mercredi 3 juin 2009

cannes 2009


Le cinéma plein les yeux
Il fait beau sur la Croisette, les plages sont magnifiques sur la méditerranée mais c'est le cinéma qui détermine les comportements, les gestes…le mode de vie et les affaires bien sûr. Un festival de cinéma de l'envergure de Cannes est une aubaine économique. Le chiffre d'affaires confirmé pour 2009 tourne autour des 300 millions d'Euros pour une édition ayant démarré avec quelques incertitudes et la hantise des effets secondaires de la crise financière internationale. Mais très vite les choses sont rentrées dans l'ordre et Cannes est redevenu Cannes avec une caractéristique qui le distingue et fait sa marque de fabrique indélébile: la cinéphilie. On peut relever le côté stars et paillettes qui lui donne un certain charme souvent inaccessible pour le badge lambda, être agacé de l'organisation trop compartimentée sinon trop rigide mais Cannes reste la capitale de la cinéphile internationale, le rendez-vous des passionnés de cinéma, tout le cinéma. Une scène parmi mille: je coche sur mon programme d'aller voir le film, Amreeka de la palestino-américaine Shirin Dabis (une délicieuse comédie sur l'altérité). Il est programmé dans le cadre de la Quinzaine des réalisateurs, une section cannoise parallèle à la sélection officielle; c'est le creuset de la création internationale auréolée cette année par l'arrivée de F.F Coppola qui y a présenté son film en ouverture. Et bien imaginez qu'il m'a fallu patienter dans une longue file pendant près de deux heures pour être sûr d'accéder à la salle. Même scénario pour toutes les salles, tous les jours et tous les genres de cinéma. Une foule de toutes les générations portée par le même souffle celui de tomber sur la perle rare. Il faut dire à ce niveau que cette année et d'un point de vue strictement cinéphilique, les sections, disons mineures, sans jugement de valeur: Un certain regard, la Quinzaine et la semaine de la critique ont été des rivières charriant des perles au moment où la section phare, la sélection officielle a été portée par des vagues de polémiques et d'interrogations profondes sur l'état de la cinématographie mondiale. Et pourtant sur le papier quand le dynamique délégué général du festival, Thierry Frémaux avait annoncé les vingt films sélectionnés pour 2009, les observateurs avaient affiché une certaine satisfaction étant donné l'assurance tout risque que représentait la présence de certains noms familiers de Cannes et surtout ayant habitué leur public à des surprises agréables: Almodovar, Ken Loach, Lars Von Trier, Haneke…ou Quentin Tarentino…cette fois ce ne fut pas toujours le cas. Chaque film donnait lieu à des avis partagés.
Quand j'arrive à Cannes, le festival ayant déjà démarré, mes amis et collègues de la critique m'harcèlent de questions : "as-tu vu le dernier Lars Von Trier?"."Il faut absolument aller voir "Antichrist". Le film du rebelle danois a mis Cannes en émoi et a partagé le microcosme cinéphile habitué à des vénérations collectives. Le test dans ce sens est la séance de 8H30 celle où le gotha de la cinéphilie mondiale vient donner le ton de la journée avant les fastes de la montée des marches. Lars Von Trier n'a pas ménagé ce beau monde. Le film est une descente aux enfers. Tout commence pourtant sous des signes prometteurs avec une très belle scène d'ouverture du point vue esthétique de l'image et de la chorégraphie, accompagnée d'une somptueuse musique; un couple fait l'amour d'une manière intrigante (la salle de bain?); la caméra pivote vers la chambre à coucher pour nous faire découvrir un enfant qui vient de se réveiller. Le parallèle commence à inquiéter. L'enfant, en fait, un bébé, se dirige vers son jouet situé au bord de la fenêtre…la mort arrive en choc : la chute de l'enfant ne nous est pas épargnée. C'est délibéré de la part de l'enfant terrible de Dogma; cela en effet va mettre en place le traumatisme initial qui va entrainer le couple très loin dans une introspection d'une violence inouïe…Le film sera descendu par une grande partie de la critique française qui va opter plutôt pour Prophète de Jacques Audiard (belle prestation de jeunes comédiens d'origine maghrébine). Autre rendez-vous raté avec la critique Etreintes brisées de Pedro Almodovar. Un scénario qui puise dans le cinéma l'argument d'un mélodrame à trois un cinéaste qui tombe amoureux d'une actrice qui vit sous l'emprise un riche sexagénaire. Le cinéma dans le cinéma est toujours un exercice intéressant mais le film séduit et ne convainc pas. La surprise radicale vient de Quentin Tarentine avec son extraordinaire The Inglourious besterds qui nous transpose dans la France sous l'occupation nazie pour réécrire l'histoire à sa manière sans souci de vraisemblance. Cela donne un magnifique exercice de revanche du cinéma sur l'histoire. Un autre enfant doué du cinéma revisite l'histoire à la première personne, le palestinien Elia Suleiman et son The time that remains: un récit autobiographique qui n'hésite pas à brosser un tableau satirique d'une tragédie sans fin. De l'humour noire face au ridicule de la guerre de libération arabe de 1948 ou encore des gestes burlesques face au mur de séparation israélien…une comédie douce amère, mine de rien optimiste. La palme d'or décrochée par Le ruban blanc n'est pas "seulement?" un signe de la présidente du jury à l'égard de son cinéaste fétiche Michael Haneke; non c'est une récompense méritée et largement. Le film dans un noir et blanc époustouflant cerne les racines du mal à partir de la captation d'événements organisés en micro récits pour s'acheminer vers la tragédie qui pointe à l'horizon. Une dramaturgie du mal au scalpel de la caméra.
Guerre, violence, sexe, religion…la sélection officielle allait être à l'image d'un sommaire de jt d'une banale soirée de télévision, sauf que Jane Campion était là pour son film, mon coup de cœur cannois, Bright star: une émouvante histoire d'amour dans la banlieue de Londres du début du XIX siècle et qui met en scène la figure de proue de la poésie romantique anglaise, John Keats mort à l'âge de 26 ans. Un très beau film, une très belle actrice, des images qui expriment la poésie d'un monde qui s'en va.

Albachado de Hassan Aourid

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