Horizon incertain
la cinéaste palestinienne Nejwa Nejjar lors de ses débuts à Tanger
Les tangérois aiment parler de
leur ville avec des métaphores empruntées au climat, notamment avec le fameux
Cherqui qui marque les corps et les esprits…Aujourd’hui c’est un autre vent qui
souffle sur Tanger et son festival de court métrage méditerranéen, un vent
d’incertitude, pire que la brise venant de l’est puisque c’est un souffle qui
vient semer le trouble et balayer un édifice prometteur.
De sources proches des
organisateurs on apprend en effet que la prochaine édition (la 12ème)
du festival du court métrage méditerranéen prévu en principe du 13 au 18
octobre 2014 risque tout simplement d’être annulée, faute de subvention. La
commission installée par le ministre de la communication tergiverse en effet
pour accorder les fonds nécessaires à l’organisation de l’un des festivals les
plus prestigieux du pays. Réunie dernièrement à Rabat, la commission a cru
intelligent de reporter sa décision pour le festival de Tanger arguant
l’absence de moyens. Le budget traditionnellement alloué au festival du court
métrage de Tanger tourne autour des trois millions de dirhams pour une
programmation riche et diversifiée plus de 40 films en compétition officielle,
une vingtaine de pays représentés, une quarantaine de journalistes nationaux et
internationaux…bref un vrai événement culturel et artistique. L’année dernière
déjà, le budget du festival a été amputé d’un bon tiers obligeant les
organisateurs à revoir à la baisse leurs ambitions notamment au détriment d’une
rubrique phare du festival, celle du Panorama du court métrage marocain, un
moment fort et une vraie fête pour les jeunes cinéastes marocains qui
transforment la séance de projection de leur film en une véritable
avant-première pour fêter la présentation de leur travail à leurs collègues de
la méditerranée. Crée en 2002 avec l’initiative du ministre poète Mohamed Al
Achaari, ayant pris sa vitesse de croisière en 2004 avec l’arrivée de M. Saïl à
la tête du CCM, soutenu activement par MM. Nabil Benabdellah et Khalid Naciri
lors de leur exercice à la tête du département de tutelle, le festival a forgé
ses lettres de noblesse et il est considéré à juste titre par de nombreux
observateurs comme le plus grand rendez-vous du court métrage de la rive sud de
la méditerranée.
Aujourd’hui c’est un tournant
décisif que vit le festival ; une situation absurde en complète
contradiction avec les attentes des jeunes marocains qui investissent le champ
de la production cinématographique et qui voient dans le festival une formidable
vitrine pour leurs travaux (depuis quelques années le festival a instauré une
section ciné-école, présentant une sélection des courts métrages réalisés par
les étudiants de cinéma) ; c’est en outre une situation en déphasage avec
les orientations stratégiques du pays rappelées avec force lors du dernier
discours du Trône qui appelle à réhabiliter « le capital immatériel »
du pays. Les hésitations de la commission de subvention des festivals sont
d’autant plus incompréhensibles qu’elle est, en principe, composée de
compétences ayant vécu de près les atouts et les qualités du festival. Beaucoup
de jeunes cinéastes marocains et méditerranéens, dont de nombreux palestiniens
ont trouvé à Tanger un véritable tremplin qui a marqué positivement leur
carrière. Revenir sur ces acquis en cassant cet élan est tout simplement un
crime de lèse-majesté culturel. L’histoire n’hésitera pas à s’en souvenir dans
ses appendices noirs.
Mohammed Bakrim
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