L’habit ne fait pas
le moine
Après l’été burkini français,
voici l’hiver de la burqa au Maroc ! Les polémiques se suivent et se
ressemblent, dévoilant, cette fois au figuré, la misère symbolique et politique
de notre époque. Il est très révélateur de noter que c’est la femme, le corps
de la femme, qui cristallise cette crise des valeurs que connaissent les
sociétés modernes.
Aujourd’hui, les hostilités
sont ouvertes à partir de ce que l’on rapporte ici et là, dans quelques villes
du pays sur une interdiction du port de la burqa par les femmes. Consigne a été
donnée, en amont, aux couturier et autres marchands de vêtements féminins pour
ne pas proposer cet uniforme qui cache tout le corps de la femme. Un produit, si ce n’est une mode
vestimentaire livrée dans un kit global (qui touche aussi les hommes) avec
l’arrivée dans notre pays de la vague d’un « islam asiatique »,
afghan, pour ne pas dire du Peshawar…Mode et rites qui n’ont rien à voir avec la tradition marocaine en la
matière. Plusieurs éminents cheiks salafistes ont ainsi précisé que ce sont des
pratiques « importées ». « A l’instar de la mini-jupe »,
ajoutent-ils, renvoyant dos à dos ce qu’ils considèrent comme des
hérésies. C’est dans ce sens qu’il fallait lancer le débat. En
effet, face aux dérives extrémistes et fanatiques qui s’expriment dans l’espace
public par des gestes et comportements communautaires exclusifs, la réponse ne
devrait pas passer par des mesures administratives ou sécuritaires. La riposte
au fanatisme devrait être de nature politique dans le cadre d’un vaste projet
de longue haleine culturel et pédagogique.
Le port de la burqa ne répond
ni à un dogme religieux ni reprend une tradition marocaine. C’est une séquence
d’un moment global de reconstruction du religieux dans le champ politique sur
la base d’un islam globalisé. Il est révélateur de constater que ce sont des
hommes qui sont les plus virulents dans leur prise de parole allant même
jusqu’à proposer de produire eux-mêmes
l’uniforme interdit pour le
« distribuer à nos sœurs à qui nous apprendrons à le coudre
elles-mêmes ». De quoi interpeller le mouvement féminin
« laïc » qui devrait s’intéresser davantage à des questions concrètes
du genre : pourquoi des femmes instruites acceptent la polygamie
(l’affaire Choubani) ? Pourquoi des femmes acceptent de s’enfermer
volontairement derrière cette prison ambulante dite « burqua » ?
Une femme qui porte le voile,
le hijab, ou même la burqa…n’est pas toujours une femme soumise, subissant un
diktat machiste ou misogyne. C’est pour de nombreuses femmes, instruites voire
carrément ministres ou parlementaires (suivez mon regard) une manière de
sauvegarder leur féminité dans un espace public devenu hostile et agressif. Il
faut se rendre à l’évidence, triste pour le mouvement féminin soi-disant
moderniste : le repli de nombreuses femmes pour ses formes vestimentaires
particulières est une forme de refuge, un rempart pour pouvoir assumer les
difficultés de la vie active. Il est quasiment impossible pour une jeune femme
habitant la banlieue ou les quartiers populaires de sortir en jupe ou en robe
courte. Elles ne peuvent pas faire cent pas sans qu’une meute de désœuvrés ne vienne
les harceler sous prétexte de
leur faire la leçon. On connaît tous cette image, celle de la femme qui quitte
sa maison en djellaba ; une fois dans le taxi, ou dans l’ascenseur…elle se
remet à l’habit moderne, exigé parfois par son patron…
Il ne faut pas se tromper
d’enjeu et imposer à la société des combats inutiles et auxquelles elle n’est
pas encore prête. Le vrai combat à mener d’urgence est pour une société apaisée
qui réduit les risques de fracture et d’exclusion…pour un système éducatif
performant qui produit des gens cultivés et non des pseudo-instruits. Le combat
se trouve donc ailleurs
Lé régime nasserien en egypte
était allé très loin dans une lutte féroce contre la mouvance des frères musulmans
au point de pendre une de leur figure historique. Mais en même temps ses
universités et son système éducatif reproduisaient leur idéologie contribuant
ainsi à leur former des cadres (médecins, ingénieurs, avocats…) qui vont finir
par s’accaparer la société par un formidable travail de réseaux et récolteront
le fruit mur une fois des élections libres organisées (la victoire de Morsi).
En Tunisie Bourguiba et Benali
ont imposé une forme de laïcité administrative dans l’espace public. Une
fois que ce carcan a implosé avec la
révolution de 2011, on a découvert une Tunisie profonde qui n’avait rien à voir
avec celle européanisée de l’avenue Bourguiba !!!
Nous avons la chance historique
de vivre dans un système politique où le référentiel religieux est garanti par
l’existence de l’institution d’amir al mouminine légitimée de surcroit par
l’ascendance chérifienne du souverain ; une sorte de parapluie qui couvre
la diversité des pratiques religieuses en cohérence avec l’unité de la oumma
marocaine. Une diversité dans l’unité qui favorise l’émergence d’une pratique
de la religion dans la sérénité. L’apparition ici et là de formes qui
paraissent extrêmes ne font que conforter cet esprit de tolérance et d’exercice
de l’altérité. L’acceptation de signes religieux dans l’espace public est la
meilleure manière de contrer l’influence des fondamentalistes.
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