Vaut mieux en rire ? !
« Celui qui ne
sait pas rire ne doit pas être pris au sérieux »
Philippe Sollers
De Dakhla à Nador en passant par Agadir, Marrakech ou
Casa…chaque ville, chaque région du Maroc a des désormais son festival du rire.
Le cinéma qui détient jusqu’à présent le record du nombre de manifestations qui
lui est dédié va-t-il perdre bientôt ce leadership au bénéfice du rire ?
Le rire est en effet présent, que dis-je, est omniprésent partout; il est
sur scène et à l’écran. On vient de
sortir d’un mois de Ramadan où les différentes chaînes que compte le tristement
célèbre PAM (attention pas de confusion, il s’agit du paysage audiovisuel
marocain) ont multiplié d’ingéniosité pour nous faire rire (tant pis si le
résultat est l’inverse). Il y a indéniablement un vouloir faire rire qui plane
sur la place. A se demander s’il n’y a pas lieu de parler d’une politique
publique du rire ! De quoi cela est-il le nom ? Que signifie cette
frénésie qui anime des acteurs de la société civile à vouloir organiser ici et
là des rendez-vous, des manifestations exclusivement centrées sur les
spectacles humoristiques. Sur le rire. Qu’est-ce que cela traduit de la réalité
de notre imaginaire collectif ? Autant d’interrogations qui en amènent une
autre : peut-on parler sérieusement du rire ? Certes on a déjà
beaucoup écrit sur le rire ; cela va d’Aristote à Bataille en passant par
Bergson (un texte fondateur) Freud et Lacan…mais comment en parler aujourd’hui,
ici et maintenant. Je pose ces questions tout en ayant présent à l’esprit ce
que soulignait Voltaire : ceux qui cherchent des causes métaphysiques au
rire ne sont pas gais !
Nietzsche (nous vivons décidément des temps
nietzschéens !) notait pour sa part que « les amoureux de la vérité » manquent d’humour. Nous
en avons eu une formidable illustration avec les événements extraordinaires que
nous avons vécus depuis le printemps dernier. Les grands titres de l’actualité
ont manqué d’humour : on n’a pas beaucoup rigolé (sauf sous cape !)
quand on a eu affaire à des sujets de censure, de lapidation, de viol…Ce trop
plein de sérieux cherche alors à s’extérioriser dans d’autres espaces
accentuant la dichotomie, si ce n’est l’hypocrisie sociale qui préside
désormais au débat dit sociétal.
Ce trop plein de rire, organisé, disons plutôt
« marketé », marchandisé cache mal un malaise voire une angoisse.
Prendre le parti d’en rire est un écran qui se dresse face à un réel de plus en
plus complexe. Le rire qui revient en force dans sa forme médiatisé est une
réaction ; une riposte au trop plein d’angoisse. Une réplique au Sur-moi
qui pèse de tout son poids sur les relations sociales (le retour du bâton moral
à propos des comportements individuels en est un exemple). En somme cette invitation
au rire collectif est une manière de se
doter d’une arme défensive contre le tragique ambiant.
En fait, le rire a de nombreuses fonctions. Je mettrai bien
en avant celle de défense spontanée contre l’oppression, la persécution les
malheurs… C’est une arme intraitable des victimes comme l’a très bien
scénarisé Charlot. Le rire, la dérision font vaciller les puissants. Du coup
ils cherchent à tout prix à mettre les
rieurs de leur côté. Il permet aussi de renforcer le les liens sociaux, à
rassurer la tribu dans son unité fondatrice.
Le rire c’est aussi et surtout un savoir vivre, un art de
vivre l’altérité, un moyen de sortir du carcan des conformismes. Il est alors
un indicateur d’intelligence comme le relève pertinemment Michel Onfray :
« La capacité à rire est en relation avec la dose d’intelligence dont
disposent les protagonistes, bien sûr. Le rire gras, scatologique, misogyne,
raciste, antisémite, le rire des comiques médiatiques actuellement en vogue à
la télévision (et tellement utile pour les parts de marché !), ce rire qui
ne demande qu’un quotient intellectuel standard, celui-ci est la plupart du
temps embourbé dans ce premier registre et touche prioritairement
un public d’imbéciles... ».
1 commentaire:
Rira bien qui rira le dernier. Quelle est l'opportunité qui justifie la publication de cet article ?
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