vendredi 15 mai 2009

Dakhla: pôle stratégique


La grande place publique de la ville de Dakhla s'est révélée exiguë pour accueillir la foule immense venue assister à la projection du film Casanegra programmé dans le cadre des Rencontres cinématographiques internationales de Dakhla. Plus de cinq mille personnes se sont massées pour applaudir l'équipe du film notamment le grand Benbrahim qui a séduit tout le monde par sa bonté, la sympathie qu'il dégage et la grande générosité qui caractérise son jeu…par ce triomphe qu'il a consacré à ce film et à l'ensemble du cinéma marocain présenté ici, la ville de Dakhla confirme, en cette année trentenaire de son retour à la mère patrie (1979-2009), son appartenance non seulement à la géographie physique et naturelle du Royaume mais aussi à la géographie de son imaginaire…Il faut se rendre à Dakhla pour se rendre compte de l'ampleur du gigantesque effort accompli pour faire de l'unité retrouvée non seulement des un concept politique mais aussi une nouvelle configuration de la carte et du territoire. Non, ce ne sont pas des milliards perdus comme avait mis un magazine à son Une pour comptabiliser ce coûte le retour des provinces du sud. Dakhla est la confirmation de la justesse stratégique du choix de l'unité. En voyant sa position sur la carte du Royaume et du continent, le travail fourni au niveau des infrastructures et de l'équipement on comprend la haine des ennemis de l'unité marocaine, leur acharnement à empêcher le projet de développement à mobiliser toutes les sources disponibles sur la voie du progrès au bénéfice de toute la région. Oui, Dakhla a tous les atouts pour être un pôle de développement régional. Elle peut être la locomotive d'un nouvel équilibre entre le nord et le sud grâce à des richesses naturelles variées et multiples; cela va du tourisme à l'agro-industrie et aux activités générées par le sport, la culture et l'environnement. Déjà, ses plages sont réputées dans le monde pour leur beauté mais aussi pour la qualité des conditions atmosphériques propices pour les différentes compétitions qui conjuguent la mer et le vent. Il est indéniable que ces atouts ont besoin d'être intégrés à un projet global de développement durable qui intègre l'homme et son environnement. Pour, ce faire, l'une des entrées pertinentes et celle de la responsabilisation citoyenne de tous les acteurs du système par le biais notamment la politique de la régionalisation. Le principe commence à s'inscrire dans notre débat politique à l'occasion de l'offre marocaine pour sortir de l'impasse imposée par l'intransigeance algérienne. Mais, au-delà de cette dimension non négligeable pour conforter notre unité territoriale, la régionalisation est un principe philosophie, un choix de société qui sied parfaitement à la nature composite de notre sociologie. Notre projet de société démocratique ne peut avoir de sens que si les règles de la sociologie politique épousent, enfin, les règles de la sociologie tout court.

dimanche 10 mai 2009

la femme d'Ijoukak

"ce roman est le préféré de mes livres" avoue Christine Daure-Serfaty. Nous la rejoignons pour souligner d'emblée que c'est un joli roman effectivement qu'elle nous offre ici. Un récit de mémoire et de souvenirs à l'image de l'époque qui l' a vu naître. Le roman vient d'être réédité chez Tarik éditions en 2008; il remonte en fait à 1997 pour sa sortie parisienne; une année charnière dans une décennie décisive du Maroc moderne. Un Maroc que Christine Daure a porté dans son cœur comme dans son esprit de militante des droits de l'homme. Ce Maroc des années soixante qu'elle découvre en tant qu'enseignante avant d'épouser sa cause en s'engageant au près des militants motivés d'utopie montant à l'assaut du ciel. La femme d'Ijoukak est une histoire d'amour; amour de cette région montagneuse au cœur du haut atlas entre Amizmiz et Ijouka à l'ombre du col de Tizi n'test, le plus haut d'Afrique, nous apprend-on dans les livres de géographie. Mais amour aussi déclarée, tue, avortée entre des êtres emportés dans les tumultes d'une histoire qui a mis en scène des acteurs aux appartenances multiples. Tout commence par une rencontre en France entre la narratrice, Mathilde et un Monsieur d'un certain âge. Une rencontre brève mais chargée d'émotion et de signes énigmatiques; signes et indices qui vont déclencher un retour en arrière. Un long flashback vers ce Maroc des temps des Français, dans cette belle région de Tizi n'test. Retour sur l'enfance, sur les origines traversées de doutes et d'interrogations. Le récit est bien ancré dans cet espace chargé d'histoires non écrites, où la narration orale tient lieu de catharsis. Mathilde va être confrontée à cette part de vérité, traditionnellement confinée dans la boîte noire de la mémoire collective des sociétés et des familles. Mais elle persiste à restituer les détails de l'histoire. C'est Icare et son voyage vers le soleil…elle tient à compléter son histoire:"car on raconte aussi pour ne pas mourir ou parce que on est déjà mort; on raconte pour guérir" écrivait le critique de cinéma, Serge Daney. Cette référence cinéphilique n'est pas fortuite; le livre de Daure-Serfaty me semble être porté par une écriture cinématographique non seulement dans sa structuration narrative où chaque acteur prend en charge une part du récit; il n'y a pratiquement pas de figuration; chacun à sa part de "responsabilité narrative" dans la restitution de ce puzzle, mais aussi dans son rapport au temps avec des aller retour entre le temps de la narration et le temps de l'histoire; cinématographique surtout dans son rapport à l'espace. Le roman est à ce niveau très visuel quasiment tactile. On imagine aisément un plan large à partir de Targa, la maison de Mathilde dans la banlieue de Marrakech embrassant le haut atlas seigneurial. Pour ceux notamment qui connaissent la région, c'est une plongée aux sensations multiples dans un décor ouvert sur tous les possibles narratifs. Jeune, je traversais le col de Tizi n'test avec ma famille au rythme de récits fantastiques où il était question d'une folle qui hantait les lieux. A l'aube on prenait un petit déjeuner frugal, café et askif (soupe amazighe) chez Touda à Ijoukak. Cet univers perdu à jamais est restitué par l'écriture fluide, poétique, limpide de Christine-Daure Serfaty. Demain, un projet d'adaptation pour le cinéma? Ce serait magnifique.

samedi 9 mai 2009

dakhla comme espace cinématographique




La ville de Dakhla abrite depuis le 4 mai la deuxième édition des rencontres cinématographiques internationale. Des Rencontres nées à Laayoun et qui ont choisi cette année, pour des raisons principalement de logistique de s'installer à Dakhla. Choix judicieux car la ville, en effet, s'y prête merveilleusement bien. C'est une cité agréable à vivre, accueillante et ouverte sur de vastes étendues du côté de l'océan comme du côté du splendide désert qui en fait sa perle…Cette découverte est l'une des conséquences de la dynamique actuelle du cinéma marocain: il redessine à sa manière la carte du Maroc; en l'occurrence, les rencontres de Dakhla prolongent très loin la réception du film marocain (et autres) lui permettant d'aller à son public aux confins des racines africaines de notre identité plurielle…ce faisant ces rencontres offrent aussi à la production imaginaire de nouveaux horizons. Dakhla est ainsi le titre générique d'un scénario futur qui reste à écrire et dont les ingrédients dramaturgiques sont déjà là; et notamment ce merveilleux espace s'étalant à l'infini…le cinéma crée son propre espace, c'est l'espace filmique comme résultat de la captation par la caméra et de la restitution par le montage, par les mouvements d'appareil et les effets de lumière. Mais le cinéma se crée aussi à travers l'espace qu'il filme. Le cinéma américain est d'abord le fruit de l'espace américain. Le western, genre américain par excellence, est le produit d'une histoire mais aussi et surtout de la géographie. Ce que nous gardons d'un western, sa scène fondatrice, c'est l'arrivée d'un protagoniste dans un lieu. Ce que l'on appelle techniquement le Plan américain est la résultante de cette rencontre.
Les cinéastes marocains, les comédiens, les professionnels venus des pays amis ont été d'emblée éblouis par l'espace de Dakhla: à la sortie de l'avion, l'aéroport offre, dans la lumière crépusculaire d'une journée saharienne, un merveilleux panorama. En circulant dans la ville située dans une baie étendue sur des kilomètres, le regard capte les signes vierges d'une configuration filmique éloquente au premier degré. C'est l'espace comme discours en soi. Reste à l'inscrire dans une dramaturgie. C'est la nouvelle dimension qui s'ouvre/s'offre au cinéma marocain. Cela est venu à temps. D'autant plus que du point de vue des choix stratégiques du développement de la région, l'option culturelle est présente: Dakhla propose une multitude d'activités autour notamment des pratiques liées au sport de la mer. Cela génère déjà une infrastructure d'accueil digne des grandes métropoles. Les productions cinématographiques nationales et internationales trouveront un terrain déjà balisé. C'est un nouveau pôle qui se dessine en perspective.

Albachado de Hassan Aourid

  L’intellectuel et le pouvoir ou la déception permanente ·          Mohammed Bakrim «  Avant d’être une histoire, le roman est une in...