mardi 12 février 2013

Festival national du film


Chronique d’un festivalier solitaire

Première journée de la compétition officielle riche en enseignements ;  elle confirme des tendances et annonce,  en filigrane,  des pistes d’avenir. Elle dit aussi les cases à remplir, les vides à combler…  Les trois cinéastes qui ont présenté leurs films expriment des parcours professionnels et culturels différenciés pour venir au cinéma. Ils  disent cette diversité générationnelle et artistique qui alimente le dynamisme de notre cinéma.
Les constantes sont là  aussi comme cet ancrage dans la thématique sociale, très forte dans Malak et Hors zone et médiatisée  par la légende dans Agherrabou. C’est un atout majeur qui assure à notre cinéma une forme de légitimité sociale sanctionnée très tôt dans les années 90 par l’accueil du public et l’adhésion populaire. Reste à conquérir et à construire la légitimité artistique. A ce niveau c’est un cheminement inédit qui ne résulte d’aucune recette magique ; c’est la résultante de plusieurs paramètres et de nombreux facteurs dont celui fondateur de l’engagement du cinéaste lui-même au service de son art et de sa passion pour dire le monde par les images et le son en les inscrivant intelligemment dans son environnement culturel voire mythologique.
Cela nous donne alors cette variété d’approches et de démarches esthétiques. Douguena par exemple met en avant la question sociale à travers la concentration de son récit sur le devenir des gens du troisième âge pour transformer son film en réquisitoire contre les jeunes couples qui abandonnent leur vieux et contre la société en général avec les risques du coût esthétique et artistique que cela peut générer…Chez Kelaï, le social passe par un sujet sensible, celui des jeunes mères célibataires ; sensible et souvent tu car renvoyé par la doxa dans le hors champ social. Le travail du cinéaste consiste alors à ne pas verser dans la redondance médiatique ou à faire concurrence à la télévision compassionnelle  mais à dire le non dit ; à rendre visible le non visible à travers la mise en scène d’un espace social et physique hostile et surtout par la construction d’un personnage qui va jusqu’au bout de ses choix. Le plan final de Malak qui garde son enfant est un hymne au sujet/individu dans le contexte d’une société qui l’accule à l’hypocrisie du consensus et du « qu’en dira-t-on ». Le tout dans une démarche qui aspire à s’inscrire dans la cinéphilie…
C’est, entre autres, le pari, réussi jusqu’à un grand niveau, par Ahmed Baidou et son film amazigh, Agherrabou. La première réussite du film, et donc pour le festival, est la réponse pertinente qu’il apporte au débat sur la présence du cinéma amazigh. Avec Agherrabou, on sort du débat stérile sur la question du « quota » pour le film amazigh ou sur la nécessité d’une discrimination positive au bénéfice de ce cinéma. Agherrabou nous dit tout simplement qu’un film amazigh peut s’imposer par ses qualités intrinsèques. Le film amazigh offre alors à notre cinéma un nouveau redéploiement dans son espace géographique, symbolique et professionnel. Agherrabou montre en effet toute la richesse du patrimoine amazigh, la poésie d’une langue et la découverte de nouveaux talents comme ses deux vétérans qui ont joué Amghar et Ifis. Le film offre dans ce sens une belle métaphore du devenir du film amazigh à travers l’image de la barque (Agherrabou en amazigh) : c’est une œuvre en construction qui finira par rejoindre le grand large sous les youyous de la tribu réconciliée.

Cinéma et télévision : trahison ou mariage de raison
La télévision s’offre cette année une visibilité particulière  dans la programmation du  festival national du film.  A travers bien sûr sa couverture de l’événement en tant que média incontournable : combien d’événements officiels sont retardés voire carrément annulés parce que les caméras de la télévisons n’étaient pas là ou n’étaient pas encore prêtes. Combien de ministre et de haut responsable qui avant d’entamer son activité officielle s’enquit d’abord de la présence de la caméra « jaou shab télévionne »…Bref c’est le média ordonnateur de notre temps social et de notre environnement…Au point de formater les désirs et les mœurs….y compris dans notre rapport au cinéma.
Mais, la question qui s’est posée avec une certaine insistance, ces premiers jours du festival,  concerne la présence de certains films en compétition officielle qui affichent clairement leur ascendance télévisuelle (des productions de la société nationale de télévision). Mais l’interrogation va bien au-delà de la question du mode de production et de l’économie du cinéma pour aborder la question du devenir esthétique et artistique du film. « Sommes-nous en face d’une métamorphose du festival devenu festival des téléfilms ? » s’interroge un cinéphile, avec angoisse sur sa page facebook. En fait, si métamorphose il y a, elle concerne au-delà de la simple programmation du festival pour toucher à ce qui fait son âme, l’écriture et l’esthétique des films. Et à ce niveau les frontières ont commencé à s’éclipser depuis longtemps : il est de plus en plus difficile de tracer une ligne de démarcation nette entre film de cinéma et film de télévision quand nombre de films de cinéma sont structurés par une esthétique télévisuelle. Un grand cinéphile, Serge Daney,  avait pointé du doigt cette métamorphose du langage cinématographique face au formatage télévisuelle dans un article au titre prémonitoire : Comme tous les vieux couples, cinéma et télévision finissent par se ressembler ! Un grand cinéaste, John Boorman, avoue que dans ses films, de plus en plus,  il mettait en scène l’action au centre de l’image anticipant ainsi son passage à la télévision pour que rien ne se perde. « La télévision c’est le règne du champ unique » ou encore la mise en œuvre de la grammaire de base, le champ contre- champ…
Pour sa part, le professeur Alain Bergala élabore une théorie de différenciation à partir d’un constat/exercice auquel nous sommes tous invités : quand je suis devant ma télé et que je zappe, je vois tout de suite si je suis devant un film de télévision ou devant un film de cinéma ». Le critère qui permet la différenciation passe par le jeu des acteurs : à la télévision, ils sont acculés à l’instantanéité des sentiments ; à afficher immédiatement leur rôle : le bon, le méchant… La principale différence n’est pas la lumière ni le découpage mais le jeu. Un téléfilm mise tout sur chaque instant, un cinéaste, encore vierge de la pratique télévisuelle, mise sur le temps. La philosophe Marie-José Mondzain approfondit l’analyse en précisant que les acteurs à la télévision sont dans la communication ; « ils sont dans une rhétorique – de l’émotion, de la justice, de la prostitution, la malhonnêteté, la méchanceté…- qu’ils personnifient, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de jeu : ils n’incarnent pas une question… ». Sa conclusion est fondatrice d’une distinction génétique : à la télévision, il n’y a pas d’invisible (prédominance de l’approche didactique), alors que le cinéma travaille de l’invisible. Une grille de lecture pour la suite du programme…

Fiction-documentaire : Jeux sans frontières


La question est récurrente et elle accompagne le cinéma depuis quasiment sa naissance : le réel et le fictif ou en termes de genres : le documentaire et la fiction. Lors de son éblouissante leçon de cinéma, Edgar Morin était parti l’année dernière du postulat de l’existence de deux pôles ; le pôle du réel et le pôle de l’imaginaire pour relever qu’entre les eux il y a la fiction qui se nourrit souvent de l’un ou de l’autre. La première caméra des frères Lumière avait ouvert la voie à la tendance réaliste quand quelques années plus tard, Méliès installait les premiers ingrédients d’un cinéma de l’imagination, du rêve et du voyage vers la lune…Depuis, l’évolution du cinéma n’a été que des variations au sein de la même formule offrant à telle tendance ou telle autre des moments forts de grande création.
Une création qui n’hésite pas parfois à jouer à brouiller les pistes et à transcender les frontières entre les genres. Métaphoriquement le film de Farida Benlyazid en compétition officielle est intitulé Frontieras. C’est une indication sur le référent du film qui aborde d’une manière originale la question du Sahara mais c’est aussi une piste de lecture sur le genre proposé : parti d’une idée de documentaire, le film propose une structure bicéphale avec un volet documentaire et un autre fictionnel  pris en charge par le jeu des interprètes qui sont là pour donner au réel une dimension qui transcende celle des actualités télévisées : faut-il pour échapper à la structure figée du reportage mettre une dose de fiction dans le documentaire ? Une forme de dopage ! N’oublions pas alors de préciser dans ce sens que ce que l’on appelle le docu-fiction est un enfant de la télévision ! Chassez le loup par la porte il revient par la fenêtre ? Brouillard ? 
La séquence d’ouverture du film, Imlchil, de Hakim Belabbès nous offre une figure métaphorique qui va dans le sens du débat à savoir celle des essuie-glaces qui tentent de dégager un peu de visibilité pour les protagonistes partis sur la piste de la légende d’Isli et de Tislit. Le pare-brise de la voiture inondée d’eau tient lieu de l’écran de réception et reflète notre horizon d’attente encore dans le flou ! La suite du film tentera de dégager un peu de visibilité sur le sujet du film mais aussi sur sa nature : est-ce un documentaire ou une fiction ? Deux comédiens prennent en charge la question jusqu’à un certain moment de saturation quand la jeune comédienne téléphone à son réalisateur pour lui dire que son  projet (dans lequel le spectateur était aussi impliqué) ne tient pas la route et décline son offre nous renvoyant la balle pour continuer notre débat intérieur.
Femme hors la loi de Mohammed Elaboudi aborde frontalement le sujet en installant au cœur de son projet documentaire un sujet fort à savoir un « personnage » à forte consistance dramatique avec moult rebondissements. Tout l’art du documentaire consistera à rendre cette essence en passant par les outils…de la fiction. Elaboudi fait du documentaire avec le langage de la fiction. Le hasard de la programmation fait que, à cette tranche de vie documentée correspondent des œuvres qui relèvent de l’auto-fiction ; de l’autobiographie filmée : Chroniques d’une cour de récré de Brahim Fritah et Tanjoui de Moumen Smihi. Là,  c’est la fiction qui se sert à partir de la boîte à outils du documentaire. Pas de réserve !

La ville du film
Le cinéma est un art de la ville. La genèse urbaine du cinématographe est un fait avéré.  Les premiers opérateurs ont filmé des rues ; une gare ; la place de l’Opéra à Paris…La ville et le cinéma vont d’ailleurs former un couple dynamique qui fonctionne et qui produit : la ville moderne va accompagner le développement du cinéma ; et le destin du cinéma sera inscrit dans le destin des villes. Les mutations qui touchent l’une vont concerner de très près l’autre…Chez nous, la crise des salles de cinéma n’est-elle pas l’expression de la crise des schémas urbains et de l’absence d’une vraie politique de la ville ?
La ville, cependant, ouvre une autre piste pour aborder l’évolution du cinéma marocain : son rapport à l’espace narratif du film. Ecrire l’histoire de l’évolution de film marocain, c’est exprimer l’histoire de l’évolution de son rapport à l’espace. Une hypothèse pourrait présider à cette écriture, elle émane d’un constat empirique : les plus grand succès du cinéma marocain, je veux dire en termes de chiffres de box office,  sont les films de «  l’urbanité » ; ceux justement qui sont portés par des récits urbains, par des personnages ancrés dans l’espace de la ville, essentiellement Casablanca. Cela va du succès du début des années 80, Larmes de regret de feu Hassan Elmoufti à Casanégra de Noureddine Lakhmari en passant par Un amour à Casablanca de Lagtaa et Marock de Leila Marrakechi.
C’est une donne essentielle quand on sait que la programmation de la 14ème édition nous propose des films qui enrichissent le débat : dans Malak, Zéro, Youm oulila, Chevaux de Dieu…la problématique de la représentation de l’espace et de l’espace de la ville en particulier joue un rôle déterminant dans la construction du récit filmique.
Le moment alors pour proposer une autre hypothèse à enrichir par des analyses plus poussées : l’installation du cinéma marocain au sein de l’espace public est la résultante de l’installation du récit filmique dans l’espace tout court. Notre cinéma s’est sédentarisé est par ce bais, il a eu le temps de rencontrer son public : les premiers grands succès de cette rencontre réalisée dans les années 90 portent comme titre Un amour à Casablanca (l’ancêtre dramaturgique de Casanégra) et A la recherche du mari de ma femme. Le film de Tazi présente d’ailleurs un cas de figure intéressant pour notre hypothèse. La première partie largement installée dans la Medina réduisant la quête d’Alhaj à quelle déambulations dans les ruelles de la ville ; quand les scénaristes ont fait bouger le récit dans la deuxième partie, le film n’a pas eu les mêmes échos chez le public (l’explication par le rapport à l’espace n’est pas exclusive).
Cette sédentarisation du récit filmique marocain n’a pas été acquise d’emblée ; notre cinéma à l’instar des cinématographies nationales similaires est né sous le signe de la dichotomie de l’espace : la ville versus la campagne. Pendant longtemps, le récit filmique voyageait entre deux espaces proposant par conséquent un héros clivé partagé entre l’ici et l’ailleurs. Cet ailleurs a été illustré par un désir de rejoindre la ville, horizon d’une vie différente. La figure emblématique de cette dualité a été sans conteste Abika, le personnage principal du film Les cendres du clos (film collectif, 1976).
La ville qui a été le hors champ désiré, sublimé des années 70 de notre cinéma, entre dans le champ et deviendra le paradigme de la nouvelle écriture dramatique et de la nouvelle errance, le personnage de Yezza dans Youm oulila…. 
Il était une fois Tanger 1995…

L’histoire du FNF trace  en filigrane l’histoire contemporaine du cinéma marocain ; l’évolution de celui-là dit avec éloquence l’évolution de celui-ci. Il en est le thermomètre,  la vitrine et somme-toute le bilan de santé ; l’état des lieux. Depuis quelques années d’ailleurs, le CCM a introduit une nouvelle séquence dans la programmation du festival où il présente le bilan chiffré de l’année cinématographique écoulée. Le bilan esthétique, lui, a déjà commencé dans les discussions, souvent of, dans les différents sites du festival. On n’hésite pas à comparer le rendu  de cette année avec celui des précédentes éditions.
Le hasard de la programmation a ainsi réuni pour les deux derniers jours de la compétition officielle, deux cinéastes qui avaient fait leur baptême de feu lors d’une édition historique du festival national du film, celle de Tanger 1995. Il s’agit de Nour-Eddine Lakhmari et Nabyl Ayouch. En anticipant sur l’issue du festival et l’inconnue du palmarès on peut déjà souligner avec force que Tanger 2013 est la consécration de Tanger 1995, en termes de générations s‘entend. La profession du cinéma avait eu l’intelligence d’ouvrir la programmation du festival aux jeunes marocains de la diaspora. Ce fut alors l’événement de la quatrième édition avec l’arrivée dans la  compétition officielle du court métrage de plusieurs noms qui forgeront très vite une brillante carrière professionnelle et surtout ouvrant la voie à une dynamique qui est aujourd’hui une des plus illustres de la région et du continent. Deux films aujourd’hui à Tanger sont l’emblème de ce renouveau et cet apport générationnel qui est aussi un enrichissement artistique et esthétique : Chevaux de Dieu de Nabil Ayouch et Zéro de Nour-Eddine Lakhmari. Zéro  inscrit son drame dans une configuration urbaine, très marquée esthétiquement, Lakhmari renoue avec une forte tradition qui a influencé tout le cinéma international et en partie la filmographie marocaine notamment autour de ce que l’on qualifierait « les cinéastes de la chaouia » : essentiellement les frères  Dekaoui, feu Reggab… Saad Chraibi, Hakym Noury et Hassan Benjelloun. Et surtout avec  Lagtaâ qui, avec Un amour à Casablanca,  avait, en quelque sorte, lancé l’ancêtre dramatique de Casanégra y compris en termes de réception publique et de polémique autour de certaines scènes ou de certains propos. Le système des personnages élaboré par Zéro nous offre, en outre, une démarche dynamique qui nous rappelle ce que les théoriciens du relationnel appellent « un triangle tragique ». Nous avons  le pôle du persécuteur, le pôle de la victime et le pôle du sauveur. Ce n’est pas un schéma figé. En effet, le protagoniste part de l’un des pôles ; l’antagoniste de l’un des deux autres…Les personnages se déplacent sur le triangle, changent de rôle, entrent en interaction avec un sauveur éventuel.
Dans Les chevaux de Dieu, Nabil Ayouch construit un dispositif  autour de trois problématiques essentielles dans notre paysage culturel : le rapport de l’art au factuel, sinon à l’actualité politique directe, en l’occurrence les attentas de Casablanca en mai 2003 ; le rapport du cinéma et de la littérature avec une adaptation du roman de Mahi Binbine ; la troisième est celle des acteurs. La force du film de Nabil Ayouch est qu’au cœur de ces trois questions, il nous fait des propositions cinématographiques : l’éthique fondatrice de ses choix est d’abord une question esthétique (approche mise en avant déjà et avec brio dans Ali Zaoua). Cela nous met dans la possibilité de formuler des hypothèses de lecture. La première concerne les acteurs : avec la prestation des « comédiens » des Chevaux de dieu on peut dire qu’il n ya pas d’acteurs, il n’y a que de la direction d’acteurs.
Sur la structure du film qui me paraît fonctionner autour de l’articulation de trois moments : le moment sociologique (la mise en place des protagonistes ; l’explication en somme) ; le moment pédagogique (l’initiation à la nouvelle idéologie) et enfin le moment politique (avecle passage à l’action)…nous y reviendrons dans plus de développement
 Bilans et grille de lecture
Les bilans se succèdent et ne se ressemblent pas ; ils sont Néanmoins un moment important de la vie sociale. Pour le festival national du film, depuis quelques années, une séquence est entièrement dédiée à la présentation chiffrée du bilan de l’année. Une pratique arrachée de haute lutte tant la culture de la transparence était un fait inédit et les chiffres, par exemple,  des entrées étaient maintenues dans le secret,  circulaient sous le manteau et livrées au compte goutte. Aujourd’hui quasiment tous les départements de la production et de la profession livrent leurs chiffres à l’opinion publique pour juger sur pièces et non sur des rumeurs.
Cependant, le cinéma ce n’est pas seulement des chiffres et des statistiques, c’est aussi une pratique culturelle, un discours aux connotations sociales. A ce niveau, on peut relever sans risque d’erreur et en termes de bilan, que le discours sur le cinéma, et la cinéphilie d’une manière générale ont plutôt enregistré une régression générale. Je ne dirai même pas un retour en arrière car la cinéphilie avait connu son âge d’or dans un passé pas très lointain portée par la dynamique des ciné-clubs et par la vivacité du paysage culturel d’une manière générale. L’espace réservé à la culture cinématographique se rétrécit au bénéficie du discours anecdotique et du fait divers sensationnel
Cette régression trouve sa parfaite illustration dans le discours critique avec l’émergence d’une  pratique critique insolite : parler d’un film sans l’avoir vu !!!!! Cela ne date pas d’hier, il est concomitant à l’irruption du cinéma marocain dans le champ social comme expression de l’imaginaire. C’était déjà le cas avec Marock et cela revient chaque fois qu’un film bouscule l’horizon d’attente du spectateur formaté par le langage audiovisuel et la nouvelle culture dominante dans les relations sociales.
Et pourtant, une cinématographie émergente ne peut se développer et s’épanouir sans un discours d’escorte qui  éclaire ses zones d’ombre, prolonge dans l’espace public ses interrogations et ses postulats esthétiques et artistiques. C’est d’autant plus vrai que notre cinéma offre une diversité d’approches et de traitement artistique dans les sujets et des thèmes abordés.
La nouvelle édition du FNF a proposé une programmation qui va dans ce sens. L’enjeu étant de trouver la grille de lecture adéquate pour capter cette diversité. Une grille de lecture mouvante et flexible car lire un film n’est pas une pratique de laboratoire mais juste une tentative « parfois vaine de définir l’amour » ou le désamour pour un film.
C’est ainsi qu’on peut voir dans les films les traces de la démarche du réalisateur ; on peut alors détecter «  le cinéaste avocat », celui qui s’en va défendre une cause ( celle des  vieux abandonnés par exemple) ; le cinéaste-conteur qui s’applique à nous raconter et transmettre le plaisir d’une histoire (Aguerrabou, La lune rouge, Youm oulila….) et le cinéaste architecte qui construit avec les outils du cinéma un univers propre (Khouya, Chronique d’une cour de récré…)
Sinon, on peut partir des films et voir le dispositif qu’ils mettent en place pour nous impliquer dans le discours filmique ; la mise en scène étant généralement, et à la base, la mise en scène d’un regard. On a alors une nouvelle grille de lecture   avec des films que l’on regarde c’est-à-dire qui restent au niveau physiologique de l’œil (Elferdi) ; des films que l’on voie ; au sens quand on dit « je vois » pour dire j’ai compris (Zéro, Les Chevaux de Dieu) et qui impliquent une dimension intellectuelle, un échange avec le spectateur ; et il y a les films que l’on contemple, ceux qui nous transportent dans un au-delà (Imlchil, Khouya…)









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