Assaru Amazigh
Asaru
amaziv
Faut-il traduire le titre, écrit en amazigh, de cette
chronique ? En principe non. Conformément à la Constitution 2011, la
langue amazighe est la langue des marocains.
Tout marocain est supposé aujourd’hui pratiquer les langues nationales
du pays ; ce n’est pas une obligation mais c’est une richesse en plus. Le
débat aujourd’hui arrive au cinéma. Lors de l’ouverture de la séquence cinéma
de l’événement Le Maroc contemporain abrité par l’Institut du monde arabe de
Paris, j’ai eu l’occasion d’en débattre avec le cinéaste Mohamed Amin
Benamraoui dont le joli film Adios Carmen était au programme de la
soirée ; le film qui a eu un accueil très chaleureux de la part du nombreux public de la grande
salle de l’IMA, est comme on le sait, un film amazigh. Les dialogues étant
principalement en rifain. Lors de cet échange avec le jeune cinéaste, tout
heureux de m’apprendre que son film venait d’obtenir le grand prix du festival
de Dakhla où il a « battu » une nouvelle fois le film palestinien,
Omar, nous avons abordé la question de la sortie du film sur les écrans du
Royaume. Il est temps en effet. Après ses différents succès dans différents
festivals, locaux et internationaux, le film devrait être prêt à affronter la
logique commerciale, celle du guichet. La question ne devrait pas tarder à
trouver une issue, le film a trouvé un distributeur enthousiaste mais il y a un
débat : faut-il le sortir en VO ou en version doublé en parler
marocain ?
La distributrice, anime d’un souci commercial légitime,
plaide pour une sortie en version doublée en arabe marocain alors que le
cinéaste, lui, a le souci de la dimension culturelle du film : le parler
des gens est partie prenante de leur vécu que le film restitue. Magnifique
débat qui nous change des querelles stupides sur la qualité, la quantité, l’art
propre…la dynamique du cinéma finit par
soulever des questions concrètes et par rencontrer les grandes questions
du paysage culturel dont l’une des expressions est le marché linguistique. Les enjeux en effet sont multiples :
commerciaux – tout film rêve du plus grand succès possible – mais aussi
artistiques, culturels, c’est-à-dire politiques. « Un film c’est aussi
quelque part un engagement, une prise de position, me dit Benamraoui. C’est
vrai mon métier c’est le cinéma ; et mon souci premier est de réussir mes
films mais le film c’est aussi un acte pour témoigner sur une culture, en
l’occurrence la mienne ; la culture amazighe qui a justement souffert
pendant longtemps de sa marginalisation dans l’espace public et dans les formes
artistiques modernes ».
Le cinéaste amazigh ne rejette pas complètement l’argument
commercial de la distributrice mais il cherche à l’inscrire dans sa logique à
lui, celle d’un auteur conséquent avec ses choix fondamentaux « si le film
dans sa version originale fait dans les 20 000 spectateurs, j’en serai
déjà ravi ». Ce serait en effet une première. Le doublage c’est la
solution facile ; de toutes les manières Adios Carmern met le cinéma
marocain face à sa propre réalité ; ce qui devrait inciter les différents
intervenants dans le secteur à élargir leur perception de la chose
cinématographique, à inscrire la diversité et la variété du cinéma dans leur
projet. La question de la Vo des films y compris des films marocains se pose
désormais en de nouveaux termes.
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