mercredi 1 février 2017

Tigmi nigran de Tala Hadid


Un film amazigh à Berlin


Faut-il traduire, pour un lectorat marocain,  le titre du nouveau long métrage de Tala Hadid, « Tigmi nigran » ? Le film parle une des langues constitutionnelles du pays, l’amazigh. Et c’est un très beau documentaire qui sera projeté en avant-première mondiale à Berlin où il a été sélectionné en compétition officielle du Forum de la Berlinale.
Tigmi nigran (La maison dans la prairie) est le deuxième long métrage de Tala Hadid. Avec The narrow frame of midnight, elle avait obtenu le grand prix du festival national du film en 2015. Ce titre énigmatique The narrow frame of midnight, tantôt traduit par la nuit entrouverte, tantôt par le cadre étroit de minuit et repris en arabe par « itar allail, le cadre de la nuit », est à son image ; il n’est pas linéaire ; il se situe en effet aux antipodes du cinéma dominant puisque le récit qu’il nous propose est en même temps une réflexion visuelle sur le cinéma, sur la remise en question de la narration classique. Pour faire vite, c’est un cinéma de la pensée qui produit des concepts intellectuels à partir de concepts visuels…

Avec Timi nigran, elle opte pour « documentaire » avec une écriture narrative et visuelle qui lui donne une dimension de poème qui transcende les genres. Elle a choisi de capter des tranches de vie d’un village amazigh au fin fond du haut atlas marocain. Après une préparation de plus de cinq ans et des séjours continus de plusieurs mois auprès de cette famille humble du Maroc profond, le film est une symphonie visuelle, un geste d’empathie à l’égard d’une culture. Accompagnant la vie humble au rythme des saisons avec un point d’orgue le mariage de l’une des protagonistes du film. Le documentaire est en fait le récit de vie de deux sœurs Khadija et Fatim. C’est Khadija qui porte le récit puisque elle nous dit comment le mariage de sa sœur qui est son amie et sa confidente va constituer pour elle la fin de l’âge de l’enfance et de l’insouciance. Au final, le documentaire est un chant d’amour dédié à Tamazgha. Ce n’est pas un hasard si cela est l’œuvre de Tala Hadid, qui est elle-même fille du monde de par son parcours ; outillée pour ainsi dire pour capter le local dans l’universel et l’universel dans le local ! Elle est, dans sa biographie et dans sa démarche culturelle et cinéphile, l’incarnation d’un monde globalisé si j’ose dire, puisqu’elle est née à Londres, a étudié aux Usa et mène des recherches partout où le cinéma bouge. Aujourd’hui elle a choisi le retour aux sources en s’installant à Marrakech, ayant un coup de cœur pour le sud profond, celui du Souss et des montages de l’Atlas. Avec Tigmi nigran, déjà l’année 2017 s’annonce prometteuse pour le cinéma marocain.

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