lundi 18 janvier 2016

Des festivals de cinéma sans salles de cinéma

Festivals et cinéphilie


Plusieurs indices concordent pour signifier un nouveau constat : le cinéma marocain est en passe de vivre un tournant de sa jeune histoire. Un tournant dans le sens où une nouvelle phase radicalement différente et en tarin mûrir dans l’antichambre du changement. Rien ne devrait plus être comme avant  car un stade ultime  été atteint. C’est comme le processus avéré par les sciences physiques quand l’eau qui bout se transforme en atteignat un certain de degré, se transforme en vapeur. C’est-à-dire change de nature en passant d’un état à un autre.
Et pour le cinéma l’indice fondamental de cette maturation pour passer à un nouvel éta, a été  fourni par l’année 2015 avec les statistiques de l’exploitation, notamment le nombre d’entrées. Pour la première fois dans le processus de la chute des entrées, la barre symbolique du million de spectateurs a été franchie dans le mauvais sens. C’est-à-dire que durant les douze mois et les 365 jours de 2015 ce sont à peine 900 000 spectateurs ont daigné fréquenter une salle de cinéma en payant leur billet.  C’est tout simplement effarant !
Certes, ont attend le bilan officiel de l’année écoulé que le CCM présente à l’occasion de chaque nouvelle édition du Festival national du film. Mais ce premier chiffre est en soi un bilan éloquent. Il résume tous les autres et dévoilent la vacuité, sinon l’absurdité de tous les autres bilans et rend ridicule les autres chiffres.
Moins d’un million d’entrée, c’est un virage historique ; c’est un signal d’alarme qui devrait inciter tous les acteurs du secteur – absolument tous-  à bien contempler cette image que le renvoie ce miroir.
Toute une batterie de questions se bouscule au portillon d’une réflexion objective qui refuse l’hypocrisie et les faux fuyants. Il est temps pour l’autruche de sortir enfin sa tête du sable pour découvrir le désert qui l’entoure. Toutefois si nous sommes étonnés de cette ampleur de la chute, nous ne sommes cependant surpris car les premiers éboulements ont commencé il y a longtemps déjà. Plusieurs paramètres ont été avancés pour en expliquer les raisons avant d’abdiquer devant la réalité amère : la baisse est structurelle.
Il n’empêche que le débat devrait être relancé en affinant le décryptage des chiffres dans leur vérité crue. Occasion pour s’interroger autour de certains paradoxes qui traversent le secteur comme par exemple pourquoi cette recrudescence des activités autour du cinéma ne parvient pas à renverser la tendance ou pour le moins la juguler ? Nous pensons en particulier aux festivals et aux diverses manifestations de cinéma. Il est temps en effet d’interroger ces festivals sur leur apport  réel au cinéma, sur le terrain et non pas dans le discours.  Leur contribution à l’essor de la cinéphilie ; à ramener le public dans les salles de cinéma. Bon an, mal an, le Maroc connaît l’organisation de plus de soixante manifestations dédiées au cinéma et ce à travers tout le pays.  Quelle leur valeur ajoutée en termes de cinéphile, en termes de création et de formation d’un public qui aime le cinéma.
Un festival qui ne parvient pas dans la durée à  créer son propre public, à former autour de lui un noyau de cinéphiles comme une sorte d’écosystème n’a pas/plus de raison d’être. Il serait utile dans ce sens de croiser la carte des festivals et celle des statistiques des entrées.  Le relevé serait ahurissant. On découvrira ainsi que des villes par exemple comptent jusqu’à quatre festivals de cinéma et n’apparaissent même pas dans le bilan des entrées car elles n’ont pas de salles de cinéma !!!! Faut-il rappeler que neuf villes seulement à travers tout le pays qui ont encore des salles en « activité » ?

Tout cela plaide pour une nouvelle approche qui commencerait par sortir de cette hypocrisie généralisée qui préside au commerce entre les intervenants dans le secteur. Un discours faux qui nous enferme sous un voile opaque d’où nous émergeons un jour/un soir pour nous retrouver nus ! Les subventions distillées à une multitude rencontres devraient désormais intégrer ce paramètre : quel rapport avec le public ? Quelle place pour le cinéma dans les finalités de chaque festival ?  

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