Adieu Mostafa Mesnaoui
Le cinéaste américain Frank
Capra disait, en toute connaissance de cause : « le cinéma est une
maladie ; le seul antidote au cinéma est le cinéma ! » au point
parfois d’en mourir. Si Mostafa Mesnaoui est mort pour le cinéma, dans le
cinéma. La nouvelle terrible est tombée tôt ce mardi matin. Il était au Caire
pour le festival de cinéma qui se tient actuellement dans la capitale
égyptienne. On le savait
malade. On a parlé au téléphone il y a à peine quelques jours ; je me suis
informé de son état de santé et il m’avait dit qu’il était dans l’obligation de
réduire ses activités. Une façon de parler car Si Mostafa n’était pas du genre
à renoncer. C’était un homme d’action, au service de sa passion, le cinéma et
la culture. Il était justement à Laayoun dans le cadre des festivités célébrant
le 40ème anniversaire de la marche verte où il avait animé une
conférence sur la place du documentaire
dans la réhabilitation de la culture hassanie. Une courte pause à
Casablanca avant de rejoindre les bords du Nil, le Caire…où il avait
rendez-vous avec le destin pour son ultime voyage. Que Dieu ait son âme. Il
avait en effet succombé à une crise cardiaque alors qu’il était à son hôtel.
Mostfa
Mesnaoui est le modèle de l’intellectuel multidimensionnel ; imprégné de
l’esprit du temps. Un citoyen moderne ouvert sur les acquis des progrès
techniques en matière de médias. Enseignant de philosophie ; il était
écrivain, nouvelliste, éditeur, critique de télévision et spécialiste des
nouveaux médias. Mesnaoui a inscrit son activité d’intellectuel dans une
dimension moderniste engagée au service de l’épanouissement de l’esprit
critique et d’ouverture. Acteur culturel depuis sa jeunesse, il était dans le
sillage de la nouvelle gauche dans les années 70. Et il en paya le tribu et
fait partie des victimes des années de plomb. Il était arrêté et emprisonné
(1974 -1976) et dans le dossier d’accusation figurait l’une de ses nouvelles.
Il
a compris très tôt le rôle de la culture notamment dans ses expressions
modernes pour rattraper le retard
historique qui caractérisait notre société. Il s’investit alors à fond dans la
création littéraire ; la critique du cinéma et de la télévision. Il a
aussi crée une structure de traduction mettant notamment à la disposition des
lecteurs arabophones les textes essentiels des sciences humaines en particulier
les textes majeurs de Roland Barthes. En tant que critique de cinéma, il était
l’un des meilleurs connaisseurs du cinéma arabe et il était consultant expert
pour de nombreux festivals dans le monde pour tout ce qui concerne le cinéma
marocain.
Mostafa
Mesnaoui était aussi un grand dramaturge contribuant à l’écriture de plusieurs
sit-com à succès. Il était aidé en cela par un style satirique acerbe, subtil
et ravageur : un caricaturiste du mot. Sous les apparences d’un
intellectuel, philosophe austère, Mesnaoui dévoilait un grand sens de l’humour.
Il était devenu une référence en matière de capter les paradoxes et les
contradictions des mœurs de la nouvelle petite bourgeoisie urbaine. Traquant
avec dérision et distance le tragique invisible des rapports sociaux. Une plume
et un regard qui feront cruellement défaut à un paysage envahi par la bêtise et
la médiocrité. Adieu Si Mostafa et nos condoléances les plus sincères à son
épouse, ses enfants, à sa famille et à l’ensemble de la planète cinéphile.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire