vendredi 25 mars 2016

le court métrage marocain

Crise de leadership ?
Le court métrage a souvent fonctionné comme indicateur de l’état de santé global du cinéma marocain. Son évolution même est à l’image de l’évolution de ce cinéma. Pendant longtemps, le cinéma marocain était tout simplement réduit à sa production de court métrage ; durant une bonne partie des années 1950 et des années 1960. Certains observateurs n’hésitent pas d’ailleurs à qualifier cette période tout simplement de l’âge d’or, non pas du court métrage mais de tout le cinéma marocain. Notamment dans sa version documentaire. De jeunes cinéastes issus de la prestigieuse école de cinéma parisienne, l’IDHEC, ayant rejoint le centre du cinéma marocain ont produit et réalisé des films d’une grande richesse thématique et visuelle. Inscrit dans un dispositif institutionnel qui en faisait des films de commande (il n’y avait pas de télévision à l’époque), cela ne les a pas empêchés néanmoins à faire preuve de créativité et d’imagination aussi bien dans les fictions à visée didactique que dans les documentaires de vulgarisation ou de promotion. Des noms comme Benchekroun, Bennani, Afifi, Lahlou, Tazi, Bouanani, Rechiche…ont marqué cette époque.
Plus tard, avec l’arrivée de la télévision, l’éclipse du cinéma et le retrait du CCM de la production directe, le court métrage va être à l’image de la traversée du désert du cinéma marocain, particulièrement durant la période des années 1970.
Avec l’entrée en vigueur du système de l’aide publique au cinéma, notamment depuis l’instauration du fonds d’aide à la production, le cinéma marocain va connaître un certain décollage, qui ne manquera pas de profiter au court métrage. Une date à marquer d’une pierre blanche dans ce sens, le festival national du film de Tanger en 1995. Cette édition va voir débarquer (au sens propre et au figuré !) une nouvelle génération de cinéastes courtmétragistes qui donneront à ce format ses lettres de noblesse et lui assurer un nouveau départ. Il s’agit de Nabil Ayouch, Lakhmari, Lagzouli, Ulad Mhand…On peut parler en toute logique d’une nouvelle vague portée par un réel désir de cinéma. Une vague qui sera prolongée et portée au fur et à mesure de l’évolution du système de production par des figures emblématiques. C’est ainsi que nous aurons symboliquement des périodes centrée sur tel cinéaste ou tel autre ; autour duquel gravitent de nouvelles générations issues de parcours diversifiés : écoles de cinéma, cinéphile, autodidactes... C’est ainsi que nous avons eu, après la période Lakhmari, une période Faouzi Bensaïdi. A Oujda en 2003 commence la période Mouftakir qui va nous conduire jusqu’à la fin de la première  décennie des années 2000 qui voit arriver l’ère Aziz Fadili. Depuis lors, c’est le silence plat. Aucune figure n’a réussi à s’imposer comme porte drapeau de la nouvelle génération de courtmétragistes marocains. Le court métrage est orphelin, sans leadership.
Certes des noms ont bien marqué les dernières éditions du festival national du film. Je pense à Hicham Lasri avant son passage au long métrage, à des cinéastes issus de la diaspora, lors de l’édition de 2014 en particulier...mais depuis, aucun jeune cinéaste n’a su imposer une démarche spécifique, l’ébauche d’une vision ou un ancrage dans une tendance esthétique déterminée. Cela a été confirmée lors des dernières éditions avec la prépondérance de films portés plus par un jeu formel, un flou thématique voire un éclectisme esthétique. Au mieux on assiste à un remake de certains succès cinématographiques au point où l’on pourrait parler d’un courant post-casagnégra (voir le court métrage récompensé lors de la dernière édition du FNF). Cela invite certainement à s’interroger sur l’ensemble du dispositif en vigueur : aide à la production, formation ; présélection…

L’arrivée de nouveaux modes de « fabrication des images » et de leur diffusion via le web notamment est en train de bousculer certainement toute une conception –classique- du court métrage. 

vendredi 11 mars 2016

Petits bonheurs de M.C. Tribak par Bakrim

Une mélodie filmique pour un conte intimiste
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Le deuxième long métrage de Mohamed Chrif Tribak reprend et prolonge des éléments de sa filmographie marquée principalement par des courts métrages et un premier long métrage, Le temps des camarades. Une filmographie qui l’avait installé comme cinéaste cinéphile, attaché à des signes et à des formes issues et puisées de son background socio-culturel, au niveau de l’espace, du système des personnages et de l’ancrage dans une culture riches en symboles (musique et décors). Il aime filmer l’intime, les relations qui naissent et se tissent au sein d’une communauté, d’un groupe : je renvoie dans ce sens principalement à ses courts métrages Nassima, Mawal et à son long métrage, Le temps des camarades.
Petits bonheurs réussit une parfaite synthèse de cette démarche, je n’hésite pas à dire qu’il s’inscrit dans une logique de cinéma comme art total, convoquant et mobilisant au service du récit filmique, des éléments du langage cinématographique, et des arts voisins notamment les arts portés par le temps, la musique, la danse, la poésie…l’ensemble ancré dans un espace à forte connotation artistique islamo-mauresque. Le film évolue alors comme une œuvre artistique fluide sans verser dans l’exotisme ni dans le cliché facile. Et pourtant, aussi bien au niveau de son sujet, l’intimité de l’amitié féminine, que dans sa forme, le risque de dérive « exotique » était réel. L’intelligence du film étant de réussir une approche juste, sans excès, sans verser dans le démagogique ambiant. Il nous rassure ainsi en nous rappelant que le cinéma est possible, que filmer n’est pas toujours un acte violent et voyeuriste. Petits bonheurs plaide en faveur d’un cinéma montrant une situation où la vie circule devant et autour de la caméra. Et le film est inondé de vie, de désirs. Désirs tus, refoulés ou sublimés.
Le récit nous situe dans le Tétouan de 1955. Une date charnière. Nous sommes à la veille de quelque chose. Un temps de l’entre-deux. Celui de la fin du colonialisme et du début de l’ère de l’indépendance. Une donne politique et historique cantonnée dans le hors champ…mais tout le film est marqué, dans sa mise en scène, par cet esprit de l’entre-deux. Il développe en effet une esthétique de l’espace fondée sur le principe de l’alternance entre le haut et le bas ; l’extérieur et l’intérieur, le dit et le suggéré. Une figure architecturale va être un acteur central de ce dispositif scénique, l’escalier. L’essentiel du récit se déroule dans un milieu fermé, une maison traditionnelle tétouanaise dans la tradition architecturale issue de l’héritage andalou : ouverte vers l’intérieur, fermé de l’extérieur. Une architecture « voilée », féminine. Un quasi huis clos, marqué par l’omniprésence des fenêtres, des portes…et de l’escalier. 



Quand arrive Noufissa avec sa mère chez Lalla Amina ; elle est d’emblée confrontée à l’escalier qui sépare symboliquement deux univers, celui de son univers social d’origine, en bas de l’échelle et celui de Lalla Amina d’origine aristocratique ; et physiquement, l’escalier séparant l’espace des adultes qui lui est momentanément interdit (des femmes entre-elles) et celui des jeunes (les jeunes filles notamment). Cette figure architecturale élémentaire aura des fonctions multiples, dramaturgiques et scénographiques. On va découvrir au fur et à mesure de l’évolution du récit que c’est un lieu très fréquenté. Il est un passage, un lieu de transit et de circulation de désir. Filmé en soi, il renvoie à un ailleurs. Dans le plan fixe de la préparation du cérémonial des fiançailles, l’escalier apparaît en profondeur de champ, inondé  de lumière, ouvert sur un ailleurs prometteur. Ce n’est pas un hasard si le téléphone est accroché au mur jouxtant l’escalier. Les deux éléments ont une fonction métonymique renvoyant à cet espace autre, celui de la terrasse, du ciel lumineux pour l’escalier ; et au désir d’évasion exprimé par l’appel au téléphone pour se renseigner sur le film de Farid Al Atrach.
Mais l’escalier, vide ou animé, renvoie à l’ambivalence des sentiments et à la tension née des désirs qui naissent. Notamment entre Noufissa, la nouvelle arrivée et Fettouma, petite-fille de Lalla Amina. Le film aborde cette relation, riche de ses allusions et de son ambiguïté, avec délicatesse et pudeur. Toute lecture est laissée au libre arbitre du récepteur. La caméra ne lui impose aucun point de vue tranché ; le sens n’est jamais assigné à résidence. Les deux actrices, Farah El Fassi et Anissa Lanaya ont porté ces rôles avec un jeu fait de finesse, de jovialité et de retenue.
Un autre élément va renforcer cette démarche de distanciation est l’insertion d’un récit secondaire au sein du récit premier par le biais du chant. Chrif Tribak introduit ainsi dans son film la technique de mise en abyme, permettant au récit initial de souffler et de dire autrement ce que la diégèse ne dit pas explicitement. Le récit filmique s’ouvre en effet avec une très belle chanson issue du répertoire local tétouanais. Outre la dimension informative instaurant un référentiel culturel précis, cette ouverture annonce la couleur à deux niveaux. Esthétique, le récit naît sous le signe de la beauté, et de l’harmonie. Et dramatique puisque le texte de la chanson nous donne des indications utiles pour la suite du récit en proclamant « j’étais serein avant d’avouer mon secret ». Ce récit chanté va être mené comme un miroir du récit principal. Mon hypothèse va être confirmée lors de la deuxième apparition de la chanteuse située juste après la première rencontre entre Fettouma et Noufissa ponctuée en quelque sorte par le texte de la chanson qui parle de souffrance née de la rencontre avec « Ô fleur, ma reine ».
La bande son est judicieusement inscrite dans la construction narrative. Elle anticipe par exemple la scène qui suit (le son arrive avant l’image du plan suivant) ou permet, via le hors champ sonore, d’élargir l’espace restreint dans lequel le personnage réfléchit ou médite.
Cette démarche de mise en scène permet de parler du film comme une mélodie. Je défends l’idée que la musicalité préside à l’écriture du film. Non pas la musique de la bande son mais la musicalité qui provient du rythme, du jeu de lumière et de la construction temporelle de chaque plan. Abel Gance disait qu’il y a deux types de musique : « la musique du son et la musique de la lumière qui n’est autre que le cinéma ». Si l’alternance des plans assure au film une fluidité digne d’une partition (voir la scène fondatrice de la présentation de la mariée), la musicalité provient aussi du rythme propre au plan lui-même : les plans de Fettouma, à la terrasse, quand elle voit partir Noufissa sont chargés d’émotion qui émane de la seule qualité intrinsèque de l’image et du jeu de la comédienne. Un hymne au cinéma.


تكريم المخرج لطيف الحلو بطنجة


سينمائي من زمن الالتزام بالقيم الجميلة


 خلال الدورة 17 للمهرجان الوطني للفلم تم تكريم عدد من الفعاليات الفنية و السينمائية/ وقد تميز حفل افتتاح المهرجان بتكريم السينمائي المغربي لطيف لحلو, وألقى الناقد السينمائي الرفيق محمد بكريم بهده المناسبة الشهادة التالية:


أود في البداية أن انوه بمبادرة اللجنة التنظيمية للمهرجان الوطني للفلم ورئيسها مدير م.س.م السيد صارم الفاسي الفهري لحرصهم على استمرارية هذا التقليد النبيل في تكريم بعض الشخصيات التي بصمت بعطائها مسار السينما المغربية، وان يتم اختيار السيد لطيف لحلو من ضمن شخصيات هذه الدورة لحظة بليغة في دلالتها وغنية في إبعادها الرمزية ولا تخلو من رسائل . ألخصها في ثلاث مستويات :
رسالة إنسانية تنطق بمشاعر التقدير والاحترام إلى رائد من رواد السينما المغربية ينتمي إلى جيل التأسيس مؤسساتيا وتدبيرا. وتكريمه اعتراف بهذا الدور الريادي
الرسالة الثانية : رسالة مهنية، أن تقف المهنة هذا المساء هنا في طنجة وفي هذه اللحظة التكريمية لأحد رموزها تعبير عن رغبة في بناء علاقات جديدة مبنية على الاحترام والاعتراف من اجل العمل على رص الصفوف من اجل مواجهة التحديات الكبيرة المطروحة على المهنة.
الرسالة الثالثة : التي يحمله تكريم لطيف لحلو، رسالة تربوية موجهة إلى الجيل الجديد من المنتجين والمخرجين والتقنيين للتأمل في تجربة غنية بتنوعها ومتميزة با ستمراريتها رغم كل الظروف. .تجربة تحيل الجيل الجديد إلى ما هو أساسي وهو أن السينما ليست فقط اختيارات تقنية خاصة في ظل الثورة الرقمية التي جعلت انتاج الصورمشاعا وحضور لطيف لحلو تذكيران المخرج السينمائي ليس تقني موهوب فقط بل مبدع ملتزم اتجاه فنه واتجاه مجتمعه . بان السينمائي ليس مجرد صانع صور  بل مبدع تحمل أفلامه  تعبيرات عن مواقف ووجهات نظر .
وجهة نظر اتجاه السينما، اتجاه الحياة.
السينما كموقف من الفن والمجتمع درس أساسي في هذا الظرف الذي تقدمت فيه السينما المغربية نسبيا في جوابها على السؤال التقني والفني وهي اليوم أمام السؤال الثقافي إن لم اقل السياسي أي الانتقال من التساؤل كيف إلى التفكير في  أي سينما لأي مجتمع ولقد تسنى للطيف لحلو أن يقدم تجربة متميزة في هذا الاتجاه ساعده في ذلك معطيات  طبعت مساره الحياتي والمهني على درب مسار واعد .
فهو محظوظ في اكتشافه السينما وهو طفل حيث حضر وهو تلميذ بمعية زملائه في الجديدة تصوير مشهد من فلم عطيل للسينمائي العبقري اورسن ولز فكان لدلك تأثير على مخيلته وعلى اختياراته الاكديمية و المهنية                                                                                                                                                                                                                                             

  
المعطى الثاني تكوينه السينمائي بإحدى اعرق المدارس السينمائية في العالم واختياره التخصص في أم التخصصات: المونتاج
ثالثا ارتباطه المبكر بتيار فكري سياسيي حداثي منحاز للناس البسطاء ولقيم الالتزام والتضامن.
 كل ذلك أثمر ارتباطا عضويا بالمهنة وأثمر أفلاما يمكن أن أقول عنها أنها سينمائية المبنى سياسية المعني وإنسانية المرمى
أفلام تؤسس لمتن يمكن أن أوجز خصائصه في مرحلتين تاريخيتين متكاملتين
مرحلة سوسيو انفوغرافية ركزت على البنيات الاجتماعية والثفافية في البادية وأداتها الفلم الوثائقي
مرحلة سوسيو نفسية تميزت بتحولات فنية و جمالية:
الانتقال من البادية إلى المدينة
 من الوثائقي إلى الروائي
من القصير إلى الطويل
أفلام روائية عملت على رصد تحولات المجتمع المغربي وانسداد تطوره عبر صبر العلاقات الاجتماعية والتقاط مظاهر العنف الرمزي الذي يتخللها أو التقاط بشكل استعاري عجز طبقة اجتماعية بأسرها (سميرة في الضيعة )  ثم التقاط بعض مظاهر الفشل السياسي للنخب الجديدة واندحارها الإيديولوجي ( الدار الكبيرة/ حفلة الميلاد )
انه في المجمل سينمائي من زماننا متتبع يقظ للإشكالات المطروحة  على القطاع . وللقضايا المجتمعية المختلفة .
مسارا وعطاء سخي يستحق وقفة إجلال واحترام
طنجة 26 فبراير 2016


lundi 7 mars 2016

cinéma marocain, quel bilan après Tanger...

Un commentaire sur le palmarès 2016:
après ça, le pétrole!



Faiseurs d’images ?

Quelles tendances marquent la dernière édition du festival national du film de Tanger ? Pour le long métrage, elle était annoncée comme une édition particulière à partir de la liste des films présentés. On y remarque en effet l’absence des ténors du cinéma marocain et des noms qui ont fait sa réputation ces dernières années. C’est une édition en outre où il n’y a  aucune cinéaste femme, aucun film amazigh ou hassani.
En termes de générations, seuls trois cinéastes (Ismaïl, Chouika, Boulane) sont des rescapés de l’ancienne génération, les autres sont arrivés au cinéma à l’orée des années 2000 et sont issus soit de la cinéphilie, soit de la profession du cinéma soit de la diaspora (Boucif, Rhalib, Olivar). Deux documentaires sont en compétition.
Les thématiques abordées oscillent entre l’intime (Petits bonheurs), le mouvement social (Insoumise), la mémoire collective (Les hommes d’argile, L’orchestre de minuit Résistance, la marche verte) les années de plomb (Les larmes de Satan, Le poids de l’ombre), le mélodrame social (A mile in my shoes), l’absurde de la vie quotidienne (The se ais behind).
Au niveau du casting global, on retrouve des acteurs qui constituent désormais la locomotive de la comédie marocaine avec Aziz Dadas et Abdellah Ferkous ; une star nationale qui revient sur grand écran avec Rachid  El Ouali, la confirmation de talents qui montent avec Amine Ennaji, Hicham Bahloul et Malek Akhmiss ; des révélations avec la jeune Sophia Manousha et Rabia Rafi ; le retour de l’acteur prodige de Chevaux de Dieu, Abdelilah Rachid nouvelle révélation du film de Chouika où il incarne un résistant avec finesse et sobriété. Farah El fassi les yeux bleus révélés par Cherif Tribak montre chez Ismaïl une autre facette de son talent multiple qui reste en friche.

Croisés avec les courts métrages, la grande déception de cette édition, que nous donne tout cela en termes de cinéma, d’inventivité et de création artistique. A quelques rares exceptions, l’ensemble des films présentés se réduisent à des prouesses techniques. Nous avons vu à Tanger des produits parfois bien finis alors que nous nous attendions à des œuvres mêmes avec des maladresses mais sincères et profondes. Nous sommes entrés sans crier gare dans l’ère des films fabriqués selon des protocoles d’écriture formatée d’avance (un directeur de photo ; un amplificateur de son et être dans un réseau institutionnel). La tendance avait commencé lors de la précédente édition qui avait inauguré l’ère de faiseurs d’images contents d’être là ; leur seul talent étant d’avoir compris le fonctionnement du système. Dans ce sens on peut déjà parler d’une édition historique.  

Albachado de Hassan Aourid

  L’intellectuel et le pouvoir ou la déception permanente ·          Mohammed Bakrim «  Avant d’être une histoire, le roman est une in...