De quelques paradoxes…au cinéma
Ce n’est pas le moindre paradoxe
marocain. Le cinéma en effet, n’arrête pas d’en fournir. Allez, prenons un
dernier exemple que nous offre l’actualité toute chaude. Il y a un « festival » à Rabat qui se
tient sous le label de cinéma d’auteur et qui ne présente cette année aucun
film marocain en compétition officielle. Aucun film marocain ne mérite « le
Prix Hassan 2 » ? Cela rappelle le tennis et le sport équestre mais
c’est bien l’intitulé, très marketing
année 70, du festival du cinéma d’auteur de Rabat. Aucun film marocain au
moment même où la cérémonie d’ouverture de cette édition a vécu une première
insolite, la présence du ministre du département de tutelle (Le hasard a voulu
que ce soit un film turc qui était au programme cette soirée là !).
Insolite car c’est un fait rarissime. Non seulement il était présent mais a
cautionné le festival en prenant la parole lors de la cérémonie d’ouverture ;
ce qui n’est pas encore une fois le moindre paradoxe marocain : voilà un
festival qui se dit indépendant et qui est supposé promouvoir un cinéma
d’auteur indépendant qui choisit de
démarrer, fait rarissime dans la pratique cinéma marocaine, sous le signe du
discours officiel. Discours ministériel qui n’a pas manqué de mettre en exergue
la bonne santé actuelle du cinéma marocain…état de chose que ne reconnaît pas
le festival dans sa sélection officielle puisque aucun film marocain n’a été
inscrit. Allez-y comprendre quelque chose ! Pauvre cinéma
d’auteur…instrumentalisé au service de pouvoirs occultes ou du moins
extra-cinématographiques !
Dans la série des paradoxes, prolongeons
les exemples avec les derniers chiffres publiés par le CCM sur le box office
arrêté au trente septembre dernier. Saluons encore une fois cette initiative louable de
mettre à la disposition des observateurs du paysage cinématographique des
données fiables sur l’état des lieux. Aujourd’hui nous avons les chiffres
concernant les neuf premiers mois de l’année en cours. Ils sont porteurs de
sens à plusieurs niveaux. Ils mettent en avant d’une manière flagrante un autre
paradoxe ; cette visibilité
institutionnelle et statistique du cinéma devient une pratique courante au
moment même où le cinéma devient invisible
dans l’espace social. Avant en effet de lire et de décrypter les performances
réalisés au niveau du guichet par tel film ou tel autre, il faut croiser ces
chiffres avec une réalité structurelle ahurissante : le cinéma au sens
social du mot n’existe plus que dans neuf villes !!!!! La trentaine de
salles encore en activités sont cantonnées dans un espace géographique très
réduit. C’est pour dire que les chiffres obtenus par les films marocains
auraient été d’une autre dimension dans un autre environnement.
Que nous disent ces
chiffres ? Ils confirment une tendance installée maintenant depuis une
décennie, celle de voir des films marocains monopoliser les premières places du
box office. C’est le mélodrame de Ahed Bensouda, Derrière les portes fermées
qui a drainé le plus grand nombre d’entrée avec un chiffre frisant les cent
mille (96 399). Il est suivi d’une comédie, déjà en place depuis trois ans
(Route pour Kaboul de Brahim Chkiri). En troisième place nous retrouvons celui
qui aime se présenter comme « le sultan du box office », Saïd Naciri
avec son excellente comédie Sara. Tiens ! Voilà un authentique auteur
complet qui a échappé au sélectionneur de Rabat : Naciri écrit et réalise
lui-même ses films. N’est-ce pas la
définition même d’un auteur ? En plus, il ne triche pas avec le public.
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