Le cinéaste noir de la fracture américaine
Est-ce
un fait dû au hasard ou c’est un coup de marketing bien calculé ? La
plateforme Netflix a programmé, en
effet, la diffusion du nouveau film de
Spike Lee, Da 5 bloods : frères de sang en pleine effervescence
anti-raciale et contre les violences policières qui secoue les Etats-unis. Le
film traite du Viêtnam, cette fois du point de vue des Afro-américains. Il est,
donc, en parfaite congruence avec la thématique de ce soulèvement historique
qui rend à l’Amérique un peu de son honneur bafoué par des pratiques d’un autre
temps. Certes, le film de Spike Lee relève bien d’une variante de
divertissement, dans le style développé par la célèbre plateforme mais ce
faisant à partir d’un sujet grave, celui du destin de soldats afro-américains
envoyés au Viêtnam , donnant ainsi à l’actualité un autre éclairage, en
l’inscrivant dans une perspective qui montre bien que le racisme et les violences policières ont une histoire.
L’intrigue est passionnante à plus d’un titre. Elle conjugue une dimension « action »
liée au film de guerre et une dimension humaine très forte et qui finit par
donner au film sa vraie valeur ajoutée. Il s’agit de quatre anciens vétérans de
la guerre du Viêtnam qui se retrouvent plusieurs décennies après la fin du
conflit et la défaite humiliante des Etats-unis pour revenir là-bas. Avec un
double objectif ; retrouver et rapatrier le corps de leur chef de section,
le très charismatique Norman. Avec lui, ils avaient formé une fratrie forgée
dans les dures conditions de la guerre et Norman les avait tous marqués par ses
qualités de chef mais aussi par sa vision lucide de la vie et de leurs
conditions de noirs. L’autre objectif est plus trivial, celui de récupérer un
immense trésor formé de lingots d’or qu’ils avaient trouvé dans la jungle et
qu’ils avaient enterré pour tout simplement se l’approprier. Les deux objectifs
vont finir par fonctionner comme révélateurs de leurs angoisses, de leur
traumatisme car en rentrant chez eux la première fois, ils ont continué à porté
quelque chose du Vietnam. Non seulement ils avaient perdu un frère mais
quelque chose en eux était définitivement cassé pour toujours. Du coup, cette
décision de revenir sur le lieu de leur drame se présente comme une catharsis mais
au prix fort. A un certain moment dans leur récit on les voit écouter la radio
nord vietnamienne qui contribue à leur ouvrir les yeux sur la nature du
conflit. Avec des chiffres à l’appui, elle leur rappelle leur double statut de
victime ; victime de la guerre mais surtout victime d’un système
ségrégationniste : les Noirs représentent à peine 11% de la population des
Etats-unis et les soldats noirs sont plus de 32% du contingent de l’armée
américaine au Viêtnam ! Cela me rappelle une définition de la guerre
du Viêt Nam par l’un des personnages du romancier R. J. Ellory : le
Viêtnam ? Ce sont des noirs qui vont tuer des jaunes au bénéfice des
blancs qui ont pris leur terre à des rouges !
Le
film de Spike Lee est un exercice de montage qui joue sur la temporalité notamment dans ses images de références. Le
film s’ouvre sur une séquence d’archives qui restitue au film son historicité ;
des images de violences policières avec des figures emblématiques de la prise
de conscience noire : Martin Luther King, Malcolm X, Angela Davis, Black
power et la célèbre image du poing levé sur le podium des jeux olympiques de
1968 …
et surtout avec des extraits de la célèbre déclaration de Mohamed Ali annonçant son refus d’aller
combattre au Viêtnam : « Ma conscience ne me laissera pas aller
tuer mes frères ou des pauvres gens affamés dans la boue pour la grande et
puissante Amérique. Les tuer pourquoi ? Ils ne m’ont jamais appelé
« négro » ; ils ne m’ont jamais lynché ; ils n’ont jamais
lâché leurs chiens sur moi ; ils ne
m’ont volé ma nationalité, violé et tué ma mère et mon père…les tuer
pourquoi ? »
2 commentaires:
vous comprenez maintenant comment nous améliorons notre humeur, n'est-ce pas, grâce aux films https://cinemay.video/biopic
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