Des clichés et des images fortes
L’arrivée de Abderrahim Tounsi dit Abderraouf sur la mythique
scène de la grande salle du palais des congrès fut un moment fort du festival
de Marrakech. Quand il a reçu avec
émotion l’Etoile d’or des mains de l’excellente Hanane Elfadili, je n’ai pas pu
m’empêcher de dire : voilà la revanche du Maroc d’en bas ! Abderraouf avait en effet mis son talent de comique
spontané au service des petites gens et des contrées les plus reculées du pays,
il est enfin réhabilité au temple du
cinéma accédant désormais à une légitimité artistique devant un parterre de
cinéastes qui avaient omis de faire appel à lui quand il pouvait bien être une
tête d’affiche drainant un large public. Lors de cette soirée qui lui a été
consacrée, on le voit jouer justement jouer dans le film de Nassime Abbasi, Mon
oncle. Abderraouf y incarne le rôle titre. Il y était égal à lui-même, sans
besoin de direction, dans quelque chose qui passe pour une comédie sur les
journées infernales d’une actrice en quête du rôle de sa vie. Le film, un
véritable catalogue de clichés qui oscille entre une mauvaise télé-réalité et
le théâtre de boulevard fut la déception de la soirée. Une mauvaise affaire
pour le cinéma marocain et qui tombe au mauvais moment avec la polémique sur
l’absence de film marocain dans les grandes sections du festival. Mon oncle est
apparaît alors comme un argument contre-productif dans ce débat. Si c’est cela
le cinéma de la nouvelle génération, il y a péril dans la demeure.
Mais le cinéma marocain est pluriel y compris dans son mode
de production. C’est le cas avec cet OFNI (objet filmique non identifié) qu’est
Mimosas de l’espagnol Oliver Laxe. Le film est marocain car il a bénéficié de l’avance sur recettes, mais
il est aussi qatari, français…Il a bénéficié d’un accueil critique
exceptionnel. Primé à Cannes (la semaine de la critique) élu meilleur film lors
du dernier festival du Caire avec à la clé le prix du meilleur acteur pour
Chakib Benomar.
Son récit par contre est univrsel. C’est un film des hauteurs ; on y voit un
haut atlas présaharien, vierge en termes iconiques. Tout le film se laisse voir
d’abord comme un hommage à des paysages et des visages ; des visages filmés
comme des paysages et vis versa. Car le scénario n’est pas du genre bétonné, il
est même par moment décousu avec des dialogues surchargés de symboles (muet le
film aurait été plus parlant). La structure dramatique confine au récit
d’initiation mystique. On passe du réel à la mythologie avec à l’horizon la quête
d’une cité (Sijilmassa) disparue. Un Cheikh (incarné majestueusement par Hamid
Fardjad, cinéaste iranien enseignant à l’école de cinéma de Marrakech) veut
retourner chez lui. Il meurt en cours de route, la caravane qui le transportait
est alors livrée à elle-même face au ciel et à un espace perçu comme le
protagoniste essentiel. Il y a quelque chose de récit biblique dans cette quête
de « la Palestine ». Ce n’est pas la moindre ambigüité du film. Des images à
recevoir dans une posture soufie. Mimosas à voir avec le cœur.
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