Un film amazigh à Berlin
Faut-il traduire, pour un lectorat marocain, le titre du nouveau long métrage de Tala
Hadid, « Tigmi nigran » ? Le film parle une des langues
constitutionnelles du pays, l’amazigh. Et c’est un très beau documentaire qui
sera projeté en avant-première mondiale à Berlin où il a été sélectionné en
compétition officielle du Forum de la Berlinale.
Tigmi nigran (La maison dans la prairie) est le deuxième long
métrage de Tala Hadid. Avec The narrow frame of midnight, elle avait obtenu le
grand prix du festival national du film en 2015. Ce titre énigmatique The
narrow frame of midnight, tantôt traduit par la nuit entrouverte, tantôt par le
cadre étroit de minuit et repris en arabe par « itar allail, le cadre de la
nuit », est à son image ; il n’est pas linéaire ; il se situe en
effet aux antipodes du cinéma dominant puisque le récit qu’il nous propose est
en même temps une réflexion visuelle sur le cinéma, sur la remise en question
de la narration classique. Pour faire vite, c’est un cinéma de la pensée qui
produit des concepts intellectuels à partir de concepts visuels…
Avec Timi nigran, elle opte pour « documentaire » avec
une écriture narrative et visuelle qui lui donne une dimension de poème qui
transcende les genres. Elle a choisi de capter des tranches de vie d’un village
amazigh au fin fond du haut atlas marocain. Après une préparation de plus de
cinq ans et des séjours continus de plusieurs mois auprès de cette famille
humble du Maroc profond, le film est une symphonie visuelle, un geste
d’empathie à l’égard d’une culture. Accompagnant la vie humble au rythme des
saisons avec un point d’orgue le mariage de l’une des protagonistes du film. Le
documentaire est en fait le récit de vie de deux sœurs Khadija et Fatim. C’est
Khadija qui porte le récit puisque elle nous dit comment le mariage de sa sœur
qui est son amie et sa confidente va constituer pour elle la fin de l’âge de
l’enfance et de l’insouciance. Au final, le documentaire est un chant d’amour
dédié à Tamazgha. Ce n’est pas un hasard si cela est l’œuvre de Tala Hadid, qui
est elle-même fille du monde de par son parcours ; outillée pour ainsi
dire pour capter le local dans l’universel et l’universel dans le local !
Elle est, dans sa biographie et dans sa démarche culturelle et cinéphile,
l’incarnation d’un monde globalisé si j’ose dire, puisqu’elle est née à
Londres, a étudié aux Usa et mène des recherches partout où le cinéma bouge.
Aujourd’hui elle a choisi le retour aux sources en s’installant à Marrakech,
ayant un coup de cœur pour le sud profond, celui du Souss et des montages de
l’Atlas. Avec Tigmi nigran, déjà l’année 2017 s’annonce prometteuse pour le
cinéma marocain.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire