Cinéma et régions
A l’occasion du retour de la
célébration de la journée nationale du cinéma (le 16 octobre), le gouvernement
a fait part de son intention de créer un nouveau fonds d’aide au cinéma, dédié
cette fois aux films hassanis ! Les détails et les modalités pratiques de
cette initiative ne sont pas encore connus, mais les bruits circulent déjà sur
un montant de dix millions de dirhams qui sera alloué à la production de films
ayant pour thème les régions et les provinces sahariennes du sud marocain, et
principalement le genre documentaire. Gageons qu’une nouvelle commission sera
de nouveau lancée pour y réfléchir et une autre sera nommée pour le mettre en
application. L’idée en soi n’est pas nouvelle. La question nationale, en effet,
a de tout le temps été le cheval de bataille de ceux qui, n’appartenant pas à
la sphère professionnelle du cinéma, trouvaient à dire face à la dynamique
actuelle du cinéma marocain. Au parlement, par exemple, des députés qui n’ont
jamais mis les pieds dans une salle de cinéma, reprochent à ce cinéma
« l’absence d’intérêt pour les problèmes nationaux » (sic) et
« l’absence de films sur les pages glorieuses de notre histoire »
(resic). Reproche facile, séduisant à première vue mais ne rapporte pas gros
car il n’est suivi d’aucune proposition concrète, ni surtout d’aucun
argumentaire puisant sa source dans la vie réelle de notre cinéma. Depuis
novembre 2011, cependant, ce discours a trouvé des échos dans les institutions
officielles. Dès la nomination de la commission de l’avance sur recettes, cette
pression et montée d’un cran et la
structure même de la commission a été révisée pour y adjoindre un membre issu
des provinces du sud. Le discours officiel continue ainsi à en faire une sorte
de paravent cachant peut-être une certaine gêne par rapport au cinéma en
général.
Le sujet est cependant autrement
plus séreux et invite à une approche professionnelle, et historiciste ; loin surtout des sirènes
politiciennes et démagogiques. Le traitement de « la question
nationale » ne devrait pas être victime de sa propre promotion. Cela relève
du scénario marocain global qui puise dans l’imaginaire collectif ses thèmes et
sujets de prédilection. Un film sur le sahara doit être l’émanation logique
d’une inspiration dramatique et non la réponse à une commande. On passe alors,
le cas échéant, du cinéma à la propagande.
Combien de sujets traitant de causes légitimes ont été desservis par des œuvres
« artistiques » privilégiant le souci politique au détriment de la
valeur intrinsèque de l’œuvre.
L’expérience de nos voisins de
l’Est en matière de traitement cinématographique de leur histoire est édifiante
à cet égard. Le film Frontieras de Farida Belyazid offre également une
expérience à méditer. Présenté au départ comme un documentaire –coup de cœur,
il a perdu son âme en cours de route au fur et à mesure qu’il bénéficiait de
grands moyens.
Ceci dit, le projet d’initier un
cinéma traitant des affaires spécifiques du Sahara gagnerait à être inscrit
dans une démarche plus vaste s’inspirant de la constitution de 2011 qui
préconise pour notre pays le schéma de la régionalisation avancée. Les régions
sont appelées à être les partenaires privilégiés du cinéma. Pourquoi le Sahara
seul et non le Souss et le Rif aussi ? Regardez le générique d’un film
espagnol ou d’un film français, la région y est omniprésente. Ce sera alors une
démarche globale, cohérente sans discrimination positive ou négative qui mettra
la région au cœur d’un dispositif où il sera question non seulement de produire
des films mais aussi de promouvoir la région
avec des mesures incitatives pour les tournages nationaux et
internationaux ; des aides à la sauvegarde des salles de cinéma
« historiques », à la création de multiplexes moyens (3 à 4 écrans),
de salles polyvalentes de proximité. La région serait alors le moteur d’une
activité cinématographique multiple. Certaines régions disposent déjà d’un
noyau, les fameuses « film commissions ». Elles sont toutes indiquées
à être le levier de cette régionalisation cinématographique, de Dakhla à Al
Hoceima en passant par Taroudant et Khénifra.
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