Indigo de
Selma Bergach
Le droit à la singularité
·
« Une
blessure secrète, souvent inconnue de lui-même, propulse l’étranger dans
l’errance »
Julia
Kristeva
Comment affronter l’âpreté du réel ? Au-delà du
réalisme, le cinéma de fiction offre une palette de genres et de sous-genres
pour dire l’indicible. Le nouveau film
de Selma Bergach, Indigo (Maroc, 93 mn, 2019) est justement et dès ses
premières images, porté par une ambition, celle d’instaurer une distanciation
avec le poids du réel qui pèse sur le scénario d’un certain cinéma marocain. Le
film lui-même ne manque pas de faire des clins d’œil à ce cinéma, celui des
années 1990, notamment celui du groupe de Casablanca (Hassan Benjelloun, Hakim
Noury…), en revisitant des figures dramatiques qui ont marqué ce cinéma :
la présence du fquih, la cartomancie, la nuit de la transe, le voyage dans le
car, l’arrivée au souk. Cependant, cela reste au niveau de références qui
assurent au récit un certain ancrage culturel. Le film va prendre une autre
direction, instaurant plutôt des ouvertures, des mouvements qui dessinent les
prémices de cette distance avec le réalisme social préférant flirter par
moments avec le merveilleux et le recours ici et là aux effets spéciaux. Le
thème lui-même offre cette opportunité avec une enfant, Nora, signalée dès le
titre comme Indigo, c’est-à-dire quelqu’un d’exceptionnelle dotée d’un
« troisième œil » qui lui permet de voir ce que les autres ne voient
pas, un pouvoir divinatoire. Une disposition qui la met en confrontation, de
par ses aptitudes et comportements, avec son milieu, familial, scolaire en
particulier. Un milieu familial très réduit et davantage féminin. Nora est
entourée de sa mère, son frère, une vieille voisine et une tante, Mina, tout
aussi exceptionnelle qui va être la véritable complice de Nora. Si Nora est
introvertie, cloitrée et cherche refuge dans l’isolement, dans le noir, Mina
est extravertie, portée sur le mouvement. C’est l’un des personnages les plus
complexes du film. Symboliquement, elle entre dans le récit en venant de
l’extérieur (« Casablanca Beyrouth », lui dit sa sœur en lui ouvrant
la porte en ouverture). Un corps étranger au monde. Elle est souvent filmée au
bord du cadre, au propre et au figuré. On la voit souvent au balcon pour fumer,
ou dans des lieux de transition (la plage, la rue, la voiture…). Un corps
cherchant à résoudre l’équation : comment habiter le monde quand on est
détaché, quand on est singulier. Ce qui la rapproche de Nora avec qui elle va
former un ticket dramatique gagnant. Mina traverse l’espace comme elle traverse
le récit en lui apportant une dynamique. Pour ce faire, elle a recours à un
accessoire qui confirme cette singularité. Sa voiture. « L’accessoire est
tout au cinéma sauf accessoire » ; en effet, il est à la fois décor
et actant. Il est polysémique ; à la fois fonctionnel et porteur de sens.
Il s’inscrit dans une démarche sémiologique offrant ainsi des perspectives de
lecture enrichissantes et éclairantes pour le récit. Tel est le cas de la 4L de
Mina « qui joue » dans Indigo. La voiture rejoint les moyens de
communication omniprésents : téléphone, Skype, fenêtres, portes, escalier,
rues et moyens de transports... Une voiture atypique pour des personnages,
Mina-Nora- atypiques !
A un premier niveau de lecture, la 4L sert à déposer les
enfants au lycée et/ou à les ramener à la maison. La voiture effectue ainsi une
trajectoire somme toute fonctionnelle, entre un point de départ et un point
d’arrivée. Ce faisant, elle ouvre sur une trajectoire qui symbolise une
destinée qui est celle des personnages, notamment Nora. La voiture fonctionne
aussi comme un lieu, un habitacle qui en termes dramaturgiques se présente
comme un huis clos qui renvoie à l’enfermement de Nora. On la découvre en ouverture du film sous le
lit ; elle se cache souvent dans une boîte en carton où on peut lire
« fragile »…Prisonnière d’une destinée gérée d’une manière esthétique
qui renvoie à un cinéma de genre ; il y a quelque chose par exemple de conte,
de merveilleux. Il y a du Shyamalan, celui de Sixième sens !
Dans sa spécificité
matérielle (la marque, le jeu de couleurs de sa peinture…), la voiture indique
d’une manière éloquente la différence, thème fondateur du récit. « Elle
est juste différente » dit Mina à sa sœur Leila, la mère accablée de Nora.
« Différente », en parlant de Nora, Mina parle d’elle-même. Un duo
qui va susciter, chez l’autre (le frère, le professeur…), de par sa
singularité, des réactions de peur, de haine, d’angoisse, voire de
violence…tout le parcours du récit va consister à apprivoiser ces étrangetés
pour accéder à une altérité apaisée. Sur cette voie, le film apparaît comme une
critique d’une certaine modernité. Les hommes en prennent pour leur grade. La
gente masculine n’apparaît pas sous un beau jour : un père absent et
démissionnaire ; au bout du monde (Australie) et ne répond pas aux
questions de la mère ; un jeune frère violent ; un amant qui n’est
pas au rendez-vous. Le comble étant le professeur d’arabe quasi caricature de
la haine gratuite. La médecine moderne n’échappe pas à ce passage en revue
critique ; en contre-champ le récit propose des pratiques thérapeutiques
ancestrales. Mina va être le vecteur qui révèle ses paradoxes et ambiguïtés
d’une société fragmentée. Elle va accompagner Nora dans un véritable parcours
initiatique qui se présente non pas comme un chemin tout indiqué mais comme un
cheminement : dans un plan à la Kiarostami on voit la voiture serpenter
une route de plage en lacets ; tour et détours pour dire la continuité de la
vie. La pluie la nuit et l’eau accentuent la dramatisation de cette quête. La
scène finale du film vient conclure cette recherche, ce voyage intérieur avec ces
beaux plans qui rassemblent les deux héroïnes apaisées, leur voiture avec
l’arrière fond la grande mosquée de Casablanca. Les éléments de réconciliation
(air-terre-eau) sont enfin réunis. Le plan est large, on sort du cadre qui a longtemps
enserré le récit : les cadres des portes, des vitres ; les cadres
sociaux… La caméra peut alors opérer un mouvement ascendant répondant au
mouvement descendant qui avait ouvert le récit.
Le film, malgré quelques réserves (à propos du gros plan par
exemple : le gros plan est comme le caviar, il faut en user avec
parcimonie !) dégage une empathie contagieuse. On sent que la cinéaste se
délecte à filmer ce qu’elle aime : des objets, des lieux et des personnes.
Zanka contact d’Ismaël El Iraqui
Ne pas mourir…
Il y a des accidents qui s’ils ne
vous tuent pas, vous offrent l’occasion de faire la rencontre de votre vie.
C’est le cas de Larsen (Ahmed Hammoud), star de Rock déchue, rentrant au pays
et de Raja (Khansa Batma), prostituée douée d’une belle voix ; l’accident
va ouvrir devant eux la voie à une idylle supposée avoir pour cadre
Casablanca ; c’est en tout cas ce que laisse comprendre le titre du
premier long métrage d’Ismaël El Iraqui : Zanka contact pour les natifs ou
Burning Casablanca pour le point de vue français sur le film.
Le film convoque pour sa réception un
spectateur-complice disposant de codes d’accès y compris à partir du
titre ! Le film lui propose plusieurs pistes de lecture…qui appellent
cependant toutes une culture partagée. Cela peut passer par exemple à travers
la bande son et ses riches références musicales. Ou par la cinéphilie avec un
voyage dans la planète cinéphile où le spectateur avisé construit son plaisir
en glanant dans tel plan ou telle scène…des clins d’œil à des films cultes, des
signes à forte charge culturelles (le serpent, le rapport au père…). Une large
panoplie d’approches sauf celle qui tenterait une lecture sociale comme le
propose une certaine critique qui a cherché à vendre le film comme « un
miroir de la société marocaine aujourd’hui ». Une lecture qui cache mal un
désir d’exotisme qui a alimenté tout un courant de notre cinéma (et pas
seulement) cherchant à promouvoir un cinéma néo-orientaliste où les cinéastes
« indigènes » prennent en charge eux-mêmes, à la place de l’autre, ce
regard exotique.
En effet, la séquence d’ouverture de
Zanka contact, avec ses images aériennes, neutralise toute velléité de
réalisme. On plane au-dessus de ce qui est censée être une ville marocaine, en
l’occurrence Casablanca. L’entrée en scène de Raja renforce cette impression de
superficialité (provisoire) ; une entrée filmée comme un clip nourrie de
Tarantino. Certes, des signes iconiques et verbaux l’inscrivent dans un ancrage
spacio-culturel (un plan rapproché sur Raja lors de l’accident met en avant le
rouge de sa jaquette et l’étoile-pendentif sur sa poitrine : comprendre
Maroc). Ses plans dans le taxi réveillent d’ailleurs chez le cinéphile d’autres
images de prostituées qui se livrent dans un taxi : on peut remonter loin
en citant Casa by night de Mostafa Derkaoui ou tout récemment la scène d’ouverture
de Much loved où le taxi joue le rôle de véritable lieu d’exposition (le
langage tenant lieu, ici et là de véritable indicateur).
Ceci dit, notre hypothèse pour
aborder le film va dans le sens que les personnages de Zanka contact ne se
définissent pas principalement par leur profil sociologique. Ce ne sont pas des
archétypes sociaux, sur qui le film plaque un discours social ou moral. Ils ne
sont pas, par exemple, des voisins de quartier de Casa negra ni même de Much
loved ou de Haut et fort. Je dirai plutôt que ce sont des cousins proches des personnages
de Hicham Lasri ; à l’instar de son jeune ainé, Ismaël El Iraqui met en
scène des extra-terrestres, des zombies (ils reviennent de la mort !).
Avec pour toile de fond une histoire d’amour (n’est-ce pas aussi le cas avec
The end de Hicham Lasri ?). Nous sommes en présence d’un cinéma aux
antipodes du cinéma classique qui va de l’extérieur pour expliquer
l’intérieur ; plutôt donc un cinéma de la modernité qui va du côté de
l’intériorité pour essayer de représenter les traumatismes, la mémoire et la
sensibilité. L’extérieur va être le lieu de projection de ce qui se trame à
l’intérieur !
Zanka contact, en somme, est le récit
d’une rencontre amoureuse. La Medina n’offrant qu’un décor quasi muet, au sens
sociologique. Le récit filmique est davantage tributaire d’un système de
personnages qui évoluent dans une structure dramatique qui confine à la
tragédie. Ce qui assure au film une nouvelle dimension extra-territoriale,
légitimée par ailleurs par ses choix musicaux universels ; avec des clins
d’œil révélateurs : en plein concert Rock, on voit Raja sous
l’affiche du groupe mythique Nass El Ghiwane. Un hommage et une filiation. Des
choix qui autorisent à voir dans Larsen un héros qui n’hésite pas à descendre
dans l’enfer des réseaux de drogue et de prostitution pour reprendre et garder
sa bien-aimée. Larsen, comme Orphée de la mythologie grecque, armé de son amour
et de la force de sa musique va à la quête de son Eurydice/ Raja. Cette
référence antique peut éclairer également la forte présence de la violence à la
fois verbale et physique qui porte le film. L’historien et politicien grec,
Thucydide, avait le premier souligné comment le langage subit lui-même la
violence qui marque les rapports sociaux ; en période de violence et de
guerre (et de terrorisme !) l’ensemble du corps social est pénétré de
cette violence jusqu’à modifier l’usage que nous faisons de la langue. Et le
film en offre une illustration éloquente. En provoquant le spectateur, cette
violence le renvoie à une réflexion sur la violence qui l’entoure et qu’il
consomme dans son quotidien via les médias et les réseaux dits sociaux. Une
scène emblématique du film, va dans ce sens ; celle où le couple (Raja et
Larsen) en fuite rejoint Rokia (Fatéma Atif) ; une ancienne prostituée du
réseau de Saïd (Said Bey), le mac de Raja. Une scène crépusculaire et
cathartique. Tournée comme un western, comme un règlement de compte ;
Rokia y fait d’ailleurs allusion quand elle dit à Said de demander « au
cowboy qui l’accompagne de se calmer ». Crépusculaire car elle synthétise
la fin/ la mort des symboles d’une époque ; « C’étaient les années
80 » dit Rokia à Said ; la mort de son chien incapable d’être à la
hauteur du nom qu’il porte, « Izem », lion en amazigh. Cathartique
avec la scène du feu qui efface tout et annonce le tournant du récit avec le
début de la métamorphose de Said : de l’opposant il deviendra adjuvant.
Changement d’attitude qu’il officialise lorsqu’il assiste à l’enregistrement
(enfin) de la chanson de Raja.
Au-delà du plaisir multi-sensoriel
qu’offre le film, malgré la violence qui le traverse par intermittence, Zanka
contact est construit pour capter cette vitalité et cette intensité qui animent
les personnages. Des personnages pris dans des situations d’extrême urgence de
survie. Une esthétique d’urgence. Des
êtres confrontés le long de ce parcours aux situations de danger ; liés
par la recherche de comment échapper à la séparation et finalement à la mort. Les
deux personnages sont le carburant de l’énergie qui émane du film, tout entier
tendu par un refus : ne pas renoncer ; ne pas mourir. En ces temps
d’incertitude et de désarroi cela sonne comme l’expression d’une lutte, d’une
résilience. Un appel (Raja en arabe) à la résistance.
Mica d’Ismaël Ferroukhi
Partage de territoires
« On ne
s'ennuie jamais quand on tourne avec des enfants. Leur sensibilité, leur pudeur
vous interdit d'en abuser pour les besoins d'un tournage ». François Truffaut
Mica, le nouveau film d’Ismaël Ferroukhi s’inscrit dans une
continuité qui marque une certaine cohérence dans la démarche du cinéaste à
travers notamment le regard qu’il porte sur des questions de société où nous
retrouvons, une constante, celle de l’innocence face aux tumultes du monde. Cela
passe par le recours à une figure cinématographique éloquente, celle de l’enfance.
Celle-ci, depuis le très beau L’exposé (court métrage 1993) est abordée d’une
manière récurrente et confirmée avec Mica fonctionnant comme un élément révélateur
et symbolique.
D’emblée, on peut formuler l’hypothèse que l’enjeu du film est
la construction d’un double regard ; sur le monde à travers le regard de
l’enfant ; et sur l’enfance à travers le regard du metteur en scène. Si
l’enfant, en tant que sujet, continue globalement à faire partie de l’invisible
de notre champ cinématographique, l’aborder frontalement pose une série de
questions relevant de l’éthique et de l’esthétique. Je dirai alors, dans ce
sens, que le regard de Ferroukhi est empreint d’empathie. Il est là avec sa
caméra comme un grand frère (Truffaut des 400 coups !). En suivant Mica
dans sa traversée des frontières sociales, de la banlieue pauvre de Meknès
à un club huppé de Casablanca, il
élabore un univers autour de lui, pour révéler petit à petit son
imaginaire ; ce faisant, il nous fait accompagner son apprentissage
–brutal- violent- du monde. Comment alors est construit ce regard ?
La séquence d’ouverture de Mica décline le programme narratif
du film en deux phases. La première scène, en effet, peut se lire comme une
mise en abyme du récit qui va suivre : on découvre un enfant qui court
dans un milieu (un paysage de campagne, une forêt) auquel il semble vouloir
s’échapper. Cette impression est confirmée par la succession des plans où on le
voit escalader une colline…La scène se clôt par son arrivée au sommet et
signalant par un geste, sa victoire et son triomphe ; après l’effort (la
lutte), la récompense enfin ! Nous sommes en présence d’une métaphore du
chemin qu’il est appelé à parcourir
La deuxième phase de cette éloquente séquence d’ouverture,
nous permet de découvrir le même enfant déambulant au sein d’un marché
populaire où il est vendeur de sacs de plastique. D’où le surnom Mica qui
donnera son titre au familier. Il est familier des lieux, il connaît des gens
(certains marchands par exemple) ; c’est son espace vital. Mais très vite
cet espace va se révéler un lieu où se jouent des rapports de forces qui sont
des rapports de pouvoir : une bande rivale vient chasser violemment Mica
de son espace. Le programme est ainsi décliné : la vie c’est aussi un
partage de territoires ; une lutte pour le garder ou pour se le
réapproprier. Le destin de Mica est de dessiner le sien. Toute la suite du film
s’attellera à confirmer ou infirmer les hypothèses avancées par cette
ouverture.
L’élément déclencheur qui va relancer le récit arrive avec la
maladie du père qui contraint Mica à quitter son environnement d’origine pour
accompagner Lhaj, un ami de la famille (excellent Azelarab Kaghat) vers
Casablanca où il pourra travailler pour subvenir aux besoins de sa famille. Du
coup le film récupère pour l’actualiser, un paradigme fondateur de l’imaginaire
cinématographique marocain, la dichotomie Centre (Casablanca) versus périphérie
(la campagne). Un clivage de l’espace qui annonce un sujet clivé. Pour Mica, le
parcours initiatique né de cette rupture sera appuyé par la mort du père, et prend
une autre dimension avec l’arrivée dans la grande ville. Là aussi, il s’agira
d’un partage de territoires ; géré par une autre forme de violence. La
quête de Mica le mène en effet à la découverte d’un autre milieu, un club de
Tennis où Lhaj est chargé de logistique. Un club huppé fréquenté par la
nouvelle bourgeoisie urbaine et où les rôles et les places sont assignés en fonction
de l’échelle sociale. Lhaj, chargé, du fait de sa fonction, de sauvegarder un
ordre hiérarchique, n’a pas manqué d’ailleurs de lui signifier les frontières à
ne pas dépasser. Les barrières, les grilles, les murs, comme le traçage du
terrain sont là pour lui rappeler sa place. La lutte pour une place autre est
une variante de la lutte des classes. Un symbole révélateur : Mica va
briser par inadvertance la vitre qui le sépare de l’autre monde. Occasion pour
le film de développer une autre métaphore : le terrain de tennis va
évoluer comme un champ symbolique où « les conflits » se déroulent en
fonction d’un certain nombre de règles. Le terrain de sport comme prolongement
de l’espace public où l’application des règles permet l’émergence d’une
nouvelle configuration des rapports sociaux. Mais les règles seules ne
suffisent pas. Comme, il ne suffit pas d’être doué. Mica en fera la douloureuse
expérience au prix d’une certaine humiliation qui le mènera à une forme de
refus et de choix radical (il cherchera à emprunter la voie clandestine de
l’immigration). Pour cette entrée dans l’univers des adultes, il faut des
repères. Deux personnages vont agir comme adjuvants dans cette quête. Un homme
et une femme. Lhaj va fonctionner comme le substitut symbolique du père
disparu. Il a en charge la dimension morale de cette initiation. Dans son
rapport avec Mica, deux scènes cependant sont problématiques. Celle où Lhaj
l’emmène à la plage pour une baignade à la mer. Lui qui vient de la campagne,
il se jette à l’eau…et affronte les vagues successives au point de s’en trouver
complétement nu. Tout un programme ! L’autre scène est également en
rapport avec l’eau puisque Lhaj l’accompagne cette fois au bain maure. Le
fameux Hammam qui avec la nuit de noces et la fête de circoncision ont longtemps
constitué des figures imposées à tout un cinéma maghrébin portée par une
esthétique répondant au désir d’exotisme de l’autre. Le rapport du corps à
l’eau ouvre sur une multitude d’interrogations et sur un vaste champ de
lecture…
L’autre figure tutélaire est une entraineur de tennis
exerçant dans le club. Mica qui de temps
en temps s’exerçait sur un terrain sera remarqué et quasiment adopté par Sophia
(Sabrina Ouazzani), une ex-championne de tennis rentrée au pays. Un retour
quasi forcée ; une blessure l’empêchant de continuer son ascension
sportive. On revient de l’immigration estropié, amputé de quelque chose. Son retour
au pays s’accompagne d’une nouvelle conscience ; elle s’investit avec
Mica. Le soutien qu’elle lui apporte lui permettra d’échapper à l’assignation
qui lui a été imposée par les rapports sociaux dominants y compris dans un
espace « neutre », le sport. A travers ce microcosme spécifique, le
film nous indique que les enfants, dont certains feront preuve d’une grande méchanceté
à l’égard de cet intrus social, ne sont pas en soi méchants ou gentils mais le
prolongement des milieux qui les ont vus naître.
Mica, l’enfant social ne se réduit pas qu’à cela : il y
a l’enfant acteur, Zakaria Inane, qui a porté le rôle avec spontanéité et
beaucoup de réussite indiquant l’énorme travail accompli en amont par le
réalisateur pour mettre le jeune enfant-acteur en symbiose avec le personnage
pour que le rôle ne l’écrase pas. Ses gestes, ses regards continuent à dire
cette innocence violentée.
L’école de
l’espoir de Mohamed El Aboudi
Vidas secas
C’est un fait significatif et éminemment symbolique de voir
la rentrée cinématographique entamée par la projection d’un film documentaire.
Est-ce à dire que la fiction a épuisé ses armes et que le retour aux sources du
cinéma, le documentaire, s’avère salvateur face à la complexité du monde ?
Le geste de la deuxième chaîne marocaine 2M mérite ainsi d’être souligné et
salué en présentant à un public assoiffé du grand écran, le nouveau film
documentaire, L’école de l’espoir de Mohamed El Aboudi.
« Il faut bien reconnaître que c’est la télévision qui a
réinsufflé la vie à un genre moribond, note le documentariste Alan
Rosenthal ; et comme le docteur Faust de Goethe, elle pose ses conditions ».
Certes, il y a beaucoup de vrai dans cette affirmation, la télévision, notamment certaines chaînes de
la sphère anglo-saxon ont réhabilité le genre, lui rendant ses lettres de noblesse ;
cependant, dans le cas de figure, la chaîne de Aïn Sbaâ en organisant une
projection dans la tradition des avant-premières cinéma, reconnaît
implicitement que la patrie originelle du documentaire demeure la salle de
cinéma. Une forme d’humilité du petit écran devant la légitimité artistique et
culturelle de son aîné, le grand écran. C’est tout à l’honneur de Réda
Benjelloun et ses amis. D’autant plus que le film d’El Aboudi est à la base un
projet cinéma porté par la dynamique productrice Lamia Chraïbi, la figure
montante du renouveau du documentaire marocain et dans la région MENA. L’école
de l’espoir a en effet bénéficié de l’avance sur recettes du CCM et a été
coproduit avec 2M. Cette relation est importante à rappeler car elle a des
implications, au-delà de sa dimension institutionnelle, sur l’esthétique du
film. Pour faire vite, je dirai que le documentaire a besoin du temps or la
télévision de par sa nature n’a pas de temps ; c’est pour cela qu’elle
préfère le reportage, le fast food de l’écriture audio-visuelle ; on ne
pourrait jamais imaginer par exemple une chaîne de télévision grand public
présenter A l’ouest des rails du chinois Wang Bing dont la durée dépasse les
neuf heures. Le film d’El Aboudi n’en
n’est pas là ; mais ses films sont traversés par cette dimension de durée.
Il filme ses sujets dans la durée. L’école de l’espoir comme le film qui l’a
fait connaître, Dance of outlaws (2012) sont des récits au long cours. Dance of
outlaws suit le parcours quasi tragique d’une jeune femme en butte aux
traditions et qui fait face aux tracasseries administratives pour donner une identité
officielle à sa fille née hors mariage. On suit cette femme issue du peuple,
danseuse dans une troupe populaire, à la fois dans sa vie intime comme dans ses
démarches vers une reconnaissance sociale, pour sortir de la marge. Le film a
eu une riche carrière dans les festivals internationaux et a été présenté au
festival national du film ; mais dans sa forme et dans son propos, il
dépasse les possibilités de paysage télévisuel actuel
C’est une autre marge que va capter L’école de l’espoir ;
le cinéaste nous fait voyager cette fois
dans le Maroc profond, sur les Haut-plateaux de l’Atlas à travers le destin
d’une communauté en train de disparaître, celle des nomades éleveurs de moutons.
L’argument dramatique du film tourne autour de la question de l’école :
comment cette population appelée sans cesse à bouger au gré des aléas
climatiques va-t-elle gérer son rapport à l’éducation institutionnelle de ses
enfants ?
Un plan en ouverture du film nous donne déjà une
indication : on découvre un troupeau de moutons d’emblée (je n’ai pas pu
ne pas penser à l’ouverture du film Les temps modernes de Charlie
Chaplin ???!!!) ; et tout au fond de l’image, une maison minuscule.
On apprendra plus tard qu’il s’agit de l’école.
Le film donne ainsi avec ces images le rapport de forces qui va orienter
l’ensemble du récit ; il dessine en filigrane le rapport nature et culture
qui va écrire la dramaturgie du film. Le rapport de cette population à l’école
ne sera pas déterminé par des choix ou des doutes idéologiques ou moraux (même
si un père à un moment du film dit préfère voir sa fille se préparer à devenir
femme de foyer) mais par la situation de leur troupeau et surtout comment lui
assurer un point crucial dans ces milieux semi-désertiques, l’eau. C’est l’eau
en effet le véritable protagoniste du film.
Comment cela va-t-il se traduire au niveau des choix de mise
en scène ? Je note que le film a réussi à échapper à deux écueils. En
filmant ces paysages, il n’a pas cédé à la tentation facile de laisser l’espace lui imposer son
« esthétique » ; il a évité de faire de ce beau paysage de
belles images, à la carte postale touristique ; l’alternance de larges
plans extérieurs et des plans rapprochés
intérieurs assure au film un équilibre visuel qui n’écrase pas le sujet. On ne
voit pas un film pour ses beaux plans !
Le deuxième écueil consiste pour le film d’éviter d’être
emporté cette fois par le drame vécu face à la pénurie généralisée qui marque
le contexte décrit ; en filmant ces populations abandonnées, au milieu de
nulle part, il n’a pas versé dans le misérabilisme. Le parti pris esthétique
qui porte le film d’EL Aboudi est celui de la sobriété et du dépouillement.
D’où le titre de mon article, Vidas secas, un clin d’œil au film de Nelson
Pereira Dos Santos, cinéaste brésilien, un des fondateurs du mouvement «
Cinema Nuovo » qui a marqué le cinéma brésilien dans les années soixante
et que Glauber Rocha a synthétisé dans le manifeste Esthétique de la
soif ». Avec le film d’El Aboudi on peut paraphraser Glauber Rocha en
parlant cette fois « d’esthétique de la soif ». C’est la sécheresse
en effet qui oriente l’action. Quitte à voir un peu le récit fonctionner avec
la logique nomade, allant d’un personnage à l’autre : suivre le parcours
des trois enfants (Miloud, Fatima, Mohamed), la vie de l’instituteur et voyager
carrément avec les camionneurs à la recherche d’un nouveau point d’eau. La
figure de l’instituteur aurait mérité à elle seule de porter le film de bout en
bout. Rien qu’avec ce personnage exceptionnel, le film mérite pour moi tous les
éloges. On le voit d’ailleurs dans la très belle scène finale avec ce
plan-panoramique lointain où il engage avec son élève une discussion sur qui va
arriver le premier ; résumant ainsi la finalité de l’acte
pédagogique : le maître qui réussit est celui qui, in fine, est dépassé
par son élève !
Qu’importe si les bêtes meurent de Sofia Alaoui
Rencontre du troisième type en Tamazgha
« Sofia Alaoui a pertinemment placé son rapport au
fantastique dans le mode suggérer au lieu de montrer »
Primé (Grand prix du jury) à Sundance (USA), festival fondé
par Robert Redford, considéré par les cinéphiles comme La Mecque du film
indépendant et du cinéma d’auteur, le court métrage de Sofia Alaoui, Qu’importe
si les bêtes meurent, continue sur cette lancée avec le César 2021 du
meilleur court métrage. Ayant bénéficié de l’avance sur recettes du CCM, le
film est une co-production franco-marocaine. Tourné dans les hauteurs de Grand Atlas, il
ouvre la langue amazighe (dialogues du film, décors, paysages… et le tifinagh
présent sur l’affiche du film) sur une dimension internationale ; une parfaite
illustration d’une « mondialisation heureuse » et de l’universalité.
Celle-ci,
l’universalité, traverse le film dans sa thématique et dans son écriture
cinématographique. Le film s’inscrit en effet dans le sillage d’un genre
fortement codé, le fantastique. Des
êtres venus d’un ailleurs (le ciel ?) viennent perturber un ordre. Un
ordre ancestral transmis de père en fils à l’image des protagonistes du film.
Abdellah, jeune berger qui se trouve en transhumance avec son père. Les gestes
et les paroles indiquent une tradition établie et que le père cherche à
transmettre en annonçant à son fils que désormais c’est à lui d’assurer la
continuité en l’exhortant à se marier ; en lui promettant de lui trouver
« une femme au marché du mariage ». Abdellah donne l’impression
d’acquiescer ; en fait, il est déjà branché sur son portable où il fait
défiler une galerie de motos. Une rupture se dessine en filigrane entre l’ici
et l’ailleurs. Son corps est là parmi ses bêtes mais l’esprit est ailleurs. Cet
ailleurs se présente d’abord sous la forme du village. Il est invité par son
père à s’y rendre pour chercher de l’alimentation pour leur bétail. Son regard
hors champ nous offre un ciel énigmatique. Plus tard, il découvre un village
vide ; seul un personnage atypique, une sorte de fou du village lui
indique que des « êtres inconnus » sont venus du ciel et les
gens ont fui. Cela offre au film sa structure : filmer des personnages
ordinaires face à une situation extraordinaire. Cette apparition va fonctionner
comme révélateur : plusieurs registres de réaction nous sont offerts. A
commencer bien sûr par celle d’Abdellah, apeuré, inquiet pour son père et ses
bêtes. En champ/contre-champ on découvre une réaction quasi officielle
médiatisée par un écran de télévision où le discours d’un prédicateur exhorte
les gens à rejoindre les mosquées face à ce qu’il présente comme une
malédiction divine. Le fou du village, en fait la voix de sagesse, rassure
Abdellah et lui dit que « ces êtres ne veulent que nous informer de leur
présence ». Le film à ce niveau ne cherche pas à reproduire ce que
Hollywood a déjà balisé. On ne voit rien. Sofia Alaoui a pertinemment placé son
rapport au fantastique dans le mode suggérer au lieu de montrer. En distillant
des éléments iconiques (la lumière du ciel) et sonores (la musique), elle crée
une ambiance générant une émotion d’abord esthétique (c’est beau). Elle ne cède
pas au désir voyeuriste y compris et
surtout quand le fou du village montre à Abdellah la vidéo sur son téléphone
pour le convaincre de l’arrivée des « êtres du ciel ». L’enjeu
esthétique du film étant non pas de filmer les « Aliens », mais de capter et de sonder les réactions des uns
et des autres. Avec une question fondamentale, le rapport à l’autre surtout
quand cet autre nous est absolument étranger. Le film va dans le sens
d’une rencontre positive. D’autant plus que le film est porté par une écriture
cinématographique ancrée dans la cinéphilie. On pense à la référence absolue,
Rencontre du troisième type de Steven Spielberg (USA, 1977) ; film
justement qui a réhabilité l’image de l’extraterrestre.
L’arrivée d’Abdellah au village est filmée en outre comme un
western : un homme seul avec sa monture qui arrive dans un lieu devenu
étranger.
Il y a une séquence qui pourrait se lire comme un manifeste
féministe, celle où Abdellah rencontre Itto (sa sœur ?) dans une sorte de
dépôt de marchandises (on voit des pneus et du matériel). Itto est la femme qui
a dit non à la doxa ; elle refuse de suivre les injonctions d’Abdellah.
Elle ne cède pas à la peur collective ; elle considère même que l’arrivée
de ces « êtres » est une bénédiction. Les plans qui suivent son
échange avec le jeune berger désorienté par son refus sont éloquents : une
scène hommage à la femme marocaine d’aujourd’hui. Deux plans autorisent cette
lecture : un bref plan où l’on voit le portrait du Royal et puis Itto qui s’en va avec son triporteur
; moyen de transport de marchandises, devenu emblème de l’action sociale du
nouveau régime. A nouveau régime, nouveau cinéma !
Des Saints et des voleurs
« Finalement, le premier personnage du film…c’est le paysage »
D’un Saint, l’autre…où le plus Saint des deux n’est pas (toujours) celui que l’on pense ! Pour son premier long métrage, Le miracle du Saint inconnu (Maroc-France, 2020), Alaa-Eddine Eljam a choisi de se confronter, via un registre ludique (on peut parler d’une comédie burlesque), à une dimension du sacré dans son interprétation sociale ; celle de l’omniprésence des saints, des marabouts dans la pratique religieuse du quotidien et dans l’organisation du rapport au monde. L’idée de base du scénario est portée en effet par un constat avéré par les recherches en sciences sociales, celui du culte des Saints. L’anthropologue marocain Hassan Rachik écrit à ce propos, en analysant les explications avancées par des ethnologues étrangers : « Le culte des saints est expliqué en termes cognitifs en ce sens qu’une catégorie de croyants trouvent l’idée de Dieu si abstraite qu’ils éprouvent le besoin d’un sacré au ras du sol, d’un sacré qui se manifeste dans des objets familiers et concrets. Edmond Doutté écrit à cet égard que le culte des saints est «la revanche du cœur et de la fantaisie sur l’abstraction du monothéisme ». Il suffit de parcourir la campagne marocaine pour rencontrer moult indices, dans l’espace comme dans le discours, de cette omniprésence. Celle-ci ne manque pas de légendes qui la nourrissent de récits et d’anecdotes plus au moins fantaisistes. On raconte par exemple que tel voyageur solitaire, obligé de se séparer de sa monture (cheval, mulet, âne…) l’ enterre dans un endroit quelconque pour retrouver plus tard, à son retour, que la tombe triviale qu’il avait creusée pour sa bête est devenue un sanctuaire avec des visiteurs, des rites et tout un commerce autour. C’est la structure de base du scénario du film d’Aljam. On découvre en ouverture, un voleur poursuivi par des gendarmes, se débarrasse de son butin en l’enterrant au haut d’une colline. Arrêté, il purge sa peine. A sa sortie de prison, il se dirige vers la colline où il avait « enterré » son sac rempli de billets de banque. Combien sa surprise fut grande quand il découvre, érigé en lieu et place de la tombe qu’il avait improvisée, un superbe marabout avec des visiteurs, des commerçants et tout un village à proximité. L’intrigue consiste donc d’emblée pour le protagoniste en comment récupérer son magot. Pour le film se pose aussi une double question, dramatique et esthétique : quel type de récit pour développer l’intriguer ? Quel type d’image pour porter ce récit ? Ou pour résumer en une question centrale : quel cinéma pour dépasser l’anecdote. Au fur et à mesure de l’évolution du récit on entre dans une ambiance particulière qui donne le ton du film, à savoir une comédie burlesque la Emir Kusturica. Un comique de situations avec comme point d’orgue l’opération que va subir le chien du gardien du mausolée. Le personnage principal est un voleur atypique. Dès la séquence d’ouverture, on a une idée que son destin lui échappe : ce n’est pas lui qui a choisi le lieu pour cacher son argent mais c’est la voiture qui a est tombée en panne au milieu de nulle part, au sein d’un paysage qui confine au désert. Toute la mise en scène est inféodée à ce projet, celui d’une fable de notre temps ; lieux, objets, personnages sont les rouages d’une machinerie bien huilée.
Il me semble que le film lui-même nous offre une piste de lecture intéressante qui enrichit le débat autour du film. C’est une scène située vers la fin du film, quand Hassan va ériger un mausolée en hommage à son père Brahim. Hassan avait fait sauter la bâtisse qui abrite la tombe du « Saint inconnu », récupérant par la même occasion et accidentellement le sac rempli d’argent. Ce nouveau mausolée va redonner de l’espoir aux gens qui vont commencer à revenir au village tombé en ruine. Cependant, cette séquence est traversée par une scène où l’on voit des touristes européens venir prendre des photos auprès du nouveau mausolée et même contribuer au rite de l’offrande. C’est une scène riche en significations et qui me semble fondatrice. Sur un plan culturel, elle nous informe sur la dichotomie qui marque le rapport au sacré chez les autochtones et les Européens. D’un côté, on continue à y croire, à y voir une composante essentielle de l’imaginaire qui aide à vivre ; et de l’autre, une vision marquée de dystopie qui voit dans le mausolée un objet exotique, que l’on visite en touriste. Mais bien au-delà, la scène des touristes qui se prennent en photo devant le mausolée peut se lire comme une mise en abyme de la réception du film ; une réception portée un certain regard européo-centriste en quête de carte postale et qui va jusqu’à faire une lecture politique du film pour parler d’une société figée dans ses mythes et croyances.
Le film est porté par un investissement dans la forme qui annonce et préfigure, une personnalité cinématographique. Si l’on distingue dans l’évolution du cinéma, le style de l’idée et le style de l’image, Alaa Eddine Eljam se situe indéniablement du côté du cinéma de l’image. Une figure récurrente marque déjà sa jeune filmographie, celle du désert. J’aime faire un parallèle entre Le miracle et son court métrage Les poissons du désert (2015) : le désert certes mais aussi la figure du père à qui il va rendre hommage dans son long métrage.
En fait, c’est le paysage qui reste le personnage principal du film. Le paysage désertique. Il en fait l’ouverture et la clôture de ses films. Une présence qui constitue in fine une poétique de l’espace qui renvoie au vide, au silence, à l’errance. Le vide des rapports sociaux, l’errance de l’individu face à l’incertitude des lendemains (la scène finale du voleur égaré dans un paysage qui l’englobe).
Ces plans vides d’un paysage désertique nous renvoient à nous-mêmes. Ils nous invitent à une méditation, un parcours. Et surtout à une attitude, à une posture d’humilité face à l’éternel inconnu. En ouvrant de son film avec ses splendides plans désertiques, il nous invite à une ouverture sur la dimension mythologique. La ligne d’horizon qui découpe le cadre entre ciel et terre instaure un rapport de forces ; les cadrages opérés inscrivent au sein même du champ les multiples conflits qui s’y déroulent. La structure des plans avec le retour de la contre-plongée sur la colline du mausolée, les lignes de fuite (c’est très pictural), la répartition dans le champ des vides et des pleins organisent aussi bien la structure du paysage et la hiérarchisation des personnages. Une hiérarchisation qui met en avant le désenchantement des uns (le médecin et son infirmier, le coiffeur et ses clients, enfermés dans une situation à laquelle ils s’accordent) et une figure de résistance incarnée par Brahim et son fils. C’est lui qui deviendra le Saint Sidi Brahim, attaché à la terre et espérant la pluie. Avec cette figure, le film bloque toute velléité de nihilisme
1 commentaire:
Un diamant est un morceau de charbon qui a réussi à transformer ses rêves en réalité. En tant que https://cinemay.tube film, c'est la meilleure compréhension.
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