mercredi 22 février 2017

Mon oncle et Mimosas


Des clichés et des images fortes


L’arrivée de Abderrahim Tounsi dit Abderraouf sur la mythique scène de la grande salle du palais des congrès fut un moment fort du festival de Marrakech.  Quand il a reçu avec émotion l’Etoile d’or des mains de l’excellente Hanane Elfadili, je n’ai pas pu m’empêcher de dire : voilà la revanche du Maroc d’en bas ! Abderraouf  avait en effet mis son talent de comique spontané au service des petites gens et des contrées les plus reculées du pays, il est enfin  réhabilité au temple du cinéma accédant désormais à une légitimité artistique devant un parterre de cinéastes qui avaient omis de faire appel à lui quand il pouvait bien être une tête d’affiche drainant un large public. Lors de cette soirée qui lui a été consacrée, on le voit jouer justement jouer dans le film de Nassime Abbasi, Mon oncle. Abderraouf y incarne le rôle titre. Il y était égal à lui-même, sans besoin de direction, dans quelque chose qui passe pour une comédie sur les journées infernales d’une actrice en quête du rôle de sa vie. Le film, un véritable catalogue de clichés qui oscille entre une mauvaise télé-réalité et le théâtre de boulevard fut la déception de la soirée. Une mauvaise affaire pour le cinéma marocain et qui tombe au mauvais moment avec la polémique sur l’absence de film marocain dans les grandes sections du festival. Mon oncle est apparaît alors comme un argument contre-productif dans ce débat. Si c’est cela le cinéma de la nouvelle génération, il y a péril dans la demeure.
Mais le cinéma marocain est pluriel y compris dans son mode de production. C’est le cas avec cet OFNI (objet filmique non identifié) qu’est Mimosas de l’espagnol Oliver Laxe. Le film est marocain car  il a bénéficié de l’avance sur recettes, mais il est aussi qatari, français…Il a bénéficié d’un accueil critique exceptionnel. Primé à Cannes (la semaine de la critique) élu meilleur film lors du dernier festival du Caire avec à la clé le prix du meilleur acteur pour Chakib Benomar.

Son récit par contre est univrsel.  C’est un film des hauteurs ; on y voit un haut atlas présaharien, vierge en termes iconiques. Tout le film se laisse voir d’abord comme un hommage à des paysages et des visages ; des visages filmés comme des paysages et vis versa. Car le scénario n’est pas du genre bétonné, il est même par moment décousu avec des dialogues surchargés de symboles (muet le film aurait été plus parlant). La structure dramatique confine au récit d’initiation mystique. On passe du réel à la mythologie avec à l’horizon la quête d’une cité (Sijilmassa) disparue. Un Cheikh (incarné majestueusement par Hamid Fardjad, cinéaste iranien enseignant à l’école de cinéma de Marrakech) veut retourner chez lui. Il meurt en cours de route, la caravane qui le transportait est alors livrée à elle-même face au ciel et à un espace perçu comme le protagoniste essentiel. Il y a quelque chose de récit biblique dans cette quête de « la Palestine ». Ce n’est pas la moindre ambigüité du film. Des images à recevoir dans une posture soufie. Mimosas à voir avec le cœur.  

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