vendredi 21 novembre 2014

Adios Carmen: quelle version dans les salles?

Assaru Amazigh
Asaru amaziv
Faut-il traduire le titre, écrit en amazigh, de cette chronique ? En principe non. Conformément à la Constitution 2011, la langue amazighe est la langue des marocains.  Tout marocain est supposé aujourd’hui pratiquer les langues nationales du pays ; ce n’est pas une obligation mais c’est une richesse en plus. Le débat aujourd’hui arrive au cinéma. Lors de l’ouverture de la séquence cinéma de l’événement Le Maroc contemporain abrité par l’Institut du monde arabe de Paris, j’ai eu l’occasion d’en débattre avec le cinéaste Mohamed Amin Benamraoui dont le joli film Adios Carmen était au programme de la soirée ; le film qui a eu un accueil très chaleureux  de la part du nombreux public de la grande salle de l’IMA, est comme on le sait, un film amazigh. Les dialogues étant principalement en rifain. Lors de cet échange avec le jeune cinéaste, tout heureux de m’apprendre que son film venait d’obtenir le grand prix du festival de Dakhla où il a « battu » une nouvelle fois le film palestinien, Omar, nous avons abordé la question de la sortie du film sur les écrans du Royaume. Il est temps en effet. Après ses différents succès dans différents festivals, locaux et internationaux, le film devrait être prêt à affronter la logique commerciale, celle du guichet. La question ne devrait pas tarder à trouver une issue, le film a trouvé un distributeur enthousiaste mais il y a un débat : faut-il le sortir en VO ou en version doublé en parler marocain ?
La distributrice, anime d’un souci commercial légitime, plaide pour une sortie en version doublée en arabe marocain alors que le cinéaste, lui, a le souci de la dimension culturelle du film : le parler des gens est partie prenante de leur vécu que le film restitue. Magnifique débat qui nous change des querelles stupides sur la qualité, la quantité, l’art propre…la dynamique du cinéma finit par  soulever des questions concrètes et par rencontrer les grandes questions du paysage culturel dont l’une des expressions est le marché linguistique.   Les enjeux en effet sont multiples : commerciaux – tout film rêve du plus grand succès possible – mais aussi artistiques, culturels, c’est-à-dire politiques. « Un film c’est aussi quelque part un engagement, une prise de position, me dit Benamraoui. C’est vrai mon métier c’est le cinéma ; et mon souci premier est de réussir mes films mais le film c’est aussi un acte pour témoigner sur une culture, en l’occurrence la mienne ; la culture amazighe qui a justement souffert pendant longtemps de sa marginalisation dans l’espace public et dans les formes artistiques modernes ».

Le cinéaste amazigh ne rejette pas complètement l’argument commercial de la distributrice mais il cherche à l’inscrire dans sa logique à lui, celle d’un auteur conséquent avec ses choix fondamentaux « si le film dans sa version originale fait dans les 20 000 spectateurs, j’en serai déjà ravi ». Ce serait en effet une première. Le doublage c’est la solution facile ; de toutes les manières Adios Carmern met le cinéma marocain face à sa propre réalité ; ce qui devrait inciter les différents intervenants dans le secteur à élargir leur perception de la chose cinématographique, à inscrire la diversité et la variété du cinéma dans leur projet. La question de la Vo des films y compris des films marocains se pose désormais en de nouveaux termes. 

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