vendredi 20 novembre 2015

Adieu Mostafa Mesnaoui

Adieu  Mostafa Mesnaoui


Le cinéaste américain Frank Capra disait, en toute connaissance de cause : « le cinéma est une maladie ; le seul antidote au cinéma est le cinéma ! » au point parfois d’en mourir. Si Mostafa Mesnaoui est mort pour le cinéma, dans le cinéma. La nouvelle terrible est tombée tôt ce mardi matin. Il était au Caire pour le festival de cinéma qui se tient actuellement dans la capitale égyptienne. On le savait malade. On a parlé au téléphone il y a à peine quelques jours ; je me suis informé de son état de santé et il m’avait dit qu’il était dans l’obligation de réduire ses activités. Une façon de parler car Si Mostafa n’était pas du genre à renoncer. C’était un homme d’action, au service de sa passion, le cinéma et la culture. Il était justement à Laayoun dans le cadre des festivités célébrant le 40ème anniversaire de la marche verte où il avait animé une conférence sur la place du documentaire  dans la réhabilitation de la culture hassanie. Une courte pause à Casablanca avant de rejoindre les bords du Nil, le Caire…où il avait rendez-vous avec le destin pour son ultime voyage. Que Dieu ait son âme. Il avait en effet succombé à une crise cardiaque alors qu’il était à son hôtel.
Mostfa Mesnaoui est le modèle de l’intellectuel multidimensionnel ; imprégné de l’esprit du temps. Un citoyen moderne ouvert sur les acquis des progrès techniques en matière de médias. Enseignant de philosophie ; il était écrivain, nouvelliste, éditeur, critique de télévision et spécialiste des nouveaux médias. Mesnaoui a inscrit son activité d’intellectuel dans une dimension moderniste engagée au service de l’épanouissement de l’esprit critique et d’ouverture. Acteur culturel depuis sa jeunesse, il était dans le sillage de la nouvelle gauche dans les années 70. Et il en paya le tribu et fait partie des victimes des années de plomb. Il était arrêté et emprisonné (1974 -1976) et dans le dossier d’accusation figurait l’une de ses nouvelles.
Il a compris très tôt le rôle de la culture notamment dans ses expressions modernes  pour rattraper le retard historique qui caractérisait notre société. Il s’investit alors à fond dans la création littéraire ; la critique du cinéma et de la télévision. Il a aussi crée une structure de traduction mettant notamment à la disposition des lecteurs arabophones les textes essentiels des sciences humaines en particulier les textes majeurs de Roland Barthes. En tant que critique de cinéma, il était l’un des meilleurs connaisseurs du cinéma arabe et il était consultant expert pour de nombreux festivals dans le monde pour tout ce qui concerne le cinéma marocain.

Mostafa Mesnaoui était aussi un grand dramaturge contribuant à l’écriture de plusieurs sit-com à succès. Il était aidé en cela par un style satirique acerbe, subtil et ravageur : un caricaturiste du mot. Sous les apparences d’un intellectuel, philosophe austère, Mesnaoui dévoilait un grand sens de l’humour. Il était devenu une référence en matière de capter les paradoxes et les contradictions des mœurs de la nouvelle petite bourgeoisie urbaine. Traquant avec dérision et distance le tragique invisible des rapports sociaux. Une plume et un regard qui feront cruellement défaut à un paysage envahi par la bêtise et la médiocrité. Adieu Si Mostafa et nos condoléances les plus sincères à son épouse, ses enfants, à sa famille et à l’ensemble de la planète cinéphile. 

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