mardi 30 mai 2017

Ramadan, l’hygiène du corps et de l’esprit


  " Si tu n’espères pas l’inespéré, tu ne le trouveras pas "
Héraclite
 



Le mois de Ramadan ouvre une séquence toujours chargée d’insolite dans la configuration du quotidien. Certes, c’est un rituel porté par une dimension sacrée immuable qui en fait un moment de grande ferveur religieuse ; mais la religion n’est jamais un acte " gratuit ", coupé de son environnement social et culturel. Elle prolonge  toujours d’une manière ou d’une autre ce qui nourrit l’horizon d’attente des croyants. Ce mois est, non seulement un geste inscrit dans l’ordre sacré où les signes de religiosité bénéficient d’une visibilité exceptionnelle,  mais c’est une visibilité socialisée, sommes-nous tentés de dire.
Dans la tradition marocaine, on peut même parler d’une certaine spécificité qui renvoie à la fusion du sacré et du profane ; fusion illustrée par les délices de la table du ftour et par l’expression galvaudée en ce mois, " Ramadan karim ", Ramadan mois généreux ; la générosité étant ici comprise dans son sens large, celui du don qui inclut le recevoir. Autant la pratique religieuse envahit l’espace publique, autant elle  est portée par une soif de vie, par un désir de voir, de lire et de connaître. La rue ramadanienne est emblématique de cette métamorphose du moi social. Elle est d’abord duale ; celle du jour et celle de la nuit. Toute la journée semble être tendue vers ce moment crucial de la rupture du jeûne. Tendu est souvent à prendre au double sens du mot y compris dans sa dimension psychologique. Une tension qui se convertit comme dans une histoire de fée en une convivialité généralisée qui marque les relations sociales. La nuit s’offre alors à un commerce des sens.
Plusieurs indicateurs concordent pour dire aussi que c’est le mois où la lecture  retrouve ses droits. La consommation des signes culturels est en effet importante pendant cette période : la télévision notamment devient un objet de prédilection. La presse écrite adopte des formules appropriées pour répondre à une demande accrue en matière de diversité rédactionnelle. On retrouve aussi des expositions de livres, des conférences, des concerts... Chaque mois de Ramadan offre la possibilité de cette pause spirituelle propice au débat, à l’Ijtihad. Des publications de fond sont éditées, des théories sont débattues, des monographies sont mises à jour. Les réseaux sociaux prennent une autre coloration au niveau iconique et scriptural.
  On peut dire alors, avec toutes les précautions de rigueur, que la pensée est retrouvée. On ose espérer que ces retrouvailles donneront l’occasion à une introspection, à un échange utile et fructueux sur l’état de la pensée aujourd’hui dans la sphère culturelle qui se nourrit de la tradition islamique. Des intellectuels ont pris le devant pour appeler, entre autres, à une attitude intellectuelle critique pour libérer la pensée des pesanteurs de la mythologie historique. Il est temps de penser la pensée pour libérer nos sociétés de " l’arrogance de l’ignorance institutionnalisée " pour citer feu Mohamed  Arkoun qui rappelle avec pertinence  qu’un nombre impressionnant d’acteurs sans formation scientifique, ni culture religieuse, s’autorisent à intervenir avec une arrogance proportionnelle à leur ignorance, pour satisfaire à l’obligation qui incombe à chaque musulman de " commander le bien et corriger le mal ".
L’idée formulée dans l’hypothèse d’une pensée repensée est le rétablissement de l’esprit critique dans notre paysage intellectuel ; une façon d’être conforme avec l’esprit du mois sacré visant à la protection de l’hygiène spirituelle de l’âme.


vendredi 26 mai 2017

Hitchcock et l’adaptation



Le festival universitaire international du cinéma et de la littérature (FUICLA) organisé par la faculté des lettres de l’université Ibn Zohr d’Agadir a remis au devant de la scène la question récurrente de l’adaptation. Récurrente du point de vue de l’histoire du cinéma mais aussi eu égard à sa pertinence dans le débat sur le cinéma marocain. En effet, beaucoup de malentendus, sinon de clichés, ont « pollué » un éventuel échange entre les acteurs de deux champs d’expression. On a même avancé que les cinéastes boudent le roman marocain, notamment dans sa version arabe. Au-delà de cette polémique, revisitons quelques repères historiques. Je propose en premier lieu le mot que j’avais publié dans le catalogue de la première édition du FUICLA, mot que j’avais intitulé, en me référant implicitement à Pasolini, « des graphèmes aux cinèmes » ; tout en étant conscient qu’il n’ y a pas d’art pur (dixit Bazin ?), car il y a beaucoup de graphèmes dans les cinèmes et des cinèmes dans les graphèmes ; c’est pour cela peut-être que j’ai ajouté comme en sous-titrage « la transhumance des signes », motivé peut-être par mes retrouvailles avec mon sud natal, pays de transhumance et d’émigration,  ou par ma conviction que le nomadisme est désormais le paradigme incontournable des tempes modernes ; un retour aux sources de l’humanité qui est née nomade, n’est-ce pas ?
Les signes sont des éternels nomades ! Ils voyagent entre les formes et les linges ; entre les couleurs et les sons ; entre les supports et les medium…quand ils ne sont pas eux-mêmes le signifié de leur signifiant. Agadir et sa faculté des lettres proposent de les croiser comme un carrefour des signes ; aller à la recherche du scriptural dans l’iconique et l’iconique dans le scriptural.
La question de la transposition, concept que je préfère celui de l’adaptation a rencontré très tôt le cinéma. Puiser dans le patrimoine dramatique universel (théâtre et roman) a constitué d’emblée  la voie royale pour passer du cinématographe au cinéma, du spectacle forain destiné à la plèbe au septième art. Plus tard quand sa légitimité artistique et culturelle fut assurée, le cinéma pouvait non plus « adapter »  mais « dialoguer » sur des bases autonomes avec les chefs-d’œuvre de la littérature et de théâtre. Sans garantie de résultat. La renommée d’n roman n’est pas une assurance pour un succès. Tout dépend de l’apport du cinéaste lui-même. Albert Camus a refusé de son vivant l’adaptation de son roman L’étranger. Quand Visconti réalisa sa version du roman de camus, ce ne fut pas son meilleur film.
Aujourd’hui, les étudiants nous invitent à revisiter ce débat passionnant grâce à l’initiative de l’université Ibn Zohr. Ils ont eu l’intelligence de le faire sous  la tutelle de figures historiques du cinéma et de l’enseignement du cinéma (Lagtaâ, Bénani, Chapouillé). C’est un geste hautement symbolique qui renvoie à la noble tradition académique, celle du partage et de la transmission dans le respect et la reconnaissance à l’égard des maîtres et des aînés. Cela est de bon augure pour ce jeune festival prometteur.
Ceci dit (et écrit) et toujours dans le cadre de ce volet théorique, il m’a semblé utile de rappeler la position exceptionnelle de Hitchcock que j’ai lancée comme une boutade sur ma page facebook et qui a suscité l’intérêt et le débat de beaucoup de mes amis ; le maître du suspense a dit en effet qu’en matière d’adaptation, il vaut mieux choisir un mauvais roman ! Dans son célèbre entretien avec François Truffaut, il explicité davantage sa position en la résumant dans cette affirmation : « je n’adapterais jamais un roman de Dostoïevski ».  Contrairement à ce que l’on pourrait hâtivement penser, ce n’est pas pour des raisons techniques, sur la capacité intrinsèque du cinéma, par exemple, à se mesure à des chefs-d’œuvre : c’est plutôt pour des raisons éthiques. Dans l’œuvre de Hitchcock il y a beaucoup de films adaptés de romans, de nouvelles, de pièces de théâtre. Mais comme le rappelle Truffaut, ce sont souvent des textes qui relèvent de la littérature récréative, populaire. «  Ce que je ne comprends pas, c’est que l’on s’empare réellement d’une œuvre d’un bon roman que l’auteur a mis trois ou quatre ans à écrire et qui est toute sa vie…on tripote cela et on se retrouve candidat aux oscars ». C’est donc par respect au chef d’œuvre qui a trouvé sa forme finale, parfaite dans son mode d’expression originel. Quelle est alors sa démarche ? « Je lis une histoire seulement une fois, quand l’idée de base me convient, je l’adopte, j’oublie complètement le live et je fabrique du cinéma ». Résumons : Adopter et non pas adapter et puis surtout fabriquer du cinéma. Salu Maître !








samedi 20 mai 2017

Des graphèmes aux cinèmes…


La transhumance des signes


Les signes sont des éternels nomades ! Ils voyagent entre les formes et les linges ; entre les couleurs et les sons ; entre les supports et les medium…quand ils ne sont pas eux-mêmes le signifié de leur signifiant. Agadir et sa faculté des lettres proposent de les croiser comme un carrefour des signes ; aller à la recherche du scriptural dans l’iconique et l’iconique dans le scriptural.
La question de la transposition, concept que je préfère celui de l’adaptation a rencontré très tôt le cinéma. Puiser dans le patrimoine dramatique universel (théâtre et roman) a constitué d’emblée  la voie royale pour passer du cinématographe au cinéma, du spectacle forain destiné à la plèbe au septième art. Plus tard quand sa légitimité artistique et culturelle fut assurée, le cinéma pouvait non plus « adapter »  mais « dialoguer » sur des bases autonomes avec les chefs-d’œuvre de la littérature et de théâtre. Sans garantie de résultat. La renommée d’n roman n’est pas une assurance pour un succès. Tout dépend de l’apport du cinéaste lui-même. Albert Camus a refusé de son vivant l’adaptation de son roman L’étranger. Quand Visconti réalisa sa version du roman de camus, ce ne fut pas son meilleur film.
Aujourd’hui, les étudiants nous invitent à revisiter ce débat passionnant grâce à l’initiative de l’université Ibn Zohr. Ils ont eu l’intelligence de le faire sous  la tutelle de figures historiques du cinéma et de l’enseignement du cinéma (Lagtaâ, Bénani, Chapouillé). C’est un geste hautement symbolique qui renvoie à la noble tradition académique, celle du partage et de la transmission dans le respect et la reconnaissance à l’égard des maîtres et des aînés. Cela est de bon augure pour ce jeune festival prometteur.










dimanche 14 mai 2017

Hicham Lasri expose


Casablanca comme expérience graphique
Le cinéaste Hicham Lasri est  à l’institut français de Casablanca, à partir du 10 mai, cette fois comme dessinateur-graphiste-auteur de livre. Autour du thème Fawda, le cinéaste nous livre en signes scripturaux et icono-graphiques sa vision de la ville, de l’espace et des êtres qui se cherchent entre dessein et dessin. Entretien exclusif.
Mohammed Bakrim




Après le roman graphique Vaudou, tu viens d’inaugurer une exposition et de présenter un livre autour de Fawda, une nouvelle expérience graphique ; comment pourrais-tu nous présenter cette nouvelle exposition et le livre qui l’accompagne ?
FAWDA est un projet qui m’a occupé les 3 derniers mois, il s’agit de donner naissance à un corpus composé d’une exposition comprenant l’accrochage de planches originales, de créer une sorte de papier mural pour les soutenir et aussi de marquer le coup en sortant mon 2e roman graphique après Vaudou édité en 2016 par Le Fennec. Il est clair que j’ai trouvé beaucoup de plaisir à créer Vaudou et j’avais envie après la fin de la postproduction de HEAdbANGLullaby de continuer à creuser le sillon entamé avec Vaudou et même certains de mes travaux pour le digital (No Vaseline Fatwa ou Bissara Overdose). Fawda, le roman graphique a bénéficié aussi d’une méthode de fabrication totalement handmade grâce à ma collaboration avec les Editions Kulte, et cette méthode a apporté à mes planches, mes textes et mes collages un supplément d’âme injecté par la machine et la technique risograhique…
Je trouve géniale de prendre ce qu’il y a de meilleur dans cette époque digitale pour faire des créations analogiques, on parle toujours de la crise de livre ou des lecteurs et je trouve important de construire des murs avec des œuvres de créations, que cette création soit personnelle, anticonformiste, en dehors des tendances, de l’asservissement au « flavor of the day » et du coup de cette singularité qui m’est très chère.
Mais Fawda, vient aussi d’un malaise : Depuis quelques temps j’ai le sentiment que tout nous pousse à prendre une position « politique » sauf que je ne suis qu’un artiste et un artiste est plus fort que tous les politiques, un artiste est un créateur ex-nihilo d’une vision du monde, je préfère prendre une position Ethique et non politique.C’est le genre de chose qui déplait aux idéologues et à leurs larbins, donc j’essai de m’extraire au maximum à la gravité et à l’air vicié qui m’entoure : la plupart des réalisateurs ne font rien de personnel. Ils sont toujours les esclaves de ce système (publicitaire, institutionnel…) qui les pousse à répondre à la « commande » mais ne font jamais « œuvre personnelle ».
Je trouve triste ces stars de cinéma qui ne font que des publicités,
Je trouve triste ces réalisateurs qui ne font que des web-séries professionnelles, ces réalisateurs qui ne font que des pantalonnades en espérant que ça va attirer le public du Mégarama, ceux qui font exclusivement des travaux de commande avec très peu d’investissement et finissent par se perdre dans la moissonneuse batteuse du
Je trouve triste les chanteurs obligés de chanter comme des charretiers (les paroles affligeantes type Derti Lia Teyyara et autres insultes du Hammam – et c’est le créateur de Bissara Overdose qui le dit)…
Personne ne fait rien pour la gratuité du geste, de l’art, pour la poésie du storytelling et c’est quelque chose que je trouve effrayant…
Je réalise que ceux de ma génération ne sont que des esclaves, des galériens, et ma crainte, ma hantise : quand la poussière retombera on n’aura accompli rien qui puisse supporter la comparaison avec les génération Hassan 2… je ne suis ni nostalgique, ni réac, mais comme le chante si Bien Léo Ferré : le désespoir est un forme supérieure de la critique… voilà pourquoi Fawda !
1)      Quel est ton rapport au dessin et à la graphie ? Une passion en liaison avec tes lectures d’enfance ?
La bande-dessinée est un des piliers de mon enfance. J’ai cinq frère et sœur, mais j’ai passé une enfance solitaire, courbé sur les livres, les pages que je noircissais avec mes histoires, mes nouvelles depuis mes 10 ans et la bande-dessinée était toujours quelque part autour de moi, à travers les antiques publication Lug (Strange, Nova, Mustang) ou les Fumetti (Swing, Rodéo,Bleck Le Roc) mais aussi les traductions des certains BD en arabe (Grendizer, Tarzan, Conan le Barbare…) après, il y a eu le télescopage avec Alan Moore et la BD anglaise… Il ne faut jamais oublier que je suis un enfant des Années 80 (avant l’avènement de 2M, avec la RTM qui commence à 18h30 et se termine à 23H, la rareté des images en mouvement a été remplacée par les cases de bande-dessinée de mauvaise qualité sur du mauvais papier (on parle de vintage maintenant) donc, ma soif de Storytelling et mon envie de métafiction découle totalement de ce environnement que je peux qualifier comparer à un « écran noir ». D’ailleurs dans tous mes films, on commence presque toujours avec un écran noir comme pour marquer ce moment pré Big-Bang, ce moment d’avant l’explosion qui préfigure l’univers quantique qui sera en expansion – donc générant des images : les étoiles, les nébuleuses, les planètes… - donc pour répondre de manière plus pragmatique : la lecture et la bande-dessinée et Metallica ont sauvé ma vie.
2)      Comment tu gères le rapport cinéma/dessin : les personnages sont identiques ; des transpositions d’un univers à l’autre ? Tu dessines tes plans avant de les filmer ?

Je suis un littérateur, tout commence avec le choix chirurgical du mot et de la définition, après rien ne change quand j’écris un scénario de film, un scénario de sitcom, de Bissara Overdose ou une bande-dessiné : je reste fidèle à mes obsessions mais je change de méthode de travail pour ne pas m’ennuyer. Je ne peux être créatif que si je travaille sur plusieurs projets en même temps, donc quand je travaillais sur HEAdbNAGLullaby en postproduction, j’avais le temps de dessiner tous les jours deux planches de Vaudou, maintenant que je travaille sur la postproduction de Jahilya – mon 6e long-métrage – j’ai trouvé le temps de faire 200 planches. J’essaie d’éviter de centrer mes travaux graphiques sur des personnages, pour être dans des espaces, des moments, des digressions, des gestes, ça permet à la fois une liberté et aussi une sorte de spontanéité. Avant, j’étais obsédé, comme tous jeune réalisateur, par l’idée de contrôle et donc de storybaord, maintenant, je trouve beaucoup plus amusant d’être en glissement ou en dérapage contrôlé quand il s’agit de faire un film. Je structure mon film de manière rigoureuse, mais je laisse des interstices pour laisser entrer le miracle de la vie, ce que le tournage apporte comme âme, comme négation, comme lumière, c’est les même interstices que je laisse pour le regard « spectatoriel » : comment laisser chaque spectateurs investir le film et ne pas le traiter comme du bétails qu’on fait traverser le récit comme si c’était un parcours fléché ou un enclos pour passer la douane :  pas de visa pour l’émotion et l’imagination…

mercredi 3 mai 2017

Je ne suis pas votre nègre de Raoul Peck

Une leçon de documentaire
« Je ne peux pas être pessimiste car je suis vivant »
James Baldwin



On parle beaucoup de documentaire au Maroc. On peut même dire que nous assistons à une inflation en la matière : des festivals lui sont dédiés ; des projets sont montés de toutes pièces pour bénéficier des aides publiques en la matière ; notamment depuis l’instauration d’un guichet dédié aux films sur la culture hassanie. Un premier constat s’impose : toute cette effervescence, hélas, se fait au détriment du documentaire. Beaucoup d’observateurs notent que nous sommes plutôt en présence de reportages déguisés. La télévision y est pour beaucoup : une chaîne du Golfe a ainsi formaté toute une acception du documentaire et la deuxième chaîne marocaine l’a suivie sur cette voie de banalisation d’un genre noble. Seul le cinéma peut être à la rescousse. Le cinéma qui continue à être la patrie de la légitimité artistique du documentaire.
Dans ce sens, c’est en visionnant des films documentaires destinés à la salle de cinéma que les jeunes (et les autres) documentaristes marocains peuvent libérer leur regard du formatage audiovisuel pour une approche ontologique du film documentaire qui puise ses sources premières dans les oorigines du cinéma.
L’opportunité de l’actualité cinématographique présente l’occasion de découvrir un excellent documentaire qui réhabilité justement le genre et lui restitue ses lettres de noblesse. Il s’agit de Je ne suis pas votre nègre du cinéaste Hatien Raoul Peck. Le film a été primé à Berlin, il a été sélectionné dans la liste finale de l’Oscar du meilleur documentaire ; sorti aux Usa , il a connu un immense succès public et  critique. Sa sortie en France est prévue en début mai ; espérons qu’un distributeur marocain aura l’intelligence de le proposer au public d’autant plus que le thème et le contenu du film rejoignent un référentiel culturel universel. Raoul Peck, minsitre de la culture de son pays, président de la célèbre école de cinéma parisienne La Femis est l’auteur de plusieurs films, documentaires et fiction, qui ont suscité un vif intérêt. Avec Je ne suis pas votre nègre, il nous offre une œuvre forte, un cri de colère, portée par un travail cinématographique qui  peut passer pour un master class en la matière. A l’origine de l’idée du fil un manuscrit du célèbre écrivain américain James Baldwin (1984-1987) ; un script qu’il voulait consacrer à ses trois amis Martin Luther King, Malcolm X et Medgar Evers : trois figures de la conscience noire américaine et qui ont tous un point commun, ils sont tous les trois morts assassinés alors qu’ils avaient moins de 40 ans. Le projet n’a pas abouti. Et Raoul Peck l’a réalisé en suivant les traces de James Baldwin. Le fil conducteur est le texte rédigé par l’écrivain américain qui a vécu un certain temps à Paris (une sorte d’exil) avant de décider revenir dans son pays. Le texte est très beau lu dans la version américaine par Samuel L. Jackson et en français par  Joeystarr, le célèbre rappeur français.
A aucun moment le film ne verse dans le docu-fiction ; les images d’archives montées avec des images socilogiques de la vie américaine et avec des extraits éloquemment montées de films hollywoodiens. Il n’y a pas de témoignages en dehors des interventions de James Baldwin lui-même dans différents lieux publics. Des documents officiels comme les rapports du FBI sur l’écrivain sont restitués visuellement. Et la bande son offre une richesse qui reflète la réalité plurielle de la société américaine. Deux moments forts du film : quand le film confronte dans un montage explicité les propos de Bobby Kennedy (minstre de la justice à l’époque) sur la possibilité de voir un jour un président noir à la tête des Usa et la réponse époustouflante de James Baldwin.
Ou  encore quand il résume toute la problématique raciale dans ces deux visages qui renvoient à deux niveaux d’expérience : le blanc Gary Cooper et le noir Ray Charles.  Deux figures qui renvoient à cette réalité que l’apathie et l’ignorance contribuent à faire perpétuer et que résume James Baldwin : toutes les nations sont empêtrées dans leur prétendu humanisme.



Albachado de Hassan Aourid

  L’intellectuel et le pouvoir ou la déception permanente ·          Mohammed Bakrim «  Avant d’être une histoire, le roman est une in...