vendredi 24 février 2017

D’Ahmed Sefrioui à Fouad Laroui


Présidents de jury


Le choix d’un président de jury est en soi une indication porteuse de sens, principalement quand il s’agit d’un festival de cinéma. Annoncer le nom du président du jury constitue en outre une séquence à part dans le processus de communication qui  porte l’organisation d’un festival ; autour de cette annonce on focalise déjà l’attention. Un premier signal en somme sur les choix qui marqueront une édition.
L’actualité  du septième art aujourd’hui au Maroc c’est la 18ème édition du festival national du film qui se tient à Tanger du 3 au 11 mars 2017. L’événement phare du cinéma national occasion de la présentation du bilan institutionnel, professionnel et esthétique. La liste des films, longs et courts, en compétition vient d’être annoncée ainsi que les membres des deux jurys. C’est ainsi que l’on apprend que c’est l’écrivain maroco-hollandais, Fouad Laroui qui préside le jury de cette année. On peut déjà dire que c’est un excellent coup médiatique et une bonne affaire pour notre  cinéma. Fouad Laroui est l’une des figures illustres de notre littérature d’expression française ; c’est aussi un chroniqueur prolifique, un capteur de signes attentif aux aléas, aux bêtises voire aux absurdités de la vie quotidienne d’ici et d’ailleurs. Son œuvre protéiforme (essais, nouvelles, récits, romans…) lui a valu des prix importants. Ses rapports au cinéma sont réels. C’est un cinéphile averti qui a forgé ses premières armes au ciné-club de Khouribga. Son œuvre (celle que nous avons lue) est traversée en filigrane de ce que je pourrai appeler un souffle cinématographique. Je pense en particulier à son sulfureux Les tribulations du dernier Sijilmassi qui propose une belle séquence d’ouverture (l’arrivée à l’aéroport et la décision de rentrer à pied à Casablanca) est prête à un découpage technique pour une adaptation. Mais ce sont des récits qui pointent déjà le genre : un comique qui relève de la satire et du burlesque…Comme pour L’étrange affaire du pantalon de Dassoukine (Prix Goncourt de la nouvelle) qui est en soi un long synopsis à développer. Peut-être que son passage à Tanger sera l’occasion d’en parler avec des cinéastes en quête de sujets.
Fouad Laroui à la tête du jury est une donne qui ouvre cependant un débat sur la pertinence de faire évaluer des films de cinéma par des personnalités extra-cinématographique. Certes, le cinéma pour paraphraser l’autre, c’est comme le football, tout le monde à un avis…mais ici il s’agit d’un rendez-vous professionnel, institutionnel pour dresser le bilan d’une année de cinéma. Le débat est ouvert. Et en la matière, il n’y a pas de loi écrite qui impose un cinéaste, ou un technicien ou un producteur à la tête d’un jury de cinéma. Toutes les propositions se défendent. L’expérience du festival national du film est riche en la matière ; elle se caractérise par un grand ‘esprit d’ouverture sans dogmatisme. C’est ainsi qu’en 1982, lors de la première édition à Rabat (09-16 octobre) c’est un écrivain de langue française, Ahmed Sefrioui (l’auteur de la célèbre La boîte à merveilles : un scénario en instance !) qui a été choisi comme président du jury  de la compétition officielle où il y avait pêle-mêle, long et court, fiction et documentaire.  Pour les 18 éditions du FNF, on compte ainsi la présidence de huit écrivains. Tahar Benjelloun était membre du jury présidée par Farida Benlyazid lors la deuxième édition (Casablanca 1984). En 1991, à Meknès,  feu Mehdi Menjra  a été président. On retrouvera ensuite, Abdellatif Laabi (1995),  Edgar Morin (2012), Abdellah Saaf (2014), Mohamed Berrada (2015), Nour Eddine Afaya (2016)  et Fouad Laroui (2017). 
Par ordre quantitatif, nous retrouverons après les écrivains, six professionnels (producteur réalisateur…) comme président. Deux représentants de la société civile ( Alaoui Mdaghri  à Marrakech en 2001 et Ahmed Ghazal en 2011 à Tanger) un peintre (Mlehi en 2007 à Tanger) ; une seule  fois un critique ( le critique  de cinéma égyptien en 2008 à Tanger).

Le travail qui reste maintenant à mener est de faire croiser le profil socio-professionnel du président du jury avec son palmarès.  Je vous assure alors que le résultat est édifiant et qui ne peut finalement être expliqué que par ce que l’économiste Adam Smith avait  appelé « la régulation par la main invisible  » !

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