime. L’engagement des uns et des autres devraient aider à apporter les réajustements nécessaires à un nouveau positionnement du Fidadoc.
Sur un plan structurel
Le festival a amélioré son image au niveau de sa présence dans la ville. Mais cet ancrage reste cantonné au niveau de l’image si ce n’est au niveau du discours. Une évolution à ce niveau passe nécessairement par un lieu stratégique qui abrite le festival. Certes, beaucoup d’activités ont été déployées vers la périphérie pour toucher la ville au sens large. Mais cela reste aléatoire tant que le festival n’a pas forgé un lieu qui fait lien. Les principales activités de cette édition ont été abritées par l’Institut français et la grande salle de la municipalité. La salle de l’Institut français a été un ratage total au point de provoquer l’ire de ceux qui ont été invités à y présenter leur film. La salle de la municipalité, rénovée certes, mais ne correspondant nullement aux normes du cinéma, accentuait cette dimension d’extraterritorialité du festival. Car cette question du lieu est déterminante pour la nature du public présent. Force alors est de constater que l’essentiel du public qui a assisté aux projections de la compétition officielle a été constitué par les festivaliers eux-mêmes et de quelques collégiens venus timidement, encadrés par leurs formateurs. A la décharge des organisateurs on peut noter hélas que cette question du public est le point noir de nombreuses manifestations cinématographies. Certains festivals qui se traguent de leur ancienneté dans l’agenda n’arrivent pas à mobiliser un public de fidèles. Or, la force d’une manifestation cinématographique réside dans sa capacité à mobiliser un noyau de fidèles qui reflètent son évolution et accompagnent son développement. Cela se répercute fatalement sur la qualité et le niveau des débats. Pour débattre d’un film en compétition officielle en présence de son auteur, la nature du public présent dans la salle est fondamentale. Il y a un niveau de pertinence qui ne peut être atteint qu’avec une homogénéité relative du public, porté par un background cinéphilique fruit d’une accumulation d’une année à l’autre.
A Agadir ce n’est pas encore le cas. Et en partie c’est dû à l’absence d’un lieu central, une salle de cinéma en l’occurrence. Il est temps alors que de prendre une initiative d’envergure pour réhabiliter l’une des salles historiques de la ville. Le Sahara, situé au cœur du site historique de Talborjt nous semble le lieu idéal pour jouer ce rôle de lien social et culturel autour du festival. Et ce n’est pas une affaire qui concerne uniquement les organisateurs du Fidadoc ; cela devrait l’ensemble des amis du festival, les autorités de la ville, les élus et les acteurs associatifs. Nos amis du Burkiba Faso, présents lors de cette édition nous ont donné un exemple de mobilisation citoyenne pour réhabiliter une salle de cinéma dans leur pays.
Agadir qui abrite aujourd’hui, au moins trois manifestations cinématographiques d’envergure devraient donner l’exemple en lançant une initiative citoyenne sur cette voie.
Sur le plan éditorial
Le Fidadoc a désormais ses marques ; le noyau étant constitué par une compétition internationale, très diversifiée et très ouverte sur la grande diversité du documentaire. Cette édition est allée très loin d’ailleurs dans ce sens. Au point parfois de s’interroger sur la nature même du documentaire aujourd’hui tant les choix artistiques qui le portent sont divergents. Mais c’est un plus qu’il faut fructifier en organisant davantage les échanges et les débats : penser à introduire la formule de la table ronde avec un public ciblé autour des films en compétition (sans éliminer l’échange général avec le public suite à la projection). La dimension formation est une des réussites du festival ; elle est aujourd’hui prolongée par les concepts de la ruche documentaire qui permet de cerner davantage le profil des participants et de concrétiser leur ambition dans des projets suivis en amont, en phase d’écriture et de conceptualisation, par des experts.
Notre proposition est d’enrichir la programmation par une fenêtre Rétrospective, sur l’histoire du documentaire, à commencer par le documentaire marocain.  Les nouvelles générations en tireraient un grand bénéficie : quand dans un débat, ou au cours d’une leçon de cinéma…on fait référence à Latif Lahlou, Bouanani… Chris Marker, Depardon..ou Van Der Keuken, il est utile que le Fidadoc contribue à forger ce background chez son public.
Mohammed Bakrim
  


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