Crise
de leadership ?
Le court métrage a
souvent fonctionné comme indicateur de l’état de santé global du cinéma
marocain. Son évolution même est à l’image de l’évolution de ce cinéma. Pendant
longtemps, le cinéma marocain était tout simplement réduit à sa production de
court métrage ; durant une bonne partie des années 1950 et des années
1960. Certains observateurs n’hésitent pas d’ailleurs à qualifier cette période
tout simplement de l’âge d’or, non pas du court métrage mais de tout le cinéma
marocain. Notamment dans sa version documentaire. De jeunes cinéastes issus de
la prestigieuse école de cinéma parisienne, l’IDHEC, ayant rejoint le centre du
cinéma marocain ont produit et réalisé des films d’une grande richesse
thématique et visuelle. Inscrit dans un dispositif institutionnel qui en
faisait des films de commande (il n’y avait pas de télévision à l’époque), cela
ne les a pas empêchés néanmoins à faire preuve de créativité et d’imagination
aussi bien dans les fictions à visée didactique que dans les documentaires de
vulgarisation ou de promotion. Des noms comme Benchekroun, Bennani, Afifi,
Lahlou, Tazi, Bouanani, Rechiche…ont marqué cette époque.
Plus tard, avec
l’arrivée de la télévision, l’éclipse du cinéma et le retrait du CCM de la
production directe, le court métrage va être à l’image de la traversée du
désert du cinéma marocain, particulièrement durant la période des années 1970.
Avec l’entrée en
vigueur du système de l’aide publique au cinéma, notamment depuis
l’instauration du fonds d’aide à la production, le cinéma marocain va connaître
un certain décollage, qui ne manquera pas de profiter au court métrage. Une
date à marquer d’une pierre blanche dans ce sens, le festival national du film
de Tanger en 1995. Cette édition va voir débarquer (au sens propre et au
figuré !) une nouvelle génération de cinéastes courtmétragistes qui
donneront à ce format ses lettres de noblesse et lui assurer un nouveau départ.
Il s’agit de Nabil Ayouch, Lakhmari, Lagzouli, Ulad Mhand…On peut parler en
toute logique d’une nouvelle vague portée par un réel désir de cinéma. Une
vague qui sera prolongée et portée au fur et à mesure de l’évolution du système
de production par des figures emblématiques. C’est ainsi que nous aurons
symboliquement des périodes centrée sur tel cinéaste ou tel autre ; autour
duquel gravitent de nouvelles générations issues de parcours diversifiés :
écoles de cinéma, cinéphile, autodidactes... C’est ainsi que nous avons eu,
après la période Lakhmari, une période Faouzi Bensaïdi. A Oujda en 2003 commence
la période Mouftakir qui va nous conduire jusqu’à la fin de la première décennie des années 2000 qui voit arriver
l’ère Aziz Fadili. Depuis lors, c’est le silence plat. Aucune figure n’a réussi
à s’imposer comme porte drapeau de la nouvelle génération de courtmétragistes
marocains. Le court métrage est orphelin, sans leadership.
Certes des noms ont
bien marqué les dernières éditions du festival national du film. Je pense à
Hicham Lasri avant son passage au long métrage, à des cinéastes issus de la diaspora,
lors de l’édition de 2014 en particulier...mais depuis, aucun jeune cinéaste
n’a su imposer une démarche spécifique, l’ébauche d’une vision ou un ancrage
dans une tendance esthétique déterminée. Cela a été confirmée lors des
dernières éditions avec la prépondérance de films portés plus par un jeu
formel, un flou thématique voire un éclectisme esthétique. Au mieux on assiste
à un remake de certains succès cinématographiques au point où l’on pourrait
parler d’un courant post-casagnégra (voir le court métrage récompensé lors de
la dernière édition du FNF). Cela invite certainement à s’interroger sur
l’ensemble du dispositif en vigueur : aide à la production,
formation ; présélection…
L’arrivée de nouveaux
modes de « fabrication des images » et de leur diffusion via le web
notamment est en train de bousculer certainement toute une conception
–classique- du court métrage.
1 commentaire:
Sans omettre que c'est le désir de passer rapidement au long-métrage (vu la réglementation en cours)que la majorité des courts-métrages produits depuis lors ont été tout simplement bâclés,sans aucun souci de qualité ou de profondeur...
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