Une idée de cinéma
Cheval de vent de Daoud Aoulad Syad s'inscrit dans une temporalité spécifique; voir la scène d'ouverture qui propose d'emblée le tempo, avec deux rythmes opposés, le train qui passe à vive allure et une barque qui traverse une rivière...
C’est un cinéma qui restitue un univers traversé d’ombres et de souvenirs ; de
corps fatigués, de décombres. C’est un cinéma qui nous dit cette part de
nous-mêmes réduite au silence ; le silence de ses plans parle éloquemment sur
l’absence qui habite notre mémoire ou notre horizon. C’est parce que c’est
aussi un cinéma qui part d’une écriture solide, le scénario de Cheval de vent
est signé par un poète, Ahmed Bouanani, ce nomade qui nous revient du pays des
mirages. Une écriture de complicité avec Youssef Fadel qui sait traduire les
silences dans des répliques où l’économie du signifiant s’ouvre sur l’incomplétude du signifié. C’est
le récit de deux hommes qui partent à la poursuite d’un vague souvenir. Une
tragi-comédie sur les retrouvailles, car nos deux héros reviennent de loin. Les décombres du passé finissent par
obstruer leur avenir; comme dans Adieu
Forain la quête telle l’attente se révèlent vaines. Les personnages se retournent enfin vers eux-mêmes pour
découvrir que le chemin parcouru n’est pas du temps perdu. L’interprétation est
formidable avec un Mohammed Majd grand dans ses silences, dans le détail de ses
gestes et un Faouzi Bensaïdi toujours authentique et généreux. Latéfa Ahrrare se
découvre dans un mouvement qui nous éblouit, soulignant cet immense talent
encore en friche…Un film qui propose un rythme particulier, celui qui respecte
l’intelligence du récepteur et l’invite à réfléchir. Une idée de cinéma pour un beau film.
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