Un ange est passé
Son corps gracile et son âme
d’artiste n’ont pas résisté aux balles des terroristes : la brillante
photographe et vidéaste marocaine Leila Alaoui a succombé à ses blessures. Elle
était attablée à la terrasse d’un café à Ouagadougou, le soir d’une journée de
travail, prenant son dîner et conversant via Skype avec sa maman…Quand
l’horreur a fait subitement irruption… « Venez m’aider ! »,
a-t-elle lancé dans un cri d’espoir. Blessée, elle a été hospitalisée et a subi
une lourde et délicate opération au niveau du poumon. Je comptais lui envoyer
un message : « Leila, tiens bon ! » ; simple à l’image de son relationnel et de son mode
de vie : toujours souriante ; toujours disponible. Elle aimait les
gens, les humbles, les sans-grades…et elle n’a pas hésité à transformer cet
amour en passion professionnelle en faisant des images et de la photographie
son langage pour parler le monde.
Elle était venue à Tanger lors
d’un festival de cinéma. C’était en 2009-2010. Je connaissais ses travaux. On a
discuté autour d’un album qu’elle avait consacré à des artistes et
intellectuels marocains. C’est un cadeau aujourd’hui qui m’est cher. Je lui ai
donné un coup de main pour installer ce qu’elle avait appelé « un studio
mobile » où elle avait invité des gens de la profession du cinéma :
cinéastes, comédiens…Je suivais avec admiration sa patience, le temps qu’elle
consacrait à chaque « sujet » ; mettant les gens à l’aise pour
capter le meilleur d’eux-mêmes. Un rapport aux humains que ne nie pas leur
humanité.
Avant d’aller à Ouagadougou,
elle avait assisté à l’inauguration de son exposition à la célèbre Maison
européenne de la photographie à Paris. Une exposition intitulée justement Les
Marocains. Le hasard tragique en a fait son ultime cadeau à son pays et à son
peuple. Leila ayant toujours tenu à célébrer sa diversité enrichissante, avec
des photographies d’une beauté extrême, loin de tout esthétisme artificiel ou
exotisme déguisé.
Leila, repose en paix ; tu
es partie car tu représentes tout ce que ce monde fou abhorre : la beauté,
la jeunesse, l’intelligence, l’altérité positive, l’amour de la vie et des
gens.
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